Ptolémée et ses disciples ont libéralement accordé à ce dieu Bythus deux épouses, Énéa et Thélisis. L’une représente la pensée, l’autre la volonté. Bythus eut la première idée d’une création, puis Thélésis, ou la volonté, suivit de près ; ainsi la copulation de cette double inclination, de cette double puissance, comme ils l’appellent, produisit Unigenitus et Aletheia, types visibles, images extérieures des affections invisibles du Père ; Nus représenta Thélésis, Aletheia, Énéa.
Alors fut représentée, sous ces deux natures, l’union virile de Thélésis et l’union passive d’Énéa, parce que la volonté devint la force active à laquelle fut soumise cette même Énéa. Celle-ci songeait en elle-même, elle désirait produire ; mais impuissante elle ne pouvait que penser et désirer : la volonté vint, sa pensée alors se réalisa, devint active, et produisit… Folie ! quel homme jamais croirait de pareils faits, si on les disait arrivés à ses semblables ; à plus forte raison s’il s’agit de Dieu ! Certes, Homère est plus conséquent : il représente Jupiter dans l’inquiétude des graves événements qu’il prépare, la ruine des Grecs demandée par Thétis elle-même, pour venger l’affront que les rois ont fait à son fils. Certes, de pareilles choses pouvaient se dire du Jupiter homérique et des ennemis de Troie, mais jamais du Dieu que nous adorons, du Dieu dont la pensée est déjà l’exécution, dont la volonté est déjà la pensée, puisque pensée, esprit, lumière, vue, source de tout bien, il est tout cela, et l’est tout entier. (Lacune.)
Corbasus fait produire la première ogdoade æonienne, non par création successive, mais par naissance simultanée : Propator, aidé de sa pensée, aurait procréé tous les Æons, et il l’assure, comme s’il l’avait assisté lui-même dans cet accouchement laborieux ; au lieu de faire l’homme et l’Église enfants de Logos et de Zoé, il fait Anthropos et Ecclesia pères de Logos et de Zoé. Plusieurs ont pensé comme lui, mais il raconte la chose à sa manière : il dit que Propator, ayant imaginé la création, reçut pour cela le nom de Père ; et à cause de la vérité de sa production, il reçut le nom de Vérité. Voulant ensuite se manifester, il prit le nom d’Anthropos ; la manifestation des créations qu’il avait imaginées lui valut le nom d’Ecclesia ; il parla, sa parole fut le Verbe, ce fut l’Unigenitus ; après le Verbe, vint la vie ; ainsi fut complettée la première ogdoade.
Même désaccord entre eux sur le Sauveur : les uns le font naître de l’Universalité, et l’appellent Eudocète, parce qu’il aurait fait connaître la gloire du Père dans tout le Plerum ; d’autres lui donnent seulement pour pères les dix Æons, fils de Logos et de Zoé, et lui conservent ces noms patronimiques. À d’autres, il a plu d’avantage de le faire naître des douze Æons, fils eux-mêmes d’Anthropos et d’Ecclesia ; par cette dernière filiation, il pouvait librement s’appeler le Fils de l’homme, puisqu’il l’était, en effet. D’autres aiment mieux le faire descendre du Christ et de l’Esprit, qui avaient eu pour mission de raffermir le Plerum ; le Christ aurait ainsi conservé le nom de Père ; on en trouve même, et ce ne sont pas les moins nombreux, qui lui donnent les noms de Propator universel, de Proarché, de Proanénoète, et l’appellent encore Anthropos ; force mystérieuse, insaisissable, insurmontable, infinie : et de ce nom d’Anthropos ils font dériver le nom de Fils de l’homme qu’a porté le Sauveur.