Histoire ecclésiastique - Eusèbe de Césarée

LIVRE II

CHAPITRE V
PHILON EST ENVOYÉ EN AMBASSADE AUPRÈS DE GAÏUS POUR LES JUIFS

[1] Philon raconte en cinq livres ce qui est arrivé aux Juifs sous Gaïus ; il rapporte la folie de ce prince, il dit comment il se fit proclamer dieu et se permit des abus sans nombre dans l'exercice du pouvoir. Il décrit les outrages que les Juifs eurent à supporter sous ce règne et l'ambassade dont il fut chargé, envoyé à Rome par ses congénères d'Alexandrie. Il affirme que parlant devant Gaïus des lois de ses pères, il n'obtint que moquerie et dérision, et pour un peu sa vie même eût été en danger. [2] Josèphe, dans le dix-huitième livre de l'Antiquité, mentionne aussi ces événements dans les termes suivants :

« Un soulèvement se produisit à Alexandrie entre les Juifs domiciliés en ce pays et les Grecs. Trois membres de chaque parti furent choisis et comparurent devant Gaïus. [3] L'un des ambassadeurs alexandrins, Apion, dit beaucoup de mal des Juifs ; entre autres accusations, il allégua d'abord qu'ils se souciaient peu de rendre les honneurs dus à César ; tandis que tous les sujets de l'empire élevaient des autels et des temples à Gaïus, le traitant en tout comme les dieux, les Juifs seuls pensaient qu'il était déraisonnable de l'honorer par des statues et de jurer par son nom. [4] Apion allégua beaucoup de griefs fort graves, destinés à exciter la colère de Gaïus et assortis à ce but. Philon, le chef de l'ambassade juive, homme très illustre, frère d'Alexandre l'alabarque, habile philosophe, était capable de repousser les accusations. [5] Gaïus lui ferma la bouche et lui ordonna de se retirer ; il paraissait du reste fort irrité et sur le point de sévir contre les envoyés juifs. Philon sortit donc, grossièrement outragé, et il dit aux siens qui l'entouraient : « Courage, les paroles et la colère de Gaïus tombent sur nous, mais en réalité il se fait de Dieu un ennemi. »

Voilà ce que rapporte Josèphe.

[6] Philon, dans l'écrit qu'il intitula L'Ambassade, raconte lui-même en détail et d'une façon précise ce qu'il fit dans cette circonstance. Je laisserai la plus grande partie de son récit et je rapporterai seulement ce qui sera nécessaire pour montrer clairement ce qui est arrivé aux Juifs aussitôt et sans tarder à cause de l'attentat contre le Christ.

[7] Philon rapporte d'abord que sous Tibère, Séjan très puissant parmi ceux qui entouraient alors l'empereur, mettait tout en œuvre pour détruire tout le peuple juif dans la ville de Rome. En Judée d'autre part, Pilate, sous lequel eut lieu la passion du Sauveur, se permit au temple de Jérusalem, qui existait encore, des choses interdites par la loi juive et excita ainsi les plus grands troubles.

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