Athénagore n’est nommé ni par Eusèbe, ni par saint Jérôme, et ce que l’on sait de lui par ailleurs est fort peu de chose. Il était d’Athènes ou du moins y demeurait et faisait profession de philosophie. D’après une notice de l’historien Philippe de Side, qui écrivait vers 430, il aurait été d’abord païen et se serait converti en étudiant les Écritures. Peut-être séjourna-t-il quelque temps à Alexandrie.
Mais les ouvrages qui nous restent de lui permettent de caractériser son esprit et sa méthode. L’auteur est vraiment un philosophe, qui s’applique avant tout à instruire et à démontrer. Justin est un apôtre, Tatien un polémiste, Athénagore est un maître dans sa chaire, qui disserte dans les règles. Autant la composition, chez les deux premiers, est lâche et négligée, autant elle est, chez Athénagore, claire et bien ordonnée. Pas un instant, et même dans ses courtes digressions, il ne perd de vue son objet. Point de rhétorique, peu d’images, partout un raisonnement vigoureux, un style fort, concis jusqu’à la sécheresse. C’est le style de la philosophie. Il est remarquable que ce chrétien bien authentique, écrivant contre des païens sur la résurrection des corps, n’a tiré, en faveur de ce dogme, aucun argument de la révélation et de l’Écriture.
Nous possédons deux ouvrages d’Athénagore : une apologie et un traité De la résurrection des corps.
L’apologie est intitulée Πρεσβεία περὶ χριστιανῶν, Supplique pour les chrétiens, et adressée « aux empereurs Marcus Aurelius Antoninus et Lucius Aurelius Commodus, germaniques, sarmatiques, et surtout philosophes ». Ces titres donnés à Marc Aurèle et à Commode aussi bien que la mention de la paix profonde qui se trouve au chapitre premier de l’apologie permettent d’en fixer très exactement la composition entre le mois de décembre 176 et les premiers mois de l’an 178. C’est à Athènes sans doute qu’elle fut écrite. L’ordre des idées qu’elle développe est on ne peut plus facile à suivre.
Après avoir sollicité l’attention des princes, Athénagore énumère les trois chefs d’accusations portées contre les chrétiens, l’athéisme, l’immoralité, l’anthropophagie (1-3). Il y répond successivement. Les chrétiens ne sont pas des athées : ils adorent un Dieu unique, Père, Fils et Saint-Esprit. Il est vrai qu’ils n’offrent pas de sacrifices matériels, et qu’ils n’honorent pas les dieux du paganisme ; mais Dieu n’a pas besoin de sacrifices grossiers, et les dieux du paganisme ne sont pas des dieux : ce sont des hommes que l’on a divinisés (4-30).
Le second reproche d’immoralité n’est pas mieux fondé. Les chrétiens croient aux peines de l’enfer et condamnent jusqu’à la pensée du mal. Ce sont les païens qui commettent les horreurs qu’ils leur reprochent (31-34).
Quant aux repas de Thyeste, les chrétiens n’en sont pas coupables, eux qui haïssent l’homicide, fuient la vue des combats du cirque, réprouvent l’exposition des enfants, croient à la résurrection des corps (35-36).
Conclusion : appel à la justice et à la clémence des empereurs (37).
Le traité de la Résurrection, annoncé par Athénagore au chapitre 36 de son apologie, a dû suivre celle-ci de près, et peut avoir été écrit en 178 ou 179. Certains détails des chapitres 1, 19, 23, et l’ordre des idées plus rigoureusement suivi encore que dans l’apologie favorisent l’opinion qui y voit une leçon ou conférence de professeur donnée d’abord de vive voix, puis mise en circulation.
L’écrit se divise nettement en deux parties : réfutation des objections que l’on fait contre la possibilité de la résurrection (1-10) ; démonstration positive du fait de la résurrection (11-25). Dans la première partie, l’auteur établit qu’il n’y a rien dans la résurrection des corps qui soit au-dessus de la puissance de Dieu ou qui répugne à ses attributs. Dans la seconde, il s’appuie surtout sur l’unité de la personne humaine pour conclure que la vie et le bonheur immortels qui sont la fin de l’homme conviennent au corps comme à l’âme, et que le corps, qui a participé aux bonnes et aux mauvaises actions de l’âme, doit en être avec elle puni ou récompensé. Or il ne peut l’être qu’à la condition de ressusciter.