Dieu avait déjà parlé plusieurs fois à Abraham lorsque Sara s’irrita contre Agar : la maîtresse stérile était jalouse de constater la fécondité de sa servante, si bien qu’Agar dut s’éloigner. L’Ecriture nous rapporte alors ceci : « L’Ange du Seigneur dit à Agar : Retourne vers ta maîtresse et humilie-toi sous sa main. Et l’Ange du Seigneur ajouta : Je multiplierai extrêmement ta postérité ; on ne pourra la compter, tant elle sera nombreuse » (Genèse 16.9-10). Et plus loin : « Agar donna au Seigneur qui lui avait parlé ce nom : Tu es le Dieu qui m’a vue » (Genèse 16.13).
C’est l’Ange du Seigneur qui parle. Ce mot : « Ange de Dieu » peut recevoir une double acception : celui qui est (envoyé), ou : celui dont il vient. Or ce dont parle l’Ange est hors de proportion avec ce dont est capable un messager céleste, si l’on donnait ce sens au mot : « Ange de Dieu ». Car il promet : « Je multiplierai extrêmement ta postérité ; on ne pourra la compter, tant elle sera nombreuse. » Le pouvoir de multiplier les nations dépasse la fonction des anges. Mais que dit l’Ecriture de celui qui, appelé : « Ange de Dieu », tient un langage qui est propre à Dieu seul ? « Agar donna au Seigneur qui lui avait parlé ce nom : Tu es le Dieu qui m’a vue ».
On le nomme d’abord : « Ange de Dieu », ensuite : « Seigneur » : « Elle donna ce nom au Seigneur qui lui avait parlé. » Et voilà qu’en troisième lieu, elle l’appelle : « Dieu » : « Tu es le Dieu qui m’a vue ». La même personne qui est appelée « Ange de Dieu », prend aussi le nom de « Seigneur » et « Dieu ». Or le Fils de Dieu est, selon le prophète : « l’Ange du grand conseil »[16] (Ésaïe 9.5). Pour nous permettre de distinguer clairement les personnes, il est appelé : « Ange de Dieu ». Car celui qui est Dieu de Dieu, est aussi : « Ange de Dieu ». Mais pour qu’il reçoive l’honneur qui lui est dû en toute vérité, Il est proclamé également : « Seigneur » et « Dieu ».
[16] Ésaïe 9.5 d’après la traduction des Septante, qui s’éloigne de l’original.
Ici donc, le messager est appelé tout d’abord « Ange », et ensuite : « Seigneur » et « Dieu ». Mais Abraham lui donne uniquement le nom de « Dieu ». En effet, maintenant la distinction des personnes est chose acquise ; on ne risque plus de commettre l’erreur de croire en un Dieu solitaire ; aussi le nom parfait et vrai de Dieu peut-il alors être divulgué. Ainsi est-il écrit : « Dieu dit à Abraham : Voici que Sara, ta femme, t’enfantera un fils ; tu le nommeras Isaac ; et j’établirai mon alliance avec lui comme une alliance perpétuelle, et je la conserverai à ses descendants après lui. En faveur d’Ismaël aussi, je t’ai entendu : je l’ai béni et je le multiplierai extrêmement ; douze nations sortiront de lui, et je ferai de lui un grand peuple » (Genèse 17.19-20).
Pouvons-nous douter que celui qui avait été appelé : « Ange de Dieu » soit à présent celui qui porte le nom de « Dieu » ? Dans ces deux textes, il est question d’Ismaël ; ici et là, sa descendance sera multipliée par la même personne. Et pour éviter le moindre risque de méprise sur l’identité de l’interlocuteur d’Agar, la divine Ecriture confirme qu’il s’agit bien de la même personne qui précise : « Je l’ai béni et je le multiplierai. » Cette bénédiction avait été donnée dans le passé, car jadis, Agar avait déjà entendu cette promesse. Mais cette autre promesse : « Je le multiplierai », concerne l’avenir. Maintenant en effet, Dieu parle à Abraham en faveur d’Ismaël, pour la première fois. En ce passage, c’est Dieu qui parle à Abraham, alors que c’était l’Ange de Dieu qui avait parlé à Agar. Il est donc Dieu, celui qui est aussi « Ange ». Car celui qui est « Ange de Dieu » est Dieu, né de Dieu. On l’appelle : « Ange de Dieu », parce qu’il est « l’Ange du grand conseil » (Is 9,5). Mais il est déclaré Dieu par la suite, ainsi nous n’affirmerons pas de celui qui est Dieu : il n’est qu’un ange.
Résumons les grandes lignes de cet épisode : l’Ange du Seigneur s’adresse à Agar ; Dieu tient à Abraham le même langage. De part et d’autre, c’est le même Dieu qui prend la parole.
Ismaël est béni et reçoit la promesse d’une nombreuse descendance qui deviendra une grande nation.
Par Abraham encore, l’Ecriture nous démontre que c’était bien Dieu qui s’était exprimé dans les textes précédents. Le patriarche reçoit encore la promesse d’un autre fils : Isaac (Genèse 17.19). Puis, par la suite (Genèse 18.1-3) trois hommes s’arrêtent devant lui. Abraham en voit trois, mais il n’en adore qu’un, et il l’appelle : « Seigneur ». L’Ecriture nous le précise : trois hommes sont là, debout devant lui ; mais le patriarche n’ignore pas qui il doit adorer et confesser. L’aspect des trois hommes ici présents était le même, mais il reconnaît son Seigneur par les yeux de la foi et le regard de l’âme.
Et le texte continue : « Et il lui dit : Je reviendrai chez toi à pareille époque, et Sara, ta femme, aura un fils » (Genèse 18.10). Puis le Seigneur lui confie : « Je ne cacherai pas à Abraham, mon fils, ce que je vais faire » (Genèse 18.17). Et plus loin : « Le Seigneur dit : Le cri des habitants de Sodome et de Gomorrhe remplit le ciel, et leur péché est bien grave » (Genèse 18.20). Et plus bas, après un long passage que nous omettons pour être bref, Abraham, craignant de voir les justes périr avec les injustes, s’adresse au Seigneur : « Toi, le juge de la terre, tu n’exécuteras pas cet arrêt ! Et le Seigneur dit : Si je trouve à Sodome cinquante justes dans la ville, je pardonnerai à toute la cité, à cause d’eux » (Genèse 18.25-26). L’Ecriture rapporte ensuite l’épisode qui concerne Lot, le parent d’Abraham, et conclut : « Et Dieu fit pleuvoir sur Sodome et Gomorrhe du souffre et du feu, venant du ciel, par l’action du Seigneur » (Genèse 19.24).
Puis nous trouvons ce texte : « Le Seigneur visita Sara, comme il l’avait annoncé, et Dieu fit pour Sara ce qu’il avait promis. Sara conçut et enfanta un fils à Abraham, dans sa vieillesse, au temps que le Seigneur lui avait marqué » (Genèse 21.1-2). La servante, Agar, est ensuite expulsée avec son fils de la maison d’Abraham, et craint de voir l’enfant mourir de soif dans le désert. Et c’est toujours l’Ecriture qui nous affirme : « Le Seigneur Dieu perçut de loin la voix de l’enfant, là où il était, et l’ange de Dieu appela du ciel Agar, en disant : Qu’as-tu Agar ?
Ne crains pas, car Dieu a entendu les cris du petit, à l’endroit où il se trouve. Debout, relève l’enfant, prends-le par la main, car je ferai de lui une grande nation » (Genèse 21.17-18).
Quelle aveugle perfidie, quel obscurcissement d’un cœur sacs foi, quelle audace impie que d’ignorer ces textes, ou de ne pas en tenir compte, si on les connaît ! N’en doutons pas : ils ont été rapportés et écrits pour que l’erreur ou l’ignorance ne nous empêchent pas de comprendre la vérité. Si ces lignes ne peuvent être passées sous silence, et tel est bien notre enseignement, c’est à coup sûr une faute d’impiété de les nier.
L’ange de Dieu s’adresse tout d’abord à Agar : Ismaël s’accroîtra jusqu’à devenir une grande nation, et une postérité innombrable lui est promise. De sa propre bouche, celle qui reçoit cette promesse nous apprend que son interlocuteur est Seigneur et Dieu (Genèse 16.13). Le récit commence par nous parler de l’ange de Dieu, mais se poursuit en affirmant qu’il s’agit de Dieu. Ainsi celui qui est « Ange de Dieu » avec mission de nous révéler le grand conseil, est également Dieu, par nature et de nom. Le nom correspond à la nature, ce n’est pas à la nature de s’adapter au nom.
Dieu tient à Abraham le même langage : il lui apprend qu’Ismaël est béni et qu’il se multipliera jusqu’à devenir une nation. « Je l’ai béni » assure-t-il. Ainsi, la personne désignée est bien la même : Dieu déclare ici que c’était lui qui avait béni Ismaël. A n’en pas douter, l’Ecriture suit la même démarche qui la conduit du mystère à la révélation claire de la vérité : elle nous parle d’abord de l’ange de Dieu, et ensuite nous montre Dieu lui-même, prononçant des paroles identiques.
Or la parole de Dieu progresse vers un développement harmonieux de son enseignement. Ici, Dieu parle à Abraham, et lui promet que Sara enfantera un fils. Puis trois hommes s’arrêtent devant le patriarche, assis à l’entrée de sa tente ; il en adore un et le reconnaît comme le Seigneur. Celui qu’il adore et reconnaît lui promet de revenir à la même époque et lui annonce que Sara aura alors un fils, ce fils que Dieu avait fait espérer à Abraham. Ainsi, cette même promesse, donnée jadis par Dieu, sort maintenant de la bouche de cet homme que voit Abraham. Seul, le nom donné au personnage change, mais la foi du patriarche ne varie pas. Abraham voit un homme, et pourtant il adore le Seigneur[17] Il pressent le mystère de sa venue future dans un corps. Une telle foi a été reconnue, car le Seigneur affirme dans l’Evangile : « Abraham, votre père, a tressailli de joie à la pensée de voir mon jour. Il l’a vu et s’en est réjoui » (Jean 8.56).
[17] Abraham a compris qu’il s’agissait du Fils qui allait s’incarner. Tertullien, de carn. Christi, 6.
L’homme que voit le patriarche lui promet donc de revenir à la même époque. Regarde, la promesse s’accomplit ! Souviens-toi pourtant que c’était un homme qui l’avait faite. Que nous dit l’Ecriture ? « Et le Seigneur visita Sara » (Genèse 21.1). Cet homme était donc le Seigneur qui donna suite à sa promesse. Quelle est la fin du verset ? « Et Dieu accomplit pour Sara ce qu’il avait promis » (Genèse 21.1). Lorsqu’il s’entretient avec Abraham, on l’appelle : « homme » ; il visite Sara, on le désigne sous le nom de : « Seigneur » ; il accomplit la merveille, on le proclame : « Dieu ». A coup sûr, tu n’ignores pas que c’est un homme qui a parlé : il s’est fait voir à Abraham et a conversé avec lui. Comment ne reconnais-tu pas qu’il est Dieu ? La même Ecriture qui l’avait appelé : « homme », le proclame maintenant : « Dieu ». Elle dit en effet : « Sara conçut et enfanta à Abraham un fils dans sa vieillesse, au temps marqué, comme Dieu le lui avait annoncé » (Genèse 21.2).
Mais c’est un homme qui s’était entretenu avec le patriarche et lui avait promis de revenir ! Eh bien, crois qu’il ne s’agissait que d’un homme, si par sa venue, il ne prouvait pas qu’il est aussi : « Dieu » et « Seigneur ». Mets en parallèle ces deux promesses : c’est un homme ; aussi reviendra-t-il, à supposer que Sara conçoive et enfante. Fais intervenir ta foi : c’est le Seigneur et c’est Dieu : aussi vient-il pour que Sara puisse concevoir et enfanter. Un homme promet, de par la puissance de Dieu ; l’accomplissement de cette promesse prouve qu’il est Dieu de Dieu. Ainsi donc, Dieu se révèle à la fois par sa parole et par son action.
Puis, sur les trois hommes apparus à Abraham, deux s’en vont ; en fait, celui qui demeure, c’est le Seigneur, c’est Dieu. Or Il est non seulement Seigneur et Dieu, mais Il est aussi Juge. Car Abraham se tint face au Seigneur et dit : « Mais non, tu n’accompliras pas un tel dessein, tu ne feras pas mourir le juste avec l’impie, il n’en sera pas du juste comme du coupable ! Toi qui juges toute la terre, tu n’exécuteras pas cette sentence ! » (Genèse 18.25).
En tout ce récit, Abraham nous apprend quelle est la foi qui le justifie : parmi les trois hommes qui lui apparaissent, il reconnaît le Seigneur, il n’adore que lui seul et le proclame : Seigneur et Juge.
Peut-être penseras-tu que l’honneur rendu par cette proclamation d’un seul Seigneur rejaillit sur les trois hommes qu’Abraham a vu ensemble. Remarque la parole que Lot adresse aux deux visiteurs qui avaient quitté Abraham : « Et les voyant, Lot se leva pour aller au-devant d’eux ; il se prosterna contre terre et il dit : Je vous en prie, mes seigneurs, veuillez entrer dans la maison de votre serviteur » (Genèse 19.1-2). Ici, l’emploi du pluriel : « seigneurs » nous avertit qu’il ne s’agit que d’une simple vision d’anges, alors que là-bas, la foi du patriarche rendait honneur à un seul. A présent, le récit de la divine Ecriture le souligne : sur les trois voyageurs, deux n’étaient que des anges. Plus haut, il nous précisait que le troisième était Seigneur et Dieu.
En effet, le texte continuait : « Et le Seigneur dit à Abraham : Pourquoi Sara a-t-elle ri en disant : Vraiment, vais-je encore enfanter alors que je suis vieille ? Y a-t-il rien qui soit impossible à Dieu ? Plus tard, à cette saison, je reviendrai vers toi, et Sara aura un fils » (Genèse 18.13-14). L’Ecriture conserve donc l’ordre qu’exige la vérité : elle n’emploie pas le pluriel là où il s’agit de quelqu’un qui est reconnu comme Seigneur et Dieu, et par ailleurs, elle ne rend pas aux deux anges un honneur qui n’est dû qu’à Dieu. Lot les appelle seigneurs, mais l’Ecriture leur donne le nom d’anges. Là, c’est une marque d’honneur rendue par un homme, ici, c’est la proclamation de la vérité.
Et maintenant s’abat sur Sodome et sur Gomorrhe le châtiment d’un juste jugement. Au fait, quelle importance a pour nous ce récit ? « Le Seigneur fit tomber une pluie de soufre et de feu, venant du Seigneur » (Genèse 19.24). Par ces mots : « le Seigneur », « venant du Seigneur », l’Ecriture ne différencie pas, au moyen d’un mot se référant à la nature, ceux qu’elle avait distingués en tant que personnes[18]. Nous lisons en effet, dans l’Evangile : « Le Père ne juge personne, mais Il a remis au Fils tout jugement » (Jean 5.22). Par conséquent, ce que le Seigneur (Père) a donné, le Seigneur (Fils) l’a reçu du Seigneur (Père).
[18] Hilaire force le texte, qui n’affirme nullement ici la double Seigneurie du Fils et du Père.
Mais toi qui as appris à reconnaître ton Juge dans le Seigneur et par le Seigneur, reconnais aussi qu’ils participent tous deux au même nom en Dieu et par Dieu.
Jacob qui s’était enfui par crainte de son frère, vit en songe une échelle. Elle était plantée en terre, son sommet touchait le ciel, des anges de Dieu y montaient et en descendaient. En haut se tenait le Seigneur ; il accordait à Jacob toutes les bénédictions qu’il avait données à Abraham et à Isaac. Au même Jacob, Dieu parla dans la suite, en ces termes : « Dieu dit à Jacob : Debout, monte au lieu appelé : Béthel, et demeures-y ; tu dresseras là un autel au Dieu qui t’est apparu lorsque tu fuyais devant la face de ton frère » (Genèse 35.1). Dieu demande d’honorer Dieu, et ce désir est formulé par une autre personne que celle qui parle, car il précise : « celui qui t’est apparu, lorsque tu fuyais », ceci pour que l’on évite de confondre les personnes. C’est donc Dieu qui parle, et celui dont il parle, c’est Dieu. Quand il s’agit de réclamer un même honneur, l’Ecriture ne différencie pas le nom concernant la nature, alors qu’elle distingue par ailleurs les noms de ceux qui sont des personnes différentes.
Ici encore, j’en suis conscient, il y aurait encore bien d’autres choses à dire pour traiter à fond le sujet. Mais l’ordre de ma réfutation doit s’adapter à la succession des questions soulevées par mes adversaires. C’est pourquoi ce qui est ici laissé de côté sera abordé en son temps, dans le livre suivant[19]. Contentons-nous à présent de parler de Dieu qui demande l’honneur pour Dieu. Nous avons démontré que l’Ange de Dieu qui a conversé avec Agar, est également Seigneur et Dieu, puisqu’il s’est aussi entretenu avec Abraham sur le même sujet. Par ailleurs, l’homme qu’a vu Abraham est Dieu et Seigneur, alors que les deux anges apparus avec le Seigneur et envoyés par lui vers Lot, ne sont que des anges, au témoignage du prophète.
[19] Les mêmes théophanies sont commentées à nouveau dans le livre V, pour prouver que le Fils est non seulement Dieu, mais vrai Dieu.
Or Dieu se présenta sous l’extérieur d’un homme non seulement à Abraham, mais Il vint aussi à Jacob sous cette forme humaine. Et il ne se contenta pas de venir à lui, mais il lutta avec lui, nous dit l’Ecriture. Et non seulement il lutta, mais dans ce corps à corps, son adversaire devint infirme. Ce n’est ici ni le temps ni le lieu de traiter du sens mystérieux de ce combat. Tenons pour certain qu’il s’agit de Dieu, puisque Jacob « a été fort contre Dieu « (Genèse 32.29) et qu’Israël voit Dieu.
Voyons maintenant si l’Ange de Dieu ne serait pas reconnu comme étant Dieu dans un autre passage que celui qui concerne Agar. Eh bien oui ! Et non seulement on le reconnaît Dieu, mais on le découvre de plus : Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac et Dieu de Jacob !
Car l’Ange du Seigneur apparaît à Moïse dans le buisson, « le Seigneur l’appela du milieu d’un buisson ». A ton avis, de qui vient cette voix ? Est-ce la voix de celui qui apparaît à Moïse, ou celle de quelqu’un d’autre ? Ici, il n’y a pas à tergiverser ! L’Ecriture nous dit : « L’Ange du Seigneur lui apparut sous la forme d’une flamme de feu, jaillissant du milieu d’un buisson » (Exode 3.2) ; et plus loin : « Le Seigneur l’appela du milieu du buisson : Moïse, Moïse ! Il répondit : Qu’y a-t-il ? Alors le Seigneur lui dit : N’approche pas d’ici, ôte les sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte. Il ajouta : Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob » (Exode 3.4-6).
C’est donc celui qui apparaît dans le buisson, qui parle du milieu de ce buisson. Vision et voix viennent du même lieu. Moïse entend celui qu’il voit et personne d’autre. L’être qu’il voit sous la forme de « l’Ange de Dieu » est également « Seigneur » quand il entend sa voix. Et qui plus est, ce même Seigneur dont il perçoit la voix, est reconnu ensuite comme Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Ce nom d’« Ange de Dieu » montre assez que cet être est en relation avec un autre et qu’il n’est pas seul, car il est l’envoyé de Dieu. Lorsqu’on l’appelle « Seigneur » et « Dieu », il reçoit par ce nom l’honneur qui est dû à sa nature. Sois-en sûr : l’Ange qui est apparu dans le buisson est : « Seigneur » et « Dieu ».
Parcours rapidement les témoignages donnés par Moïse et vois s’il néglige quelque occasion d’affirmer le Fils : Seigneur et Dieu. Tu m’as avancé ce passage : « Ecoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est un » (Deutéronome 6.4). Enregistre maintenant les paroles de ce cantique divin : « Voyez, voyez que je suis le Seigneur et il n’y a pas de Dieu à côté de moi ! » (Deutéronome 32.39). Et puisque, jusqu’à la fin du cantique, chaque verset s’applique à la personne de Dieu (Fils), il se termine par ces mots : « Réjouissez-vous, cieux, avec lui, et que tous les fils de Dieu l’adorent. Exultez, nations, avec tout son peuple, et que tous les anges de Dieu l’honorent ! » (Deutéronome 32.43).
Les anges de Dieu doivent donc honorer Dieu parce qu’il dit : « Je suis le Seigneur et il n’y en a pas d’autre à côté de moi ! » Il est en effet le Dieu Fils unique ; son nom de Fils unique n’admet pas qu’une autre personne possède cette propriété de Fils, de même que l’Innascible[20], en tant qu’Innascible, ne partage pas avec un autre ce titre de Père Innascible. Le Fils est donc l’Unique de l’Unique. Il n’y a pas d’autre Dieu Innascible que le Dieu Innascible ; il n’y a pas d’autre Dieu engendré que le Dieu engendré comme Fils Unique. Chacune des personnes est unique et seule, selon les attributs d’innascibilité et d’origine qui appartiennent respectivement à l’une et à l’autre. Ainsi, chacun des deux est un seul Dieu, puisque entre l’Unique et l’Unique, c’est-à-dire l’Unique qui procède de l’Unique, il n’y a pas place pour une seconde nature du Dieu éternel.
[20] Qui ne peut naître. « Dieu est innascible. »
Le Fils doit donc être adoré par les fils de Dieu, honoré par les anges de Dieu. Ainsi Dieu demande pour Dieu honneur et vénération de la part des fils de Dieu et des anges.
Remarque qui doit être honoré, et par qui Il doit l’être : Dieu doit être honoré, par les fils de Dieu et par les anges. Mais peut-être t’imagineras-tu que cet honneur n’est pas demandé pour un Dieu de même nature que le Père, et jugeras-tu qu’en ce passage, Moïse a en vue l’honneur dû à Dieu le Père, bien qu’à la vérité, le Père doive être honoré dans le Fils.
Eh bien, prête attention à la bénédiction que Dieu accorde à Joseph, à la fin du livre. Il dit en effet : « Que la faveur de celui qui est apparu dans le buisson vienne sur la tête de Joseph et sur son front » (Deutéronome 33.16). Dieu doit donc être adoré par les fils de Dieu, mais il s’agit du Dieu qui est lui-même Fils de Dieu. Dieu doit être honoré par les anges de Dieu, mais il s’agit du Dieu qui est aussi Ange de Dieu : car le Dieu qui est Ange de Dieu apparaît dans le buisson, et la bénédiction accordée à Joseph formule le souhait qu’il reçoive les faveurs qui agréent à ce Dieu. Il est l’Ange de Dieu, soit ! Mais il n’en est pas moins Dieu ; en revanche, le fait d’être Dieu ne saurait l’empêcher d’être l’Ange de Dieu.
En définitive, les personnes divines sont exprimées à notre intelligence ; l’innascibilité et la nativité sont distinguées par notre raison ; l’économie des mystères célestes est évidente. Moïse nous apprend à ne pas concevoir un Dieu solitaire, puisque les anges et les fils de Dieu adoreront un Dieu : Ange et Fils de Dieu.
Telle est notre réponse tirée des livres de Moïse, ou plutôt, telle est la réponse de Moïse lui-même. Car les hérétiques empruntent à cet auteur des passages qui, parce qu’ils proclament l’unité de Dieu, leur semblent insinuer que le Fils de Dieu n’est pas Dieu. C’est donc contre le témoignage de cet écrivain sacré qu’ils tiennent leur langage impie. Même lorsqu’il proclame l’unité de Dieu, Moïse ne laisse pas d’enseigner que le Fils de Dieu est Dieu.
Il nous faut maintenant apporter les multiples assurances des prophètes sur ce même sujet.