Lecteur, j’ai tâché de vous donner les conseils les plus utiles pour entretenir un commerce familier avec le ciel. Efforcez-vous de connaître cette vie céleste, et ce sera en quelque sorte connaître Dieu lui-même ; vos joies seront spirituelles, complètes et durables, d’après la nature de leur glorieux objet : vous aurez de la consolation pendant la vie et à l’heure de la mort. Quand vous n’auriez ni richesses, ni santé, ni plaisirs mondains, vous ne seriez pas pour cela sans consolation. Vos grâces spirituelles seront actives et victorieuses, et la joie du Seigneur sera votre force. Les menaces des hommes vous causeront peu d’effroi ; les honneurs de ce monde vous séduiront peu ; les tentations, ayant perdu leur force, seront moins dangereuses pour vous ; les afflictions seront moins aiguës, et toutes les faveurs seront mieux connues et mieux appréciées. — Vous pouvez maintenant, avec l’aide de Dieu, décider si vous voulez ou non embrasser cette vie bienheureuse. Bientôt vous verrez la vie vous échapper, et vous vous direz : « Je suis au terme de ma vie ; il n’y a maintenant devant moi que le ciel ou l’enfer. » Si vous saviez combien c’est une chose horrible de douter du ciel à l’heure de la mort, cette pensée seule vous réveillerait de votre sommeil.
Il en est qui disent : « Il n’est pas nécessaire de passer tant de temps et de prendre tant de peine à penser à la grandeur des joies célestes, pourvu que nous soyons assurés qu’elles nous appartiennent : nous savons que ce sont des joies infinies. » Mais ces hommes, n’obéissant pas aux commandements de Dieu qui leur ordonne d’avoir leur conversation dans le ciel, et de placer leur affection sur les choses d’en-haut, se rendent volontairement misérables en refusant les jouissances que Dieu leur offre. Ce n’est pas tout encore ; la négligence des jouissances célestes entraîne à sa suite une foule de maux. Cette négligence affaiblit chez les hommes l’amour de Dieu, si elle ne le détruit pas entièrement ; — elle leur rend importune la pensée de Dieu et les dégoûte de son service ; — elle tend à corrompre leur jugement par rapport aux voies et aux commandements de Dieu ; — elle les rend sensuels et voluptueux ; — elle les laisse sans force contre les afflictions et les tentations, et les dispose à une apostasie complète. Si je vous avais proposé une vie de tristesse, de crainte, de chagrin, vous auriez pu y trouver à redire. Mais il faut que vous possédiez des jouissances célestes, ou que vous n’en ayez aucune qui soit durable. Dieu veut que vous marchiez chaque jour avec lui, et que vous puisiez des consolations à la source éternelle : si vous ne le voulez pas, vous supporterez tout le malheur de cette perte.
Quant à vous, dont le cœur est détaché des choses d’ici-bas, je sais que vous voudriez être plus familiers avec votre Sauveur ; je sais que vous vous affligez de ce que vos cœurs ne sont pas plus près de lui, de ce qu’ils ne l’aiment pas plus tendrement, et ne se réjouissent pas plus en lui. — Essayez de cette vie de méditation. Que le monde voie par la sainteté de votre vie que la religion est quelque chose de plus qu’un système d’opinions et de pratiques extérieures. Si jamais un chrétien est d’accord avec lui-même, d’accord avec ses principes et avec sa croyance, c’est lorsqu’il s’acquitte le plus sérieusement et le plus activement de ses devoirs. Comme Moïse avant sa mort monta sur la montagne de Nebo pour découvrir la terre de Canaan, de même le chrétien, peut, du haut de sa contemplation, jouir par la foi de la vue de son repos. Et comme Daniel dans sa captivité, lorsqu’il s’approchait de Dieu par la prière, ouvrait chaque jour sa fenêtre du côté où était Jérusalem quoique hors de sa vue, ainsi l’âme fidèle peut, dans sa captivité de la chair, tourner ses regards vers la Jérusalem céleste.