Ainsi donc nous étudierons la théologie de l’A. T. comme on étudie un organisme qui a une histoire, qui s’est développé successivement et qu’on cherche à connaître dans ses différents degrés de croissance. Si vous le permettez, nous dirons en deux mots que nous suivrons la méthode historico-génétique.
Nous aurons à tout moment recours à l’exégèse, mais à une exégèse historique, et non pas seulement grammaticale ; à une exégèse qui ne se contente pas de consulter les règles du langage, mais qui tient compte aussi des circonstances au milieu desquelles vivaient les auteurs des divers livres qui composent l’A. T. Il faut même parfois, comme par exemple pour les Psaumes et le livre de Job, que l’exégèse devienne psychologique, c’est-à-dire qu’elle cherche à bien saisir le caractère et la disposition d’esprit de l’auteur, ce qui ne peut avoir lieu que dans la mesure où l’on est animé de l’esprit qui a inspiré les écrivains sacrés, et où l’on a fait les expériences qu’ils ont faites eux-mêmes.
Autre remarque : il ne faut pas se contenter de chercher à bien comprendre certaines paroles isolées. Si la Théologie biblique a été si longtemps dans un état d’infériorité marquée vis-à-vis des autres branches de la théologie, cela vient principalement de ce que l’on s’est pendant tant de siècles contenté d’étudier certains passages auxquels il était bien facile, une fois qu’on les avait ainsi sortis de leur contexte, de faire dire ce qu’on voulait. Il faut tenir compte de l’idée fondamentale du livre, du caractère de l’auteur, de son système, de ses pensées favorites, de celles qui avaient cours au temps où il vivait. Ce n’est que sur cette voie qu’on parviendra à comprendre les diverses formes que revêt successivement la révélation.
Il ne faut pourtant pas en rester à la description particulière de ces diverses formes ; la Théologie biblique ne doit jamais perdre de vue qu’elle a pour domaine la révélation dans toute son étendue ; elle ne doit jamais oublier que les phases par lesquelles a passé la révélation sont, pour ainsi dire, les membres d’un seul et même corps. Et comme un corps ne peut être bien étudié que quand il a atteint toute sa croissance, — comme une évolution historique ne peut être bien appréciée que quand elle est achevée, — la Théologie de l’A. T. aura soin de profiter de la lumière que l’apparition du Seigneur jette sur toute l’alliance préparatoire.
Il y a une manière toute extérieure de procéder dans l’étude de l’A. T. : on le prend livre après livre et on se contente de signaler l’apparition successive de nouvelles idées qui viennent compléter ou rectifier les anciennes ; il y a une manie de dogmatiser qui fait que l’on traite l’A. T. comme une liasse de lettres, qu’il s’agit de trier et de mettre chacune dans la case qui lui convient ; il y a une prétendue philosophie qui fait violence à l’A. T., et qui le critique jusqu’à ce qu’il se plie à toutes les exigences d’un système particulier. La méthode génétique — sans vouloir trouver un fruit mûr là où il n’y a qu’un germe, — se contente de montrer comment du germe est sorti le fruit, comment des degrés inférieurs de la révélation il pouvait et devait procéder quelque chose de mieux ; — elle cherche à exposer tout simplement comment s’est accompli en réalité le passage du germe au fruit.
De Wette, dans son écrit sur « les Psaumes au point de vue de l’édification », prétend que la Théologie de l’A. T. ne peut pas s’occuper de l’élément chrétien, qui se trouve par anticipation dans les livres de l’ancienne alliance ; que c’est là quelque chose de tout-à-fait indéterminé, de flottant, qui ne peut pas être l’objet d’une étude scientifique. — Mais qui donc soutiendra, par exemple, que l’idée qui forme le lien intime des divers systèmes de philosophie grecque et qui constitue leur âme, soit quelque chose de vague et d’indéterminé, qui ne puisse pas être l’objet d’une étude scientifique ? L’histoire de la philosophie n’a-t-elle pas précisément pour tâche de chercher l’idée commune qui préside aux divers systèmes qu’elle doit passer en revue ? Il est vrai que plus un penseur est éloigné du point où l’on pourra dire que la philosophie aura atteint son apogée, moins il a conscience du rôle qu’il joue dans l’ensemble du développement philosophique. Ce ne sera pourtant pas faire violence à son système, — ce sera lui rendre tout simplement justice, — que de lui assigner une place dans l’organisme général, et que d’expliquer ses idées à la lumière des systèmes qui ont précédé et qui ont suivi le sien. — Eh bien ! c’est précisément là le droit que nous revendiquons pour la Théologie de l’A. T. Il ne s’agit pas de prêter aux écrivains sacrés des connaissances qu’ils ne possédaient pas, mais il faut prendre ce qu’ils savaient, ni plus ni moins ; évaluer cette somme de connaissances, et, d’après le résultat de cette évaluation, assigner à chaque auteur son rang dans l’organisme général de la révélation. Les passages bien connus de St. Pierre sur les prophéties (1 Pierre 1.10-12 ; 2 Pierre.1.20), sont là pour nous montrer que les hommes qui ont été les organes de la révélation, n’ont pas eu des desseins de Dieu cette intelligence que peuvent seuls en avoir ceux qui sont parvenus aux derniers temps ; mais nous qui sommes à même d’embrasser dans son ensemble l’histoire de la révélation, pourquoi renoncerions-nous gratuitement à cet avantagej » ?
j – Après avoir répondu à l’objection de de Wette, je reconnais pourtant que des exégètes comme Stier et d’autres, qui trouvent dans l’A. T. un second, un troisième et même un quatrième sens à côté du sens historique et grammatical, feraient bien de tenir compte des pensées exprimées dans « les Psaumes au point de vue de l’édification ».