1.[1] Pendant que les Romains vivaient dans l'abondance et l'inaction, Hérode, toujours actif, occupait I'Idumée avec deux mille fantassins et quatre cents cavaliers, qu'il y envoyait sous son frère Joseph, pour prévenir toute nouvelle tentative en faveur d'Antigone. Lui-même cependant installait à Samarie sa mère et ses autres parents, qu'il avait emmenés de Masada ; quand il eut pourvu à leur sûreté, il partit pour s'emparer des dernières forteresses de Galilée et en chasser les garnisons d'Antigone.
[1] Sections 1-7 Ant., XIV, 15, 4-9.
2. Il arriva, malgré de violentes chutes de neige, devant Sepphoris et occupa la ville sans combat, la garnison s'étant enfuie avant l'attaque. Là il laissa se refaire ses soldats, que l'hiver avait éprouvés, car il y trouva des vivres en abondance. Puis il partit relancer les brigands des cavernes, qui, ravageant une grande partie de la contrée, maltraitaient les habitants autant que la guerre même. Il envoya en avant trois bataillons d'infanterie et un escadron de cavalerie au bourg d'Arbèles ; lui-même les y rejoignit le quarantième jour avec le reste de ses forces. Les ennemis ne se dérobèrent pas à l'attaque ; ils marchèrent en armes à sa rencontre, joignant à l'expérience de la guerre l'audace des brigands. Ils engagèrent donc la lutte et avec leur aile droite mirent en déroute l'aile gauche d'Hérode ; mais lui, pivotant vivement avec son aile droite qu'il commandait en personne, vint porter secours aux siens : non seulement il arrêta la fuite de ses propres troupes, mais il s'élança encore contre ceux qui les poursuivaient et contint leur élan jusqu'au moment où ils cédèrent aux attaques de front et prirent la fuite.
3. Hérode les poursuivit, en les massacrant, jusqu'au Jourdain ; un grand nombre périt, le reste se dispersa au delà du fleuve. Ainsi la Galilée fut délivrée de ses terreurs, sauf toutefois les brigands qui restaient blottis dans les cavernes et dont la destruction demanda du temps. Hérode accorda donc d'abord à ses soldats le fruit de leurs peines, distribuant à chacun d'eux cent cinquante drachmes d'argent et aux officiers une somme beaucoup plus considérable ; puis il les envoya dans leurs quartiers d'hiver. Il ordonna à Phéroras, le plus jeune de ses frères, de pourvoir à leur approvisionnement[2] et de fortifier Alexandreion[3], Phéroras s'acquitta de cette double tâche.
[2] D'après Ant., § 418, Phéroras fut chargé de nourrir, non les soldats d'Hérode, mais les Romains, qu'Antigone, au bout d'un mois, avait laissés à court.
[3] Ou plutôt d'en relever les fortifications (Ant., § 419).
4. Dans le même temps, Antoine séjournait à Athènes[4], et Ventidius manda Silo et Hérode auprès de lui pour le seconder dans la guerre contre les Parthes, les invitant à régler d'abord les affaires de Judée. Hérode, sans se faire prier, lui envoya Silo, mais lui-même se mit en campagne contre les brigands des cavernes. Ces cavernes étaient situées sur le flanc de montagnes escarpées, inabordables de toutes parts, n'offrant d'accès que par des sentiers étroits et tortueux ; de front la roche plongeait dans des gorges profondes, dressant ses pentes abruptes et ravinées. Longtemps le roi fut paralysé à la vue de ces difficultés du terrain : enfin il imagina un stratagème très hasardeux. Il plaça ses soldats les plus vigoureux dans des coffres, qu'il fit descendre d'en haut à l'aide de cordes et amena à l'entrée des Cavernes ; ceux-ci massacraient alors les brigands et leurs enfants et lançaient des brandons enflammés contre ceux qui se défendaient. Hérode, voulant en sauver quelques-uns, les invita par la voix d'un héraut à se rendre auprès de lui. Aucun n'obéit de son propre gré[5], et parmi ceux qui y furent contraints, beaucoup préférèrent la mort à la captivité. C'est là qu'ou vit un vieillard, père de sept enfants, tuer ses fils qui, avec leur mère, le priaient de les laisser sortir et se rendre à merci ; il les fit avancer, l'un après l'autre, et, se tenant à l'entrée, les égorgea un à un. Du haut d'une éminence, Hérode contemplait cette scène, profondément remué, et tendait la main vers le vieillard pour le conjurer d'épargner ses enfants mais celui-ci, sans s'émouvoir en rien de ces paroles, invectivant même l'ignoble naissance d'Hérode, tua, après ses fils, sa femme, jeta les cadavres dans le précipice et finalement s'y lança lui-même.
[4] Hiver 39-38 av. J.-C.
[5] Ant., §427, parle, au contraire, de nombreux cas de soumission.
5. Hérode se rendit ainsi maître des cavernes et de leurs habitants. Après avoir laissé (en Galilée) sous les ordres de Ptolémée un détachement suffisant, à son avis, pour réprimer des séditions, il retourna vers Samarie, menant contre Antigone trois mille hoplites et six cents cavaliers. Alors, profitant de son absence, les fauteurs ordinaires de troubles en Galilée attaquèrent à l'improviste le général Ptolémée et le tuèrent. Ensuite ils ravagèrent la contrée, trouvant un refuge dans les marais et les places d'un accès difficile. A la nouvelle de ce soulèvement, Hérode revint en hâte à la rescousse ; il massacra un grand nombre des rebelles, assiégea et prit toutes les forteresses et imposa aux villes une contribution de cent talents pour les punir de cette défection.
6. Cependant quand les Parthes eurent été chassés et Pacoros tué[6], Ventidius, suivant les ordres d'Antoine, envoya comme auxiliaires à Hérode, pour les opposer à Antigone, mille chevaux et deux légions ; leur chef était Machaeras. Antigone écrivit lettres sur lettres à ce général, le suppliant de l'aider plutôt lui-même, ajoutant force plaintes sur la violence d'Hérode et les dommages qu'il causait au royaume ; il y joignait des promesses d'argent. Machaeras n'osait pas mépriser ses instructions, et d'ailleurs Hérode lui donnait d'avantage ; aussi ne se laissa-t-il pas gagner à la trahison[7] ; toutefois, feignant l'amitié, il alla observer la situation d'Antigone, sans écouter Hérode, qui l'en détournait. Or Antigone, qui avait deviné ses intentions, lui interdit l'entrée de la ville et du haut des murs le fit repousser comme un ennemi. Enfin, Machaeras, tout confus, se retira à Emmaüs, auprès d'Hérode ; rendu furieux par sa déconvenue, il tua sur son chemin tous les Juifs qu'il rencontrait, sans même épargner les Hérodiens, mais les traitant tous comme s'ils appartenaient à la faction d'Antigone.
[6] 9 juin 38.
[7] Ant., § 435, est bien loin d'être aussi affirmatif.
7. Hérode, fort mécontent, s'élança d'abord pour attaquer Machaeras comme un ennemi, mais il maîtrisa sa colère et se rendit auprès d'Antoine pour dénoncer les procédés injustes de ce personnage. Celui-ci, ayant réfléchi sur ses fautes, courut après le roi et, à force de prières, réussit à se réconcilier avec lui. Hérode n'en continua pas moins son voyage auprès d'Antoine. Apprenant que ce général assiégeait avec des forces considérables Samosate, importante place voisine de l'Euphrate, il pressa encore sa marche, voyant là une occasion favorable de montrer son courage et de se pousser dans l'amitié d'Antoine. Son arrivée amena le dénouement du siège ; il tua de nombreux ennemis et fit un butin considérable. De là deux résultats : Antoine, qui admirait depuis longtemps la valeur d'Hérode, s'affermit encore dans ce sentiment et accrut de toute manière ses honneurs et ses espérances de règne ; quant au roi Antiochus, il fut contraint de rendre Samosate.