Nous comprendrons probablement mieux les autres exemples de prière que nous allons citer, si nous nous souvenons que Jésus est maintenant dans la deuxième année de son ministère, et que ses rapports avec les chefs du peuple ont atteint cet état aigu qui précède la rupture finale. L’ombre terrible de la croix assombrit toujours plus son chemin; la haine du diable croît, elle aussi, de plus en plus en intensité. Les qualités nécessaires pour être un de ses disciples sont mises en relief par les circonstances; l’incapacité de la foule, de ses disciples et d’autres gens encore, à le comprendre, apparaît clairement. Beaucoup de ceux qui s’étaient donnés à lui reculent maintenant, et Jésus s’efforce de trouver plus de temps pour entretenir les douze. Nous le voyons se rendre dans des lieux éloignés du centre de la vie juive et même franchir les frontières du pays avoisinant. Les épreuves et les expériences à venir—et spécialement la scène qui aura pour théâtre une petite colline hors des murs de Jérusalem—semblent ne pas quitter ses pensées.
Le sixième passage nous est fourni par Luc IX Jésus et ses disciples sont dans le nord du pays, dans les environs de la ville romaine de Césarée. «Un jour que Jésus priait à l’écart, ayant avec lui ses disciples...» A l’écart, c’est-à-dire loin de la foule curieuse. Il semble que Jésus veuille rendre plus intime le contact entre sa vie intérieure et celle des douze. Il semble aussi qu’il ait voulu essayer de leur communiquer ce même amour pour la solitude et la prière qui remplissait son cœur. Peut-être aussi qu’il voulait simplement accroître cette belle et profonde camaraderie qu’il avait inaugurée avec ses disciples. Il prenait plaisir à l’amitié sincère, telle que la pratiquaient Pierre, Jacques et Jean, Marthe et Marie, et d’autres encore. Or, il n’y a pas d’amitié qui puisse se comparer à l’union dans la prière.
«Il est une place où les esprits s’unissent,—Où l’ami s’unit à son ami; —Une place plus que tout autre propice.—C’est le jardin de la miséricorde—Qui fut acheté au prix du sang.»
La septième allusion se trouve au même chapitre IX et mentionne une troisième nuit de prière. Matthieu et Marc parlent aussi de la transfiguration, mais c’est Luc qui nous déclare que Jésus monta sur la montagne pour prier et que ce fut comme il priait que l’aspect de son visage changea. Sans nous arrêter à étudier le but de cette merveilleuse manifestation de sa gloire divine à ces trois disciples seuls, à l’heure où l’abandon et la haine se faisaient le plus sentir, qu’il nous suffise de noter que ce changement se produisit pendant qu’il priait. Transfiguré pendant qu’il priait. Et, à ses côtés, se tenaient Moïse et Elie, qui, des siècles auparavant, avaient passé des heures nombreuses seuls avec Dieu. La glorieuse lumière qui émanait de la présence de Dieu transfigurait son visage, sans qu’il en fût conscient. Transfiguré par le contact avec Dieu! Nous, à qui le Maître a dit: «Suis-moi», n’irons-nous pas aussi avec Lui et Sa divine parole, le visage découvert, c’est-à-dire l’esprit dégagé des préjugés et de l’égoïsme, pour que, contemplant dans un miroir la gloire de Sa face, nous soyons de plus en plus transformés en la même image. {2Co 3.18}
Nous trouvons la huitième mention dans Luc X Jésus avait choisi un certain nombre de disciples et les avait envoyés deux à deux dans tous les lieux où lui-même devait aller. Ils étaient revenus avec de joyeuses nouvelles, parlant du pouvoir qui les avait assistés dans leur travail. Se tenant au milieu d’eux, le cœur débordant de joie, il leva les yeux comme s’il voyait la face du Père et il manifesta l’allégresse qui remplissait son âme. Il paraissait être toujours conscient de la présence paternelle et pour lui c’était chose toute naturelle que de Lui parler. Ils étaient toujours assez proches pour s’entretenir et leur entretien n’avait pas de fin.
La neuvième mention est contenue dans le onzième chapitre de Luc; elle ressemble beaucoup à la sixième: «Jésus priait un jour en un certain lieu. Lorsqu’il eut achevé, un de ses disciples lui dit: «Seigneur, enseigne-nous à prier.» Ses disciples, sans doute étaient des hommes de prière, et Jésus avait dû les en entretenir souvent. Mais, remarquant quelle place considérable la méditation occupait dans la vie de leur Maître et quels merveilleux résultats en étaient la conséquence, le fait qu’il y avait dans la prière un pouvoir extraordinaire, un secret important dont ils étaient ignorants, s’imposa à eux avec force. Ils pensèrent qu’ils ne savaient vraiment pas comment il fallait prier; d’où leur demande. Cette requête, plus que toute autre, dut réjouir Jésus. Enfin, ils prenaient conscience du pouvoir secret caché dans la prière.
Puisse cette simple revue des prières de Jésus avoir le même effet sur chacun de nous, nous pousser à rechercher la solitude avec Dieu et à Lui faire cette même sérieuse demande. Le premier pas pour apprendre à prier est de s’écrier: «Seigneur, enseigne-moi à prier.» Et qui mieux que Lui pourra nous l’enseigner?
Le dixième passage se trouve dans Jean XI; c’est la deuxième des quatre supplications instantes de Jésus. Toute une société est réunie près du village de Béthanie, au bord d’une tombe dans laquelle, depuis quatre jours, repose le corps d’un jeune homme. Marie est présente; elle pleure. Marthe est là aussi, maîtrisant son émotion. Elles sont entourées de quelques amis personnels, d’habitants du village et de connaissances venues de Jérusalem. Sur l’ordre de Jésus, après quelques hésitations, la pierre de la tombe est roulée de côté. Et Jésus, levant les yeux, s’écrie: «Père, je te rends grâce de ce que tu m’as exaucé. Pour moi, je savais que tu m’exauces toujours; mais je parle ainsi à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé.» Avant de se rendre à la tombe, Jésus, évidemment, avait prié en secret pour la résurrection de Lazare, et ce qui suivit lut la réponse à sa supplication.
Comme ce fait rend manifeste que le merveilleux pouvoir révélé dans la brève carrière du Christ eut pour source la prière!
Quelle liaison extraordinaire entre sa vie active, universellement admirée, alors et depuis, et sa vie intérieure dont nous n’avons que des lueurs passagères! Le plus grand pouvoir confié à l’homme est sans contredit celui de la prière. Mais combien parmi nous sont infidèles à la confiance qui leur est témoignée, en n’utilisant pas ce pouvoir étrange placé entre leurs mains.
Remarquez aussi l’entière confiance de Jésus en Dieu qui écoute sa prière: «Je te rends grâces de ce que tu m’as exaucé.» Rien de visible n’étayait cette certitude. Au contraire, car le corps était dans la tombe depuis quatre jours déjà. Mais Jésus était confiant, comme voyant Celui qui est invisible. La foi est aveugle aux choses de la terre; elle ne peut voir que le ciel. Elle est aveugle aux impossibilités et sourde au paroles de doute. Elle n’écoute que Dieu; elle ne voit que Sa puissance et agit en conséquence. La foi ne consiste pas à croire que Dieu peut, mais qu’il veut. Une telle foi ne peut résulter que d’une union constante avec le Père, et sa source c’est la chambre close, le temps mis à part, la Bible; de plus, il faut une oreille attentive et un cœur apaisé pour l’amener à son développement.
Le douzième chapitre de Jean nous donne la onzième mention. Deux ou trois jours avant le fatal vendredi, quelques Grecs, venus pour assister à la Pâque juive, recherchèrent une entrevue avec Jésus. Cette démarche semble avoir évoqué en lui une vision du monde des Gentils pour lequel son cœur brûlait si vivement et qui venaient à lui pour obtenir ce que lui seul, pouvait donner. Au même instant, une autre vision, lugubre celle-là, traversa la première, une vision qui n’était jamais absente de ses pensées, celle de la croix. Reculant d’horreur devant elle, sachant toutefois que la première ne pouvait se réaliser que grâce à cette suprême épreuve, il s’écrie, oubliant pour un moment ceux qui l’entouraient, se parlant à lui-même: «Maintenant mon âme est troublée. Et que dirai-je?... Père, délivre-moi de cette heure!... Mais c’est pour cela que je suis venu jusqu’à cette heure; voici ce que je dirai—et ici le conflit intense qui se livrait dans son âme se termine par la complète victoire de sa volonté soumise—«Père, glorifie ton nom!» Et aussitôt que la prière fut prononcée, une voix vint du ciel: «Je l’ai glorifié et le glorifierai encore.» Comme le Ciel doit être près de nous! Comme le Père entend rapidement! Il doit être sans cesse attentif à nos prières, impatient de saisir fût-ce le plus faible murmure qui s’échappe de nos lèvres.
Les spectateurs de cette scène, assourdis par les bruits de la terre, inaccoutumés à entendre les voix célestes, ne purent rien comprendre du tout, mais Lui avait une oreille exercée.
Esa 50:4 (passage éminemment prophétique) nous suggère comment il se fait que Jésus pouvait comprendre cette voix si facilement et si rapidement: «Il éveille, chaque matin, Il éveille mon oreille, pour que j’écoute comme écoutent les disciples.»
Pour prier, il est aussi nécessaire de savoir entendre que de savoir parler. Pour l’un comme pour l’autre, l’entretien matinal avec Dieu est chose essentielle.