Quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu !
La tâche laissée en suspens, dit-on, éprouve plus que le travail accompli, surtout si les choses de moindre importance ont pris le pas sur l’essentiel. D’où ce malaise du soir que je peux ressentir lorsque je revis ma journée et découvre avoir donné priorité au secondaire. Dans son excellente brochure, la tyrannie de l’urgent (dont je vous recommande la lecture), Ch. Hummel dit entre autre : « Nous savons tous nous astreindre à une dure besogne pendant de longues heures. La fatigue qui en découle se voit compensée par un sentiment d’accomplissement et de joie. Ce ne sont pas ces efforts intenses qui nous affaiblissent, mais bien plutôt le doute et l’inquiétude qui accompagnent nos bilans d’un mois ou d’une année avec leur lourd constat de tâches restées en suspens. Nous sentons un malaise à l’idée d’avoir peut-être passé à côté de l’important… nous confessons par-delà nos erreurs, que nous n’avons pas fait ce que nous aurions dû faire, et nous avons fait ce que nous n’aurions pas dû faire » (1).
(1) Éditeurs : G.B.U. et C.L.C., 1251 Rue Guy, Montréal (P.Q. H3H 2K5).
A ce sujet, la dernière prière de Jésus – dite sacerdotale Jean 17) – est précieuse pour ceux qui tiennent à racheter le temps. Peu avant sa mort, le Fils considère lucidement son activité passée et en établit le bilan. Formulée à haute voix afin que ses disciples en tirent profit, cette prière révèle :
Mais alors, sur quels critères le Seigneur se fondait-il pour discerner ses priorités ? Celui qui énonça le grand commandement : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu… et ton prochain comme toi-même (Luc 10.27) poursuivit inlassablement un double but, à savoir la gloire du Père d’abord et, en même temps, le bien du prochain.
PREMIER OBJECTIF : La gloire du Père. Le Fils pouvait-il envisager d’entreprendre une seule action qui n’ait pour mobile l’honneur de Dieu ? Certainement pas. Si son œuvre fut immense, elle n’eut jamais pour mobile sa gloire propre, son succès personnel. Tout entière, elle visait à exalter « celui qui l’avait envoyé » : Père… je t’ai glorifié sur la terre (Jean 17.4). Et parce qu’il tenait à remplir fidèlement et parfaitement sa mission, il consacra du temps – beaucoup de temps – à son Dieu. Il se plaisait en sa compagnie et avait avec lui de longs tête-à-tête afin de recevoir pour la journée les directives d’En-Haut : Je cherche, disait-il, la volonté de celui qui m’a envoyé (Jean 5.30). A nous de lui emboîter le pas, car le serviteur n’est pas plus-grand que son Maître. Est-ce que je tiens réellement à discerner les œuvres prioritaires préparées d’avance pour que je les accomplisse (Éphésiens 2.10) ? Alors, à l’exemple de Jésus, je donnerai du temps à sa Personne. Sans hâte et sans bavardage.
DEUXIÈME OBJECTIF du Sauveur : Les intérêts et la joie de ses semblables (des disciples en priorité). Le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup (Marc 10.45). Jésus n’a pas failli à sa mission. Totalement « dépréoccupé » de lui-même, il s’est dépensé sans mesure en faveur des déshérités de la vie, se sacrifiant pour les pécheurs afin qu’ils aient en eux sa joie parfaite. Il a fait connaître son nom aux hommes (v. 26) et à pris un soin particulier de ceux qui l’ont suivi. N’est-ce pas là aussi la vocation de tout enfant de Dieu ? Ne nous lassons pas de faire le bien, recommande l’apôtre, car nous moissonnerons au temps convenable, si nous ne nous relâchons pas. Ainsi donc, pendant que nous en avons l’occasion, pratiquons le bien envers tous, et surtout envers les frères en la foi (Galates 6.9-10).
Avant de réintégrer le ciel, Jésus établit le bilan de son œuvre passée : elle est colossale et sans faille. Il peut s’écrier sans hésitation aucune : « Mission accomplie. » En effet, son premier objectif, exalter le Père, a été pleinement atteint, puisqu’il a pu déclarer : Père… je t’ai glorifié sur la terre ; j’ai achevé l’œuvre que tu n’as donnée à faire (Jean 17.4). Quant au deuxième objectif : Travailler au bien et au salut des pécheurs, il l’a, point par point, réalisé : Je leur ai fait connaître ton nom… Je les ai préservés et aucun d’eux ne s’est perdu… Je les ai instruits puis envoyés à la conquête du monde (v. 26, 12, 14, 18). Qui peut tenir sans broncher de tels propos ? Aucun chrétien, pas même le plus fidèle, car nos bilans sont plutôt des sujets d’humiliation. Néanmoins, et avec son aide, je veux rechercher la gloire du Seigneur et travailler au bien et au salut des pécheurs… sans oublier d’examiner de temps à autre la tâche accomplie. Sans indulgence et pour mieux faire.
Une fois encore, le récit de la résurrection de Lazare nous instruira. Le S.O.S. de Marthe et Marie lancé à Jésus (Jean 11.3) est si alarmant que leMaître devrait prendre la route sans délai. Étonnement général : le Sauveur ne réagit pas, alors que son ami se meurt à Béthanie. Apparemment insensible à l’appel reçu, il temporise et retarde même son départ de plusieurs jours. Sciemment. Pourquoi donc ? Fidèle à sa ligne de conduite, il préfère choisir le bon moment pour opérer un miracle dont la portée et le retentissement dépasseront de loin ceux d’une simple guérison.
Jésus ne devance jamais le temps. Il sait résister aux sollicitations les plus pressantes émanant des êtres les plus chers. Jamais perplexe ou hésitant, nullement tiraillé entre l’urgent et le prioritaire, il sait distinguer l’un de l’autre. Pour Marthe, le besoin le plus impérieux est la guérison de son frère. Aux yeux du Fils de Dieu, la résurrection d’un mort compte infiniment plus pour la gloire du Créateur.
Tirons de l’attitude de Jésus un double enseignement :
1. Pas de précipitation. A quoi bon appuyer sur l’accélérateur si je ne suis pas certain de rouler sur la bonne route ? Quelqu’un me demande-t-il avec insistance de m’atteler à une tâche qui ne me semble pas destinée ? Exige-t-on de moi une réponse rapide ? Je refuserai de donner mon accord sur-le-champ. Je tiens à réfléchir et surtout à rester libre dans mes décisions. Il y a des œuvres dévoreuses d’énergie qui ne me concernent pas. Certaines sollicitations peuvent paraître de première importance lorsqu’elles sont formulées ; voire même inspirées de Dieu. Et cependant, avec du recul, elles perdent leur prééminence trompeuse. J’ai fait trop d’expériences négatives pour répondre à toute demande (d’entretien par exemple) qui ne peut attendre une heure de plus. En général, la personne au bout du fil insiste pour que je m’occupe d’elle en priorité, cherchant à « me faire marcher » à coup de suppliques. Surtout pas. Il faut savoir résister à certains appels et refuser de devenir la victime de ceux qui se plaisent à monopoliser le temps des autres.
En règle générale, je ne devrais pas prendre une décision importante au téléphone sans l’avoir mûrie auparavant. L’écouteur à l’oreille, pressé de répondre: « oui », je ne suis guère en mesure de discerner ce qu’il convient d’inscrire sur mon agenda. Ne craignons pas de dire à de tels interlocuteurs : « Rappelez-moi demain et je vous donnerai une réponse réfléchie. » Mon stock de temps est trop limité pour le brader au premier venu. Je dois également résister à la tentation de prendre un quelconque engagement sous prétexte que rien n’est marqué à la date proposée. Restons libre dans nos choix et dans nos décisions.
2. Dépendance de Dieu seul. Parcourez les évangiles et vous constaterez que le Fils ne fut jamais à la remorque de quiconque. Même pas de sa mère qui, aux noces de Cana, tentait de lui tracer sa ligne de conduite (Jean 2.4-5). Personne ne put lui imposer une seule chose qui fût contraire à la volonté de son Père. Aussi, là prière la plus fervente ne fera-t-elle jamais du Christ l’agent de notre volonté (Jacques 4.3). A l’instar de Jésus, je veux rester libre pour ne faire que ce qui est selon son dessein. Un jour ou l’autre, d’excellentes personnes, chrétiennes consacrées et convaincues de surcroît, pourront insister pour que je m’engage dans une entreprise jugée par elles indispensable à l’avancement du règne de Dieu. Je ne suivrai leur conseil que si je discerne qu’elles sont réellement les instruments du Seigneur pour m’inciter à l’action (se souvenir de la conduite de Paul, Actes 21.8-14).
La priorité des priorités. « Un temps.de méditation et de prière au début de la journée réajuste notre relation avec Dieu. Moment béni qui consiste à s’en remettre à sa divine volonté pour les heures qui viennent, à faire sans hâte la liste des tâches importantes à accomplir, en les mettant par ordre de priorité tout en tenant compte des engagements pris. Un général compétent dresse toujours un plan d’attaque avant d’affronter l’ennemi. Il ne prend pas les décisions essentielles lorsque le combat est engagé. » (1)
(1) La tyrannie de l’urgent. Ch. Hummel.
Il semble que toute action généreuse visant à secourir des frères dans la peine devrait être jugée prioritaire. La charité avant tout. Mais est-ce toujours vrai ? Toute œuvre belle et, bonne m’incombe-t-elle nécessairement ? Pierre et ses compagnons furent confrontés à ce problème, eux qui se faisaient un devoir de « servir aux tables ». Sollicités de tous côtés et littéralement débordés, les apôtres ne tardèrent pas à comprendre qu’ils assuraient bien mal une distribution qui déclenchait le mécontentement et risquait de provoquer affrontements et divisions au sein de l’Église de Jérusalem. Ces difficultés leur ouvrirent les yeux. Ils découvrirent qu’ils négligeaient des tâches prioritaires pour se donner à des activités que d’autres pouvaient remplir tellement mieux, Pierre dut en convenir publiquement : Il ne convient pas, dit-il, que nous délaissions la Parole de Dieu pour servir aux tables… Nous persévérerons dans la prière et dans le service de la Parole (Actes 6.24).
Une pédagogue de renom conseille ce qui suit : Organisez votre travail, dit-elle, de telle sorte que vous accomplissiez, dans l’ordre :
Tout dépend du choix de nos priorités.
Si la prière tient une place minime dans nos journées, c’est que nous en ignorons la portée. Avons-nous des devoirs pressants à remplir ? Qu’ils ne soient pas un motif pour réduire le temps consacré au Seigneur ! En tout cas, Luther y trouvait un argument de plus pour plier les genoux. Il répondit un jour à un ami qui s’intéressait à son activité : « J’ai tant à faire demain que je consacrerai les trois premières heures de la journée à la prière. »
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