Après avoir traversé les jours ténébreux de l’Église, j’en viens maintenant à considérer cette période qui commence à la Réformation et qui s’étend jusqu’à nos jours. Et ici, je remarquerai : 1° la Réformation elle-même ; 2° l’opposition que le diable fit à l’Église réformée ; 3° les succès récents de l’Évangile dans quelques lieux ; 4° le présent état de choses dans le monde pour ce qui concerne l’Église et sa rédemption.
Elle commença en Allemagne vers l’an 1515, par la prédication de Luther. A la vue des superstitieuses pratiques qui régnaient dans ce temps, il se mit à rechercher diligemment la vérité par l’étude des Écritures et des écrits des anciens Pères de l’Église, et il dénonça ouvertement et hardiment, dans ses écrits et dans sa prédication, la corruption et les usurpations du clergé. Il eut bientôt un grand nombre d’adhérents : de ce nombre fut l’électeur de Saxe, le prince souverain de son pays natal. Cela alarma l’Église romaine, qui rassembla ses forces pour lui résister, et suscita contre lui des guerres et des persécutions. Malgré cela, la vérité continua de se répandre au moyen des travaux de Luther et de Mélanchthon en Allemagne, de Zwingle en Suisse, et d’autres théologiens distingués contemporains de Luther, particulièrement de Calvin, qui apparut après le commencement de la Réformation, mais qui fut un des réformateurs les plus distingués.
Plusieurs des princes d’Allemagne embrassèrent bientôt la religion réformée, ainsi que plusieurs autres Etats et royaumes de l’Europe, comme l’Angleterre, l’Ecosse, la Suède, le Danemark, la Norvège, une grande partie de la France, la Pologne, la Lithuanie, la Suisse et les Pays-Bas. De sorte qu’on pense qu’il y eut un moment dans lequel la moitié de la chrétienté était protestante ; mais depuis les catholiques romains ont regagné du terrain. Ainsi, les protestants, aujourd’hui, ne sont pas dans une si grande proportion.
C’est ainsi que Dieu commença à revivifier son Église et à avancer le royaume de son Fils, après la nuit profonde s’étendant depuis la formation du mystère d’iniquité jusqu’à cette époque. Les témoins de la vérité avaient fait précédemment plusieurs essais de réformation ; mais maintenant, le temps marqué par Dieu étant arrivé, l’œuvre progressa promptement, d’une manière admirable, et l’Antéchrist, qui depuis son apparition s’était toujours plus élevé, fut tout-à-coup renversé ; il fut plus qu’à moitié ruiné, et il n’a jamais été en état depuis de reconquérir son pouvoir précédent. Un commentateur récent (M. Lowman), qui a expliqué les cinq premières fioles du 16e chapitre de l’Apocalypse, dans un sens plus probable que personne avant lui, voit dans la cinquième fiole qui fut versée sur le siège de la bête, une allusion à ce qui eut lieu à la Réformation. Par les quatre fioles précédentes, il entend certains grands jugements contre la doctrine papale avant la Réformation. « Le cinquième ange versa sa fiole sur le siège de la bête (Apocalypse 16.10). » Dans l’original, c’est « le trône de la bête. » Il versa sa fiole sur le trône de la bête, c’est-à-dire sur l’autorité et la domination du pape. Le mot trône est souvent employé dans ce sens dans les Écritures. « Comme l’Éternel a été avec le roi, mon Seigneur, qu’il soit aussi avec Salomon, et qu’il élève son trône encore plus que le trône du roi David, mon seigneur ; » c’est-à-dire pour agrandir sa domination et son autorité, et rendre son royaume plus glorieux.
Mais alors, à la Réformation, les fioles de la colère de Dieu furent versées sur le trône de la bête jusqu’à ce qu’il fut terriblement ébranlé et diminué. L’autorité et la domination du pape furent tellement réduites, et pour l’étendue et pour le degré, qu’il perdit près de la moitié de ses domaines, sans parler de la diminution de son pouvoir dans les pays qui lui restèrent soumis. Il n’est maintenant ni respecté ni craint comme autrefois. Les pouvoirs de l’Europe ont appris à ne pas mettre leur cou sous le pied du pape. Il est comme un lion qui a perdu ses dents en comparaison de ce qu’il était jadis. Et lorsque le pape et son clergé, furieux de voir leur autorité tellement diminuée du temps de la Réformation, concertèrent leurs plans et unirent leurs forces pour détruire la Réformation, leur politique, qui jusque là les avait si bien servis, échoua. Ils trouvèrent leur royaume si plein de ténèbres qu’ils ne purent rien faire : ils furent comme les Egyptiens qui ne se levèrent pas de leurs sièges pendant trois jours. L’Église réformée fut défendue comme Lot et les anges l’avaient été à Sodome, alors que Dieu frappa les habitants de cette ville de cécité, de sorte qu’ils ne purent point trouver la porte. Dieu accomplit alors cette parole de Job 5.11 : « Qui élève ceux qui sont bas et qui fait que ceux qui sont en deuil sont en sûreté dans une haute retraite. Il dissipe les pensées des hommes rusés, de sorte qu’ils ne viennent point à bout de leurs entreprises. Il surprend les sages en leur ruse, et le conseil des méchants est renversé. De jour, ils rencontrent les ténèbres, et ils marchent à tâtons en plein midi comme dans la nuit. Mais il délivre le pauvre de leur épée, de leur bouche et de la main de l’homme puissant. » Ces orgueilleux ennemis du peuple de Dieu, désappointés et incapables de maintenir leur pouvoir et leur autorité, en furent réduits, en quelque sorte, à se mordre la langue de rage.
J’en viens maintenant à montrer l’opposition que Satan et les siens ont faite pour arrêter le succès de la rédemption chrétienne au moyen de la Réformation, et j’observerai jusqu’à quel point elle a échoué et réussi.
L’opposition faite par Satan à la religion réformée a été de plusieurs genres : 1° un concile général de l’Église de Rome ; 2° des complots et des artifices secrets ; 3° des guerres ouvertes et des invasions ; 4° des oppressions cruelles et des persécutions, et 5° des opinions corrompues.
1° La première opposition que je remarquerai, c’est celle faite par le clergé de l’Église de Rome dans un concile général. Ce fut le fameux concile de Trente que le pape convoqua un peu après la Réformation. Dans ce concile se trouvèrent six cardinaux, trente-deux archevêques, deux cent vingt-huit évêques, sans parler de beaucoup d’autres membres du clergé romain. Ce concile, en y comprenant toutes ses séances et ses temps de repos, fut tenu pendant vingt-cinq ans. Leur principale affaire pendant tout ce temps fut de prendre des mesures afin de constituer l’Église romaine en état d’opposition aux réformateurs et de détruire la Réformation ; mais il arriva qu’ils ne purent point réussir dans leur entreprise. L’Église réformée, malgré leur grand concile, exista et existe encore ; de sorte que le conseil des opiniâtres ne sert à rien, leur royaume est plein de ténèbres, et ils se fatiguent à chercher la porte.
Ainsi, l’Église romaine, au lieu de se repentir quand Luther et d’autres serviteurs de Dieu firent briller à ses yeux une claire lumière, persista, d’un commun accord, dans un concile général, dans sa corruption et dans ses erreurs, ainsi que dans son opposition acharnée contre le royaume de Christ. Les pratiques et les doctrines de l’Église romaine qui avaient été surtout condamnées par les réformés furent confirmées par les décrets du concile, et la corruption, à plusieurs égards, fut poussée plus loin que précédemment. Ils prononcèrent des reproches blasphématoires et des malédictions contre la religion réformée ; toute l’Église réformée fut excommuniée et anathématisée. Conformément à la prophétie, ils blasphémèrent contre Dieu. Aussi Dieu endurcit-il leur cœur dans le but de les détruire.
2° Les adversaires de la Réformation se sont efforcés de la détruire au moyen de complots secrets et de conspirations. Il y en eut plusieurs contre la vie de Luther. Ils cherchèrent à se débarrasser de lui, et comme il était très courageux, il lui arriva souvent de s’exposer dans la cause de Christ ; mais il fut admirablement préservé de leurs attaques et il mourut en paix dans son lit. Il y a eu des complots sans nombre pour renverser la religion protestante : un des plus importants et qui semblait le plus de nature à réussir fut celui du temps du roi Jacques II, d’Angleterre. Il y eut alors une conspiration puissante formée entre le roi d’Angleterre et le roi de France, Louis XIV, tous les deux ardents soutiens de la papauté, pour extirper l’hérésie du Nord, comme ils appelaient la religion protestante, non seulement de l’Angleterre, mais de toute l’Europe, et ils avaient arrangé leurs plans de manière à pouvoir compter sur le succès. Ils pensaient que, si la religion réformée était supprimée dans le royaume d’Angleterre et en Hollande, forteresse du protestantisme, ils pourraient aisément se débarrasser du reste. Et, juste au moment où la chose semblait devoir réussir et être à la veille de se réaliser, Dieu, dans sa Providence, renversa soudainement tous leurs plans au moyen de la révolution qui porta au trône le roi Guillaume et la reine Marie : cela mit un terme à toutes leurs entreprises. La cause protestante fut plus fermement établie par la circonstance que la couronne d’Angleterre passa à la maison de Hanovre qui était protestante, et par le fait que la constitution déclara un catholique romain à jamais inhabile à monter sur le trône. C’est ainsi qu’ils tâtonnèrent dans les ténèbres en plein midi comme si c’eût été la nuit ; ils ne purent venir à bout de leur entreprise, leur royaume fut plein de ténèbres, et ils se mordirent la langue de douleur.
Après cela, il y eut un nouveau plan de formé vers la fin du règne de la reine Anne, pour parvenir au même résultat en mettant en avant le prétendant qui était un zélé catholique romain. Mais il fut soudainement et complètement renversé par la Providence, comme l’ont été tous les complots contre la Réformation qui ont été formés au nom du prétendant.
3° On a souvent fait de l’opposition à la Réformation par des guerres ouvertes et des invasions. L’empereur d’Allemagne déclara la guerre au duc de Saxe et aux hommes principaux qui favorisaient et acceptaient les doctrines de Luther. Mais ils ne purent atteindre leur but, ils ne purent supprimer la Réformation. Dans le même dessein, quelque temps après, le roi d’Espagne fit longtemps la guerre à la Hollande et aux Pays-Bas, mais toutes ces guerres tournèrent beaucoup au détriment de l’Église romaine, en ce qu’elles occasionnèrent l’établissement d’un des empires protestants les plus puissants de l’Europe. Les Espagnols, en envahissant l’Angleterre du temps d’Elisabeth, se proposaient de déraciner la religion réformée ; aussi portaient-ils sur leur flotte des instruments de torture de tous genres pour tourmenter les protestants qui ne voudraient pas abandonner leur religion. Mais leur entreprise échoua complètement, et leur puissante flotte fut en grande partie détruite.
4° Satan s’opposa à la Réformation au moyen de cruelles persécutions. Celles dont les protestants ont eu à souffrir de la part de l’Église romaine ont, à plusieurs égards, laissé de beaucoup en arrière les persécutions païennes ; de sorte que l’Antéchrist s’est montré comme le plus grand et le plus cruel des ennemis de l’Église, à cet égard comme à tous les autres, et cela conformément à la description donnée de l’Église de Rome. « Et je vis la femme enivrée du sang des saints et du sang des martyrs de Jésus (Apocalypse 17.6). — Et en elle a été trouvé le sang des prophètes et des saints, et de tous ceux qui ont été mis à mort sur la terre (Apocalypse 18.24). »
Les persécutions païennes avaient été terribles ; mais maintenant la persécution de la part de l’Église romaine se perfectionne en quelque sorte, c’est une espèce d’art ou de science qu’on étudie et qu’on cultive. On inventa des moyens de persécuter et de tourmenter que les hommes ordinaires ou qui n’auraient pas étudié cette partie n’auraient pu trouver ; ils dépassèrent tout ce qu’on avait connu dans les âges précédents. Et afin que la persécution eût lieu d’une manière plus efficace, il y eut des sociétés établies dans les diverses parties de la domination romaine, dont la mission était d’étudier, de perfectionner et de cultiver l’art de la persécution dans toute sa perfection ; savoir les tribunaux de l’Inquisition. L’histoire détaillée des persécutions romaines et du tribunal de l’Inquisition donnera une idée de leurs cruautés ; ce qu’on ne peut faire en quelques mots.
Quand la Réformation commença, la bête aux sept têtes et aux sept cornes entra en fureur. L’Église de Rome renouvela ses persécutions contre les pauvres Vaudois, et des multitudes d’entre eux furent cruellement persécutés et mis à mort. Bientôt après la Réformation, il y eut de terribles persécutions dans diverses parties de l’Allemagne, et particulièrement en Bohême où cet état de choses dura trente ans. Il y eut tant de sang répandu pour cause de religion qu’un auteur contemporain le compare aux grandes eaux d’un fleuve de l’Allemagne. La Pologne, la Lithuanie et la Hongrie furent également inondées de sang protestant.
Grâce à ces cruelles persécutions, la religion protestante fut presque entièrement détruite en Bohême, dans le Palatinat et la Hongrie, où elle avait précédemment dominé. Ainsi fut accompli ce qui avait été prédit de la petite corne : « Et touchant les dix cornes qui étaient en sa tête, et touchant l’autre corne qui montait, par le moyen de laquelle les trois étaient tombées, et de ce que cette corne-là avait des yeux et une bouche qui proférait de grandes choses, et de ce que son apparence était plus grande que celle de ses compagnes. J’avais regardé comment cette corne faisait la guerre contre les saints et les surmontait (Daniel 7.20-21). » Et ce qui avait été prédit de la bête ayant sept têtes et dix cornes : « Et il lui fut donné de faire la guerre aux saints et de les vaincre. Il lui fut aussi donné puissance sur toute tribu, langue et nation (Apocalypse 13.7). »
La Hollande et les Pays-Bas furent, pendant plusieurs années, le théâtre des cruautés les plus révoltantes et les plus étonnantes ; ces pays furent inondés du sang des protestants par les Espagnols qui le tenaient alors en leur pouvoir. Mais dans cette persécution, le diable manqua le but qu’il se proposait, puisqu’il aboutit à la séparation de la Hollande, qui secoua le joug espagnol, et se constitua en état protestant indépendant. Et depuis lors, il a toujours puissamment contribué à la défense de la cause protestante.
La France est un autre de ces pays qui, depuis la réformation, à plusieurs égards plus qu’aucun autre, a été le théâtre de terribles cruautés que les protestants ont eu à souffrir. Alors qu’ils avaient déjà souffert cruellement dans ce royaume, une persécution commença en 1571, sous le règne de Charles IX, roi de France. Elle fut inaugurée par un cruel massacre, dans lequel soixante-dix mille protestants périrent en quelques jours, comme le roi s’en vanta ; et dans toute cette persécution, il fit périr, ainsi qu’on le suppose, trois cent mille martyrs. Et on compte qu’environ vers ce temps, dans l’espace de trente ans, on fit périr dans ce royaume, pour cause de protestantisme, trente-neuf princes, cent quarante-huit comtes, deux cent trente-quatre barons, cent quarante-sept mille cinq cent dix-huit gentilshommes, et sept cent mille soixante personnes appartenant au commun peuple.
Mais toutes ces persécutions, pour ce qui est de la cruauté raffinée, furent de beaucoup dépassées par ce qui eut lieu sous le règne de Louis XIV, qui laisse bien en arrière tout ce qu’on avait vu. Et comme elles durèrent pendant tout le long règne de ce roi, elles extirpèrent presque entièrement le protestantisme de ce royaume, dans lequel avait fleuri une multitude d’Églises protestantes. C’est ainsi qu’il fut permis à la bête de faire la guerre contre les saints et de les vaincre.
Il y eut aussi une terrible persécution en Angleterre du temps de la reine Marie ; beaucoup d’hommes, dans les diverses parties du royaume, furent brûlés vifs. Et après cela, bien que la religion protestante fût établie par la loi, il y eut cependant diverses persécutions de la part des épiscopaux de la haute Église, qui, dans plusieurs choses, admettaient les mêmes symboles que les papistes. Ce fut là ce qui força nos ancêtres à fuir leur pays natal, et à venir s’établir dans ce pays qui n’était alors qu’un affreux désert. Et ces persécutions durèrent presque sans relâche jusqu’à l’avènement du roi Guillaume au trône.
L’Ecosse fut aussi, pendant plusieurs années, le théâtre de scènes cruelles de la part de la haute Église, qui ne furent pas beaucoup moins terribles que celles du temps de la reine Marie, et qui les dépassèrent même en plusieurs choses ; elles durèrent jusqu’au moment où les protestants furent délivrés par le roi Guillaume.
L’Irlande fut également inondée de sang protestant. Dans les jours du roi Charles Ier d’Angleterre, environ deux cent mille protestants furent cruellement mis à mort dans ce royaume en quelques jours. Les papistes, qui s’étaient concertés, se levèrent tous à la fois pour en finir, en tuant tous les protestants du royaume.
En outre, il y a eu de très cruelles persécutions en Italie, en Espagne et dans d’autres pays, dont je ne puis parler maintenant. Voilà comment le diable et son grand ministre l’Antéchrist entrèrent dans une rage terrible contre l’Église de Christ. Voilà comment la prostituée de Babylone s’enivra du sang des saints et des martyrs de Jésus. Ces persécutions ont considérablement diminué l’Église protestante. Mais pourtant elles n’ont pu atteindre le but qu’on se proposait ; l’Église protestante s’est toujours maintenue, et Christ accomplit sa promesse : que les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle.
5° Enfin, Satan fit aussi opposition à la réformation au moyen d’opinions corrompues. La première opposition de ce genre vint de la part des disciples de Munster et autres fanatiques qui apparurent en Allemagne, environ dix ans après que Luther eut commencé la Réformation, et il se forma parmi eux plusieurs sectes qui furent très extravagantes.
Ensuite vinrent les sociniens, qui apparurent d’abord en Pologne à la suite des enseignements de Lœlius et de Faust Socin. Ils soutenaient que Christ n’était qu’un simple homme, et niaient sa satisfaction et la plupart des doctrines fondamentales de la religion chrétienne. Leur hérésie s’est depuis très propagée parmi les protestants en Pologne, en Allemagne, en Hollande, en Angleterre et dans d’autres pays.
Depuis lors, l’arianisme a reparu ; cette erreur, peu de temps après Constantin, avait envahi presque tout le monde chrétien, comme un fleuve sortant de la gueule du serpent et menaçant d’engloutir la femme. Cette hérésie s’est beaucoup répandue ces dernières années. Ses partisans soutiennent que Christ n’est qu’une simple créature, tout en accordant qu’il est la plus grande de toutes.
Une autre erreur, qui a beaucoup prévalu dernièrement parmi les protestants, et surtout en Angleterre, c’est le déisme. Les déistes rejettent complètement la religion chrétienne, et sont des incrédules déclarés. Ils reconnaissent, à la vérité, l’existence de Dieu ; mais ils nient toute révélation, toute Parole de Dieu, et prétendent que Dieu n’a donné à l’homme d’autre lumière que la raison pour se diriger.
J’en viens maintenant à montrer le succès de l’Évangile dans ces temps de l’Église réformée, en y comprenant : 1° la réformation dans la doctrine et le culte dans les pays appelés chrétiens ; 2° la propagation de l’Évangile parmi les païens ; 3° le réveil de la religion, sous la forme d’une piété efficace et pratique.
1° Pour ce qui est de la réformation dans la doctrine, le succès le plus remarquable a eu lieu dernièrement dans l’empire de Russie, pays d’une grande étendue. Beaucoup de chrétiens de nom se disaient appartenir à l’Église grecque ; mais ils étaient très ignorants et très superstitieux. Leur dernier empereur, Pierre-le-Granda, a entrepris de réformer l’empire, et s’est donné beaucoup de peine pour retirer ses sujets de leurs ténèbres et pour les instruire dans la religion. A cette fin, il a établi des écoles, il a fait imprimer la Bible dans la langue du pays ; il a ordonné à chaque famille d’avoir les saintes Écritures, et a défendu de contracter mariage avant qu’on fut en état de les lire. Il a aussi réformé plusieurs des superstitions de l’Église, de sorte que la religion du pays s’est beaucoup plus rapprochée de celle des protestants qu’auparavant. Cet empereur a beaucoup encouragé l’exercice de la religion protestante dans ses états. Et depuis, la Russie est devenue un pays éclairé en comparaison de ce qu’il était cinquante ans auparavant.
a – Les observations de l’auteur se sont réalisées depuis lors d’une manière bien plus frappante dans la personne de l’empereur Alexandre qui a été aussi remarquable par sa piété que par sa largeur chrétienne.
2° Pour ce qui est de la propagation de l’Évangile parmi les païens, je remarquerai trois choses.
a) Sa propagation ici en Amérique. Ce vaste continent est resté complètement inconnu aux nations chrétiennes jusqu’à ces derniers temps. On ne savait pas qu’il y eût une telle partie du monde bien qu’elle fût très peuplée. Aussi le diable était-il en quelque sorte en possession exclusive de cette partie du monde, à l’abri de la lumière de l’Évangile et de toute attaque contre son pouvoir. Les nombreuses nations Indiennes l’adorèrent comme Dieu, de siècle en siècle, pendant que l’Évangile était confiné dans l’autre hémisphère. On a supposé que le diable surpris et alarmé par le succès de l’Évangile pendant les trois premiers siècles après Christ, et par la chute de l’empire païen, voyant qu’il se répandait si promptement et craignant que son empire ne fût renversé dans tout le monde, conduisit en Amérique quelques peuplades de l’ancien monde, pour qu’elles ne pussent pas être atteintes par l’Évangile, dans l’espérance de les posséder en paix et de régner sur elles comme leur Dieu. Plusieurs écrivains assurent que lorsque les européens vinrent pour la première fois en Amérique, ils trouvèrent parmi quelques Indiens une tradition disant que leurs dieux les avaient conduits sur ce continent et qu’ils les avaient précédés dans une arche.
Quoi qu’il en soit, il est certain que le diable jouit de sa domination sur les pauvres Indiens pendant plusieurs siècles. Mais dans ces derniers temps, Dieu a envoyé son Évangile dans ces contrées, et maintenant nous avons l’Église chrétienne en Amérique, là où précédemment il n’y avait eu que les plus épaisses ténèbres du paganisme. Une grande partie du pays est maintenant plein de Bibles, et on trouve au moins la forme du culte du vrai Dieu et de Jésus-Christ, là où précédemment le nom de Christ n’avait pas même été prononcé. Et, bien que la propagation de l’Évangile parmi les païens dans ce pays-ci n’ait été que peu de chose en comparaison de ce qu’on aurait pu désirer, il y a eu cependant quelque chose digne de remarque : beaucoup d’Indiens primitivement et dernièrement encore se sont montrés très disposés à être instruits dans la religion chrétienne.
Bien que l’Évangile jusqu’ici ne se soit pas beaucoup répandu parmi les Indiens de l’Amérique, je n’en pense pas moins que la découverte d’une si grande partie du monde, et l’établissement de l’Évangile dans ce pays est une de ces choses par lesquelles la providence de Dieu prépare ces temps glorieux de l’Église, alors que le royaume de Satan sera renversé dans toute la terre habitable, de tous côtés et sur tous les continents. Quand ces beaux jours arriveront, alors, sans doute, l’Évangile aura de grands succès, et tous les habitants de ce nouveau monde deviendront des sujets du royaume de Christ, aussi bien que tous les autres bouts de la terre. Il est très probable que sa Providence a tout arrangé de manière à ce que la boussole (invention moderne qui permet aux hommes de naviguer sur le vaste océan, tandis qu’auparavant on n’osait pas s’éloigner de la côte) servit de préparation aux projets de Dieu dans ces beaux temps de l’Église, savoir l’envoi de l’Évangile partout où il y a des hommes, à quelque distance que ce soit, et quelque séparés qu’ils puissent être par les mers des pays déjà chrétiens.
b) Il y a eu dernièrement une propagation remarquable de l’Évangile parmi les païens dans l’empire Russe. J’ai déjà remarqué la Réformation parmi les chrétiens dans ce pays, je parle maintenant des païens. La plus grande partie de la Tartarie, pays païen, a passé dernièrement sous la domination de la Russie, et beaucoup de ses habitants ont abandonné le paganisme pour embrasser la religion chrétienne.
c) La religion chrétienne s’est aussi beaucoup propagée dernièrement parmi les païens dans les Indes orientales ; sur les côtes de Malabar, en particulier, beaucoup se sont convertis à l’Évangile, à la suite des travaux de missionnaires venus du Danemarck ; ils ont établi des écoles, une presse pour imprimer et d’autres publications dans leur propre langue, et le tout a très bien réussi.
3° Le dernier succès que je mentionnerai ; c’est le réveil de la religion pratique, et ici je ne citerai que deux cas.
a) Il y a eu récemment un réveil remarquable de la piété pratique en Allemagne, par les soins d’un théologien distingué de ce pays, Auguste Herman Frank, professeur de théologie à Halle en Saxe. Comme il était un homme très charitable, la grande œuvre que Dieu accomplit par son moyen, commença ainsi : il plaça un tronc pour des aumônes à la porte de son cabinet d’étude ; quelques pites y furent déposées, et il les consacra à acheter des livres pour les pauvres. Dieu favorisa si bien son projet, et excita un tel esprit de charité, qu’en peu de temps il fut en état d’élever des écoles publiques pour les enfants pauvres et une maison d’orphelins, afin de pourvoir à leurs besoins et à leur instruction. Cinq cents enfants au moins furent maintenus dans cet établissement et instruits dans les connaissances humaines et dans la piété, au moyen de la charité des autres, et le nombre alla toujours en augmentant pendant plusieurs années. Tout cela fut suivi d’une admirable réformation et d’un réveil de la religion et de la piété dans la ville de Halle et dans son université ; ce qui exerça une très grande influence dans plusieurs endroits de l’Allemagne. Leur exemple excita des multitudes à les imiter.
b) Une autre chose qu’il y aurait de l’ingratitude à ne pas mentionner, c’est la remarquable effusion du Saint-Esprit de Dieu qui a eu lieu dernièrement dans cette portion de la Nouvelle-Angleterre ; mais je ne la décrirai pas en détail. Plusieurs en ont été témoins oculaires, et j’espère que des multitudes ont le sentiment des avantages qui en sont résultés.
J’en viens à considérer l’état actuel des choses dans le monde, pour ce qui concerne l’Église de Christ et le succès de sa rédemption. Je le ferai en montrant où en sont maintenant les choses, comparées à ce qu’elles étaient dans les premiers temps de la Réformation. Et, 1° à quelques égards, les choses ont été en empirant ; 2° à d’autres, il y a eu changement en mieux.
L’état des choses a été en empirant depuis la Réformation, particulièrement à trois égards :
1° L’Église réformée compte beaucoup moins d’adhérents ; on suppose que la Réformation, au commencement, embrassa la moitié de la chrétienté, non compris l’Église grecque, vu que le nombre des protestants égalait celui des romains. Mais aujourd’hui il n’en est plus ainsi : l’Église protestante a perdu beaucoup de terrain. Autrefois, il y avait des multitudes de protestants en France ; il y avait dans ce pays beaucoup d’Églises protestantes distinguées qui se réunissaient en synodes et maintenaient une discipline très stricte. L’Église protestante de France était une gloire de la Réformation, mais aujourd’hui il en est bien autrement : cette Église est détruite et dispersée, et il n’y a que très peu d’assemblées protestantes dans tout ce royaume. La cause du protestantisme a été très affaiblie en Allemagne ; il y avait beaucoup de princes protestants dont les successeurs sont maintenant catholiques ; c’est particulièrement le cas de l’électeur palatin et de l’électeur de Saxe. Le royaume de Bohême était aussi protestant autrefois ; mais aujourd’hui il est au pouvoir des romains. La Hongrie était ci-devant protestante ; mais le nombre des réformés a beaucoup diminué, et les persécutions les ont amoindris. La cause protestante n’a pas gagné du terrain sur Rome dans ces derniers temps.
2° Une autre chose, c’est une grande licence de principes et d’opinions qui prévaut de nos jours. On ne rencontre plus cet esprit d’orthodoxie autrefois dominant ; on ne montre que fort peu de zèle pour les mystères et les doctrines spirituelles du christianisme, et on n’en a jamais fait si peu de cas qu’aujourd’hui, particulièrement en Angleterre, principal royaume de la Réformation. Dans ce royaume, on a dans une grande mesure rejeté ces principes, sur lesquels repose une piété vivante. L’histoire ne fait mention d’aucune époque dans laquelle il y ait eu de si nombreuses apostasies parmi ceux qui étaient parvenus à la lumière de l’Évangile ; jamais on n’a rejeté si ouvertement toute religion révélée, jamais on n’a vu tant de railleurs et de moqueurs dans les rangs de ceux qui avaient été élevés sous l’influence de l’Évangile.
3) La vraie piété est beaucoup plus rare qu’au commencement de la Réformation. Une effusion remarquable du Saint-Esprit de Dieu accompagna la première Réformation ; elle n’eut pas pour unique fruit le passage de grandes multitudes en peu de temps de la papauté à la vraie religion, mais la conversion de beaucoup. De nos jours, au contraire, il y a une grande décadence de la piété vivante ; il semble qu’on en fasse peu de cas : on l’appelle enthousiasme et fanatisme ; on regarde généralement ceux qui sont vraiment religieux comme des esprits faibles ; le vice et les idées profanes prévalent ; on dirait un déluge menaçant de tout entraîner devant lui ; mais je vais montrer :
Sous quel rapport les choses se sont améliorées depuis le commencement de la Réformation.
1° Le pouvoir et l’influence du pape ont beaucoup diminué. Bien que depuis les premiers temps de la Réformation il ait gagné du terrain en étendant ses domaines, il a beaucoup perdu de son influence. La fiole qui, au commencement de la Réformation, fut versée sur le trône de la bête pour diminuer son pouvoir et son autorité dans le monde, a continué de couler depuis cette époque. Le pape, bientôt après la Réformation, commença d’être moins respecté par les princes de l’Europe qu’il ne l’avait été précédemment, et depuis lors il l’a été toujours moins. Plusieurs des princes catholiques eux-mêmes n’en font même de cas qu’en tant qu’il peut servir à leurs projets. Nous avons eu dernièrement plusieurs preuves et plusieurs exemples de ce fait.
2° Il y a aujourd’hui beaucoup moins de persécutions que dans les premiers temps de la Réformation. Quelques pasteurs de l’Église protestante sont encore sous les persécutions jusqu’à ce moment, et il en sera probablement ainsi jusqu’à la fin de l’époque de souffrance et d’épreuve pour l’Église, ce qui n’arrivera pas avant la chute de l’Antéchrist. Cependant il n’y a pas la même fureur de persécution qu’autrefois ; il y a une certaine modération, même chez les princes catholiques. La méchanceté des ennemis de Christ et l’opposition contre sa cause semblent être dirigées d’un autre côté. Il est maintenant à la mode de mépriser toutes les religions et d’en rire ; l’indifférence semble s’emparer des gens. Il y a cependant un certain progrès sur le passé, en ce que les persécutions sont moins nombreuses.
Dans les jours ténébreux de la papauté, avant la Réformation, la science était tellement en décadence, que le monde semblait être envahi par l’ignorance et la barbarie. Les prêtres eux-mêmes étaient pour la plupart très ignorants. La science commença à revivre à la Réformation, grâce en grande partie à l’imprimerie, qui fut inventée un peu avant cette époque. Depuis lors, l’instruction s’est répandue toujours plus ; aujourd’hui elle est plus grande que jamais ; et, bien que la plupart des hommes instruits ne fassent pas un bon usage de la science, on doit pourtant se réjouir de son augmentation, parce qu’elle est une bonne chose en elle-même, et que, si on en fait un bon usage, elle peut servir très bien les intérêts de la religion. C’est un talent qui, si Dieu leur donne le cœur pour cela, leur offre la facilité de faire beaucoup pour l’avancement du règne de Christ et pour le bien des âmes. Cet accroissement de la science et des connaissances avant ce temps glorieux semble avoir été prédit. « Mais toi, Daniel, ferme ces paroles et cachette ce livre jusqu’au temps déterminé, auquel plusieurs courront, et la science sera augmentée (Daniel 12.4). » Et, bien que de nos jours la science soit peu employée au service de la religion, nous pouvons espérer que les temps dans lesquels Dieu en fera un grand usage pour l’avancement du royaume de Christ ne sont pas éloignés.
Dieu, dans sa providence, semble faire aujourd’hui de nouveau ce qu’il fit avant la venue de Christ. Quand Christ vint dans le monde, la science était très en honneur, et toutefois l’iniquité ne fut jamais plus grande. Dieu permit que la science humaine parvint à un très haut degré de gloire avant d’envoyer son Évangile dans le monde, afin que le monde pût voir l’insuffisance de toute sa sagesse pour parvenir à la connaissance de Dieu sans l’Évangile de Christ et l’enseignement du Saint-Esprit. « Alors que le monde n’a point connu Dieu par la sagesse, le bon plaisir de Dieu a été de sauver les croyants par la folie de la prédication (1 Corinthiens 1.21). » Et, après que l’Évangile se fut premièrement propagé sans le secours de la sagesse humaine, Dieu jugea bon de se servir de la science comme d’une servante. Ainsi, de nos jours, la science a beaucoup augmenté dans le monde ; elle est beaucoup plus grande qu’au temps de l’apparition de Christ, et pourtant le monde ne connaît pas Dieu au moyen de sa science et de sa sagesse. « Ils ont l’air de marcher dans les ténèbres et de se tromper grossièrement ; ils se heurtent et tombent comme à minuit. En mettant leur confiance dans la science, ils vont en tâtonnant en plein midi comme s’il était nuit. Les hommes instruits sont très divisés d’opinion au sujet de la religion, et ils tombent dans toutes espèces d’erreurs corruptrices, pernicieuses et folles ; ils dédaignent de soumettre leur raison à la révélation divine et de croire quelque chose au-dessus de leur intelligence, et ainsi, étant sages à leurs propres yeux, ils sont fous et vains dans leurs imaginations ; ils changent la vérité de Dieu en mensonge, et leurs cœurs sont remplis de folies et de ténèbres (Romains 1.21, 25). »
Toutefois, quand Dieu aura suffisamment montré aux hommes l’insuffisance de la sagesse et de la science humaine, et lorsque le temps marqué sera venu pour cette remarquable effusion de l’Esprit de Dieu, lorsque, par son influence immédiate, il éclairera l’esprit des hommes, nous pouvons espérer qu’alors Dieu se servira des progrès des sciences comme d’un moyen pour l’avancement du glorieux règne de son Fils. Alors la science humaine servira à l’intelligence de l’Écriture, et à l’explication et à la défense des doctrines du christianisme ; et il est hors de doute que Dieu, dans sa Providence, a dernièrement donné l’imprimerie aux hommes et favorisé le grand progrès des connaissances humaines dans le but de préparer ce qu’il se propose de faire pour son Église dans les jours prochains de sa prospérité. C’est ainsi que les richesses du pécheur sont réservées au juste (Proverbes 13.22).