Le don de parler diverses langues

CHAPITRE 15

ANALYSE DU TEXTE DE

DE 1 CORINTHIENS 14.5 et 13

Texte du verset 5 (première partie) AVEC COMMENTAIRE

« Je désire que vous parliez tous en langues, mais en encore plus que vous prophétisiez... ».

θέλω δὲ πάντας ὑμᾶς λαλεῖν
thélô pantas hymas lalein
(2) je veux bien que (1) or (3) tous vous parliez

γλώσσαις μᾶλλον δὲ
glôssaïs mallon
des langues
(ou : dans des langues)
[étrangères]
beaucoup plus, pourtant

ἵνα προφητεύητε·
hinaprophêteuêté
que vousprophétisiez

Voici encore un de ces célèbres « demi-versets » que l'on cite si souvent comme argument en faveur de la glossolalie : « Je désire que vous parliez tous en langues... ».

Paul ne nie pas l'existence d'un véritable don des langues puisqu'il dit textuellement : « N'empêchez pas de parler en langues » (verset 39). Mais prétendre qu'il veuille que tous ses enfants spirituels à Corinthe parlent « en langues, » c'est aller à l'encontre de son enseignement sur les dons, c'est rendre nul son argument. Il nous fait bien comprendre que tous ne parlent pas en langues (1 Corinthiens 12.30), car nous avons des fonctions et des dons différents Romains 12.4-6. Si tout le corps était œil, où serait l’ouïe ? » demande-t-il (1 Corinthiens 12.17). Si tout le corps était langue, quel portrait lamentable de Christ ! Quelle monstruosité !

Pourquoi donc Paul dit-il : « Je désire que vous parliez tous en langues » ?

La réponse nous est donnée par le reste du verset, comme par l'ensemble du chapitre. En replaçant cette demi-citation dans son contexte, le sens de la pensée de Paul devient clair. On reconnaît encore ici une certaine ironie dans la voix de l'apôtre : « Je désire que... mais encore plus que... ».

Il désire en fait pour ses enfants spirituels quelque chose de bien meilleur que les « langues » qu'ils cherchaient à parler.

Nous pouvons comprendre ce verset de cette façon :

« Je veux bien, faute de mieux, que vous parliez en langues si vraiment l'Esprit de Dieu le désire et s'il ne peut rien faire de mieux au milieu de vous ; mais je désire beaucoup plus que vous prophétisiez, car de cette façon vous pouvez tellement mieux vous édifier les uns les autres ; c'est cela que l'Esprit désire ».

Je suis convaincu que c'est là le sens que Paul veut donner à ce passage. Il n'est pas contre le vrai don des langues, mais il incite ses enfants spirituels à s'adonner à une activité plus avantageuse pour l'église, alors que les langues, même authentiques, ne servent pas à cette fin. Il désire que les croyants grandissent, qu'ils dépassent le stade de l'enfance ; il les veut adultes, capables de contribuer le mieux possible à la croissance de l'assemblée.

Il voit l'église de Corinthe un peu comme son « bébé », un bébé anormal, dont les organes se sont développés de façon irrégulière. Au lieu d’avoir atteint un état d'équilibre robuste, elle ressemble à un enfant doté d'un gros ventre ou d'un genou difforme, mais qui demeure incapable de marcher ou de parler correctement. Or, Paul veut présenter cette église devant Dieu et devant les hommes en tant que portrait convaincant de Christ, bien équilibré, possédant toutes ses facultés, rayonnant de la gloire du Dieu invisible.

Paul est reconnaissant, certes, pour toutes les évidences de la grâce de Dieu chez ses enfants en Christ, mais il souffre de constater l’atrophie qui empêche son épanouissement complet.

L'objectif de l'argumentation de l'apôtre est clair : il vise l'édification, la construction de l'église. Ce n'est pas en parlant une langue inconnue qu'il espère achever cette édification, à moins que la langue ne soit une action authentique du Saint-Esprit, dirigée vers des étrangers inconvertis dans le but de les convaincre.

Paul dit lui-même (comme nous allons le voir au verset 19) que, dans l'église, il préfère dire cinq paroles avec son intelligence afin d'instruire les autres que dix mille paroles « en langue ». Il ne pouvait pas nous le dire de façon plus claire !

À ses yeux, la valeur d'une langue miraculeuse, même authentique, était minime pour l'assemblée en comparaison d'une véritable prophétie. Dieu ne veut pas que ses enfants se contentent d'un minimum ; il leur offre toute la gamme de ses richesses : son intelligence, sa puissance, sa grâce. Dieu à en vue pour son peuple une action de son Esprit plus intéressante et plus efficace que les choses qui absorbaient l'attention des croyants de Corinthe. Tout au long de son chapitre 14, Paul nous pousse à viser plus haut, à regarder plus loin. Pour lui, les Corinthiens ne voyaient pas beaucoup plus loin que le bout de leur nez...

Comme nous l'avons dit, le don des langues n'est pas orienté vers les croyants, ils n'en ont pas besoin ; il n'est pas conçu non plus pour l'édification personnelle du croyant, puisque la nature des dons spirituels consiste dans le service d'autrui : il existe pour l'utilité commune, pour le bien du prochain. Il ne faut donc pas s'attendre à ce que le Saint-Esprit accorde normalement le don des langues pour la communauté des croyants, ni même pour le bien de l'individu.

TEXTE DU VERSET 5 (dernière partie) AVEC COMMENTAIRE

... « Celui qui prophétise est plus grand que celui qui parle en langues, à moins que ce dernier n'interprète pour que l'église en reçoive de l'édification. »

μείζων δὲ προφητεύων
meizôn ho prophêteuôn
plus granden fait(est) celuiqui prophétise

λαλῶν γλώσσαις
êholalônglôssaïs
queceluiqui parledes langues (ou : dans les langues) [étrangères]

ἐκτὸς εἰ μὴ διερμηνεύῃ
ektoseidiermêneuêï
àmoinsqu'il (ou : non)ne traduise

ἵνα ἐκκλησία οἰκοδομὴν λάβῃ
hinaheekklêsiaoïkodomênlabêï
pourquel'église (2)de l'édification (1)reçoive

Encore une fois Paul indique la supériorité du don de prophétie sur celui des langues.

« Ah ! Me dira quelqu'un, mais si la langue est interprétée, l'église est tout de même édifiée ; donc cela revient au même que la prophétie. »

Je réponds : « Si la langue est une action authentique de l'Esprit de Dieu, l'église sera édifiée, c'est vrai, car, selon Actes 2, il y aura normalement des conversions par la suite, ou au moins des incrédules convaincus en entendant la Parole de Dieu dans leur propre langue. Il serait alors normal que cette langue soit traduite pour que toute l'église soit mise au courant des faits et comprenne le message et le sens de ses résultats. Il est évident que dans un cas pareil l'église sera édifiée, car elle sera témoin de la sagesse et de la puissance de Dieu. Non seulement cela, mais elle bénéficiera du message, une fois traduit, dont Dieu s'est servi pour convaincre ces non-croyants. »

Il va sans dire que, si l'Esprit de Dieu désire s'exprimer en une langue autre que celle de la communauté, il a le droit et le pouvoir de le faire et qui sommes-nous pour le lui interdire ? Seulement, nous pouvons être sûrs qu'il n'agira qu'en conformité avec son propre caractère et selon les principes qu'il a révélés dans les Écritures. Paul reconnaît, certes, que l'église peut recevoir une mesure d'édification à travers une langue inconnue ; mais cela est vrai uniquement si la langue est authentique, inspirée par le Saint-Esprit et non par la chair ou par une puissance occulte. Or, l'Esprit lui-même nous donne la règle qui nous permet de juger de l'authenticité divine d’un «  parler en langue » : il le fait par le texte du chapitre 2 des Actes et par la définition de Paul dans 1 Corinthiens 14.22.

Il y a cependant un aspect de la question qui échappe à l'attention de presque tous ceux qui lisent cette parole de Paul. Pour que Dieu soit vraiment glorifié, il faut que le processus tout entier édifie l'église : non seulement l'interprétation, mais la « langue » aussi.

On a beau vouloir justifier ou excuser l'emploi d'une « langue » en postulant qu'au moins l'interprétation est utile à l'église ; il est nécessaire que le tout soit utile : à la fois la traduction et la langue elle-même. Mais les croyants ne sont pas édifiés par un langage qu'ils ne comprennent pas.

D'ailleurs, si « l'interprétation » édifie, pourquoi ne pas la dire sans « langue » ? Pourquoi mettre la voiture en marche arrière pour ensuite la mettre en marche avant ? Pourquoi ne pas démarrer dès le début dans le sens voulu ? Pourquoi l'Esprit de Dieu serait-il obligé d'utiliser un processus aussi compliqué pour nous communiquer sa pensée ? Il est évident qu'il n'a pas besoin de dire une chose d'abord en langue inconnue simplement pour qu'elle soit traduite après. Il peut tout aussi bien la dire en premier lieu de façon compréhensible. L'Esprit de Dieu n'est pas absurde. Il est la lumière même et il n'y a point en lui de ténèbres. N'a-t-il pas dit : « Toutes les paroles de ma bouche sont claires » ? Proverbes 8.8-9

L'église n'est pas édifiée par la perte de son temps. Si elle entend une « interprétation » (vraie ou fausse) qui l'intéresse pendant les cinq minutes, elle a néanmoins perdu les cinq minutes précédentes où elle a dû patienter pendant que quelqu'un parlait de façon incompréhensible. Comme nous l'avons vu, cinq minutes de perdues, multipliées par le nombre d'assistants représentent un gaspillage de temps inadmissible ! Si l'auditoire comprend une centaine de personnes, cela signifie un vol de presque neuf heures sur le temps que l'assemblée avait consacré au Seigneur. Le temps à notre disposition est trop court, trop précieux pour que nous le « jetions par la fenêtre » d'une telle façon.

Or Dieu ordonne « que tout se fasse pour l'édification » (verset 26). « Recherchez ce qui contribue à l'édification ». Romains 4.19 « Puisque vous aspirez aux dons spirituels, que ce soit pour l'édification de l'église que vous cherchiez à en posséder abondamment » 1 Corinthiens 14.12. Chercher autre chose est une désobéissance flagrante au commandement de Dieu. Si je cherche à tout prix à m'exprimer en langue incompréhensible, comment puis-je prétendre ainsi accomplir la volonté de Dieu ?

Si donc je cherche autre chose que la volonté de Dieu, comment puis-je espérer que l'Esprit de Dieu répondra à mes aspirations ? Je sais qu'il est compatissant et qu'il patiente devant nos faiblesses ; mais l'Écriture ne nous laisse nulle part supposer qu'il compatisse ou qu'il patiente avec notre désobéissance, avec notre entêtement. Au contraire, Dieu dit solennellement : « Tiens-toi sur tes gardes en sa présence et écoute sa voix ; ne lui résiste point, parce qu'il ne pardonnera pas vos péchés, car mon nom est en lui » Exode 23.20-23. Une fois que l'Esprit a clairement révélé sa volonté par l'Écriture, l'obstination nous expose au risque d'attirer son châtiment. Dieu a patienté, c'est vrai, avec son peuple d'Israël à la sortie d'Égypte ; il a même pourvu à tous ses besoins ; pourtant, ses avertissements et ses châtiments sont devenus chaque fois plus sévères et finalement, au dixième acte de mépris, il a refusé de mener son peuple plus loin. Le Saint-Esprit l'a même combattu Nombres 14.22-23.

La seule justification dans l'assemblée d'une expression en langue inconnue, c'est la présence d'un ou de plusieurs étrangers non croyants qui ne peuvent pas normalement être atteints par un autre moyen. Dans ce cas, le Saint-Esprit se réserve le droit de s'adresser à ces personnes dans leur propre langue de manière à les convaincre de l'authenticité de l'Évangile, comme en ce premier jour de Pentecôte. Le message doit alors être traduit afin que l'assemblée entière soit mise au courant et qu'elle puisse participer à la bénédiction. Quoi de plus simple et logique ?

La vraie nature du don d'interprétation

La confusion un peu générale qui existe dans l'esprit des chrétiens au sujet du don des langues s'est reportée inévitablement sur le sujet parallèle du don d'interprétation. Pour beaucoup, ce don signifie une sorte de « prophétie », un message mystique reçu directement de Dieu à la suite d’un « parler en langues » dans une rencontre de croyants et qui passe pour être l'explication de la langue incompréhensible. Or, je ne dis pas que Dieu refuse d'utiliser un « message » semblable pour l'édification de son peuple ; mais je suis sûr que cette conception n'est pas ce que le Nouveau Testament entend par « interprétation », car ce n'est pas une traduction de la langue.

Paul, en fait, emploie dans ce contexte le terme grec hermêneia avec ses dérivés. Or, ces mots signifient essentiellement la traduction d’une langue à une autre. Le seul passage où la Bible donne à cette expression un autre sens est Luc 24.27, où le Seigneur explique à ses disciples dans toutes les Écritures ce qui le concerne ; mais là encore, ses auditeurs avaient affaire à des textes précis des Écritures ; il y avait un rapport direct entre les paroles de l'Ancien Testament et celles de Jésus qui se les appliquait.

D'ailleurs, à l'époque, le sens complet du texte hébreu de l'Ancien Testament était au-dessus de la portée de la majorité des Juifs et Galiléens dont la langue maternelle était l'araméen, et la deuxième langue le grec et non l'hébreu. La prédication de Pierre dans Actes 2 est un bel exemple de la manière dont les apôtres avaient compris l'enseignement de leur maître. Il est donc raisonnable de penser que le Seigneur Jésus, tout en approfondissant les textes par un exposé spirituel des prophéties le concernant, donnait en même temps à ses apôtres le sens littéral de l'hébreu ; c'est-à-dire, il traduisait.

Partout ailleurs, cependant, la Bible ne connaît qu'un seul sens à ce mot : la traduction littérale d'une langue à une autre.


*Voici toutes les mentions dans le Nouveau Testament du terme herméneia et de ses dérivés :
Luc 24.27 : il leur expliqua dans toutes les Écritures ce qui le concernait
Jean 1.39 : Rabbi (ce qui signifie Maître)
Jean 1.42 : Céphas (ce qui signifie Pierre)
Jean 9.7 : Siloé (nom qui signifie envoyé)
Actes 9.36 : Tabitha qui signifie Dorcas (grec : gazelle)
1 Corinthiens 12.10 : la traduction des langues (grec)
1 Corinthiens 12.30 : tous traduisent-ils (grec)

La Bible reconnaît, il est vrai, un certain « don d'interprétation » autre que celui de « traducteur ». L'Ancien Testament nous présente deux cas par excellence de ce don : celui de Joseph qui a interprété les songes de Pharaon et de ses serviteurs, et celui de Daniel qui a interprété les songes de Nébucadnetsar. Les « interprétations » que Dieu a accordé à ces deux hommes étaient en fait des explications ; il ne s'agissait pas d'une traduction linguistique, mais plutôt d'un éclaircissement divin quant au sens du symbolisme par lequel Dieu avait parlé à leurs maîtres païens.

Pourtant il est à noter que les Juifs, dans leur version grecques de l'Ancien Testament, celle des LXX, n'utilisent jamais le mot hermêneia pour décrire ce genre d'interprétation, ils le rendent par un tout autre terme : synkrisis (ou : sygkrisis). Les seuls dérivés du mot herméneia ne se trouvent que deux fois dans tout l'Ancien Testament : dans Genèse 42.23 et Esdras 4.7, où il s'agit chaque fois d’une véritable traduction d'une langue dans une autre.

Le terme grec hermêneia qui, avec ses dérivés, est employé par l'apôtre Paul dans 1 Corinthiens 12 et 14 signifie bien : traduction. Nous ferons bien de le traduire chaque fois ainsi au lieu d'utiliser le mot « interprétation » qui est beaucoup plus vague.

Or, Paul ne parle pas simplement d'un don « d'interprétation » ou de « traduction » : il spécifie qu'il s'agit de l'interprétation des langues 1 Corinthiens 12.10. Il ne dit pas : interprétation de la pensée, il dit bien : « des langues ». Or, l'interprétation proprement dite d’une langue n'est autre chose qu'une traduction. Je suis convaincu que Paul entend ici une véritable traduction et non pas un « message », inspiré ou non, qui n'aurait rien à voir nécessairement avec la « langue » qui vient d'être proférée. Paul parle de « langue » et il entend certainement langue et non charabia ; il parle également de traduction et non de « message ».

Pourquoi s'obstiner dans ce seul texte de Paul à attribuer à ces deux termes « langue » et « interprétation » une signification différente de la normale ? Une telle attitude est d'autant plus inexplicable que Paul met le mot « traduction » (ou : interprétation) précisément en parallèle avec le mot « langue ». Soyons directs. Par « langue », Dieu lui-même veut dire langue ; par « traduction », il veut dire traduction.

1 Corinthiens 14.5 : à moins que ce dernier ne traduise (grec)
1 Corinthiens 14.13 : qu'il prie pour qu'il traduise (grec)
1 Corinthiens 14.26 : Est-ce que chacun... traduit ? (grec)
1 Corinthiens 14.27 : Et qu'un (seul) traduise (grec)
1 Corinthiens 14.28 : S'il n'y a pas de traducteur (grec) qu'il garde le silence.
Hébreux 7.2 : qui est d'abord roi de justice, d'après la signification (grec : traduction) du nom.

Si la langue en question est en fait une véritable langue humaine, comme c'est le cas dans Actes 2, il est logique de croire, et même certain, qu'une interprétation authentique de cette langue est une vraie traduction et non une simple pensée reçue par une inspiration ou par une autosuggestion. Les hommes ont toujours tendance à compliquer les choses de Dieu. Pourquoi ne pas accepter le sens le plus simple, le plus direct du texte ? Si l'Esprit de Dieu choisit de parler en une langue véritable à une âme qui en a besoin, ou même à un moqueur incrédule, il serait tout à fait en conformité avec son caractère et sa dignité qu'il accorde en même temps à un frère la capacité de traduire cette langue pour l'édification de tous les assistants. Une action semblable ne peut qu'honorer Dieu. Mais qu'un homme dise quelque chose de complètement inintelligible et qu'un autre, sans avoir compris ce qui a été dit, propose une pensée en guise de « traduction », cela me semble en désaccord avec le caractère de celui qui est lumière et dont « toutes les paroles sont claires » Proverbes 8.8-9. Ne vaut-il pas mieux être honnête et appeler cela simplement « parole » ou « message », et non « interprétation » ? D'ailleurs, comment peut-on « traduire » ce que l'on n'a pas compris ?

Mon esprit a été choqué il y a quelques temps lorsqu'un prédicateur très connu a affirmé publiquement qu'il ne fallait pas s'étonner si « l'interprétation » d'une « langue » durait parfois beaucoup plus longtemps que la « langue » elle-même, un phénomène qui arrive assez souvent là où la glossolalie est pratiquée. Il a ajouté (ce qui paraît invraisemblable) qu'un même « parler en langue » pouvait avoir plusieurs « interprétations » complètement différentes les unes des autres.

À quel degré d'absurdité allons-nous aboutir dans cette affaire ? S'agit-il là d'une simple inconscience ou bien d'une véritable manipulation de la Parole de Dieu ? En expliquant la Bible de cette façon, un homme peut lui donner tous les sens qu'il veut. Si la révélation de Dieu n'est pas claire, sûre et inébranlable, comment pourrons-nous croire en elle pour les vérités éternelles ? La Parole de Dieu n'est pas « oui » et « non » : elle est « oui » et « amen » 1 Corinthiens 1.18-20 ; 2.17. « Si par la langue vous ne donnez pas une parole distincte, dit Paul, comment saura-t-on ce que vous dites ? » (verset 9).

Comment pouvons-nous savoir en fait si l'interprétation ou, plutôt, la traduction d'une langue est juste ? L'Écriture nous donne une règle : comme pour toute autre question, Moïse, Christ et Paul disent que l'authenticité d'un fait ne peut être attesté que par un minimum de deux ou de trois témoins et il va sans dire que ceux-ci doivent être indépendants et véridiques Deutéronome 19.5 Matthieu 18.16 2 Corinthiens 13.1. Si un seul homme prétend avoir compris le sens de la langue et en propose une interprétation, son seul témoignage ne suffit pas pour convaincre autrui. Mais si deux hommes entendent et traduisent indépendamment et de la même manière ce qui est dit en langues, il ne reste plus de doute concernant leur interprétation. Car l'interprétation a besoin, elles aussi, d'être vérifiée.

Un témoignage doit être vérifiable

Il en est de même pour la langue elle-même. L'un des aspects les plus troublants de la glossolalie moderne consiste dans le fait que son authenticité n'est n'est pas vérifiable, pas plus que les doctrines du karma et de la réincarnation dans les religions asiatiques.

On me dit cependant : « il faut croire...  »

Mais Dieu ne s'attend pas à ce que l'homme croie sans évidence. Nous devons croire que Christ est ressuscité, certes ; mais les preuves sont là, l'évidence est accessible à quiconque désire s’informer. Dieu nous a donné quatre Évangiles, quatre témoignages valables quant à la vie, à l'œuvre, à la mort et à la résurrection de son Fils, outre les témoignages de Paul, Luc, Pierre, Jacques et Jude, auxquels Dieu ajoute la certitude de la nouvelle naissance.

Si l'on désire qu'un « parler en langue » soit pris au sérieux, ne faut-il pas en fournir des évidences valables ? Pour que d'autres personnes soient convaincues de l'authenticité d'un don spirituel, l'affirmation de l'individu qui parle ne suffit pas. Comment prouver qu'une langue est authentique si elle est incompréhensible, non seulement à celui qui « interprète » et également à l'assistance ? Elle n'est pas vérifiable, faute d'un témoignage adéquat.

Si j'affirme que je parle en « langues » sous l'inspiration de l'Esprit de Dieu, ma seule affirmation ne suffit pas pour prouver l'authenticité. Mais si deux témoins indépendants comprennent ce que je dis et, sans se concerter, me traduisent de façon identique, leur témoignage peut convaincre les incrédules.

Évidemment, le fait que je parle une langue réelle n'est pas encore preuve que la «  langue » vient de Dieu et non d'un autre source surnaturelle ; il faudrait d'autres preuves pour cela, dont la plus importante serait sans doute la conversion à la foi en Christ d'une personne dans l'assistance.

Trop souvent, on nous demande de croire au témoignage d'une seule personne qui parle ou qui prétend parler ou interpréter une langue. Même s'il s'agit d’une action venant de Dieu, l'auditoire a tout de même le droit d'insister pour pouvoir procéder à une vérification sérieuse avant d'accepter ce témoignage. Ce n'est pas le fait de croire quelque chose qui en détermine la validité. Le monde a besoin de vérifier notre message, il a besoin de preuves réelles et convaincantes. Sans cela, nous ne sommes pas mieux placés que les adeptes de religions qui exigent une adhésion aveugle à leurs croyances.

En revanche, les langues parlées par les apôtres dans Actes 2 furent reconnues comme authentiques parce qu'elles étaient attestées par de nombreux témoins qui en ont compris le sens.

« Toute affaire se réglera sur la déclaration de deux ou de trois témoins » 2 Corinthiens 13.1.

Le témoin le plus important est le Saint-Esprit lui-même, car il est l'Esprit de vérité. C'est lui qui rend témoignage de Christ. Lorsqu'il appuie notre témoignage, celui-ci devient convaincant et le fruit qui en résulte demeure la preuve perpétuelle de son intervention. Mais comment espérer qu'il appuie un témoignage ou une parole qui ne sont pas strictement vrais ?

Mon frère ! Que Dieu nous garde de tout faux témoignage. Car il est écrit :  Le témoin véridique délivre les âmes », mais « le faux témoin ne restera pas impuni » Proverbes 14.25 ; 19.5.

« Il ne faut pas douter... »

À ce que je viens de dire, on me répond parfois : « Il ne faut pas douter » ! C'est vrai, douter de Dieu et de sa Parole est le pêché qui a perdu l'humanité dans le jardin d'Éden ; sans la foi il est impossible d'être agréable à Dieu Genèse 3.1 Hébreux 11.6.

Malheureusement, cette vérité est parfois tournée en caricature. Selon certains prédicateurs, le fait de dire ou de penser qu'une glossolalie pourrait avoir une origine charnelle ou démoniaque serait le péché impardonnable, le blasphème contre le Saint-Esprit. Il en résulte que beaucoup de croyants, intimidés par cet argument, ont peur « d'éprouver les esprits » auxquels ils ont affaire. On leur dit d'étouffer leurs craintes, de considérer tout doute comme un péché ; on les encourage à s'ouvrir sans hésitation à ce qu'ils appellent « l'Esprit ». On leur enseigne à laisser l'intelligence « en veilleuse » ou même éteinte ; il faut, dit-on, s'aventurer « par la foi ».

Il arrive fréquemment que des chrétiens très sincères, lorsqu'ils sont confrontés au phénomène de la glossolalie, ressentent au premier abord une réticence, une méfiance même. Souvent, il s'agit d'une véritable peur. C'est alors que les initiés assurent le chercheur que ces craintes et ces doutes viennent du diable, qu'il faut les rejeter et se laisser entraîner par la « puissance »... et cela malgré ce que Paul dit aux Corinthiens (2 Corinthiens 12.2) au sujet des puissances occultes qui les avaient entraînés de cette façon autrefois.

S'ouvrir, oui ! mais à quel esprit ? Voilà le fond de la question. Dieu nous invite, à « éprouver les esprits, pour savoir s'ils sont de Dieu » ; il l’ordonne même. Il nous avertit : « N'ajoutez pas foi à tout esprit... » 1 Jean 4.1-4. Il ne craint pas de dire : « Mettez-moi à l'épreuve » Malachie 3.10.

La foi n'est pas aveugle

Dieu n'exige de l'inconverti ni une croyance irréfléchie, ni un acte irresponsable. Il s'attend à ce que chaque homme examine les évidences, se familiarise avec l'Évangile, sonde sa conscience et s'adresse intelligemment à son Créateur avant de s'engager. La foi qui sauve n'est pas du fanatisme mais au contraire, la réaction d'une âme qui a vu la lumière de Christ et qui est convaincue de la vérité.

Au croyant non plus, Dieu ne demande pas d'agir aveuglément. La foi véritable provient toujours d'une certitude fondée sur la Parole incontestable de Dieu. Dieu exige, certes, une confiance totale en lui-même ; mais cette confiance n’est ni confuse ni incertaine. Ce n'est pas la Bible, c'est la pensée existentialiste du siècle qui veut nous faire « sauter dans le vide ».

Le Seigneur Jésus est catégorique : comme les brebis connaissent la voix de leur berger, ainsi le disciple de Christ reconnaît la voix de son Sauveur ; il sait que c'est lui, même si cette voix l'appelle à la croix ; et il aime cette voix. Si la voix qu'il entend laisse un élément de doute dans son cœur, le croyant fait bien de se méfier ; ce point d'interrogation est un mauvais signe. « Dieu est lumière et il n'y a point de ténèbres en lui » 1 Jean 1.5. « Tout ce qui ne résulte pas de la foi (ou : qui n'est pas le produit d'une conviction) est péché » Romains 14.23.

Une fausse conception du don d'interprétation

On voudra peut-être me dire que Dieu peut très bien utiliser la méthode « glossolalie — interprétation » pour apporter une parole d'édification à son peuple et que, de toute façon, il le fait dans certains cas.

À cela, je réponds que Dieu est souverain et qu'il fait ce qu'il veut ; seulement, nous pouvons être certains qu'il agira toujours selon les principes qu'il a exprimés dans sa Parole.

De nos jours, on prétend souvent qu'un « parler en langue » est nécessaire ou souhaitable comme élément « catalyseur » pour « provoquer » une interprétation. Autrement dit : même si la « langue » elle-même n'édifie pas, au moins elle est utile parce que Dieu s'en sert pour « déclencher » une interprétation et que celle-ci équivaut à une prophétie.

Une comparaison qui ébranle

Cet argument est dangereux : c'est un retour à la conception de la prophétie du paganisme de l'Antiquité. Je reviens à ce que je disais précédemment. Elle ressemble étrangement à celle des oracles de Delphes et d'ailleurs. Par la bouche de la Pythie, qui était une mantis (c'est-à-dire une prophétesse démoniaque), le message du dieu (en grec, indifféremment : daïmôn = démon ou : théos = dieu) était émis en langue incompréhensible et souvent en extase. Ce « message » était ensuite « interprété » en langue connue par le « prophète » (en grec : prophêtês).

Pourquoi le Saint-Esprit utiliserait-il, pour nous parler, un moyen propre à l'occultisme de l'Antiquité ? Voudrait-il réellement employer le croyant en tant que mantis, ce terme que l'Écriture condamne comme une abomination ? Aucun homme de Dieu dans la Bible n'a reçu un message divin d'une façon aussi peu rationnelle. Le Dieu qui a parlé à Abraham, à Moïse, à Samuel, à David, à tous les prophètes, comme aux apôtres de notre Seigneur Jésus-Christ, n'a jamais choisi de leur communiquer sa Parole de cette manière. « La Parole de l'Éternel me fut adressée », écrivaient-ils... et le message qu'ils livraient ensuite était toujours direct, lumineux, tranchant, exprimé dans la langue même de leurs auditeurs. Il n'y avait pas de mystification. Il n'y avait rien d'équivoque dans le processus de l'inspiration divine. Écoutons une fois de plus la sagesse de Dieu : « Toutes les paroles de ma bouche... sont claires pour celui qui est intelligent » Proverbes 8.8-9.

En fait, bien que l'apôtre Paul, comme son disciple et ami Luc, ne reconnaisse qu'un seul genre de langues miraculeuses authentiques venant de Dieu, il reconnaît l'existence de la contrefaçon qui apportait tant de confusion à l'église de Corinthe. Un don venant du Saint-Esprit ne peut que porter le fruit de l'Esprit, ce qui n'était pas le cas à Corinthe. Par contre, une langue qui ne vient pas de Dieu ne peut pas édifier l'église.

Paul parle dans ce même chapitre de langues qui sont : des paroles en l'air (verset 9), un son confus (verset 8), sans utilité (verset 6), le langage d'un barbare (verset 11), une activité de petits enfants, sans maturité (verset 20) et qui peuvent présenter un aspect de folie (verset 23).

Il est clair, que les langues pratiquées dans l'assemblée de Corinthe ne venaient pas forcément de Dieu. Leur caractère charnel est trop évident ; il correspond en effet à l'état général de l'assemblée, dont Paul essaie de rectifier les abus. Chez certains, à Corinthe, les langues provenaient sans doute d'une origine démoniaque, car l'apôtre nous apprend dans ses chapitres 8 à 10 que plusieurs des croyants participaient encore aux viandes offertes aux idoles. « Ce qu'on sacrifie, dit-il, on le sacrifie aux démons et non à Dieu ; or, je ne veux pas que vous soyez en communion avec les démons » ( 1 Corinthiens 10.20). Paul n'hésite pas à appeler ceux qui troublaient cette assemblée des « ministres de Satan » 2 Corinthiens 11.13-15.

Note importante

Paul revient plus tard dans son chapitre (verset 13) sur la question de l'interprétation des langues. Pour cette raison, nous ferons bien d'étudier ce verset ici, en rapport avec le verset 5 que nous venons d'examiner.

TEXTE DU VERSET 13 AVEC COMMENTAIRE

διὸ λαλῶν γλώσσῃ
Dio ho lalôn glôssêï
C'est pourquoi celui qui parle (dans) une langue

προσευχέσθω ἵναδιερμηνεύῃ
proseuchesthô hina diermêneuêï
qu'il prie pour qu'il (ou : on) interprète

« C'est pourquoi, [dit Paul, et c'est un commandement) que celui qui parle une langue (ou : dans une langue) [étrangère] prie pour qu'il interprète. »

La version Segond se permet de rendre cette phrase ainsi : « Que celui qui parle en langue prie pour avoir le don d'interpréter ». Mais le mot « don » ne se trouve pas dans le texte grec. Paul ne dit pas que celui qui parle « en langues » doive prier pour avoir le don d'interprétation, mais simplement qu'il doit prier pour que la langue soit traduite, soit par lui-même (verset 13) soit par quelqu'un d'autre (versets 27-28). Cela s'accorde avec tout ce que nous avons déjà vu sur la signification du don des langues et de son interprétation.

On me rappellera, avec raison, que Paul (au verset 21) permet (le texte ne dit pas qu'il l'encourage) l'emploi d'une « langue » dans l'assemblée pourvu qu'elle soit traduite. Je suis d'accord et qui suis-je pour contredire ? D'ailleurs, si la langue est une expression authentique du Saint-Esprit en conformité avec Actes 2, qui voudrait l'empêcher ? Car son authenticité sera évidente et ses conséquences selon la volonté de Dieu seront accompagnées d'un fruit incontestable.

Néanmoins, je reviens toujours à la même question : qu'est-ce qui est le plus utile à l'église : un message en langue inconnue qu'il faut ensuite traduire en langue connue... ou bien un message prononcé dès le début en langue compréhensible ?... un « parler en langue », disons, de cinq minutes suivi d'une interprétation de cinq minutes, où bien une prophétie ou un enseignement de dix minutes en une langue que tous peuvent comprendre et qui apporte le maximum de profit spirituel à tous ? Ne serait-il pas juste de dire (sans vouloir mesurer la valeur de la Parole de Dieu uniquement par des mathématiques terrestres !) que dix minutes d'exhortation sont deux fois plus utiles que cinq minutes d'interprétation ?

De toute manière, l'apôtre Paul ne voit aucune utilité dans un « parler en langues » incompréhensible et sans traduction. Pour lui, la langue doit tout d'abord avoir un sens et un but précis qui soient conformes à l'ensemble de la Parole de Dieu ; puis, en même temps, la langue doit être traduite. Paul insiste sur une action lucide et intelligente pour que l'Esprit de Dieu puisse révéler de la manière la plus efficace la pensée de Dieu en Christ (voir aussi le chapitre 25 : un don d'interprétation indispensable.)

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