Le style de l’épître aux Philippiens, nous avons déjà insisté sur ce point important, est tout l’opposé de celui des lettres ignatiennes : simple, banal et presque plat. Polycarpe n’a pas en lui, comme Ignace, l’étoffe d’un grand écrivain ; l’originalité, si fortement accentuée chez Ignace, est justement ce qui lui fait le plus défaut ; il semble manquer d’idées propres, et avoir besoin d’emprunter aux autres leurs pensées et leurs expressions elles-mêmes ; aussi sa lettre n’est-elle qu’un tissu de citations et de réminiscences. Peu familiarisé avec l’Ancien Testament, comme il l’avoue lui-même (12.1), il est au contraire tout imprégné de la littérature apostolique et post-apostolique. Les écrits qu’il met le plus souvent à contribution sont la première épître de S. Pierre, les diverses épîtres de S. Paul, surtout celle aux Philippiens, et l’épître de Clément aux Corinthiens : il a toujours cette dernière épître présente à l’esprit en écrivant et semble la connaître par cœur ; il n’y a pas fait moins d’une quarantaine d’emprunts différents que Lightfoot et Funk ont mis en regard les uns des autres sur deux colonnes parallèles.