Nang-dæ, dies Veneris, est-il dit dans les Collectanea de rebus Hibernicis, t. IV, p. 225. La déesse Anu était appelée Moma, Muhman, Mamman, Nang et Ama, noms qui tous signifient mère. Comme elle était aussi considérée comme étant la Lune, le mot Nang-dæ pourrait en lui-même désigner aussi bien le lundi que le vendredi. Mais il est probable que si Vallancey, le principal rédacteur des Collectanea, a choisi le vendredi, c’est qu’il avait pour le faire d’autres raisons que celles qui pouvaient être tirées de la désignation même. Il y a du reste dans la chaîne cabirique une autre déesse, Cann, qui se rapporte encore plus exclusivement à la lune.
Profitons de cette occasion pour signaler un caractère fondamental du paganisme, qu’il ne faut jamais perdre de vue. Les dieux de l’antiquité païenne, surtout dans les époques reculées, ressemblent à des nuages qui ne peuvent absolument pas être mesurés exactement, qui ne peuvent l’être dans aucune de leurs dimensions, et qui changent continuellement, soit en eux-mêmes, soit dans leurs rapports avec leurs voisins. Gaston Boissier l’a dit et répété, en particulier dans la Revue des Deux-Mondes, 15 août 1882, à propos des tombes étrusques : « N’oublions pas que les religions antiques n’avaient pas de dogmes précis : c’est une vérité qu’il faut toujours avoir sous les yeux quand on étudie l’antiquité. » — Pictet dit dans le même sens : « Cette liaison fondamentale et universelle entre les idées de nuit, d’eau, de terre, de lune, de principe primitif et passif, se retrouve jusque dans la langue irlandaise, qui exprime souvent ces choses diverses par les mêmes mots (eascong et sease signifient à la fois la lune et l’eau ; oiche, l’eau et la nuit ; urach, la terre et origine). » — Lenormant ne s’exprime pas autrement : « Dans ce fond commun des religions euphratico-syriennes, dit-il (La magie chez les Chaldéen), les formes divines ont quelque chose de vague, d’indécis, de flottant. Les dieux de la Chaldée et de Babylone, tels que nous les voyons dans les plus anciennes inscriptions et dans la collection des hymnes liturgiques en accadien, avant le grand travail qui fixa définitivement leurs rangs et leurs attributions, sont pareils à ces dieux de la Syrie dont on a dit justement qu’ils n’ont « nulle fermeté dans les contours, nulle détermination sensible, rien qui rappelle la vie et la personnalité des dieux homériques ; qu’ils ressemblent plutôt à ces dieux de l’enfance de la race aryenne, à ces divinités presque sans consistance encore des Védas, où Varouna, Indra, Agni se confondent si souvent et où le dieu qu’on invoque est toujours le plus haut et le plus puissant des dieux. » En les distribuant plus tard dans la savante hiérarchie d’émanations que nous avons étudiée, en donnant à chacun une personnalité plus distincte avec un rôle nettement déterminé, en les localisant, pour ainsi dire, chacun dans un des grands corps célestes, on modifia quelquefois leur nature primitive d’une manière profonde et que dans certains cas il nous est possible d’apprécier. Ainsi je crois avoir démontré — et c’est, du reste, chose généralement admise — que Adar-Samdan, l’Hercule chaldéo-assyrien, dont on fit alors le dieu de la planète Saturne, était à l’origine une personnification solaire ; même dans son nouveau rôle, il garde bien des traits de sa première physionomie, et les tablettes mythologiques l’appellent encore « le Soleil du Sud. » — Sur ce dernier point en particulier, on peut encore remarquer que l’assyriologie la plus récente, élargissant l’idée de Lenormant, semble avoir bien établi que les dieux Nergal, Marduk et Ninib, auxquels on rattacha plus tard les planètes Mars, Jupiter et Saturne, étaient auparavant des divinités solaires correspondant à trois phases successives du soleil : Ninib marquant le soleil à l’horizon, surtout le soleil du matin ; Marduk, le soleil peu après son lever, et le soleil du printemps ; Nergal le soleil du midi et de l’été.