Demain…l’au-delà

Faut-il prier pour les morts ?

Cher Monsieur,

Dès que je vous ai entendu, j’ai dit : « Il faut que je lui en parle…! » Mais comme c’était un peu compliqué, j’ai pensé que ça irait tout aussi bien si je vous l’écrivais.

Voilà ! Je suis convertie depuis trois mots et demi. Avant, c’était le tunnel complet. Et ce qui n’arrangeait pas les choses depuis un an, j’ai perdu mon père. Il était malade depuis des années, mais on en avait tellement l’habitude que ça n’inquiétait plus personne, même pas lui. Et un soir, en pleine séance d’une société dont il était le secrétaire, il s’est écroulé. Ses amis ont tout fait… En vain. Il n’a plus rebougé.

Je l’aimais. Plus lui que ma mère, avec qui je ne me suis jamais bien entendue. La mort de papa n’a rien arrangé. Elle s’est repliée sur son chagrin et ça ne lui a pas amélioré le caractère. Seul mon plus jeune frère a ses faveurs. Ce n’est pas tellement qu’elle soit triste. Elle veut tout diriger ; si je me suis laissée mener un temps, du jour où je me suis convertie, elle a trouvé à qui parler.

Chez nous la religion c’était zéro. Papa et maman s’étaient mariés à l’Eglise. Ils nous ont fait baptiser, instruire, et tout et tout. Du vernis chrétien sur un fond païen. Des gens « comme il faut ». Comme il faut se marier à l’église, on se marie à l’église ; comme il faut baptiser les enfants, on les baptise ; et comme il faut communier, on communie…

Du jour où j’ai découvert Jésus et son Evangile, le « comme il faut » a été remplacé par « comme Il veut ». C’est formidable ce que ça a changé ma vie, ma façon de faire et de voir… sauf à la maison, à cause de ma mère qui continue à ne croire en rien…

Mais, depuis lors, je me fais du mauvais sang pour mon père. Maintenant que je sais que la vie éternelle, ça existe, et que du Jugement dernier, la Bible en parle sérieusement, je me tourmente. Mon père. n’est-il pas perdu, damné ? Mon amour pour lui ne peut admettre cette idée et mon bonheur de connaître le Christ en est perturbé.

J’ai demandé au groupe des jeunes s’ils pensaient que je pourrais prier Dieu pour lui. L’un de ces camarades (il est catholique) m’a dit qu’il pensait que oui. En lisant ce que saint Paul écrit aux Corinthiens (chap. 15 de sa 1re lettre) je vois qu’il parle (v. 29) de croyants qui se faisaient baptiser pour les morts.

Sans doute mon père était-il baptisé, mais son baptême n’avait rien changé… Serait-ce une idée valable de me faire baptiser pour lui maintenant que je suis vraiment croyante ?

Je n’en ai pas parlé à ma mère car elle n’accorde aucune importance aux choses la Bible. Et entre nous, la discussion devient vite dispute tellement elle est fermée. Je ne suis pas une sainte, mais quand mème ! Qu’on puisse être aussi endurci qu’elle…

Merci de me répondre et, peut-être de me rendre un peu d’apaisement…

Ma chère Monique,

Tu as prévu que cela irait tout aussi bien si tu écrivais. J’ai pensé également qu’une réponse écrite donnerait plus de poids à mon propos et favoriserait une réflexion que je crois urgente et nécessaire, quand je considère certains aspects de ta lettre.

Je voudrais d’abord éclairer à ton intention le texte des Corinthiens. Il laisse dans l’embarras les commentateurs les plus autorisés. La raison en est fort simple. Un baptême par substitution est absolument contraire à tout l’enseignement évangélique. Or, l’interprétation d’un texte n’est admise que si elle est confirmée par l’ensemble de l’Ecriture. C’est pourquoi, on a supposé que l’apôtre tirait ici argument d’une coutume existant à l’époque, coutume abolie dès lors dans l’histoire de l’Eglise.

Et pas plus que le baptême substitutif, la prière pour les morts ne saurait se réclamer d’un fondement biblique. Cela ne signifie nullement que l’Ecriture nous laisse sans réponse devant ta poignante question.

Elle dit certes le sort peu enviable de ceux qui se sont désintéressés du sens de leur vie et de leur mort. Elle ne cache pas non plus que le vernis du « comme il faut » s’écaille aussitôt à la lumière de la vérité et laisse l’homme devant la condamnation.

Mais ce qu’elle dit aussi et que tu sembles ignorer, c’est que le jugement dernier de tout homme décédé n’appartient qu’à Dieu seul. C’est pourquoi, à l’école du deuil qui est le tien, et en réponse à ta juste inquiétude, je me réjouis d’avoir à te signaler que notre langue française a maintenu dans son vocabulaire un qualificatif riche de sens pour désigner ceux qui ne sont plus ; elle dit qu’ils sont « défunts ». Traduction : ils ont accompli ce qui leur avait été confié. Et l’Ecriture tout entière souscrit à cette qualification.

Bien sûr, tu t’étonneras que je l’invite à trouver dans ce seul mot l’apaisement que tu cherches. Car, de ton point de vue, rien n’était accompli. Bien au contraire. Tu diras même que rien n’était commencé ! Et cela provoque en toi une souffrance inexprimable…

Dieu me garde de l’ignorer. Ta souffrance serait cependant bien allégée si tu acceptais de comprendre le mot « défunt » dans le sens où Dieu nous le propose. Car ce mot dit admirablement ce qu’il convient d’entendre à l’heure où l’on serait poussé à prier pour les morts.

Selon l’Evangile, en effet, nos possibilités d’action en faveur du prochain s’arrêtent à la limite de leur vie et de la nôtre. Là s’arrête aussi l’efficacité de nos prières. Toute intervention au sujet d’un défunt reste dorénavant au seul pouvoir de Dieu.

Là est notre apaisante certitude.

Certes, Dieu a horreur du mal et il ne tient pas le coupable pour innocent. De plus, il n’y a nulle raison d’imaginer qu’il ferme les yeux sur tout ce qui a été commis. Mais en même temps — tu l’as saisi en ce qui concerne ta propre vie — dans le Christ abandonné de Dieu, dans le Christ expiant le mal des pécheurs que nous sommes tous, Dieu manifeste la perfection de sa justice.

Si tu te souviens donc que Dieu seul a la connaissance parfaite de la vérité et qu’elle est jointe chez lui à une parfaite charité, tu sauras qu’à l’égard de ton père en particulier, il n’y a meilleur avocat en sa faveur que Dieu lui-même. Du reste, l’Ecriture atteste que Christ est notre seul véritable avocat. 1.

1 1 Jean 2.1.

Ton projet de parfaire, par je ne sais quel baptême ou encore par la prière, ce qu’il a plu ou ce qu’il plaira à Dieu de décider quant au sort éternel de ton père pourrait être tenu pour un blasphème. Tu douterais de la perfection de la justice divine envers ceux qui ont à paraître devant lui.

Je m’étonnerais que ta foi tienne pour acceptable ne fût-ce que l’ombre d’une telle suspicion. En effet, le Christ nous a dûment avertis que le sort éternel de tout homme se décide ici-bas et, en conséquence, qu’il est déterminé à son décès ; dès lors qu’aurions-nous à penser, à imaginer, à demander, que Dieu n’ait déjà prévu d’accorder aux défunts ?

Qu’aurions-nous à expliquer à leur sujet que Dieu ne connaisse déjà et, mieux que n’importe qui, soit à même de comprendre ?

Tu saisiras donc qu’il y a urgence pour toi à cesser de te faire du mauvais sang pour ton père défunt.

Cela étant dit, tu permettras qu’à ma manière je m’en fasse un peu, quand je prends connaissance de ton attitude et de certains de tes propos au sujet de ta mère. Je te le dis d’autant plus librement que notre échange téléphonique de tout à l’heure m’a rassuré quant à ta liberté intérieure et ta capacité d’entendre une pensée contredisant la tienne.

Il y a d’abord cette contradiction surprenante entre ton agressivité envers ta mère encore vivante et cette préoccupation de rachat d’un père déjà décédé.

Il y a ce manteau de Noé 2 jeté, après coup, sur l’incrédulité de ton père alors que tu te saisis de la foi comme d’un outil supplémentaire pour creuser plus largement encore le fossé entre ton christianisme et l’incrédulité de ta mère ?

2 Genèse 9.23.

Comment accorder d’une part ton souci « missionnaire » et « évangélisateur », ta prise de conscience de l’urgence du salut même de ceux qui sont décédés (tu serais prête à te faire baptiser pour eux) et, d’autre part, ton hostilité « toutes griffes dehors » contre une incrédule bien vivante, et qui a pour seul tort d’être ta mère ?

Seul tort, oui ! Car si, comme tu le dis, sa religion quittait le point zéro et, par une vraie conversion était soudain conjuguée au Dieu qu’est le Dieu de Jésus-Christ, cela changerait infiniment sa situation et la tienne. Plus on multiplie les zéros disqualifiant le prochain, plus la valeur de ce prochain se multiplie quand le un de Dieu vient le valoriser. Vois plutôt : 1 000 000 000…

Cela suffira-t-il à te faire saisir que ton rêve de conversion pour ton père est, selon l’Evangile, jaugé par ton attitude irrecevable envers ta mère ?

Ne me crois pas sévère à plaisir alors que je sais la réalité de ton deuil et de ta difficulté à trouver un quelconque accord avec celle « qui continue à ne croire en rien… »

Du jour où tu as découvert Jésus et son Evangile, tes yeux se sont ouverts. Tu as vu, certes, beaucoup de choses avec un regard neuf. Il t’en reste encore bien davantage à découvrir. Ceci par exemple : Ta mère est parmi les premiers prochains que tu auras à considérer avec deux yeux nouveaux.…

Prête grande attention à cet avertissement. Faute de l’avoir entendu, tu rejoindrais sans t’en rendre compte cette cohorte de gens devenus oublieux de la grâce dont ils ont bénéficié. (Tu l’as reçue le jour où tu as rencontré Jésus.) Ils quittent leur rang de serviteurs et deviennent des maîtres. Ils n’écoutent plus ; ils savent. Ils ne sont plus les invités de la miséricorde divine ; ils sont les organisateurs du festin. Ils décident qui ils acceptent ou refoulent. Bref, pour dire les choses dans un langage brutal, ils se fichent pas mal que les 9/10 de leurs contemporains meurent à la porte… pourvu que ceux dont ils aimeraient la présence à leur côté soient avec eux au paradis. Le ciel est devenu leur affaire, celle où ils organisent pour l’éternité leur surprise party. « Tâchez d’en être, disent-ils aux copains de leur choix. On se mettra à la même table… »

Relis l’invitation au festin 3. Trouves-y confirmation de ce que tu as compris pour toi-même. Et à supposer que ta mère, à cause de son incrédulité, soit comptée même parmi les plus estropiées, souviens-toi qu’elle est invitée, qu’il t’appartient de l’en persuader, et qu’il l’est confié l’honneur de l’y amener. Puisque du jour où tu as découvert Jésus et son Evangile, ton « comme il faut » a été remplacé par son « comme il veut »…

3 Luc 14.15-24.

Document

Ma grande peine : le décès de ma Tante
Madame GAIDAN Antonie
survenu mercredi, en sa 88ème année

PAS DE CULTE, CAR ELLE ÉTAIT RÉSOLUMENT ATHÉE
PAS D’ENTERREMENT, CAR ELLE FIT DON DE SON CORPS A L’ÉCOLE DE MÉDECINE
PAS D’ANNONCES, CAR ELLE N’EN VOULUT PAS

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