Nous allons assister, en raccourci6, au développement séculaire d’une explication de la mort de Jésus-Christ qui, issue du besoin d’interpréter une expérience positive de la foi, ira se précisant, se rectifiant et se faussant tout ensemble, jusqu’au moment où, cessant de correspondre à l’expérience, elle ne sera plus qu’un théologoumène, une pure fiction théologique, et du même coup se brisera en morceaux. Chose curieuse et triste à dire, ce n’est pas le catholicisme, c’est le protestantisme qui en fournira à certains égards la formule la plus dure et la plus inacceptable.
6 – Pour le développement de ce qui suit, voir Bovon, Dogmatique, II, page 24 et suivantes.
Les premiers siècles de l’Eglise nous placent en face d’un phénomène bien connu dans l’histoire des dogmes — quoiqu’il eût paru jadis contradictoire au premier chef — savoir l’absence de tout dogme relatif à la mort de Christ. Non que celle-ci fût ignorée ou méconnue par la foi ; au contraire. Mais on se borne à vivre les choses, sans se préoccuper d’en rendre compte intellectuellement. Les Pères apostoliques répètent docilement les expressions traditionnelles ou scripturaires, les comprennent plus ou moins (plutôt moins que plus) et latitude est laissée à chaque fidèle d’en chercher et d’en produire pour soi-même l’explication théologique.