Si quelqu’un possède les biens du monde, qu’il voie son frère dans le besoin, et qu’il lui ferme son cœur, comment l’amour de Dieu demeurera-t-il en lui ? Subvenez aux besoins des saints.
Grande est la tentation de reprocher à l’Eternel d’avoir « fait le riche » (Proverbes 22.2), car la plupart des nantis ont piètre renommée, accusés qu’ils sont d’exploiter ou de mépriser les humbles démunis. La joyeuse et brillante vie de certains, l’opulence étalée sans fausse honte, sont une insulte aux pauvres gens. Certes, il y a de bons riches (1) comme il y a de mauvais pauvres. Possesseur de richesses considérables, Abraham fournissait de l’ouvrage à des centaines de serviteurs qui l’estimaient, prêts à se sacrifier pour lui (Genèse 14.14). Il n’empêche que l’Ecriture dénonce avec vigueur la rapacité et le comportement inique de trop nombreux riches : « Votre or et votre argent sont rouillés ; et leur rouille s’élèvera en témoignage contre vous et dévorera votre chair comme un feu… Voici : le salaire des ouvriers qui ont moissonné vos champs et dont vous les avez frustrés, crie, et les clameurs des moissonneurs sont parvenues jusqu’aux oreilles du Seigneur des armées. Vous avez vécu dans les voluptés et dans le luxe, vous avez rassasié vos cœurs au jour du carnage. Vous avez condamné, vous avez tué le juste ; il ne vous résiste pas (Jacques 5.1, 6). Réquisitoire musclé encore valable aujourd’hui car les hommes n’ont pas changé.
(1) Sous l’Ancienne Alliance des hommes pieux eurent de grands biens : Abraham (Genèse 13.6) ; Isaac (Genèse 26.13, 14) ; Jacob (Genèse 20.43 ; 32.5) ; Barzillaï (2 Samuel 19.32) ; David (1 Chroniques 29.28) ; Salomon (2 Chroniques 1.15 ; 9.22) ; Job (1.3 et 42.12) et Joseph d’Arimathée (Matthieu 27.57). Considérez la vie de ces hommes, cherchez à connaître les origines de leurs richesses, les dispositions de leur cœur à l’égard de l’Eternel et l’emploi qu’ils firent de leurs biens.
Et pourtant, Dieu ne se trompait pas en faisant le riche et le pauvre. Il s’attendait à ce que les premiers fussent un bien pour les seconds (Luc 3.10), des bienfaiteurs pour l’ensemble de la population. Il suffit d’évoquer telle famille aux grands moyens, à l’origine d’une industrie devenue au fil des ans source d’enrichissement pour toute une région. Il est précieux de voir des chrétiens fortunés offrir une somme importante pour réaliser un projet audacieux destiné à favoriser la proclamation de l’Evangile ; il ne verrait pas le jour sans leur intervention. Et c’est en cela qu’est apprécié le croyant riche et généreux, à condition que ses largesses ne lui confèrent pas une quelconque autorité sur ses frères, ni ne favorise sa main mise sur l’œuvre qu’il soutient.
Hélas ! La plupart des gens cossus n’ont pas rempli leur mission. Préoccupés d’arrondir leur fortune, ils ont oublié les défavorisés placés auprès d’eux ; ils ont construit plus de châteaux que d’hôpitaux ou de maisons de retraite. C’est dommage et honteux !
Pour rappeler à chacun ses devoirs à l’égard des personnes sans ressources, l’Eternel a dicté des lois à Moïse (2) visant à protéger et à relever le malheureux : la veuve, l’orphelin, l’étranger, le lépreux ou le salarié, tous généralement démunis. Le dessein de l’Eternel était clair : Tu devras ouvrir ta main à ton frère, au malheureux et au pauvre dans ton pays (Deutéronome 15.11).
(2) Il était prohibé de prêter de l’argent à ses compatriotes afin d’en tirer un intérêt (Exode 22.25-27). — Une partie de la dime était remise à la veuve, à l’orphelin et à l’étranger (Deutéronome 26.12, 13). Ils avaient part au festin de Pentecôte et de la fête des Tabernacles (Deutéronome 16.1, 14). – Tout Israélite se devait de faire l’aumône au mendiant. – Le pauvre et l’étranger avaient droit de glanage (Lévitique 19.9, 10) – Durant la septième année, le produit de la terre appartenait au pauvre (Exode 23.11). – Tous les cinquante ans, celui qui avait été contraint de vendre son domaine le récupérait sans verser quoi que ce soit (Lévitique 25.25-30). Si la pauvreté obligeait un fils d’Israël à se vendre comme salarié, il recouvrait sa liberté durant l’année jubilaire (Lévitique 25.39-41). – Le rituel des sacrifices autorisait le pauvre à offrir des victimes moins coûteuses (Lévitique 14.21). – Le salaire de l’ouvrier devait être réglé au jour le jour (Lévitique 19.13)…
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Dans le Nouveau Testament, et dès la fondation de l’Eglise, les offrandes étaient essentiellement distribuées aux personnes privées du nécessaire, la priorité étant accordée aux « frères en la foi » (Galates 6.10 ; Actes 2.15 et 4.34). C’est ainsi que les premiers chrétiens témoignèrent une sollicitude particulière aux veuves, et aux femmes abandonnées par leur famille à cause de leur foi. Des hommes remplis de l’Esprit furent désignés pour les servir équitablement (Actes 6).
Lorsque Paul rencontra pour la première fois Pierre, Jacques et Jean à Jérusalem, il reçut d’eux une seule recommandation : se souvenir des pauvres (Galates 2.10). Il ne manqua pas de la suivre, lui qui organisa de sa propre initiative une vaste collecte en faveur des chrétiens de Judée (Romains 15.25-28 ; 1 Corinthiens 16.1, 4 et 2 ,Corinthiens 8 et 9). Ces frères boycottés par leurs compatriotes, reniés par leurs proches, abandonnés par leur conjoint à cause de Jésus, vivaient dans une pauvreté extrême. Et c’est dans les églises peu riches de Macédoine (Philippes, Thessalonique, Bérée) que l’apôtre récolta le plus d’argent, car il y avait au sein de ces communautés des hommes et des femmes pleinement consacrés à l’œuvre du Seigneur : Quoique très éprouvés par des tribulations, leur joie débordante et leur pauvreté profonde ont produit avec abondance de riches libéralités… Ils se sont d’abord donnés eux-mêmes au Seigneur et à nous, par la volonté de Dieu (2 Corinthiens 8.1-5). Le don devient d’autant plus aisé que l’on se donne sans partage au Seigneur. « Le soin des pauvres, des malades, de tous les êtres souffrants, fut, dès l’origine, non seulement un fruit de l’amour chrétien, mais un lien puissant entre les églises. Ce moyen, constamment joint à la prédication sera, de nos jours encore, le plus puissant pour ramener à Jésus-Christ une génération qui lui est devenue tout à fait étrangère » (Louis Bonnet).
La conduite prudente de Paul procédant à une collecte en faveur des chrétiens de Judée doit être retenue. A cause des sommes importantes recueillies dans les églises, l’apôtre devait être au-dessus de tout soupçon. C’est pourquoi il eut la sagesse de s’associer Tite, son compagnon, un homme de confiance bien connu des Corinthiens (3) ainsi que plusieurs frères désignés par les églises visitées (2 Corinthiens 8.16, 18, 19, 23). Ces hommes avaient pour mission de centraliser les fonds et de les convoyer jusqu’à Jérusalem. Les donateurs pouvaient être rassurés : La totalité des sommes collectées parviendrait bien à sa destination.
(3) C’était sagesse car les chrétiens de Corinthe critiquaient sévèrement le ministère de Paul et pouvaient avoir un a priori de méfiance à son égard.
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De telles collectes en faveur des victimes de la guerre, de l’oppression ou de divers cataclysmes sont pratiquées de nos jours encore au sein des églises. Ainsi a-t-il été possible d’expédier dans certains pays du Tiers-monde où sévissait la famine, des tonnes de vivres ou de produits pharmaceutiques ainsi que de l’argent. De tels actes de solidarité – ponctuels il est vrai – sont conformes à la pensée du Dieu compatissant. En général, ces efforts suscitent beaucoup d’intérêt.
Dans un passé plus ou moins lointain, des personnalités chrétiennes ont entrepris des actions généreuses en faveur de catégories éprouvées. Citons entre autres : Homes pour orphelins, enfants abandonnés ou handicapés – Institutions pour sourds et muets – Refuges pour mères célibataires ou victimes de la prostitution – Dispensaires pour lépreux – Centres pour handicapés physiques ou mentaux – Œuvres de relèvement pour alcooliques ou drogués – Foyers de jeunes filles – Maisons de retraite – Ecoles privées – Assistance aux réfugiés… etc.
A cette liste incomplète il convient d’ajouter l’œuvre médicale de la mission ainsi que les divers secours destinés à un Tiers-monde appauvri par la sècheresse, éprouvé par la malnutrition, les épidémies ou les guerres tribales… sans oublier l’action menée en faveur des victimes de l’oppression, à l’Est comme à l’Ouest… Les besoins sont immenses. Confronté à tant de misères, je m’interroge. Puis-je « baigner » dans l’abondance et en jouir avec bonne conscience et rester insensible aux appels pourtant déchirants que poussent des multitudes affamées ? Cette question incite à la réflexion et devrait m’amener à des décisions concrètes.
QUESTIONS