Je montrerai maintenant les succès de la rédemption chrétienne, depuis la chute de l’empire païen des Romains, du temps de Constantin-le-Grand, jusqu’à l’apparition de l’Antéchrist. Et pour nous faire une juste idée des grandes œuvres de Dieu, de même qu’afin de bien voir leur gloire, il sera nécessaire, comme dans les périodes précédentes, de considérer, non seulement le succès lui-même, mais aussi l’opposition qu’il a rencontrée.
Satan, le grand dragon roux, après une lutte acharnée avec Michel et ses anges pendant près de trois cents ans, fut entièrement battu et vaincu ; il fut, en quelque sorte, précipité des cieux sur la terre. Toutefois, il ne cesse pas de faire opposition à la femme, à l’Église de Christ, au sujet de laquelle tout ce combat a lieu ; mais toujours furieux, il fait de nouvelles tentatives et a recours à de nouveaux expédients. Le serpent, après qu’il eut été précipité des cieux sur la terre, jeta de sa gueule de l’eau comme un fleuve après la femme, afin de la faire emporter par le fleuve. L’opposition qu’il fit à l’Église de Christ, avant l’apparition de l’Antéchrist, fut principalement de deux genres. Elle consista, soit à corrompre l’Église chrétienne avec des hérésies, soit en des tentatives de restaurer le paganisme.
1° Après la destruction de l’empire romain païen, Satan infesta l’Église avec des hérésies. Bien qu’il y eût eu une œuvre de Dieu admirable en délivrant l’Église de la persécution des païens et en détruisant leur empire, cependant, comme les jours d’affliction pour elle n’étaient pas encore à leur terme, et que le temps de la prospérité n’était pas encore arrivé (elle ne doit commencer qu’après la chute de l’Antéchrist), la paix et la prospérité dont l’Église jouit du temps de Constantin furent de très courte durée. Ce fut un temps de répit, qui donna du repos à l’Église, en quelque sorte pendant une demi-heure, pendant laquelle les quatre anges retinrent les quatre vents, jusqu’à ce que les enfants de Dieu eussent reçu la marque sur leur front. Mais l’Église commença bientôt d’être très troublée par les hérésies ; les deux principales, et en même temps les plus nuisibles, furent l’arianisme et le pélagianisme.
Les ariens apparurent bientôt après l’avènement de Constantin au trône. Ils niaient la doctrine de la Trinité, et la divinité de Christ et du Saint-Esprit, soutenant qu’ils n’étaient que de simples créatures. Cette hérésie prévalut de plus en plus dans l’Église, et se répandit comme un déluge, menaçant de tout renverser et de détruire l’Église, au point qu’avant la fin du quatrième siècle, la plus grande portion de l’Église chrétienne était devenue arienne. Quelques empereurs, successeurs de Constantin, furent ariens. Aussi, se trouvant le parti dominant et ayant l’autorité civile de leur côté, ils excitèrent une grande persécution contre la véritable Église de Christ ; de sorte que cette hérésie peut très bien être comparée à un fleuve sortant de la gueule du serpent, menaçant de tout renverser et d’entraîner la femme.
L’hérésie pélagienne apparut au commencement du siècle suivant. Elle commença avec un certain Pélage, né en Angleterre ; son nom anglais était Morgan. Il nia le péché originel, l’influence du Saint-Esprit de Dieu dans la conversion, et maintint le pouvoir du libre arbitre et plusieurs autres choses de ce genre. Son hérésie, pendant un temps, troubla beaucoup l’Église. Le principal adversaire de Pélage fut saint Augustin, qui écrivit en faveur de la foi orthodoxe.
2° Satan fit encore opposition à l’Église, en cherchant à restaurer le paganisme. La première tentative eut lieu par le moyen de Julien l’apostat. Julien était neveu de Constantin-le-Grand. Quand Constantin mourut, il laissa son empire à ses trois fils ; et après leur mort, Julien l’apostat régna à leur place. Il avait passé pour chrétien ; mais il abandonna le christianisme pour le paganisme : c’est pourquoi il a été appelé l’apostat. Quand il monta sur le trône, il fit tous ses efforts, il eut recours à tous les moyens possibles pour renverser l’Église chrétienne et pour rétablir le paganisme dans l’empire. Il destitua les magistrats chrétiens et en établit de païens à leur place. Il rebâtit les temples païens, rétablit le culte des idoles, et devint un grand persécuteur des chrétiens. Il avait l’habitude d’appeler Christ, le Galiléen, pour l’insulter. Il fut tué d’un coup de lance dans ses guerres contre les Perses. Quand il se vit mortellement blessé, il emplit ses mains de sang, et, le jetant en l’air, il s’écria : « O Galiléen, tu as vaincu. » Les théologiens pensent généralement qu’il commit le péché irrémissible.
Satan essaya aussi de rétablir le paganisme dans l’empire romain d’une autre manière : au moyen des invasions et des conquêtes des nations païennes. Car, dans ce temps-là, les Goths, les Vandales, et d’autres nations barbares du Nord, envahirent l’empire romain et firent de grandes conquêtes. Ils ravagèrent même l’empire. Dans le Ve siècle ils prirent Rome, et finirent par conquérir la moitié occidentale de l’empire, qu’ils se partagèrent après en avoir pris possession. Elle fut divisée en dix royaumes, avec lesquels commencèrent les dix cornes de la bête ; car il est dit que les dix cornes sont dix rois qui doivent s’élever vers la fin de l’empire romain ; ils sont aussi figurés par les dix orteils de la statue de Nabucadnetsar. On suppose que l’invasion et les conquêtes de ces nations païennes ont été prédites dans le huitième chapitre de l’Apocalypse, par ce qui arriva au son des quatre premières trompettes. Le paganisme, qui avait été renversé, fut par leur moyen un instant rétabli.
Je montrerai maintenant le succès obtenu par l’Évangile dans ce temps-là, malgré cette opposition.
1° J’observerai que l’opposition de Satan dans ces choses ne réussit pas. Le dragon eut beau jeter de sa gueule un fleuve d’eau après la femme pour la faire périr, il ne put réussir : la terre vint au secours de la femme, et, ouvrant son sein, engloutit l’eau qui sortait de la bouche du dragon. Les hérésies, qui prévalurent pendant un temps, disparurent bientôt, et l’orthodoxie fut rétablie.
2° Pendant ce temps-là l’Évangile se répandit parmi plusieurs nations barbares sur les confins de l’empire romain. Du temps de Constantin, l’Évangile se répandit abondamment dans les Indes orientales, surtout au moyen du ministère d’un certain Fromentius. Un grand nombre d’Ibériens furent convertis à l’Évangile par une femme chrétienne, distinguée pour sa piété, qu’ils avaient faite prisonnière. Il est parlé de diverses autres nations païennes en dehors de l’empire romain, chez lesquelles des multitudes furent amenées à l’Évangile par les instructions et les exemples d’esclaves qu’ils avaient pris dans la guerre. Environ l’an 372 de Jésus-Christ, l’Évangile se répandit parmi les habitants barbares de l’Arabie et chez quelques nations du Nord. Un prince Goth, en particulier, devint chrétien vers ce temps-là, et beaucoup de ses sujets avec lui. Vers la seconde moitié de ce siècle, l’Évangile se répandit encore parmi les Perses et parmi les Scythes, peuple barbare mentionné par l’Apôtre : « Barbare, Scythe (Colossiens 3.11). »
Après cela, vers l’an 430, il y eut une remarquable conversion des Bourguignons à la foi chrétienne. Alors aussi l’Évangile commença à se répandre en Irlande, et les Irlandais, qui jusqu’alors avaient été païens, commencèrent à recevoir la foi chrétienne. Environ vers le même temps, il se répandit encore chez certains peuples barbares, en Ecosse et ailleurs. Dans le siècle suivant, Zathus, roi païen, qui gouvernait la Colchide, renonça au paganisme et embrassa la religion chrétienne. On rapporte que plusieurs autres nations chrétiennes, que je ne peux pas mentionner, renoncèrent au paganisme vers le même temps pour embrasser la foi chrétienne.