1.[1] Pendant ce temps. Antigone assiégeait les réfugiés de Masada. Bien pourvus de tout le reste, l'eau leur faisait défaut. Aussi Joseph, frère d'Hérode, résolut-il de fuir, avec deux cents compagnons, chez les Arabes, apprenant que Malichos s'était repenti de son injuste conduite à l'égard d'Hérode. Au moment où il allait quitter la place, la nuit même du départ, la pluie tomba en abondance ; les citernes se trouvèrent remplies, et Joseph ne jugea plus la fuite nécessaire. Dès ce moment la garnison prit l'offensive contre les soldats d'Antigone et, soit à découvert soit dans des embuscades, en tua un très grand nombre. Toutefois ses sorties ne furent pas toujours heureuses ; plus d'une fois, elle fut battue et repoussée.
[1] Sections 1.6 Ant,. XIV, 14, 6 à 15, 3.
2. A ce moment Ventidius, général romain, qui avait été envoyé pour chasser les Parthes de Syrie, passa à leur poursuite en Judée, sous prétexte de secourir Joseph et sa troupe, mais en réalité pour tirer de l'argent d'Antigone. Il campa donc tout près de Jérusalem et, quand il fut gorgé d'or, partit en personne avec la plus grande partie de son armée, laissant derrière lui Silo et quelques troupes ; il eût craint, en les emmenant toutes, de mettre son trafic en évidence, de son côté, Antigone, espérant que les Parthes lui fourniraient encore des secours, continuait néanmoins à flatter Silo, pour l'empêcher de déranger ses affaires.
3. Mais déjà Hérode, après avoir navigué d'Italie à Ptolémaïs et rassemblé une armée assez considérable de compatriotes et d'étrangers, s'avançait contre Antigone à travers la Galilée, aidé de Ventidius et de Silo, que Dellius, envoyé par Antoine, avait décidés à ramener Hérode. Ventidius était alors occupé à pacifier les villes troublées par les Parthes ; Silo séjournait en Judée, où il se laissait corrompre par Antigone. Cependant les forces d'Hérode n'étaient pas médiocres ; à mesure qu'il s'avançait, il voyait augmenter journellement l'effectif de son armée ; toute la Galilée, à peu d'exceptions près, se joignit à lui. L'entreprise la plus pressante était celle de Masada, dont il devait avant tout faire lever le siège pour sauver ses proches ; mais on était arrêté par l'obstacle de Joppé. Cette ville était hostile, et il fallait d'abord l'enlever pour ne pas laisser derrière soi, en marchant sur Jérusalem, une place d'armes aux ennemis. Silo se joignit volontiers à Hérode, ayant trouvé là un prétexte à sa défection, mais les Juifs le poursuivirent et le serrèrent de près. Hérode avec une petite troupe court les attaquer et les met bientôt en fuite, sauvant Silo, qui se trouvait en mauvaise posture.
4. Ensuite il s'empara de Joppé et se dirigea à marches forcées vers Masada pour sauver ses amis. Les indigènes venaient à lui, entraînés les uns par un vieil attachement à son père, d'autres par sa propre renommée, d'autres encore par la reconnaissance pour les services du père et du fils, le plus grand nombre par l'espérance qui s'attachait à un roi d'une autorité déjà assurée ; c'est ainsi que s'assemblait une armée difficile à battre[2]. Antigone essaya de l'arrêter dans sa marche en plaçant des embuscades aux passages favorables, mais elles ne causaient aux ennemis que peu ou point de dommage. Hérode recouvra sans difficulté ses amis de Masada et la forteresse de Thrésa, puis marcha sur Jérusalem : il fut rejoint par le corps de Silo et par un grand nombre de citoyens de la ville, qu'effrayait la force de son armée.
[2] Nous lisons avec Naber δυσνίκητος (mss. δυσκίνητος.)
5. Il posta son camp sur le flanc ouest de la ville. Les gardes placés de ce côté le harcelèrent à coups de flèches et de javelots, tandis que d'autres, formés en pelotons, dirigeaient de brusques sorties contre ses avant-postes. Tout d'abord, Hérode fit promener un héraut autour des murailles, proclamant qu'il venait pour le bien du peuple et le salut de la cité, qu'il ne se vengerait pas même de ses ennemis déclarés et qu'il accorderait l'amnistie aux plus hostiles. Mais comme les exhortations contraires des amis d'Antigone empêchaient les gens d'entendre les proclamations et de changer de sentiment, Hérode ordonna à ses soldats de combattre les ennemis qui occupaient les murailles ; en conséquence ils tirèrent sur eux et les chassèrent bientôt tous de leurs tours.
6. C'est alors que Silo montra bien qu'il s'était laissé corrompre. A son instigation, un grand nombre de soldats se plaignirent à grands cris de manquer du nécessaire ; ils réclamaient de l'argent pour acheter des vivres et demandaient qu'on les emmenât prendre leurs quartiers d'hiver dans des endroits favorables, car les environs de la ville étaient vidés par les troupes d'Antigone qui s'y étaient déjà approvisionnées. Là-dessus il mit son camp en mouvement et fit mine de se retirer. Hérode alla trouver les chefs, placés sous les ordres de Silo, et aussi les soldats en corps, les suppliant de ne pas l'abandonner, lui que patronnaient César, Antoine et le Sénat : il ferait, dès ce jour même, cesser la disette. Après ces prières, il se mit lui-même en campagne dans le plat pays et ramena une assez grande abondance de vivres pour couper tout prétexte à Silo ; puis, voulant pour l'avenir assurer le ravitaillement, il manda aux habitants de Samarie, qui s'étaient déclarés pour lui, de conduire à Jéricho du blé, du vin, de l'huile et du bétail. A cette nouvelle, Antigone envoya dans le pays des messagers pour répandre l'ordre d'arrêter les convoyeurs et de leur tendre des embûches. Les habitants obéirent, et une grosse troupe d'hommes en armes se rassembla au-dessus de Jéricho ; ils se postèrent sur les montagnes, guettant les convois de vivres. Cependant Hérode ne restait pas inactif : il prit dix cohortes, dont cinq de Romains et cinq de Juifs, mêlées de mercenaires, avec un petit nombre de cavaliers ; à la tête de ce détachement il marcha sur Jéricho. Il trouva la ville abandonnée et les hauteurs[3] occupées par cinq cents hommes avec leurs femmes et leurs enfants, il les fit prisonniers, puis les renvoya, tandis que les Romains envahissaient et pillaient le reste de la ville, où ils trouvèrent des maisons remplies de toutes sortes de biens. Le roi revint, laissant une garnison à Jéricho ; il envoya l'armée romaine prendre ses quartiers d'hiver dans des contrées dont il avait reçu la soumission, Idumée, Galilée, Samarie. De son côté, Antigone obtint, en achetant Silo, de pouvoir loger une partie de l'armée romaine à Lydda ; il faisait ainsi sa cour à Antoine.
[3] τὰ ἄκρα. On serait tenté de lire τὴν ἄκραν « la citadelle » ; mais Ant. § 410, a aussi ἄκρα.