APRÈS qu'il eut demeuré fort longtemps dans Alexandrie, il excita de nouveaux troubles dans les assemblées des Fidèles, tantôt renonçant à son impiété, et tantôt promettant de recevoir la profession de foi qui avait été composée par les Évêques du Concile. Mais n'ayant pu faire croire ni à Alexandre, ni à Athanase son successeur, et l'imitateur de sa vertu, qu'il agissait de bonne foi, il retourna à Constantinople par le moyen d'Eusèbe Évêque de Nicomédie. Les intrigues qu'il y trama, et la manière dont la justice divine le punit, sont mieux représentées par Athanase dans une de ses lettres à Appion, qu'ils n'auraient pu l'être par aucun autre. J'en insérerai ici une partie.
« Je n'étais pas, dit-il, à Constantinople, lorsqu'il mourut. Mais Macaire Prêtre y était, de qui j'ai appris le genre et les circonstances de sa mort. Les Ariens avaient fait en sorte que l'Empereur Constantin envoyât quérir Arius. Lorsqu'il fut entré, l'Empereur lui demanda s'il tenait la foi de l'Église Catholique. Il répondit avec serment que sa foi était Orthodoxe, et en présenta sa profession, où il cachait artificieusement les erreurs, pour lesquelles il avait été chassé de l'Église par Alexandre, et les couvrait sous quelques paroles de l'Écriture. Lors donc qu'il eut juré qu'il ne tenait point les sentiments, pour lesquels il avait été chassé de l'Église par Alexandre, l'Empereur le renvoya, en lui disant : si votre créance est Orthodoxe, votre serment est véritable, que si elle ne l'est pas, et que vous ayez fait un faux serment, Dieu vous jugera. Lorsqu'il fut sorti du Palais de l'Empereur, les partisans d'Eusèbe usant de leur violence ordinaire, entreprirent de le rétablir dans la communion des Fidèles. Alexandre Évêque de Constantinople, d'heureuse mémoire, s'y opposa, en s'écriant que l'auteur d'une hérésie ne devait point être admis à la communion. Ce fut un samedi qu'ils le menacèrent de cette manière. Alexandre fort affligé de ce discours, entra dans l'Église, leva les mains au ciel, gémit devant Dieu, prosterné contre terre dans l'enceinte de l'Autel. Macaire était avec lui, il priait avec lui, et entendait les termes, auxquels la prière était conçue. Il demandait de deux choses l'une. Si Arius, disait-il, doit être admis demain à la communion, appelez-moi à vous Seigneur, et ne perdez pas le pieux avec l'impie. Si vous pardonnez à votre Église, et je sais que vous lui pardonnez, ayez égard aux paroles des partisans d'Eusèbe, et ne permettez pas que votre héritage soit ruiné et déshonoré. Otez Arius du monde, de peur que, s'il entrait dans l'Église, l'hérésie n'y entrât aussi avec lui, et que la piété ne se trouvât dans un même lieu avec l'impiété. Après avoir fait cette prière, il sortit de l'Église tout rempli de crainte et d'inquiétude, et à l'heure-même il arriva un miracle tout-à-fait étrange et étonnant. Les partisans d'Eusèbe avaient fait des menaces, l'Évêque avait fait des prières, Arius avait confiance en la protection que les partisans d'Eusèbe lui donnaient, et après avoir dit beaucoup de choses avec autant d'extravagance que de vanité, il se sentit pressé d'un mal de ventre, et entra dans un lieu secret, et il creva aussitôt par le milieu, comme il est écrit, tomba à terre, et fut privé de la vie aussi bien que de la communion.
Les Partisans d'Eusèbe, chargés de honte, lui donnèrent la sépulture, comme à un homme de leur créance. Le bienheureux Alexandre assembla les Fidèles remplis de joie, de ce qu'ils ne voyaient plus rien dans leur assemblée de contraire à la piété et à la foi. Il fit ses prières avec tous les frères, et rendit gloire à Dieu. Ce n'est pas qu'il se réjouit de la mort d'Arius, il en était fort éloigné ; car il n'y a point d'homme, qui ne doive mourir un jour. Mais c'est qu'elle était arrivée d'une manière qui surpassait l'esprit et les jugements des hommes. Car Dieu prononçant sur les menaces des partisans d'Eusèbe, et sur la prière d'Alexandre, condamna l'hérésie d'Arius, la déclarant indigne de la Communion de l'Église, et faisant voir que quand elle aurait été soutenue par la puissance de l'Empereur, et par le suffrage de tous les peuples, elle était rejetée par la vérité. »
Voilà les premières gerbes qu'Arius recueillit de la pernicieuse semence qu'il avait jetée dans le champ de l'Église, et les prémices des châtiments, qui lui étaient réservés dans le siècle à venir. Son supplice à été comme un aveu de son impiété.
Je parlerai maintenant de la piété de l'Empereur, et de la lettre par laquelle il exhorta ses sujets à renoncer à la superstition païenne, et à embrasser la doctrine du Sauveur, il excitait les Évêques à bâtir des Églises, et leur donnait l'argent nécessaire pour payer les Ouvriers. Mais ses paroles expliqueront ceci mieux que les miennes.