L’histoire de la Bible

LA TIRELIRE DE LA PETITE GALLOISE

16. LA DIFFUSION DE LA BIBLE S’ORGANISE

« Dieu a choisi les choses faibles du monde pour confondre le fortes. » 1

1 1 Corinthiens 1.27.

Considérée dans son ensemble, l’Histoire apparaît comme une succession d’événements interdépendants : le premier engendre le second, le troisième est une conséquence des deux précédents. Or, il en est de même de la Bible au cours des âges : un concours de circonstances engendre une conjoncture qui, à son tour, provoque une intervention divine.



Les réformateurs, des géants de la foi… (Monument de la Réformation, Genève).

Après la découverte de l’imprimerie au 15e siècle, le nombre des lecteurs du texte sacré se multiplie. Résultat, l’Ecriture sainte déclenche au 16e siècle le plus grand réveil spirituel de tous les temps : la Réforme. Ce mouvement suscite la Contre-Réforme au 17e siècle. Les persécutions qui en résultent éprouvent et purifient le message de l’Eglise militante. Le 18e siècle ajoute un maillon à cette chaîne d’événements reliant les temps apostoliques à l’âge des mass-média. C’est l’époque héroïque des premiers pionniers de l’Evangile en terre païenne et des prédicateurs itinérants qui secouent le protestantisme de sa torpeur, suscitant un peu partout des communautés dont la foi est dynamique et conquérante. En ce siècle obscur où superstitions et mondanités ont reconquis les masses, Dieu appelle des témoins qui élèvent bien haut le flambeau de la vérité : Zinzendorf, initiateur des missions moraves ; John et Charles Wesley, fondateurs du méthodisme ; Whitefield, évangéliste en Amérique ; James Evans, apôtre du grand Nord ; William Carey, pionnier aux Indes ; et d’autres avec eux.

Ces gagneurs d’âmes ne sont toutefois que des précurseurs, car le 19e siècle sera marqué par l’essor des réveils religieux et des missions. La révolution industrielle coïncidera avec une véritable révolution. spirituelle. A l’origine de ces mouvements de foules, un élément déterminant : la fondation des sociétés bibliques qui, enfin, mettent la Parole divine à la portée de toutes les nations de la terre et de toutes les classes de la société.

Quand le Seigneur accomplit quelque-chose de grand, Il utilise souvent les instruments les plus humbles : « Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les sages ; Dieu a choisi les choses faibles du monde pour confondre les fortes » 1.

Diverses éditions de la Bible, imprimées entre les 16e et 18e siècles (pages titre) :



Bible italienne Diodati, 1607.



Bible polyglotte, 1599.



Bible romanche, 1718.

Peu avant la Révolution française naissait une petite Mary, dans un village du Pays de Galles au nom impossible : Llanfihangel-Y-Pennant. Son père, tisserand, était souvent au chômage. Mary était une enfant très intelligente. Il lui arrivait de mémoriser les versets de la Bible qu’elle entendait à l’école du dimanche. Si elle ne savait pas lire, c’est qu’il n’y avait aucune école dans la région. Aussi fut-ce un grand jour pour elle, lorsque s’ouvrit une classe dans le village voisin. Mary put enfin apprendre à lire et à déchiffrer elle-même l’unique exemplaire de la Bible se trouvant au village ; elle obtint l’autorisation de se rendre chaque samedi après-midi chez la femme du plus grand propriétaire de l’endroit, qui possédait ce trésor.

Cependant, Mary n’a qu’un désir : acquérir à son tour un exemplaire de la Bible. Elle s’engage à domicile pour de menus travaux de couture. Sur ses modestes gages, elle économise sou par sou pour rassembler l’argent nécessaire. Cela dure des années. Que de fois, alors que la tirelire est presque pleine, il faut y puiser pour acheter des médicaments destinés à sa maman toujours malade. Mais Mary ne se décourage pas. Elle recommence avec un zèle toujours nouveau, jusqu’au jour où elle croit avoir réuni la somme suffisante. Il lui faut alors parcourir 40 km. à pied pour atteindre Béla, ville où elle pense trouver une Bible. Elle arrive chez le pasteur Charles qui la reçoit fort amicalement. Mais il n’a pas de Bible galloise à vendre, et il n’en existe nulle part, la dernière édition étant épuisée depuis longtemps. Le seul exemplaire à sa disposition est réservé à un ami, qui a négligé de le prendre. De plus, son prix est deux fois plus élevé que le montant des économies de Mary.



Mary Jones avec sa Bible.

Mais comment ne pas être ému devant le désarroi de cette jeune fille de 16 ans ? Le pasteur Charles fait ce que vous auriez fait à sa place : il lui remet la Bible, sans en exiger la contre-valeur réelle. Très reconnaissante, Mary emporte le précieux volume qu’elle conservera toute sa vie. Jamais Bible ne fut lue avec tant d’ardeur, traitée avec tant d’amour…

Cependant, le pasteur Charles ne s’arrête pas là. Il se rend à Londres et y réunit quelques chrétiens influents. A plusieurs reprises déjà, il a plaidé le sort des populations galloises privées des Ecritures dans leur langue. La poignante histoire de Mary Jones bouleverse ses auditeurs. N’est-ce pas un nouvel appel du « Macédonien » qui retentit à leurs oreilles : « Passe en Macédoine, secours-nous ! » 2 ? La persévérance de Mary et ses supplications, n’expriment-elles pas les besoins de millions de personnes spirituellement affamées parce que privées du pain de vie ? Ce n’est pas seulement à l’impression de la Bible galloise qu’il faut songer, mais à l’édition et à la diffusion de Bibles, Nouveaux Testaments et Evangiles destinés au monde entier, aux multitudes devant recevoir la Parole divine dans leur langue maternelle et à des conditions accessibles à tous.

2 Actes 16.9.



Pont sur la Tamise, à Londres. Dans cette cité, la première société biblique fut fondée en 1804.

C’est ainsi qu’en date du 7 mars 1804, ces serviteurs de Dieu fondent la Société Biblique Britannique, qui deviendra quelques années plus tard la Société Biblique Britannique et Etrangère. Elle sera la mère de toutes les sociétés bibliques nationales et internationales suscitées au 19e et au 20e siècle. Aujourd’hui, plus de vingt-cinq d’entre elles sont réunies sous l’égide d’un organisme central, l’Alliance Biblique Universelle, alors qu’une dizaine d’autres ont gardé leur autonomie, et cela pour des raisons bien définies. Mais n’anticipons pas…



Le bâtiment de la Société Biblique à Londres.

Dès 1804, les sociétés ‘bibliques entreprennent une tâche précise : imprimer la Bible, entièrement ou partiellement, dans toutes les langues, et mettre ces exemplaires à disposition de chacun, en ouvrant des souscriptions, pour qu’ils puissent être vendus au-dessous de leur prix de revient. La diffusion des Ecritures fait ainsi des bonds prodigieux. Une armée de colporteurs chrétiens parcourent les campagnes, diffusant le précieux livre que chacun attend. Les traducteurs se mettent au travail, et bientôt la Bible est imprimée dans les principales langues du globe. On voit alors s’ouvrir des magasins de diffusion des Ecritures dans les cinq continents. Désormais, les pasteurs peuvent distribuer des Nouveaux Testaments à leurs catéchumènes et remettre la Bible complète aux jeunes couples le jour de leur mariage. Un irrésistible élan s’empare de nombreux chrétiens qui deviennent d’ardents propagateurs de la Révélation écrite. Il faudrait des volumes entiers pour décrire les hauts faits de l’Eternel, consécutifs à cette diffusion, et les innombrables conversions dues à la seule lecture de la Parole de Dieu. Et cette œuvre se poursuit et s’épanouit aujourd’hui, même à l’heure où l’électronique fait de la planète un « village global ».



Monument commémoratif par les Ecoles du Dimanche du Pays de Galles, en l’honneur de Mary Jones et de la fondation des sociétés bibliques.

Au 9e siècle av. J.-C. une petite fille témoignait à un grand général. Résultat, Naaman fut guéri de sa lèpre et l’Eternel fut glorifié… 3

3 2 Rois 5.1-19.

Il y a moins d’un siècle, une fillette, anglaise cette fois, fut l’instrument indirect de la fondation d’une grande mission : la Société de Diffusion du Nouveau Testament de Poche (Pocket Testament League). C’est une œuvre d’extension mondiale, qui répandit à elle seule, après la deuxième guerre mondiale, des millions d’exemplaires des Ecritures en Extrême-Orient et ailleurs. Ce mouvement est né à la suite de l’initiative prise par une jeune adolescente, qui encouragea ses camarades de classe à coudre des poches à leurs tabliers, pour avoir toujours sur elles leur Nouveau Testament, dont elles lisaient un chapitre chaque jour. Une petite fille, une grande idée et un puissant mouvement de l’Esprit de Dieu.



La bibliothèque de la Société Biblique à Londres, où se trouvent de nombreux documents fort précieux…



…dont la Bible de Mary Jones, abondamment soulignée et annotée.

De même, rien n’effacera le touchant rôle de Mary Jones à la genèse des sociétés bibliques qui, depuis près de 170 ans, diffusent l’Ecriture sainte sous toutes les latitudes. Les visiteurs du Musée de la Société Biblique à Londres peuvent y examiner la Bible de la petite Galloise : papier défraîchi, pages écornées, marges abondamment annotées, cet exemplaire a été lu pendant toute une vie. Quel exemple pour d’autres jeunes filles, d’autres jeunes gens destinés à leur tour à une vocation divine durant le dernier tiers du 20e siècle.

Dans la même bibliothèque, il est d’autres documents qui ont toute une histoire ; antiques manuscrits, textes rares, volumes ayant échappé aux perquisitions. On peut voir un Nouveau Testament qu’un soldat avait glissé dans la poche de sa tunique et qui dévia une balle, épargnant ainsi sa précieuse vie. Mais penchons-nous plus particulièrement sur un exemplaire qui rappelle une merveilleuse intervention divine à Madagascar :

Des pionniers originaires du Pays de Galles s’étaient rendus dans la grande île africaine pour y traduire les Ecritures. Ils avaient achevé leur tâche en 1835, année où la reine Ranavalona accéda au pouvoir. Farouchement hostile au christianisme, elle ordonna de terribles répressions. En conséquence, les indigènes craignirent même d’aider les missionnaires dans leurs travaux de composition et d’impression. Néanmoins, le 21 juin, la première Bible malgache sortit de presse. La reine organisa d’impitoyables persécutions pour confisquer les livres sacrés des chrétiens. Aussi fut-ce au péril de leur vie que quelques insulaires acquirent cette Parole, traduite dans leur langue maternelle au prix de tant d’efforts. Les missionnaires furent expulsés. Ils laissaient derrière eux un stock de 70 Bibles, dont ils indiquèrent la cachette à quelques convertis. Rarement investissement ne fut plus fructueux…



La Bible malgache conservée dans la caverne des varioleux, à Fihaonana.

La Bible est le meilleur des missionnaires. Les livres saints passèrent de main à main et de village en village. Les émissaires de Ranavalona fouillèrent systématiquement les demeures indigènes ; mais les chrétiens usèrent d’astuce pour déjouer leurs recherches. Dans le village de Fihaonana, une épidémie de variole avait sévi ; pour limiter la contagion, les malades avaient été mis en quarantaine dans une caverne. Bravant la contamination, les chrétiens y déposèrent leur Bible : Les perquisiteurs arrivèrent, fouillant toutes les cachettes avec un zèle acharné. Ils pénétraient dans la caverne, quand quelqu’un les avertit :

— Ce fut ici l’hôpital des varioleux. Le savez-vous ?

— Pourquoi ne l’avez-vous pas dit plus vite ?

Les soldats se retirèrent précipitamment de la grotte… et la Bible fut sauvée. On la conserve précieusement à Londres en souvenir de l’œuvre considérable engendrée par la seule Parole divine à Madagascar. Quand les missionnaires partirent en 1836, il y avait à peine 200 chrétiens dans toute l’île. Quand ils y revinrent après la mort de la reine en 1861, ils en découvrirent plus de 5000, bien convaincus de leur appartenance à Jésus-Christ et établis sur le fondement inébranlable de l’Ecriture. La parabole de la maison bâtie sur le roc s’était à nouveau prouvée vraie.

Lecteur, elle peut s’accomplir aujourd’hui dans votre existence. Délaissez donc les sables mouvants de la tradition et des illusions humaines, et apprenez à vous appuyer exclusivement sur l’immuable vérité divine :

« C’est pourquoi, quiconque entend ces paroles que Je dis et les met en pratique, sera semblable à un homme prudent qui a bâti sa maison sur le roc. La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et se sont jetés contre cette maison : elle n’est point tombée, parce qu’elle était fondée sur le roc. Mais quiconque entend ces paroles que Je dis, et ne les met pas en pratique, sera semblable à un homme insensé qui a bâti sa maison sur le sable. La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et ont battu cette maison : elle est tombée, et sa ruine a été grande. » 4

4 Matthieu 7.24-27.

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