Cependant, en même temps que les politiques, les théologiens travaillaient à montrer l’harmonie des deux théologies en présence, et leurs efforts, s’ils n’arrivaient pas à gagner les dissidents à l’unité, portaient du moins dans ces questions difficiles des clartés nouvelles. Entre ceux qui s’y distinguèrent particulièrement, il faut nommer le patriarche Éphrem d’Antioche (527-544), dont il ne reste que des fragments, et l’auteur — Pamphile de Jérusalem ? — de la Panoplia dogmatica. Mais celui qui, pour nous, représente le mieux ce mouvement, qui y contribua peut-être avec le plus de force et de pénétration d’esprit, qui d’ailleurs, par ses relations personnelles avec Justinien, en put rendre les résultats plus assurés, est un des moines scythes dont il a été plus haut question, Léonce de Byzance.
Né vers l’an 485, plus probablement à Constantinople même, il s’était de bonne heure fait moine, et passionné pour les controverses du temps. Il traversa, un moment, le nestorianisme, puis revint à l’orthodoxie. Chalcédonien, il l’est en conscience ; mais il connaît bien aussi la christologie d’Éphèse, et il est convaincu qu’il règne entre les définitions des deux conciles une harmonie parfaite. C’est cette harmonie qu’il veut mettre en lumière, afin de couper court aux objections soit des nestoriens soit des monophysites, et de les ramener, si possible, à l’unité de l’Église. Pour cette œuvre, il s’inspirera du néoplatonisme, dont il trouve des lambeaux dans les Pères : il lira Porphyre et, à travers Porphyre, utilisera Aristote et ses catégories. Mais ce ne sont là pour lui que des aides extérieurs. Avant tout, il veut reproduire la pensée des Pères. La philosophie lui servira seulement à en rendre compte rationnellement.
Afin de procéder avec méthode, Léonce donne d’abord ses définitions, et dresse, si l’on peut ainsi parler, l’échelle des êtres. La notion la plus générale est celle de l’οὐσία (au sens large), qui comprend tous les êtres, créés ou non. Au-dessous d’elle vient le genre, τὸ γένος, et au-dessous du genre l’espèce, τὸ εἶδος, laquelle se compose du genre et des différences spécifiques, nommées εἰδοποιοὶ διαφοραί, ποιότητες οὐσιώδεις, οὐσιοποιοὶ ἰδιότητες. L’être de l’espèce est ce qu’on appelle φύσις ou εὐσία au sens strict. Ainsi, la nature humaine se compose du genre τὸ ζῶον εἶναι, et de la différence spécifique τὸ λογικὸν εἶναι.
Au-dessous de l’espèce, on trouve l’individu, τὸ ἄτομον. De même que l’espèce comprend le genre et les différences spécifiques, de même l’individu se compose de l’espèce et des caractères individuants, ἰδιώματα ἀφοριστικάb. Léonce, comme Aristote, nomme ces derniers συμβεβηκότα, parce qu’ils accompagnent la nature sans en faire partie : il les distingue pourtant des accidents ordinaires συμβεβηκότα χωριστά. Ceux-ci sont les simples états successifs dans lesquels un être peut se trouver, comme d’être sain ou malade ; et ils peuvent, par conséquent, en être séparés (χωριστά) : les caractères individuants au contraire, comme d’avoir tel visage, les yeux de telle couleur, etc., sont permanents, et déterminent d’une façon continue l’être qu’ils affectent : ce sont des συμβεβηκότα χωριστά. Ils tiennent donc le milieu entre les simples accidents et les différences spécifiques, et c’est pourquoi Léonce ayant nommé celles-ci ποιότητες οὐσιώδεις nomme les caractères individuants ποιότητες ἐπουσιώδεις.
La φύσις correspond donc à l’espèce et à l’οὐσία prise au sens strict. Quant à l’hypostase ou à la personne, l’auteur l’identifie simplement, comme les cappadociens, avec l’individu ou avec la φύσις existant à part et en soi. Mais il précise et développe les conséquences qu’il faut tirer de ce concept :
« La nature implique l’idée d’être (simplement) ; l’hypostase implique de plus l’idée d’être à part : la première indique l’espèce, la seconde révèle l’individu ; la première porte le caractère de l’universel, la seconde sépare du commun le propre … [Ἡ μὲν γὰρ φύσις τὸν τοῦ εἶναι λόγον ἐπιδέχεται; ἡ δὲ ὑπόστασις καὶ τὸν τοῦ καϑ᾽ ἑαυτὸν εἶναι; καὶ ἡ μὲν εἴδους λόγον ἐπέχει, ἡ δὲ τοῦ τινός ἐστιν δηλωτική. Καὶ ἡ μὲν καϑολικοῦ πράγματος χαρακτῆρα δηλοῖ; ἡ δὲ τοῦ κοινοῦ τὸ ἴδιον ἀποδιαστέλλεται.]
La notion d’hypostase se réalise donc et dans les êtres qui, identiques par leur nature, diffèrent numériquement, et dans ceux qui résultent de natures différentes [sans doute], mais qui ont entre elles un être commun et inexistent l’une dans l’autre. Quand je dis qu’elles ont un être commun, je ne veux pas parler de celles qui se complètent mutuellement au point de vue de l’essence, comme c’est le cas des substances et des prédicats essentiels que l’on nomme propriétés ; mais je veux parler de la nature et de l’essence de chacun des composants, nature qui n’est pas considérée à part (καϑ᾽ ἑαυτόν), mais par rapport à la nature qui lui est jointe et unie. »
Dans cette phrase un peu laborieuse, Léonce veut dire que, puisque la notion d’hypostase requiert que l’on existe à part soi (καϑ᾽ ἑαυτόν), cette notion ne convient qu’aux individus ayant une existence physiquement indépendante, et par conséquent ne convient pas respectivement aux parties d’un tout, ces parties fussent-elles elles-mêmes des natures ou des substances : car ces parties existent et subsistent non pas en elles-mêmes, mais dans le tout.
Ces définitions une fois données, Léonce pose en principe que la nature ne peut exister qu’individuelle, dans un individu, et conséquemment hypostasiée de quelque façon : ἀνυπόστατος μὲν οὖν φύσις, τουτέστιν οὐσία, οὐκ ἂν εἴη ποτέ. Une nature sans hypostase est une abstraction. Dès lors, il semblerait que puisque la nature humaine de Jésus-Christ existe, elle est aussi une hypostase. C’est mal conclure, continue Léonce. Entre être soi-même une ὑπόστασις et être ἀνυπόστατος il y a un milieu, celui d’être ἐνυπόστατος, d’exister non en soi mais dans un autre comme la partie dans le tout. C’est ce qui arrive pour l’humanité de Jésus-Christ : elle n’est pas ἀνυπόστατος, puisqu’elle existe : elle n’est pas une hypostase, puisqu’elle n’existe pas καϑ᾽ ἑαυτήν, : mais elle est ἐνυπόστατος, parce qu’elle existe dans le Verbe à qui elle appartient, et qui lui donne le pouvoir d’exister en la recevant en lui.
[1, 1277 D et suiv. ; 2, 1944 C. Dans ce dernier passage, Léonce touche à la question de la possibilité d’une union hypostatique entre le Verbe et une personne humaine préexistante, dont l’hypostase ou personnalité aurait été abolie par cette union. Il se prononce pour l’affirmative. — Sur l’origine et l’histoire du terme ἐνυπόστατος ; v. Junglas, Leontius von Byzanz, paderborn, 1908.
Léonce définit ainsi l’enhypostasie: Τὸ δὲ ἐνυπόστατον τὸ μὴ εἶναι αὐτὸ συμβεβηκὸς δηλοῖ, ὃ ἐν ἑτέρῳ ἔχει τὸ εἶναι, καὶ ἐν ἑαυτῷ ϑεωρεῖται. Être enhypostasié convient à ce qui n’est pas un accident, et qui cependant existe en un autre et non en soi-même (1,1377 D).]
Ce mode d’exister, cette enhypostasie de l’humanité est-elle possible ? Notre auteur essaie de l’établir rationnellement en montrant que la nature présente des cas analogues. Ainsi, les caractères spécifiques et individuants, ποιότητες οὐσιώδεις ou ἐπουσιώδεις ont une manière d’exister de ce genre, puisque, d’une part, ils ne sont pas de simples accidents et, d’autre part, ils ne sont pas des natures subsistantes (πράγματα ὑφεστῶσα). La même chose se produit toutes les fois que deux éléments unis entre eux conservent néanmoins leur nature propre, par exemple dans l’union du corps et de l’âme, dans un flambeau allumé. Léonce toutefois se rend compte que ce sont là de simples comparaisons qui ne rendent qu’imparfaitement compte d’un fait unique.
On voit, en tout cas, le parti que Léonce pouvait tirer de sa théorie de l’ἐνυπόστατον contre les deux hérésies contraires des nestoriens et des monophysites. Puisque être φύσις n’était pas nécessairement être ὑπόστασις et πρόσωπον, les premiers avaient tort de conclure de la dualité des natures dans le Christ à la dualité des personnes et des hypostases ; les seconds avaient tort de conclure de l’unité de l’hypostase et de la personne à l’unité de la nature. Aux nestoriens notre auteur faisait remarquer qu’il est bien vrai que le Verbe τέλειος a pris une humanité complète, τ’λεια : mais que, si ces deux éléments sont complets et parfaits, considérés en eux-mêmes, ils ne sont, considérés vis-à-vis du Verbe incarné dont ils sont les éléments, que comme des parties incomplètes, comme le corps et l’âme vis-à-vis de l’homme. Il n’y a donc dans le Christ qu’une personne.
[Οὐδὲ ὁ Λόγος τέλειος Χριστὸς, χἂν τέλειος εἴη ϑεὸς, μὴ τῆς ἀνϑρωπότητος αὐτῷ συντεταγμένης; οὔτε ἡ ψυχὴ τέλειος ἄνϑρωπος, χὰν τελείαν ἔχει οὐσίαν, μὴ τοῦ σώματος αὐτῇ συνεπινοουμένου. (1, 1289). Léonce force ici la note. Le Verbe ἄσαρκος n’est pas en effet tout le Christ, mais il n’en est pas non plus une partie proprement dite, car il n’est pas perfectionné par l’union : et c’est pourquoi il garde sa personnalité.]
Aux monophysites, et aux sévériens en particulier, il faisait remarquer que si les caractères spécifiques de la nature humaine, τὸ λογικὸν καὶ φϑαρτὸν εἶναι se sont trouvés en Jésus-Christ — ce qu’ils concédaient, — il faut bien admettre qu’il y a eu en lui une φύσις humaine, et par conséquent deux natures. Et qu’on n’objecte pas l’exemple du corps et de l’âme, qui ne forment dans l’homme qu’une nature, pour conclure qu’il n’y a non plus qu’une nature dans l’Homme-Dieu. Le résultat de l’union de l’âme et du corps en effet n’est pas seulement un individu τὶς ἄνϑρωπος : c’est une espèce, une φύσις caractérisée, une nature à laquelle plusieurs individus peuvent participer ; et comme on peut attribuer à chacun des individus ce qui est de la nature ou de l’espèce, on peut dire de chaque homme qu’il est μία φύσις, bien que le corps et l’âme gardent en chacun d’eux leur ἰδιότης. Mais en Jésus-Christ il n’en va pas de même. Le résultat de l’union en lui n’est pas une nature christique, χριστότης εἶδος Χριστῶν, qui puisse être participée : c’est forcément un individu, une hypostase unique, incommunicable. Il n’est donc pas μία φύσις, il est μία ὑπόστασις. Il n’existe que trois cas, ajoute Léonce, où l’on peut parler de μία φύσις : 1° relativement à l’espèce ; 2° relativement à l’individu en tant qu’il participe à l’espèce ; 3° lorsque de deux natures, par le mélange, s’en forme une troisième différente des deux autres, ἐξ ἑτεροειδῶν ἑτεροειδές. Le cas de Jésus-Christ ne rentre dans aucun d’eux.
Restait un dernier argument de Sévère : si l’on admet deux natures dans le Christ, il faut admettre deux ἐνέργειαι, ce qui conduit à admettre deux personnes. Cette difficulté ne semble pas avoir frappé Léonce. Puisque chaque nature conserve ses ἰδιώματα, il est dans l’ordre qu’elle conserve aussi ses ἐνέργειαι qui ne sont que ses propriétés réelles ou facultés en action. Léonce repousse donc la διαίρεσις καϑ᾽ ἐνέργειαν qui impliquerait une séparation des natures, mais il repousse aussi l’ἕνωσις καϑ᾽ ἐνέργειαν. De même, il écarte la formule sévérienne, τὰς φύσεις μόνῃ τῇ ἐπινοίᾳ ϑεωροῦμεν, qui implique l’unité objective de nature en Jésus-Christ, mais il justifie l’expression de quelques Pères, τὴν τῶν φύσεων διαίρεσιν καϑ᾽ ἐπίνοιαν λαμβάνειν, parce qu’il s’agit ici non de distinguer, mais de séparer les natures.
Léonce maintient donc absolument la doctrine de Chalcédoine ; il tâche seulement de la concilier avec les formules cyrilliennes. Ceci est visible et dans les formules des moines scythes dont il a été un des patrons, et dans certaines autres façons de parler qu’il conserve malgré leur apparente hétérodoxie. S’il condamne ἕνωσις συγχυτική, il approuve l’ἕνωσις κατ᾽ οὐσίαν, ἕνωσις οὐσιώδης, qui n’est évidemment que l’ἕνωσις φυσική de saint Cyrille, et qu’il entend dans le sens d’ἕνωσις καϑ᾽ ὑπόστασιν, puisqu’il donne pour toute preuve de sa légitimité la communication des idiomes, ἀντίδοσις τῶν ἰδιωμάτων. La formule μία φύσις τοῦ ϑεοῦ Λόγου σεσαρκωμένη est semblablement adoptée et justifiée dans les numéros 16 et 17 des Capita triginta contra Severum.
De tout ceci on peut conclure que Léonce de Byzance a été excellemment le théologien de son temps. Il s’est attaché à la politique de Justinien, et s’est efforcé de la servir en aplanissant aux dissidents le chemin du retour à l’Église, et en détruisant, autant que possible, les difficultés que leur raison soulevait dans le domaine théologique contre cette réunion. De ces efforts la doctrine christologique a largement profité. Avec Léonce, on peut dire que la notion de la personnalité considérée au point de vue physique s’est complètement fixée, et que le problème de ses rapports avec la nature en Jésus-Christ a reçu sinon une solution adéquate quant au fond, du moins un commencement d’explication exprimé en un terme juste et définitif. C’était là un progrès durable et que la suite devait consacrer, puisque saint Jean Damascène, écrivant deux siècles plus tard, devait reprendre sur ce sujet les mêmes idées, et souvent les mêmes formules que son prédécesseur.
Note ThéoTEX : On trouve aujourd’hui sur internet des articles, le plus souvent en anglais, qui rapportent faussement la christologie de Léonce de Byzance, parce que le ou les auteurs de départ ne l’ont pas comprise, puis leur idée inexacte est répétée indéfiniment sur d’autres sites. Selon eux, Léonce voudrait dire que la nature humaine de Jésus-Christ est à la fois anhypostasiée, et enhypostasiée. Anhypostasiée parce que le Fils de Dieu ne s’est pas approprié une nature humaine déjà existante : il ne s’est pas introduit dans un embryon déjà existant.
Mais cette dernière supposition ne serait pas autre chose que de l’adoptianisme, et ce n’est pas du tout le point qui préoccupe Léonce : lorsqu’il écrivait, cette hérésie était déjà connue et rejetée. En effet, que la seconde personne de la Trinité investisse un homme déjà adulte, le jour de son baptême, ou un embryon dans le sein de sa mère, il n’y a pas de différence essentielle, et aucun chrétien trinitaire ne croit cela.
Léonce part de l’axiome philosophique (dû à Aristote) qu’il n’existe pas de nature anhypostasiée ; autrement dit une nature n’existe pas en elle-même, mais seulement dans des instances individuelles. Il serait donc absurde de prétendre que la nature humaine de Christ puisse être anhypostasiée, c’est une impossibilité, elle existe forcément dans une hypostase. Une difficulté surgit alors, parce que la nature divine de Christ étant elle aussi hypostasiée, on aboutit par ce principe à deux hypostases (autrement dit à un dédoublement de la personne de Christ) ! Léonce pense résoudre la contradiction en affirmant qu’une nature peut exister dans une autre hypostase que la sienne propre, auquel cas il l’appelle une nature enhypostasiée. Il prend comme exemple l’âme et le corps qui ont deux natures différentes, et qui pourtant sont hypostasiées dans une même personne. Selon lui, la nature humaine de Christ est effectivement hypostasiée, mais seulement dans la personne éternelle du Fils. Les articles incriminés font donc un contre-sens complet lorsqu’ils posent l’anhypostasie et l’enhypostatie comme deux faces complémentaires d’une même réalité, Léonce n’a jamais songé à dire que la nature humaine de Christ était anhypostasiée.
Ceci expliqué, Tixeront s’enthousiasme pour la solution de Léonce, mais celui-ci a-t-il vraiment découvert quelque chose de nouveau ? A l’évidence, non, pour un lecteur moderne.
Tout d’abord l’axiome aristotélicien, « pas de nature sans hypostase », ne fait plus de sens dès qu’on veut l’appliquer à ce que nous comprenons aujourd’hui sous ces mots. Nous disons par exemple que la nature de l’homme diffère de celle du singe par son code génétique ; code qui peut se lire dans chacune de nos cellules, ou sur un fichier informatique, sans que leurs millions de copies aient besoin d’être hypostasiées pour exister. Certes on ne doit pas réduire l’homme à son ADN, néanmoins celui fait partie intégrante de la nature humaine, de son corps du moins. Le corps terrestre de Jésus-Christ, n’a pu se former sans celui de Marie, il le fallait même prophétiquement pour qu’il soit réellement descendant de David. Prétendre donc que la nature humaine de Jésus n’existe que dans la seconde personne de la Trinité, est une affirmation gratuite et imprudente, qui contredit d’ailleurs le concept d’une Marie ϑεοτόκος selon que l’imagine Léonce lui-même.
Ensuite, pas une seule fois dans ses trois gros volumes, Tixeront ne s’interroge sur la conscience que Jésus avait de lui-même ! Or, selon le sens commun, ce qui définit la personne, c’est une entité qui s’affirme elle-même, qui peut dire : « Moi, Je ». Dieu s’identifie dans l’Ancien Testament précisément ainsi : « Je suis celui qui suis. » Par contre, la nature, les hypostases, chez Léonce et Tixeront, ne sont que de simples abstractions philosophiques, qui ne dérangeraient en rien leurs discours et leurs raisonnements, si elles avaient le défaut de ne pas exister. On les voit faire de gros efforts pour justifier l’unité de l’hypostase christique, munie de ses deux natures, mais ils ne se demandent jamais si Jésus-Christ avait le sentiment d’avoir deux consciences de lui-même, ou deux volontés. Sans doute ils répondraient à la remarque, qu’il n’y a aucun moyen de le savoir. Mais le fait même qu’ils ne soulèvent pas la question montre toute la différence entre une Histoire des dogmes construite comme une apologie de la tradition catholique, et une Histoire des dogmes écrite dans le dessein de mieux comprendre la personne et l’œuvre de Dieu, celle du protestant François Bonifas, par exemple. Non que la première soit inutile, mais il est illusoire de vouloir faire passer pour un progrès quasiment scientifique, ou technique, une nouvelle formulation purement verbale du mystère de l’incarnation.
Léonce, en résumé ne dit pas autre chose, que ce que les chrétiens évangéliques de tous les siècles ont toujours su : Jésus-Christ, la Parole divine incarnée, l’Homme-Dieu, pleinement homme et pleinement Dieu, est le même hier, aujourd’hui, et éternellement. (Hébreux 13.8)