A Rome, les chrétiens étaient ensevelis dans les catacombes, vaste cimetière qui est resté un monument unique de leur foi et de leurs espérances. Les lieux de sépulture étaient creusés dans les collines, d’élévation médiocre, qui entourent la ville, principalement vers le sud et vers la rive est du Tibre, parce que la loi défendait les inhumations en dedans des murs. Les catacombes étaient creusées dans la tufa granolare, c’est-à-dire dans une des trois couches d’origine volcanique dont le sol est formé. Les deux autres couches ne s’y seraient point prêtées : la pozzolana, ou sable, comme trop friable ; la tufa litoïde, ou pierre à bâtir, comme trop dure. Ce sont d’étroites galeries ou corridors (ambulacra) s’enchevêtrant les uns dans les autres, et ouvrant çà et là dans une excavation plus large. La hauteur de ces galeries est de cinq à huit pieds ; leur largeur, de deux pieds et demi à trois. Lorsqu’une galerie était épuisée, on en creusait une seconde, une troisième et parfois jusqu’à cinq en descendant, toutes ces galeries communiquant entre elles, soit par des marches, soit autrement. On a si souvent restauré les catacombes, qu’il est difficile d’en trouver une partie dans son état primitif. De chaque côté, on creusait dans la paroi des niches horizontales, assez semblables aux lits d’un navire, et pouvant contenir un corps. On nommait ces niches des loculi. Une tombe pour deux corps s’appelait un bisomus. On compte de cinq à huit rangées de loculi par galerie.
Les espaces plus larges ou chambres (cubicula), qu’une porte isolait de la galerie, étaient des caveaux de famille. Les restes mortels des riches étaient déposés dans des sarcophagi, et dans des caveaux qui, lorsqu’ils étaient voûtés, étaient désignés sous le nom de Arcosolia. En général, il n’y a point de communication entre les différentes catacombes. Chacune occupe une colline ou une élévation de terrain séparée dans la campagne de Rome, et des vallées les isolent les unes des autres. Au reste, les catacombes sont nombreuses ; on en compte plus de quarante. Quelques-unes sont juives, et dans quelques autres on a enterré des païens aussi bien que des chrétiens. Les corps étaient ensevelis dans un linceul de lin ; on les embaumait, ou on les mettait dans de la chaux vive, afin que toute la chair fût consommée. Enfin, lorsque les corps avaient été déposés dans les loculi, l’ouverture était fermée par une tuile ou une plaque de marbre et scellée avec du mortier.
On a supposé que les catacombes avaient été construites secrètement, que leurs entrées avaient été cachées au public, notamment aux autorités, et qu’elles servaient d’habitations. Il n’en est point ainsi. En dehors des temps de persécution (et généralement ces persécutions duraient peu), les chrétiens vivaient comme les autres citoyens et jouissaient comme eux de la protection des lois. Quand la persécution éclatait, c’était surtout les évêques et les anciens qu’elle frappait d’abord. On s’efforçait donc de les cacher pour un temps et les catacombes s’y prêtaient admirablement. Leurs inextricables méandres étaient à peine connus de quelques personnes en dehors des fossoyeurs (fossores), et comme il y avait fréquemment plusieurs entrées, les fugitifs pouvaient s’échapper d’un côté tandis que la catacombe était investie de l’autre. Mais tout cela était accidentel et les catacombes n’étaient point destinées à servir de demeure ni appropriées à ce but. Il faut donc, très probablement, considérer comme légendaires les récits qui nous montrent des chrétiens y vivant pendant des mois.
D’un autre côté, cependant, les fidèles s’y réunissaient fréquemment pour célébrer le culte et, notamment, pour célébrer les jours de naissance des martyrs. Les chambres devenaient alors des chapelles et il y en avait d’assez grandes pour contenir au moins cent auditeurs. On a même découvert çà et là des sortes de chaires et des bancs taillés dans les murs.
On enterrait souvent différents objets avec les morts. Aux yeux des païens, la vie future n’était qu’une continuation de la vie présente, avec les mêmes occupations et les mêmes divertissements. Les anciens Romains avaient donc l’habitude, et beaucoup d’autres nations l’avaient comme eux, de déposer dans les tombes de leurs chers défunts les outils, les ornements et même les jouets, qui leur avaient servi pendant leur vie. Il est possible que la force de l’habitude ait amené les premiers chrétiens à en faire autant. Toutefois il semble plus naturel d’admettre que les tombes, où de pareils objets ont été trouvés, sont d’une époque plus récente, pendant laquelle les persécutions avaient cessé et l’admission des païens était devenue à la fois beaucoup plus grande et beaucoup plus facile.
Dans les tombes de femmes, on a trouvé de nombreux objets de toilette et d’ornement : des miroirs, des peignes, des épingles à cheveux, des épingles d’ivoire, des vinaigrettes, des bracelets, des colliers, des boucles d’oreille, des broches, des bagues et des cachets, des boutons de différents genres. Dans les tombes d’enfants, de petites cloches de bronze, des tire-lire en terre cuite, des souris en métal et en terre, et des poupées d’os ou d’ivoire. On a également trouvé, dans les loculi, des manches de couteau en ivoire, des têtes de clous, des dés, des poids en pierre et des petits poissons de verre portant des nombres gravés ; ou encore les outils, et les instruments nécessaires aux différents métiers, et une infinité de lampes en bronze, en terre cuite, etc., la plupart portant le monogramme du Christ. En outre, on trouve quelquefois des coupes et des vases de verre, qui paraissent avoir contenu un liquide rouge, qu’on suppose avoir été le vin de l’Eucharistie.
Les tombes ne tardèrent pas à recevoir des inscriptions et à être embellies, peu à peu, à l’aide de peintures et de sculptures. Ces inscriptions n’ont pas le caractère uniforme qu’on remarque généralement dans celles de nos cimetières. Quelques-unes ne contiennent que le nom d’un défunt ; d’autres portent en outre des paroles de foi et d’espérance ; d’autres enfin n’ont que ce seul mot : Paix, dont le sens profond n’a pas besoin d’être relevé et qui donne la note dominante de toutes les inscriptions. Les plus anciennes sont en grec ; parfois même les inscriptions latines sont en caractères grecs. Sur quelques tombes on a gravé des images au lieu de mots. Par exemple, des emblèmes de la foi chrétienne : la branche de palmier, la colombe, l’ancrea, le vaisseau cinglant vers le ciel, le poisson et surtout le Bon Berger ; ou encore, des symboles de l’occupation du défunt ; ou enfin des scènes tirées de l’Ancien ou du Nouveau Testament.
a – L’ancre indiquait le terme d’une vie bien employée, la fin d’un. heureux voyage. Maitland, Church in the Catacombs, p. 173.
L’emblème du bon berger, qui paraît à première vue si essentiellement chrétien, a pourtant une origine classique. Il vient de Grèce et a été adopté par les Romains. On trouve dans le tombeau des Nasons, éminente famille romaine, et au milieu de sujets mythologiques, la figure d’un berger, ayant un agneau sur les épaules, une houlette a la main, et les quatre saisons autour de lui. Rien de plus facile que de transformer cela en une représentation du Bon Berger. Une peinture des catacombes représente le berger habillé à la romaine, et portant à la main la flûte de Pan. Maitland, Church in the Catacombs, 255,258.
On trouve, sur un certain nombre de tombes, à la fois des images et des inscriptions. Parmi celles-ci, qu’elles soient creusées dans la pierre ou le plâtre, ou peintes sur la tuile qui fermait le loculus, les plus anciennes sont à la fois les plus courtes et les plus simples. Mais à mesure que l’Église croit en importance, et surtout à partir du moment de son union avec l’État sous Constantin, elles deviennent plus longues et plus élogieuses.
On a déployé, pour fixer la date des tombes, une grande et laborieuse érudition. La date de celles qui portent les noms des consuls en fonctions peut être facilement déterminée ; celle de quelques autres peut l’être à peu près sûrement par induction et analogie ; mais il règne pour un très grand nombre d’autres beaucoup d’incertitude.
Nous donnons, comme exemples, quelques inscriptions. Elles sont tirées de la collection bien connue du Musée de Latran, et reproduites d’après les photographies de Parker. La plupart sont postérieures à l’an 200. Il est probable, cependant, qu’un certain nombre des plus brèves sont antérieures à cette époque. Elles appartiennent donc à la période que nous étudions.
On a donné à l’une des inscriptions découvertes la date bien ancienne de 72. — Quelques inscriptions peuvent être attribuées avec certitude au iie siècle. L’épitaphe de Marius qui aurait remonté au règne d’Adrien, et celle d’Alexandre contenant le nom d’Antonin le Pieux, sont considérées aujourd’hui comme apocryphes. Northcote, Epitaphs of the Catacombs, 1878, p. 32.
Planche A.
IIe à IVe siècles
- Lucillaa, in pace. Lucilla, en paix. Les symboles sont une forme ancienne de la croix, et le monogramme du Christ composé des deux premières lettres de l’alphabet grec, iiie siècle.
- Vrsina, vibes Deo. Ursina, tu vivras en Dieu. Le b pour le v.
- Regina, vibas in Domino Zesu. Regina, puisses-tu vivre en Jésus. Z pour J. A droite et à gauche une branche de palmier.
- Favstina dvlcis, bibas in Deo. Douce Faustina, puisses-tu vivre en Dieu..
- Agape vibes in eternvm. Agape, tu vivras éternellement. Avec une feuille d’olivier.
- Ευρηνη τη ψυχη σου Οξυχολει. Paix à ton âme, Oxycholis !
- Une branche d’olivier autour des mots : In pace. L’inscription est : Avrelio Felici qvi bibit cvm coivge annos xviii dvlcis, in coivgio bone memorie bixit annos lv raptvs eterne domvs xii kal. Ienvariasb. A Aurélius Félix qui a vécu dix-huit ans avec son épouse dans l’union la plus douce ; de bonne mémoire ; il a vécu cinquante-cinq ans. Enlevé pour sa demeure éternelle le 21 décembre. — iiie ou ive siècle.
- Sanctæ dvlcissimæ conivgi Felicitati cvivs indvstria vel conservantia dificile invenire poterit qvæ vixit an. xxxv dep. in pace die v. nonas ivl. Avsonius Olibrio conss. A ma sainte et très douce épouse, Félicitas, dont il serait difficile d’égaler l’activité et la frugalité. Elle a vécu trente-cinq ans. Elle a été déposée ici en paix le 3 juillet, ausonius et olibrius étant consuls. a. d. 379.
- Refrigera Devs anima Ho… Rafraîchis, ô Dieu, l’âme de… Pour le sens de cette prière, voy. IIe partie, ch. 16.
- à 16. Divers emblèmes chrétiens. — Au 11 le poisson, ἰχθύς est dit au lieu d’être peint. Par suite d’une erreur, le graveur a mis un κ au lieu d’un χ. Voici l’inscription : Bono et innocenti filio Pastori q. v. an. iiii, m. v. d. xxvi. Vitalio et Marcellina Parent. A notre bon et innocent fils Pastor, qui a vécu quatre ans cinq mois et vingt-six jours, Vitalio et Marcellina, ses parents.
- On voit sur cette tombe le monogramme du Christ inscrit dans un cercle. De chaque côté l’alpha et l’oméga par allusion à Apoc.1.8,11, etc. Ces mêmes signes se trouvent sur la face interne du no 8 et on assigne aux deux la même époque. Sed quære.
b – Le lecteur n’a pas besoin d’être averti qu’il ne doit point chercher ici la correction grammaticale.
Planche B.
- Ælia Bictorina posvit Avreliæ Probae. A Aurelia Proba, Ælia Victorina. Le paon était un emblème de l’immortalité. — iiie ou ive siècle.
- On n’a pas pu arriver à rétablir cette inscription dans son entier. Hic est positvs Bitalis Pistor nna s hic es rs xii. qvi bicsit ap nvs pl. minvs n xlv, depositvs in pace i natale domnes Sitiretis tertivm idvs Febb consvlatvm Fi. Vincentivvs conss. Ici repose Vitalis, boulanger ; de la 12e région [de la ville de Rome], qui a vécu quarante-cinq ans, ou environ, et a été inhumé en paix, le jour anniversaire de S. Sitiretis, le 11 février. Flavius Vincentius consul. Au-dessous le modius ou boisseau romain. Cette tombe date de l’an 401.
- à 13. Emblèmes de diverses professions : maçon, cardeur de laine, tonnelier, forgeron, chirurgien, etc. [es premiers explorateurs, croyant que toutes les tombes renfermaient des restes de martyrs (c’est encore l’opinion courante à Rome), croyaient que tous ces outils représentaient des instruments de torture.]
- Avr Venerando nvm qvi vixit ann. xxxv Atilia Valentina fecit marito benemerenti ; in pace. A Aur. Venerandus, changeur, qui a vécu trente-cinq ans. Attilia valentina à son époux bien méritant. In pace. L’épithète bien méritant se rencontre très fréquemment. — iiie ou ive siècle.
- Maximinvs qvi vixit annos xxiii amievs omnivm. Maximinus a vécu vingt-trois ans. il était l’ami de tous.. — iiie ou ive siècle.
Planche C.
- Cassane Vitalloni alvmno benemerenti qui vixit annos xxi. A Casseanus Vitallonius, mon élève bien méritant, qui a vécu vingt et un ans. — iiie ou ive siècle.
- Felici filio benemerenti qvi vixit annos xxiii dies x qvi evixit virgo de saecvlo et neofitvs ; in pace. Parentes fecervnt. Dep. iii. nonas Aug. A Félix, leur fils bien méritant, qui a vécu vingt-trois ans et dix jours ; qui a quitté ce monde étant vierge et néophyte. In pace. Ses parents. Enseveli le 2 août.
- à 8. Principalement des sujets empruntés à la Bible. Μουσνς ζων εποιησεν ατων και τη γυνεκι. Moïse, de son vivant, a préparé ceci pour lui et pour sa femme. Accompagné de l’emblème du Bon Berger. On ignore ce que représente la femme ; peut-être l’Église, l’épouse du Christ. — iiie siècle.
- Bictorina in pace et in Christo (le monogramme). Victorina dans la paix et en Christ. On suppose que l’objet représenté est un modius, comme au no 2 de la planche B.
- Cinq scènes bibliques : le Bon Berger ; l’Arche de Noé ; la tentation d’Adam et d’Eve ; Elisée à la charrue (?) ; Daniel avec les lions. Plus les mots suivants : Vipas Pontiz in ae[t]erno. Pontius, puisses-tu vivre éternellement. — iiie siècle.
- Un vaisseau et un phare. Firmia Victora qve vixit annis lxv. Fibmia Victora, qui a vécu soixante-cinq ans.
- Asellv benemerenti qui vicxit annv sex mesis octo dies xxiii. Au bien méritant Asellus, qui a vécu six ans, huit mois et vingt-trois jours. Avec les bustes des apôtres Pierre et Paul. iiie ou ive siècle.
- Cette très intéressante épitaphe présente quelques obscurités. Le Bon Berger, avec la brebis sur ses épaules, à l’abri du dragon et du lion, indique la délivrance spirituelle qu’exprime le mot vainqueurs dans l’inscription. Ceux qui triomphèrent, les Veratii, étaient peut être deux frères martyrs, époux de Julia et d’Onesima, et fils de Lazaria, à qui ce monument fut élevé par ces pieuses femmes. L’inscription se termine par cet aphorisme : ainsi est la vie. La voici : Βηρατιους νικατορας Λαζαριη και Ιουλιη και Ονησιμη κον φιλιους Βενεμερεντες Ο Βιος ταυτα — iiie siècle.
- Le Bon Berger. Fragment. La fin de l’inscription est : In pace.
- Pontivs Leo se bivo fecit si et Pontia Maza cozvs vzvs fecervnt filio suo Apollinari benemerenti. Pontius Léo a préparé ceci pour lui pendant sa vie ; de même Pontia Maza (ou Maxima) son épouse. Ils l’ont fait pour Apollinaris, leur fils bien méritant. L’image du lion est une allusion au nom. — iiie ou ive siècle.
Il y a fort peu d’épitaphes indiquant les tombes de martyrs et remontant à l’époque même de la persécution. Comme l’a fort justement fait remarquer un érudit français, les ossements des martyrs sont les seuls restes de ces héros de la foi, même dans leurs sépulcres. Quelques coupes, quelques fragments de verre, des objets rappelant leur profession, ou des symboles de leur foi, voilà tout ce qui a survécu de leur vie et de leur mort. A ne considérer que les catacombes, on pourrait supposer que les persécutions n’y comptèrent point de victimes, tant on a évité de faire allusion à leurs souffrancesc.
c – Raoul Rochette, Tableau des Catacombes, 194. Cité par Maitland, Church in the Catacombs, 151.
Il reste cependant quelques inscriptions authentiques de ce genre. Ainsi :
Lannus, martyr de Christ, repose ici. Il souffrit sous Dioclétien. Le sépulcre est aussi pour ses descendants.
Ci-gît dans la paix, Gordianus, de la Gaule, messager, mis à mort pour sa foi avec sa famille entière. Théophila, servante, a fait ceci.
Primitias repose en paix. Après avoir souffert bien des maux, il supporta courageusement le martyre, à l’âge de trente-huit ans. Sa femme a fait ceci pour le plus doux et le mieux méritant des maris.
Nous avons déjà fait remarquer que les païens et les Juifs se servaient également des catacombes pour y inhumer leurs morts.
Quelques-unes des inscriptions païennes témoignent d’un grand bonheur conjugal, ou expriment ces affections naturelles, dont la chute ne nous a pas entièrement dépouillés, mais qui, sans Christ, ne dépassent pas la tombe.
Voici, par exemple, ce que disent des maris restés veufs :
Elle n’a jamais dit à son mari des paroles désobligeantes. La première faute qu’elle a commise a été de mourir. Quoique morte, elle est toujours vivante pour moi, et restera toujours excellente à mes yeux.
Un affranchi met cette épitaphe, respirant la plus sincère amitié, sur la tombe d’un autre :
Aulus Memmius Urbanus à Aulus Hemmius Clarus, le plus cher de mes compagnons d’affranchissement. Jamais il n’y a eu la moindre querelle entre nous. J’en appelle, dans cette épitaphe, aux dieux supérieurs et inférieurs, pour confirmer mon dire. Nous nous sommes rencontrés pour la première fois sur le marché aux esclaves ; plus tard, nous avons reçu la liberté dans la même maison. Seul, ce jour fatal a pu nous séparer !
L’inscription suivante est pleine d’émotion :
Adieu, adieu ! ô toi, la plus douce. Pour toujours et éternellement, adieu !
Mais ces rayons de l’affection naturelle étaient trop faibles pour dissiper l’obscurité qui enveloppait le monde païen. Les épitaphes païennes expriment les pensées d’hommes n’ayant ni espérance, ni Dieu dans le monde. Les unes sont épicuriennes, d’autres cyniques ou sceptiques ; d’autres orgueilleuses ; d’autres, enfin, respirent le désespoir ou la défiance. Ainsi :
La fortune fait beaucoup de promesses et n’en tient aucune ; vis donc pour le jour, pour l’heure présente. Rien d’autre ne t’appartient réellement.
J’ai cherché le gain toute ma vie, et toujours j’ai perdu. Maintenant la mort est venue et je ne puis plus faire ni l’un, ni l’autre. Toi qui lis ces lignes, je souhaite que tu vives heureux.
J’ai vécu comme j’ai voulu, mais je ne sais pourquoi je suis mort.
Ici reposent les ossements de Nicen. Vous qui vivez sur la terre, vivez bien, adieu. Et vous, ombres, salut ! recevez Nicen !
J’ai été pieux et saint ; j’ai vécu aussi longtemps que je l’ai pu ; je n’ai eu ni procès, ni querelles, ni dettes de jeu ou autres. Toujours j’ai été fidèle à mes amis et, si ma fortune a été modeste, mon âme a été grande.
A un moment donné, je n’étais pas encore ; maintenant, je ne suis plus. Comment tout cela se fait-il ? je n’en sais rien et ne m’en inquiète point.
Notre enfant était toute notre espérance ; aujourd’hui nous n’avons plus que des cendres et des gémissements.
Voici l’épitaphe d’une jeune dame :
Je lève mes mains (et le sujet sculpté représente des mains levées) contre Dieu, qui m’a ôtée de ce monde à vingt ans, quoique je n’eusse fait aucun mal.
Caïus Julius Maximus mort dans sa deuxième année au cinquième mois. O sombre destin, qui trouves ton plaisir dans l’affreuse mort ! pourquoi mon Maximus aimé, qui hier encore reposait sur mon sein, m’a-t-il été si subitement arraché ? Et maintenant, ô mère, regarde cette pierre ; elle couvre sa tombe !
Comme contraste, citons une dernière épitaphe. Le nom et l’âge sont effacés. Mais la foi a enlevé à la mort son aiguillon, au sépulcre sa victoire.
Béni soit le nom du Seigneur qui avait donné et qui a repris… Il a vécu… et a terminé sa vie dans la paixd.
d – Northcote, Epitaphs of the Catacombs, 59-72. Maitland, 42.