Mon Dieu, pourquoi suis-je si différent de moi-même ? Comment se fait-il que je puisse, de la même bouche, te prier et mentir ; du même cœur, t’aimer et te fuir, de la même main, secourir et frapper ? N’y a-t-il donc point de distinction entre le mal et le bien ? Mais non, tout mon être s’indigne à cette pensée. Suis-je donc à la fois bon et méchant ? Une source peut-elle être à là fois douce et amère ? Encore non, et cependant, en moi, qui voudrais être un ange, je sens qu’il y a du démon ! Je passe ma vie en luttes incessantes, en pénibles déchirements : je n’appartiens ni à toi ni au monde, toujours partagé, toujours combattu, toujours souffrant et malheureux par cette double nature que je ne puis simplifier. Mon Dieu, délivre-moi donc de moi-même ; donne à ma vie l’unité qui lui manque ; prends-moi à ton service ; brise mes liens d’esclave ; conduis-moi pas à pas jusqu’à ce que je puisse marcher. Oh ! ne m’abandonne pas à moi-même ; ne m’expose pas à la tentation, car je sais par expérience combien, même après les résolutions les plus sincères, après les prières les plus ardentes, je suis encore près de tomber. Mon ennemi, Satan, m’attend à la porte ; il n’attendra peut-être pas que j’aie cessé de te prier pour me jeter un piège, une distraction, et m’entraîner loin de toi par la pensée, alors que mon corps restera là courbé. Seigneur, n’es-tu pas le maître ? Mais, pardon, Seigneur, ce n’est pas à moi de me plaindre ; je n’ai qu’à m’humilier, et je termine en te criant, du fond de mes angoisses : Seigneur, délivre-moi du péché !