On parle toujours des secours de la religion.
Franchement, nous n’aimons guère l’expression. Pas plus que nous ne prisons les trop fameuses « consolations de l’Evangile ».
Tout simplement parce que cette « religion » en forme de roue de secours de corbillard est bien éloignée d’une vivante foi au Christ. De même, cet Evangile tronqué, parce que réduit au seul office de consolation dans l’affliction.
Et pourtant, les secours de la foi, ça existe.
Pas seulement au plan des expressions courantes.
La Bible en parle. Au début et à la fin du Pentateuque. La miséricordieuse providence de Dieu s’y trouve exprimée de deux manières touchantes. A ce couple rebelle (Adam et Eve) que leur désobéissance a rendus pitoyablement inventifs et qui se sont bricolé un sommaire accoutrement de feuilles, Dieu prépare paternellement des tuniques fourrées, capables de les protéger du froid 1. C’est dire que son amour va les aider à vivre leur condition de bannis.
1 Genèse 3.21.
Mais, à l’autre extrémité du Pentateuque, voici que Dieu intervient dans ce même office de protection d’un corps exposé au pire refroidissement qui soit, celui de la mort 2.
Moïse va mourir. Il s’éteint au seuil de la terre promise. Ou plus exactement, la terre qui va l’accueillir, ce n’est pas Canaan. C’est une tombe.
Pas n’importe quelle tombe, pourtant. Mieux que des funérailles nationales, le prophète bénéficie des soins mêmes de Dieu. C’est de Dieu qu’il est dit : « Il l’enterra dans la vallée du pays de Moab… aucun homme n’a connu son sépulcre… »
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Oui, les secours ça existe.
Mais sont-ils ceux de la religion ?
A leur formalisme fragmentaire — et ça explique qu’ils soient tragiquement inefficaces à la longue, ça explique qu’ils ne constituent jamais une aide durable et vraie — nous opposons les secours de la foi. Le secours de Dieu.
L’aide du Dieu vivant. Accessible à notre détresse, fidèle à lui-même dans son amour pour nous, qu’il s’agisse de nous réchauffer quand le froid de la vie nous glace, qu’il s’agisse de nous prendre en charge à l’heure de mort.
Il sait de quoi nous sommes faits. Il se souvient que nous ne sommes que poussière 3. Mais cette poussière, jamais il ne la méprise.
Ainsi, les documents qui vont conclure ce livre reflètent cette vérité. Parus dans des journaux paroissiaux, ils ont pour but de nous remettre, sans intermédiaires obligés, au secours de Dieu. Sa sainte garde nous étant donnée dans sa Parole et dans la prière.
Le premier texte répond à l’ensemble des questions pratiques d’un secours de Dieu face à la mort : la nôtre et celle de nos proches…
« Vous mourrez peut-être d’un coup. La question ne se posera pas (du moins pas celle-là). Maïs ce n’est pas certain.
» Vous aurez peut-être de terribles peines pour vous en aller. Si vous avez l’esprit encore assez lucide, répétez sans vous lasser cette simple phrase : « Seigneur, tu sais toutes choses. Tu sais que je t’aime… Que ta volonté soit faite ».
» Si votre esprit est déjà trop embrouillé par la souffrance ou les calmants, essayez de joindre les mains, Dieu qui voit le fond des cœurs comprendra.
» Et tout cela pose le problème : Pour avoir le « réflexe », il faut s’y exercer. La politique de l’autruche n’a jamais payé. Celui qui improvise sa mort a toutes les chances de la rater.
» Apprenez par cœur cette prière : « Seigneur mon Dieu, pour que j’accepte dès aujourd’hui volontiers et de bon cœur le genre de mort qu’il te plaira de m’envoyer, avec toutes ses angoisses, ses peines et ses douleurs. Reste avec moi. Amen. »
« Une vieille femme les yeux clos, entièrement paralysée. Le médecin a dit : « Une attaque ». Dans la cuisine, à côté, on prépare à voix basse le « faire-part ». Le pasteur qui a machinalement pris la main de sa vieille paroissienne lit les psaumes des mourants et voici qu’un doigt glacé, un seul, bouge faiblement chaque fois qu’il arrête de lire.
» Et elle était encore heureuse cette grand-mère de n’entendre faire que son « faire-part ». D’autres ont assisté du fond de leur abandon au commencement du partage et des disputes.
» Des dizaines de cas analogues m’ont prouvé que l’ouïe est le dernier sens à s’en aller, comme il est le premier à revenir quand on revient d’un évanouissement. Ne vous dites jamais : « Il n’entend plus rien ».
» Il vaut toujours la peine d’être très près du mourant, et de prier avec lui et pour lui, de moment en moment. Même s’il ne comprend plus le sens de vos paroles, le son de votre voix l’aidera à se tourner vers le Christ qui vient à sa rencontre.
» Ne harcelez pas un mourant pour qu’il vous dise encore « quelques mots », il a autre chose à faire. Prenez-lui la main et priez. Même si cela ne vous est plus arrivé depuis des années. Demandez à Dieu le plus grand miracle : qu’il parte en paix et qu’il le le rencontre dans la foi.
» S’il ne peut plus parler, dites pour lui lentement, intelligiblement : « O Dieu qui m’as créé, je regrette d’avoir si mal employé ma vie, de t’avoir peu aimé et mal servi. Ne regarde pas à mes péchés. Pardonne-moi. A cause de Ton Fils Jésus-Christ. Seigneur Jésus, souviens-toi de moi dans ton règne. »
» Ne vous gênez pas de prononcer ces paroles. Le poids le plus oppressant est celui du remords et la grâce de Dieu veut nous en délivrer.
» Il n’y a rien de plus tragique que ces cercles de famille silencieux où l’on ne sait plus ni que faire ni que dire dans une intolérable attente.
» Priez. Même si vous êtes au tréfonds du désespoir. Dieu vous donnera la force surnaturelle de ne pas le laisser transparaître et la paix de Dieu qui dépasse tout ce que l’on peut comprendre gardera vos cœurs dans le Christ ». 4
4 Ralliement des paroisses lausannoises, novembre 1964, Pierre Volet.
« Priez… même si vous êtes au tréfonds du désespoir. »
C’est vite dit. Fernand Reynaud l’avait exprimé : « Quand on est devant la mort… les paroles, on ne les trouve pas ! »
Peut-être pourrait-on les retrouver ! Ce serait les paroles d’un cantique que l’on chanterait, en famille, doucement. Leur clarté pourrait dissiper les ombres de la mort pour celui dont les yeux vont se fermer et raviver l’espérance de ceux dont les yeux vont s’embuer de larmes.
C’est dans ce même esprit qu’un groupe de pasteurs a préparé une petite liturgie à l’usage des endeuillés.
Elle nous semble traduire avec une telle exactitude, une telle tendresse, ce que nous avons dit du secours de Dieu, que — avec leur fraternelle autorisation — nous en publions ci-après le texte.
C’est notre manière de remettre nos lecteurs à la Grâce victorieuse de « celui qui nous a visités d’en-haut, qui a pour nous des entrailles de miséricorde… qui vient éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et l’ombre de la mort et diriger nos pas sur le chemin de la paix » 5.
5 Luc 1.78-79.