Un homme dans la tour

TERRIBLE NOUVELLE

Octobre est là, avec sa bruine et son ciel gris. Jean-Paul revient de l’école, déambulant rapidement dans les rues encombrées qu’il connaît bien. Les gens circulent, toujours pressés, l’air triste. Le jeune écolier se sent seul au milieu de ce tintamarre, aussi ses pensées s’envolent-elles souvent vers les Oumbras qu’il n’a pas oubliés, et dont il regrette la quiétude.

Le voilà devant sa maison. Machinalement, il franchit la porte d’entrée, gravit le petit escalier en colimaçon qui grimpe dur, puis arrive aux deuxième étage où il habite. Maman lui ouvre la porte et l’accueille avec un large sourire.

Tiens dit-elle, en rentrant du bureau j’ai trouvé une lettre qui te fera plaisir. Elle vient des Oumbras.

Jean-Paul frappe des mains.

— Ouvre vite !

Maman déchire l’enveloppe.

— C’est Francine qui écrit une longue lettre de quatre pages.

— La première qu’on reçoit depuis notre départ.

Maman d’abord la parcourt en silence, tandis que son garçon l’observe avec impatience. Soudain, le visage de maman s’assombrit.

— Le pauvre ! s’exclame-t-elle.

— Pourquoi dis-tu, le pauvre ? questionne Jean-Paul inquiet.

— C’est une mauvaise nouvelle ! Francine m’apprend que Grand-père est décédé vendredi matin. On l’a trouvé inanimé, dans la chambre de la tour. La mort l’a surpris alors qu’il lisait sa Bible. Une fin si brusque a dû désemparer cette pauvre petite !

Jean-Paul ne peut supporter un coup pareil. Ce grand-père c’était son meilleur ami ! Quelle affreuse nouvelle ! Il éclate en sanglots, court dans sa chambre et s’affale sur son lit. C’est trop fort pour lui.

— Grand-père est mort ! Grand-père est mort ! répète-t-il. Je ne le reverrai plus.

Cette idée le bouleverse ; toute la journée il demeure inconsolable.


♦   ♦

Le mois d’octobre fut un mois bien triste pour le jeune garçon. On le voyait tous les jours aller en classe songeur, l’air sombre. Les jeux ne l’attiraient pas ; il fuyait ses camarades pour rester seul, plongé dans de noires pensées. Le maître, pendant les cours, le prenait souvent en défaut : « Jean-Paul, vous êtes ailleurs » disait-il. Maman s’inquiétait aussi car son bout d’homme n’avait pas d’appétit, pas de joie de vivre.

En effet, Jean-Paul pensait à grand-père. Il le revoyait en prière dans sa chambre haute ou sous le grand chêne, expliquant les choses de la Bible. Il avait tant appris à son contact ! Ah ! comme il aurait voulu en savoir davantage, partager aussi la paix dont il avait le secret. Il se réjouissait de retourner aux Oumbras justement pour s’entretenir avec lui. Hélas ! c’était fini, bien fini cela ! Personne ne pourrait comme lui s’approcher de son jeune ami pour lui parler de Jésus. Etienne était trop ignorant, il n’avait pas d’expérience.

Souvent, seul dans sa petite chambre pas plus grande qu’un réduit, Popol pleurait longtemps en songeant au vieillard qu’il ne reverrait plus.

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