Berne, à l'Église française, le 25 mars 1922.
Voici, un homme s'approcha et dit à Jésus. : « Bon Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? » Il lui répondit : « Pourquoi m'appelles-tu bon ? Il n'y a qu'un seul bon, c'est Dieu. Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements... Le jeune homme lui dit : « Tout cela, je l'ai observé, que me manque-t-il encore ? » Jésus lui répondit : « Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu as et donnes-en le prix aux pauvres. Tu auras un trésor dans le ciel.Viens ensuite et suis-moi. Matt. 19.16-22
Viens et suis-moi ! Ce jeune homme paraissait très anxieux de recevoir la vie éternelle. Il était aussi très respectueux, mais sa conception de la personnalité de Christ était erronée. Il lui avait montré du respect en l'appelant « Bon Maître », aussi fut-il tout surpris en entendant le Seigneur lui dire : « Pourquoi m'appelles-tu bon ? Il n'y a qu'un seul bon, c'est Dieu ». Certains pensent qu'en parlant ainsi, Christ a reconnu qu'il n'était pas bon lui-même, mais si nous sondons ce passage, nous comprendrons qu'au contraire, Christ étant Dieu, pouvait lire jusqu'au fond du cœur de ce jeune homme et voir qu'il ne le considérait que comme un bon professeur de morale, une sorte de rabbin.
De nos jours, bien des gens pensent aussi que Christ fut un bon professeur, un grand réformateur de la loi morale, mais ceux qui vivent en communion avec lui savent bien qu'il a été plus qu'un grand homme. Christ n'aimait pas faire de longs discours ; il disait : « Venez, suivez-moi ; vous saurez ainsi qui je suis ». Tant de gens peuvent lire et relire ce qui concerne Jésus sans arriver jamais à le comprendre.
Cet après-midi justement, j'ai parlé à quelques personnes de la manière dont Christ est méconnu. Il y a quelques années on montra, devant moi, à un simple villageois, une bouteille de verre rouge, remplie de lait, et on lui demanda : « Qu'y a-t-il dans cette bouteille ? » « Du vin, du brandy ou du whisky », fut la réponse, et le villageois ne voulut croire que c'était du lait que lorsqu'il le vit sortir de la bouteille. Il ne croyait pas possible qu'une bouteille rouge pût contenir du lait blanc.
Il en est ainsi de notre Sauveur : Il se fit homme et sa divinité fut cachée sous son humanité. On le vit fatigué, souffrant de la faim, de la soif et l'on dit : « S'il est Dieu, pourquoi ne s'adresse-t-il pas à Dieu ? Pourquoi est-il fatigué, pourquoi a-t-il faim et soif ? » Ceux qui parlaient de la sorte ne voyaient que son humanité, sans aller plus loin, mais ceux qui le suivaient et vivaient avec lui, savaient qu'il n'était pas seulement un homme, mais aussi Dieu.
Revenons au jeune homme qui désirait recevoir la Vie éternelle. Deux choses sont très claires dans l'histoire de sa vie : Lorsqu'il fut exhorté à garder les commandements, il répondit qu'il avait observé ces choses dès sa jeunesse ; Christ alors ne lui dit pas qu'il se trompait ; il ne le repoussa pas, car il avait fait de son mieux. Eh bien, malgré toutes ces bonnes actions, il n'était pas satisfait. Certains docteurs de morale disent : « Faites le bien, vous serez bons ». Ce jeune homme avait fait le bien et n'était pourtant pas satisfait. Il sentait que quelque chose lui manquait encore. Le second point c'est que, ni ses richesses – car il était un homme riche – ni les choses de ce monde n'avaient pu le satisfaire. Voilà pourquoi il venait au Sauveur, espérant apprendre de lui ce qu'il avait à faire.
Le Sauveur lui dit : « Il te manque une chose : Viens et suis-moi ». Mais il ne suivit pas Jésus, car il vivait dans une belle maison, un palais peut-être, et il savait qu'en suivant Jésus il n'aurait pas un lieu où reposer sa tête. Vraiment, c'était difficile pour ce jeune homme de suivre Christ qui n'avait pas de demeure ici-bas... Christ désirait lui faire comprendre que c'était son orgueil qui le retenait. Il connaissait les commandements, il les avait observés de son mieux, mais cela ne suffisait pas, car la vérité ne se trouve ni dans les livres, ni dans les bons enseignements, mais en Christ lui-même ; la vérité est un fait vivant. Afin de satisfaire les aspirations de l'âme de ce jeune homme, Christ lui dit : « Viens et suis-moi ». S'il avait suivi ce conseil, s'il avait vécu avec le Maître, son âme aurait été satisfaite. J'en ai fait moi-même l'expérience. Ce jeune homme aspirait à la perfection, mais il ne pouvait y arriver qu'à la condition de vivre avec l'homme parfait, et si Christ lui offrait de vivre avec lui, c'était afin qu'il pût atteindre à cette perfection. Si nous vivons en lui, avec lui, nous deviendrons semblables à lui.
En voyageant dans les montagnes de l'Himalaya, je vis une fois un arbre couvert d'insectes. Tout d'abord, je ne m'aperçus pas que c'étaient des insectes : ils étaient posés sur les feuilles et je les pris pour des feuilles jusqu'à ce que, ayant regardé de plus près, je vis que ce n'étaient pas des feuilles, mais des insectes. Je fus très surpris en constatant qu'il n'y avait pas la moindre différence entre les feuilles et les insectes. Un homme du village m'expliqua que ces insectes naissent sur l'arbre, se nourrissent de l'arbre et que l'arbre est tout pour eux. Je me dis alors que ceux qui vivent avec Jésus-Christ deviennent aussi semblables à Lui. Quand nous vivons en sa présence, nous sommes comme modelés à son image.
Vous savez que le climat a une influence sur les traits, sur la peau des hommes ; si donc le climat d'un pays peut avoir un pareil effet, combien plus l'atmosphère spirituelle ne peut-elle pas influencer notre âme ? Si nous vivons avec Lui par la prière, alors, jour après jour, nous deviendrons plus semblables à lui. La difficulté se trouve dans le fait que nous ne savons pas comment nous devons le suivre, le prier, vivre avec lui ; nous ne savons pas rester tranquilles à ses pieds. Même en priant, nous ne savons pas comment prier. Nous croyons que prier c'est demander, mendier les bénédictions de Dieu, mais en réalité ce n'est pas prier. Les vrais hommes de prière ne demandent pas seulement des biens matériels, mais le Dispensateur des biens lui-même.
Je connais, aux Indes, un homme de Dieu, un homme très développé au point de vue spirituel, qui m'a fait part de ses expériences. Un mendiant avait pris l'habitude de venir chaque matin lui demander un morceau de pain et de s'en aller aussitôt après l'avoir reçu. Il arriva qu'un matin l'homme de prière n'avait rien à donner au mendiant. Il le pria de rester un peu à causer avec lui, pendant qu'on allait chercher du pain. Au bout d'une heure, le mendiant avait compris le message qui lui était annoncé et se mettait à prier ; il était transformé ! Il réalisait la présence de Dieu ; il était rempli de joie. « Si souvent je suis venu vous demander du pain sans penser que vous aviez autre chose à me donner ! » s'écria-t-il. « C'est votre faute, non la mienne. Vous ne veniez que pour du pain et vous vous en alliez dès que vous l'aviez reçu ; aujourd'hui où vous avez eu le temps de rester avec moi, j'ai pu vous parler. »
Nous agissons souvent de même avec notre Sauveur. Beaucoup d'entre nous ne s'adressent au Père céleste que pour lui demander une chose ou une autre. Notre Sauveur nous a appris à dire : « Que Ta volonté soit faite » et nous disons au contraire : « Que ma volonté soit faite », sinon par nos lèvres, du moins par nos actions. Dès que nous avons reçu, nous nous enfuyons loin de la présence de Dieu ; c'est pourquoi, très souvent, Dieu ne nous donne pas tout ce que nous demandons. Cela ne signifie pas qu'il ne nous aime pas, mais qu'il désire que nous sachions rester en sa présence.
Si nous savons, comme ce mendiant, rester aux pieds du Maître et lui parler, il se révélera lui-même à nous et nous comprendrons alors le sens de la prière ; nous saurons que Dieu ne veut pas nous donner ceci ou cela, mais se donner lui-même à nous. Quand nous recevons Dieu lui-même, nous sentons sa présence dans nos cœurs et nous sommes satisfaits. Nous n'avons plus, alors, à demander les choses dont nous avons besoin ; elles nous seront données sans que nous les demandions. Ce que notre Sauveur demande de chaque chrétien, c'est qu'il Le suive, qu'il vive avec Lui, afin de le connaître tel qu'il est. En le trouvant, nous recevons le Saint-Esprit et nous commençons à vivre avec lui dans ce monde, pour continuer à vivre avec lui dans le ciel.
C'est très bien de croire en Jésus, mais n'allons pas nous imaginer que cela suffit. Satan lui-même est aussi un grand croyant. Certains bons chrétiens ont des doutes au sujet du ciel, du salut, de l'enfer... Satan, lui, n'a aucun doute à cet égard ; c'est dans ce sens qu'il est un vrai croyant. Pour devenir de vrais croyants, nous devons savoir en qui nous croyons. Je parlais un jour, aux Indes, avec un homme d'une haute valeur spirituelle et, dans la même maison, se trouvait un jeune homme qui venait d'arriver pour passer une semaine avec le fils de mon ami. Nous remarquâmes que, dès que ce jeune homme entendit notre conversation, il eut l'air troublé. Il était venu pour une semaine et voilà qu'au bout de quelques minutes il demande à consulter un horaire ! « Que se passe-t-il donc ? demanda mon ami. Vous veniez pour une semaine et votre chambre est prête. » Ce jeune homme éprouva un peu de difficulté à expliquer qu'il lui était impossible de supporter une conversation d'ordre spirituel, même durant quelques minutes et que, s'il restait une semaine, ce serait un enfer pour lui. Au bout d'une demi-heure, il se sauva.
Dieu désire que tous aillent au ciel, mais les pécheurs ne s'y trouveraient pas à leur aise : le jeune homme dont je viens de parler ne serait pas capable de vivre au ciel avec les anges. Il n'a pas pu rester quinze minutes avec nous et peut-être qu'au ciel il ne tiendrait pas quinze secondes ! Le secret de notre vie spirituelle, c'est que nous réalisions notre faiblesse ; à cette condition-là, nous serons sauvés. En vivant avec Christ, nous nous formons peu à peu à son image. Comme il est parfait, en vivant avec lui nous deviendrons parfaits et alors le ciel ne sera plus pour nous une demeure étrangère où nous ne nous sentirons pas à notre place ; nous y serons au contraire chez nous, à la maison, car nous aurons vécu avec Christ dès ici-bas.
Il y a tant de gens qui ne peuvent pas passer cinq minutes en prière aux pieds du Maître ! S'ils sont fatigués au bout de cinq minutes, ne seront-ils pas fatigués au bout de cinq secondes au ciel ? Dieu ne les empêchera pas de vivre au ciel mais leur genre de vie les empêchera d'y être heureux. Le secret qui seul nous rend capables de vivre dans le ciel, c'est de vivre la vraie vie dès ici-bas, dans la communion du Sauveur.
Un homme, au Tibet, vit un jour un trésor dans un champ considéré jusque là comme terrain improductif. Il alla trouver le propriétaire et lui offrit de lui acheter son champ pour vingt fois sa valeur. Le propriétaire accepta, naturellement, et les gens de se moquer de l'acheteur. Celui-ci ne disait rien ; il savait bien que le trésor, caché dans le champ par un ancien roi, valait cent fois le prix qu'il avait payé. Il creusa et trouva son trésor. Le champ, c'est le monde ; les gens renseignés sur les trésors cachés sont disposés à les payer leur prix, même si ce prix c'est leur propre vie. Ils ne s'attendent pas à avoir leur ciel après leur mort ; ils le possèdent dès maintenant.
Il y a deux ans environ, mon père me dit : « J'ai observé ta vie ces dernières années et l'ai comparée avec ta vie d'autrefois, à la maison. Alors, je ne t'avais jamais vu heureux. Maintenant, je t'ai vu souffrir souvent et rester toujours heureux. D'où cela vient-il ? » Je lui répondis : « Ce n'est pas qu'il y ait en moi quelque chose de bon, mais j'ai trouvé ce Christ que je haïssais tant. Maintenant je connais le Christ vivant et j'ai trouvé la paix en Lui ». Mon père fut très impressionné et se mit à réfléchir au christianisme. Il me dit alors : « Comment puis-je arriver à connaître Christ ? ». Je lui dis : « Si tu veux savoir qui est Christ, lis la Bible ; si tu veux le connaître, Lui, personnellement, prie ! Car lire la Bible ne suffit pas pour apprendre à connaître Christ. Beaucoup d'infidèles et de païens lisent la Bible sans arriver jamais à le connaître. La prière est la clef, la seule, la vraie, qui ouvrira devant toi la porte de la vérité ». Mon père fit ainsi et, au bout de quelque temps, il eut la joie de l'entendre me dire : « J'ai trouvé ton Sauveur. Il est devenu mon Sauveur ».
Mon témoignage c'est que depuis seize ans, j'ai vécu dans le ciel et j'ai senti la présence du Sauveur toujours plus intensément au sein de la souffrance. Le plus grand des miracles de ce monde, c'est la paix du cœur, que nous ne trouvons qu'en Christ. Comme il a mis en nous notre cœur, il y a mis le désir de cette paix.
Que le Seigneur nous aide à discerner sa voix quand elle nous dit : « Viens et suis-moi ». Qu'il nous aide à Le suivre. On me dit parfois : « Vous parlez toujours de paix et pas d'amour ». C'est que notre cœur aspire à la paix. Nous prenons beaucoup de peine pour gagner de l'argent, pour ajouter à notre confort matériel et vivre tranquilles, mais la paix véritable ne se trouve qu'en ce Dieu qui est amour.
Lorsque vous aurez trouvé cette paix vous ne pourrez plus la séparer de l'amour de Dieu ; vous sentirez cet amour qui vous poussera à aimer les autres. Cette paix parfaite vous forcera à parler à d'autres de son amour. Tant que nous n'avons pas trouvé nous-mêmes ce qui peut nous satisfaire, comment pourrions-nous nous préoccuper du trouble des autres ? La première condition, c'est que nous ayons trouvé la paix, et alors nous pourrons rendre témoignage à l'amour merveilleux du Sauveur.
Que le Seigneur nous aide à faire de notre vie une vie de prière, afin que, par la prière, nous trouvions le ciel sur la terre, que nous vivions avec lui dès maintenant et qu'en vivant avec lui nous devenions parfaits comme lui !