(14 janvier)
Hilaire, évêque de Poitiers, originaire de l’Aquitaine, brilla parmi les hommes comme l’étoile Lucifer parmi les astres. Marié, et père d’une fille, il s’était mis, après la naissance de cet enfant, et tout en restant laïc, à mener la vie d’un moine : si bien que, en raison de sa vie et de sa science, il fut élu évêque. Et il défendit contre les hérétiques, non seulement son diocèse, mais la France entière, ce qui ne l’empêcha pas d’être un jour exilé, en compagnie du bienheureux Eusèbe, évêque de Verceil, l’empereur ayant écouté l’avis de deux autres évêques qui avaient été corrompus par l’hérésie d’Arius, ainsi d’ailleurs que l’empereur lui-même. Et lorsque cette hérésie se fut propagée partout, l’empereur ayant permis à tous les évêques de se réunir pour discuter la vérité de la foi, saint Hilaire se rendit à la réunion ; mais lesdits évêques obtinrent de l’empereur l’ordre, pour lui, de retourner aussitôt à Poitiers. Et comme, durant son retour, il était descendu dans l’île Gallinaria [Petite île de la Méditerranée, à quelques centaines de mètres d’Alassio.], qui était toute pleine de serpents, aucun de ces animaux n’osa l’approcher ; et lui, il planta au milieu de l’île un poteau, et défendit aux serpents de le dépasser, de telle sorte que la moitié de l’île fut pour eux non comme une terre, mais comme une mer.
À Poitiers, lorsqu’il y revint, il ressuscita par ses prières un enfant mort sans baptême. Longtemps il resta prosterné, en prière ; et enfin tous deux se relevèrent ensemble, le vieillard, de sa prière, et l’enfant, de la mort. Et comme la fille d’Hilaire, Apia, voulait se marier, son père lui adressa un discours qui la décida à rester dans l’état de virginité. Mais son père, craignant qu’elle ne fléchît un jour dans cette résolution, pria le Seigneur de la rappeler à lui, au lieu de la laisser vivre plus longtemps ; et ainsi fut fait, car, peu de jours après, la jeune fille mourut ; et Hilaire l’ensevelit de ses propres mains. Alors la mère de la bienheureuse Apia pria l’évêque d’obtenir pour elle aussi ce qu’il avait obtenu pour sa fille. Et Hilaire le fit, et par sa prière, l’envoya au ciel.
En ce temps-là, le pape Léon, s’étant laissé corrompre par l’hérésie, convoqua en concile tous les évêques ; et Hilaire, qui n’avait pas été convoqué, vint à ce concile. Alors le pape, apprenant son arrivée, défendit que personne se levât pour lui ni lui fit une place. Et lorsque Hilaire entra, le pape lui dit : « Tu es Hilaire le Gaulois ? » Et lui : « Je ne suis pas Gaulois, mais évêque dans les Gaules. » Et le pape : « Donc tu es Hilaire des Gaules, et moi je suis Léon, évêque et juge suprême, assis sur le siège apostolique ! » Alors Hilaire : « Si tu es Léon (lion), du moins tu n’es pas le lion de la tribu de Juda ; et peut-être es-tu juge, mais certes tu ne juges pas sur le siège divin ! » Alors l’évêque, indigné, se leva, disant : « Attends ici un moment, je vais revenir tout à l’heure, et saurai bien te traiter suivant ton mérite ! » Et Hilaire : « Mais si tu ne reviens pas, qui me répondra pour toi ? » Et lui : « Je reviendrai à l’instant, et verrai à humilier ton orgueil ! » Là-dessus le pape se rendit où l’appelait un besoin naturel, et il fut saisi de dysenterie, et il mourut là misérablement, perdant tous ses boyaux. Cependant Hilaire, voyant que personne ne se levait pour lui faire place, s’assit patiemment à terre, disant : « La terre est à Notre-Seigneur ! » Et aussitôt la terre, à l’endroit où il était assis, s’éleva, de façon qu’Hilaire se trouva au niveau des autres évêques. Et lorsque fut apportée la nouvelle de la mort misérable du pape, Hilaire, se levant, ramena tous les évêques à la foi catholique, et les renvoya dans leurs diocèses. Nous devons toutefois ajouter que ce miracle de la mort du pape Léon reste douteux, car ni l’Histoire ecclésiastique, ni la Tripartite n’en font mention, et aucune chronique ne signale l’existence, à cette époque, d’un pape de ce nom ; et enfin saint Jérôme dit que « la sainte Église romaine est toujours restée immaculée, sans se souiller d’aucune hérésie ». Mais on peut supposer que peut-être ce Léon, sans avoir été élu pape régulièrement, avait usurpé le titre de pape ; ou peut-être encore le nom de Léon n’était-il qu’un surnom du pape Libère, dont on sait qu’il a favorisé l’hérésie de l’empereur Constantin.
Quand enfin, après de nombreux miracles, saint Hilaire, vieux et malade, sentit approcher la mort, il appela le prêtre Léonce, son favori, et le pria de sortir de sa maison et puis de revenir lui faire part de ce qu’il aurait entendu. Et Léonce sortit, et revint dire qu’il avait entendu le bruit de la ville en tumulte. Et, vers minuit, une lumière surnaturelle, telle que Léonce lui-même ne pouvait en supporter la vue, entra dans la chambre de l’évêque : elle s’évanouit peu à peu, emportant avec elle l’âme de saint Hilaire. Celui-ci florissait vers l’an 340, sous le règne de Constantin.