Vie de John Hunt, missionnaire aux îles Fidji

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Le commencement de la fin

(1847-1848)

Moment solennel de la vie de Hunt. — Une lettre au Dr Hannah : Institution pour les évangélistes indigènes ; manuel d’instruction religieuse ; état du circuit de Viwa ; sentiments affectueux. — Lettre à ses amis d’Angleterre : Réflexions sur les épreuves ; état de l’œuvre ; deux sortes de conversions. — Déclin de la santé de Hunt. — Activité redoublée. — Travaux de cabinet. — Conseils à un jeune pasteur. — Hunt comme prédicateur. — Prédications matinales. — Soins de santé. — Hunt tombe malade. — Une imprudence. — Son dernier sermon. — Il veut mourir à Fidji. — Douleur générale. — Réunions de prières en sa faveur. — Prière de Vérani. — Luttes intérieures. — Convalescence apparente. — Interruption momentanée de la maladie. — La piété de Hunt est rajeunie. — Il croit un moment au retour de la vie. — Sa dernière lettre : Epanchements affectueux. — La crise dernière éclate.

On exagérerait difficilement l’importance considérable qu’eut, dans la vie du missionnaire Hunt, le voyage dont on vient de lire la relation détaillée. Comme Moïse avant de quitter la terre, il monta sur une hauteur, et son regard put successivement sonder le passé et ses luttes fécondes, interroger l’avenir et ses perspectives glorieuses. Ce fut en quelque sorte pour lui l’occasion de jeter un dernier et rapide coup d’œil sur sa carrière et d’en apprécier les résultats, autant du moins que Dieu le permet au regard borné de la créature. Ce fut aussi pour lui le moyen de rassurer son âme contre les inquiétudes que la pensée de l’avenir de l’œuvre qu’il avait aimée pouvait faire naître en lui. Les succès de l’heure présente lui garantissaient ceux que Dieu avait en réserve pour ses successeurs.

Avant de quitter Viwa pour retourner à son poste de la Nouvelle-Zélande, M. Lawry rendait à notre missionnaire le sympathique témoignage que voici : « M. Hunt est un homme extraordinaire, à mon avis ; et il sait consacrer joyeusement toutes ses belles facultés à Jésus-Christ, aux jeunes églises fidjiennes et à la conversion de ce peuple sauvage. Ses collègues ont pour lui une affection touchante, et eux, à leur tour, sont tendrement aimés par leur président. »

Les courriers étaient rares aux îles Fidji, et les missionnaires devaient profiter avec soin des quelques navires qui approchaient de leurs parages pour se mettre en relation avec le monde civilisé. Hunt ne voulut pas laisser partir le John Wesley sans lui remettre quelques lettres pour ses amis d’Angleterre. Deux de ces lettres sont sous nos yeux. Nous leur emprunterons quelques extraits.

La première, à laquelle nous avons déjà fait quelques emprunts, est adressée au Dr Hannah, le directeur de l’institution d’Hoxton, où John Hunt avait fait ses études.

« Mon très cher ami,

Votre très excellente et très affectueuse lettre, arrivée par le John Wesley, a été reçue avec reconnaissance par Mme Hunt et par moi-même. Nous apprécions nos amis d’Angleterre plus qu’ils ne peuvent se l’imaginer. Je suis sûr, mon cher monsieur, que vous me croirez quand je vous dirai qu’aucun n’est plus apprécié que vous. J’aurais honte de mon cœur s’il ne battait pas de la plus vive et de la plus ardente affection pour un nomme auquel j’ai tant d’obligations. Je sais que vous direz que vous n’avez fait que votre devoir. C’est possible ; mais je vois toujours plus que ceux qui font leur devoir ont droit à nos meilleurs remerciements et à notre reconnaissance la plus vive, bien qu’en présence du Maître, ils ne puissent se considérer eux-mêmes que comme des serviteurs inutiles.

Je vais maintenant vous donner quelques détails sur nos affaires ici.

… Quelques mots d’abord sur notre institution. Nous n’avons pas encore créé un établissement central pour l’instruction de nos évangélistes indigènes. Ce qui nous a arrêtés, c’est la persuasion où nous sommes que notre méthode actuelle répond mieux aux nécessités du moment. Chaque circuit a son institution particulière placée sous la direction du missionnaire. Celle de Viwa est l’école modèle.

J’ai préparé un résumé des courts sermons déjà publiés, se rapportant surtout aux doctrines du christianisme et aux devoirs qu’il impose. Si j’en juge par l’opinion de nos frères, ce petit volume est assez bien adapté aux besoins de nos amis, et fort bien accueilli par eux. Chaque question embrasse l’une des grandes vérités de la foi, et les réponses sont, autant que possible, dans les termes mêmes de l’Écriture. J’ai soin de donner le nom de l’auteur inspiré dont je cite les paroles, et cela paraît intéresser vivement nos gens, et leur fournir l’occasion de faire plus ample connaissance avec les personnages bibliques. Ce catéchisme a été composé surtout en vue de nos évangélistes, auxquels il sert de manuel, mais la plupart des chrétiens en ont déjà confié le contenu à leur mémoire et peuvent le réciter d’un bout à l’autre, sans faire trois fautes. Nous avons environ une quarantaine d’hommes qui reçoivent une instruction spécialement théologique, et la plupart, je l’espère, deviendront fort utiles en propageant les vérités évangéliques au milieu de leurs compatriotes.

L’éducation de ce peuple est l’une de nos plus vives préoccupations, et nous devons être instituteurs aussi bien que pasteurs. Il ne nous suffit pas de posséder une édition imprimée du Nouveau Testament, nous devons travailler à en transcrire les vérités sur les esprits et sur les cœurs, afin qu’elles exercent leur salutaire influence sur la vie toute entière. Toute notre attention, dans la chaire et hors de la chaire, doit avoir ce but en vue, et quel but élevé ! Nous ne pouvons être que des instruments entre les mains de Dieu, mais cela du moins, nous pouvons l’être et nous devons l’être.

Nous comptons au delà de trois mille personnes dans nos divers lieux de culte, chaque dimanche. Nos agents sont dispersés dans les différentes parties de ce vaste archipel. Dans notre circuit de Viwa, nous avons dans l’Église plusieurs chefs d’un rang assez élevé, bien que nous n’ayons pas encore atteint les chefs suprêmes. Nous venons de diviser en trois ce circuit ; il en résulte que mon champ d’activité est, dans un sens, plus restreint ; mais il s’étend sur d’autres côtés, grâce à Dieu. Il y a peut-être cent mille habitants sur la grande île voisine, et notre circuit y compte trois centres importants d’évangélisation : l’un à soixante milles de Viwa, l’autre à quatre-vingt-dix milles, le troisième à cent vingt milles. Un autre endroit, distant de cent quatre-vingts milles, s’ouvre maintenant à la prédication. Je l’ai visité, il y a plusieurs années, et j’ai reçu, il y a quelques jours, un message de la part du chef, me promettant qu’il embrassera le christianisme, dès que je lui rendrai une nouvelle visite. J’irai à la première occasion. Nous avons abondance d’ouvrage, et bien plus, en vérité que nous n’avons de force, de sagesse ou de grâce pour en faire. Nous désirons être trouvés fidèles.

… Et maintenant, mes très chers amis, recevez l’expression de notre gratitude pour le bon souvenir que vous nous conservez. Nous avons été touchés jusqu’au fond du cœur par l’aimable attention de Mme Hannah qui nous a envoyé de petits articles confectionnés pour nous par vos chers enfants. Merci pour le foulard que vous y avez joint et qui vous a servi ; je le montre à mes amis comme un précieux trésor. Nous avons nommé notre dernière petite fille Hannah d’après le nom de sa mère, celui de sa grand-mère et le vôtre. Mais qu’ai-je entrepris ? Je suis là à essayer de vous dire combien nous vous aimons, et je ne réussis qu’à vous prouver que notre affection ne peut pas se rendre par des mots. Quant à retourner en Angleterre, je ne sais que dire ; je laisse la chose au grand Maître, lui demandant, pourtant, quelque amour que j’aie pour mon pays, qu’il me fasse la grâce de vivre et de mourir à Fidji. »

Dans une autre lettre de la même date, adressée à ses vieux amis du Lincolnshire, John Hunt raconte quelques expériences pastorales qui ont leur intérêt.

« Nous sympathisons avec nos chers amis dans leurs diverses épreuves ; nous demandons à Dieu qu’elles soient sanctifiées pour eux, ce qui est en vérité leur but naturel et légitime. Nous rendons grâce à Dieu pour nos propres épreuves qui ont été d’une nature tellement spéciale qu’il vous serait difficile de les comprendre. Mais Dieu les connaît, et nous savons que toutes choses, quelle que soit leur nature, travaillent ensemble au bien de ceux qui aiment Dieu. Il n’est pas douteux que les épreuves soient une bénédiction pour nous en proportion de l’amour que nous avons pour Dieu ; de telle sorte qu’aimer Dieu de tout notre cœur, de tout notre esprit, de toute notre âme et de toute notre force est le meilleur moyen de rendre réellement utiles et sanctifiants chaque bienfait et chaque épreuve.

J’ai confiance que vous vous attachez à la simplicité et à la plénitude de l’Évangile. La prédication de John Smith me semble toujours la vraie manière de prêcher. Je ne pense jamais à lui et aux hommes de sa trempe sans me sentir humilié et instruit.

Je vous dirai quelques mots maintenant de nos affaires d’ici. Au point de vue temporel, nos circonstances se sont bien améliorées. Nous avons la santé, une habitation convenable, abondance de tout ce qui est nécessaire au corps pour sa subsistance, et avec cela peu de soucis. La bonne œuvre dans laquelle nous sommes engagés continue aussi à prospérer. Nous avons à lutter sans doute contre quelque opposition et contre beaucoup d’indifférence ; mais, tout compté, l’œuvre progresse ; elle n’est arrêtée ni par le calme, ni par la tempête.

L’œuvre de la conversion a avancé graduellement, depuis trois ans, au milieu de notre peuple. Vous n’ignorez pas que nous avons ici deux sortes de conversions : l’une du paganisme au christianisme envisagé comme système, et la seconde du péché à Dieu. L’une et l’autre ont la plus grande importance ; et sans la première on ne peut guère attendre l’autre. Nous voyons très rarement le sentiment du péché naître et se développer chez un païen proprement dit. Ce n’est généralement qu’après avoir fait profession de christianisme pendant quelque temps que nos amis éprouvent sérieusement le besoin de chercher Dieu. Et c’est là, je crois, la grande différence qui existe entre la diffusion du christianisme de nos jours et sa diffusion au temps des apôtres. Les païens en ce temps-là se convertissaient au vrai Dieu dès l’instant où ils avaient compris la prédication évangélique ; les idolâtres les plus grossiers étaient soudainement transformés en vrais adorateurs du Dieu-Esprit, et mettaient leur confiance en Jésus-Christ son fils, poussés par le sentiment de leur misère, et ils recevaient le Saint-Esprit qui leur donnait le témoignage de leur adoption, et les renouvelait dans une justice et une sainteté véritables. De telles conversions sont rares de nos jours ; et on ne peut nier que l’œuvre chrétienne ne revête parmi nous un caractère sensiblement différent de celui que décrivent les Actes des apôtres. Nos auditoires ressemblent fort à ceux que vous avez en Angleterre. Un bon nombre de personnes sont véritablement converties ; d’autres cherchent le salut ; d’autres, hélas ! tout en faisant profession de servir Dieu, n’ont que la forme de la piété, et n’ont aucune idée de sa force. Nous avons plus de trois mille chrétiens de profession ; mais, s’ils ressemblaient aux trois mille convertis du jour de la Pentecôte, je ne doute pas que les îles Fidji ne fussent bientôt amenées au Sauveur. Le nombre des membres proprement dits de la société est de 1730 ; 159 personnes sont candidats pour l’admission. »

Au commencement de 1848, la santé de John Hunt déclinait rapidement. Elle était sourdement minée, non seulement par l’action multiple et si ardue du ministère, mais encore par tout ce travail de derrière la scène, comme il l’appelait lui-même. Et, bien que ses collègues ne remarquassent aucun ralentissement dans son activité, et le vissent toujours aussi dévoué à l’accomplissement de ses devoirs, il n’était que trop certain que chaque jour qui passait, chaque œuvre à laquelle il mettait la main apportaient un nouveau choc à sa constitution déjà ébranlée.

Nous retrouvons dans l’une de ses lettres du mois de février la preuve de cette activité débordante en même temps que la trace des pressentiments qui le visitaient.

« Je suis surchargé d’occupations, depuis un bout de l’année jusqu’à l’autre, et j’ai maintenant sur le métier une œuvre de la plus haute importance et de longue haleine, qui me réclamera plusieurs années d’un travail incessant ; je veux parler de la traduction de la Bible et de la composition de petits ouvrages populaires en langue fidjienne, à l’usage de nos indigènes. Ce travail de cabinet vient s’ajouter à mon œuvre de pasteur et d’évangéliste. Ma femme est aussi fort occupée, et aurait bien besoin de l’aide de sa mère ; mais nous pensons comme vous, qu’à l’âge de celle-ci, le plus sage est de se donner rendez-vous au ciel. C’est là le moyen infaillible de se revoir ; tout le reste est incertain, car, qu’est-ce que notre vie ? Une vapeur, un songe, une vanité… rien… »

Deux mois plus tard, il écrivait à son collègue, M. Calvert : « Je compose à neuf les petits sermons publiés précédemment, j’en ajoute de nouveaux et agrandis les anciens, ce qui me donne un travail considérable. Je trouve difficile de renfermer Homère dans une coquille de noix. Je pourrais sans peine, il est vrai, remplir ma coquille de tout ce qu’elle pourrait contenir, et laisser le reste dehors ; mais, ce qui est bien plus difficile, c’est de faire entrer dans un petit livre la matière qui remplirait aisément de gros volumes. Ce qui est fort difficile aussi, c’est de mettre des idées un peu relevées à la portée de nos pauvres sauvages, en les revêtant d’un langage qui ne soit pas tout à fait inintelligible pour eux. Je ferai de mon mieux, mais je suis de plus en plus mécontent de tout ce que je fais.

Notre œuvre va son petit train. Nos âmes sont engagées, j’en ai la confiance, dans une voie de prospérité. Toutefois, je ne constate pas parmi nous cet amour toujours débordant pour Dieu et pour tous les hommes qui nous remplissait l’année dernière. Je ne sais en vérité comment expliquer ce fait, et je me permets de réclamer vos prières en notre faveur. Pour ce qui est de ma propre âme, elle prospère, Dieu soit loué. J’ai mes épreuves et mes victoires, mes joies et mes peines, mais je sens que Dieu les partage avec moi. »

Vers cette même époque, Hunt écrivait une lettre à l’un des jeunes missionnaires récemment arrivés d’Angleterre, le rév. John Malvern, qui se préparait par l’étude de la langue du pays, à son œuvre future. Cette lettre porte à un degré remarquable l’empreinte du caractère sérieux et de la piété éprouvée de son auteur. Nous la citons, comme l’une des pièces les plus caractéristiques sorties de la plume du missionnaire pendant cette dernière année.

« Mon cher frère,

Je vous suis reconnaissant pour votre courte lettre, et je serais heureux de pouvoir vous écrire moi-même longuement pour vous donner les conseils que vous me demandez, si je savais de quelle nature sont les conseils dont vous avez besoin. Adressez-moi autant de questions que vous le jugerez convenable, et j’y répondrai, si je le puis ; suggérez-moi tout au moins les sujets sur lesquels vous pouvez désirer de connaître mon opinion.

Vous êtes au début de votre œuvre, et ce qu’il vous faut avant tout, c’est beaucoup de prières et beaucoup de réflexion, afin que vous puissiez, dès vos premiers pas, vous engager dans une bonne voie. C’est pour avoir oublié cela que beaucoup d’hommes ont souffert. Je vous conseille de lire les règles que donne Wesley dans ses Large Minutes, et surtout de vous efforcer de les pratiquer. N’oubliez pas ses recommandations au sujet de la recherche des aises, de la médisance et du reste ; et je suis assuré que vous deviendrez un missionnaire heureux et utile. Je regrette excessivement d’avoir négligé l’observation de plusieurs de ces règles. Les douze règles d’un prédicateur méritent surtout votre attention. La prédication matinale est tombée depuis longtemps en désuétude parmi nous ; mais je suis convaincu que ce serait une excellente chose de nous prêcher à nous-mêmes, dans le cas où nous serions seuls, un sermon chaque matin, de cinq à six heures, ou de six à sept. Ne vous laissez pas rebuter par la pensée que vous êtes seul. Chantez ou lisez un cantique en rapport avec le sujet de votre méditation et priez. Puis méditez un passage de l’Écriture, en en faisant l’application à votre âme et à vos circonstances. Terminez ensuite par la prière. Vous trouverez là, je vous le promets, un excellent moyen de vous développer l’esprit et le cœur. Pendant les travaux de la journée, vous penserez au passage qui vous occupera le lendemain matin et vous vous livrerez à son sujet aux recherches qui pourront vous en faciliter l’interprétation. Si vous suivez ce plan, il ne vous arrivera jamais d’être à court de sujets lorsque vous aurez à prêcher, et vous aurez toujours la disposition d’esprit nécessaire, ce qui, à Fidji, est à la fois très important et très difficile. Essayez la chose et dites-moi dans votre prochaine lettre si elle vous réussit. Employez une heure de votre soirée à travailler à la préparation de sermons en langue indigène, et demandez à Dieu surtout qu’il les accompagne lui-même de son action.

Une partie de votre tâche consiste à prendre soin de votre corps. La sobriété et l’exercice vous sont indispensables. Notre nourriture ici est grossière, et mon opinion est qu’il nous faut deux heures au moins d’exercice en plein air chaque jour, si nous voulons nous conserver la santé. Si vous me dites que vous n’avez pas de temps, je vous répondrai qu’il faut vous en créer. Unissez plutôt la promenade à la lecture, à la prière ou à la conversation, afin de racheter le temps. Je suis convaincu qu’en apportant de la régularité dans vos exercices, dans vos repas, dans votre sommeil, vous rendrez service non seulement à votre corps, mais encore à votre esprit. Notre esprit n’est bien dressé que lorsqu’il est entièrement placé sous le contrôle de notre volonté. Ce ne sera que par la discipline que vous obtiendrez cela, et des habitudes régulières vous seront fort utiles pour discipliner votre esprit et votre cœur en même temps qu’elles profiteront à la santé du corps. »

Les conseils de John Hunt étaient dictés par une expérience de la vie qui rachetait par son intensité ce qui lui manquait en étendue. Ces avis étaient l’enseignement de sa vie aussi bien que de sa plume. Cela est vrai de ce qu’il dit au sujet des prédications du matin tant pratiquées et tant recommandées par Wesley. Il lui était arrivé bien souvent de prêcher chez lui en n’ayant pour auditeur que sa femme ; et toutefois chaque partie du culte était consciencieusement accomplie avec autant d’ordre et de solennité que s’il eût été en face d’une foule attentive. Il avait éprouvé, comme il le dit, que cet exercice a une excellente influence sur le développement des talents du prédicateur. Ses ressources au point de vue de la prédication semblaient presque illimitées, et l’habitude qu’il avait prise depuis longtemps de faire d’un passage de l’Écriture le sujet principal de ses réflexions de la journée, lui avait toujours fourni une inépuisable provision de textes convenablement préparés.

Les conseils qu’il adresse à M. Malvern au sujet des soins que le missionnaire doit donner à sa santé sont fort sages ; malheureusement, il les avait trop peu suivis lui-même. Il s’était surtout trop refusé quelque repos au milieu du jour, à l’heure où le soleil a toute sa force.

En avril 1848, un vaisseau de la marine royale visitait les îles Fidji. Avec son empressement habituel, Hunt servit de cicérone au capitaine, et l’accompagna dans diverses localités, en se faisant une joie de lui rendre tous les services possibles. Dans une occasion, il lui arriva, à la suite d’une marche qui l’avait considérablement échauffé et avait amené une abondante transpiration, de demeurer exposé à l’air humide et glacé de la nuit. Il en résulta un refroidissement qui dégénéra aussitôt en une violente inflammation d’entrailles, maladie à laquelle sont surtout exposés les Européens qui habitent les îles Fidji. La présence de M. Lyth à Viwa fut un grand soulagement pour le missionnaire dans cette grave maladie ; il s’appliqua à vaincre le mal par toutes les ressources que la science médicale mettait à sa disposition. Mais il constata avec douleur que tous ses efforts étaient inutiles et que l’inflammation, loin de se circonscrire, semblait s’étendre et s’aggraver. Il n’y avait pas à s’y tromper, cette maladie était la dysenterie, ce fléau des contrées chaudes. Chaque attaque nouvelle affaiblissait le malade, au point de faire craindre un dénouement fatal pour un avenir rapproché. En juillet, une amélioration sensible se déclara, et John Hunt, ne consultant que son courage, quitta sa chambre et vint, pendant plusieurs jours consécutifs, s’asseoir au milieu des élèves de sa chère école. Il prêcha même encore une fois (et ce devait être la dernière) à son cher troupeau réuni. Son texte fut cette parole de St. Jude : « Priant par le Saint- Esprit. »

Le pieux et fidèle médecin dit : « Il était évident désormais que ces attaques sans cesse renouvelées devaient être occasionnées par quelque cause latente ou par quelque sérieux désordre dans le système ; car, en dépit des moyens employés, les symptômes s’aggravaient. »

Au commencement d’août, John Hunt eut une attaque plus sévère que toutes les précédentes, pendant laquelle il souffrit des douleurs aiguës et prolongées. Il fut question un moment de le transporter aux colonies pour qu’il y jouit d’un climat plus doux et des conforts de la vie civilisée ; mais la gravité de son état rendit ce projet complètement irréalisable. D’ailleurs son cœur était lié à l’œuvre des îles Fidji, et il voulait mourir sur le sol où s’étaient passées les plus belles années de sa vie ; il se décida donc à laisser à Dieu l’issue des événements.

Il devint bientôt évident que les progrès du mal ne comportaient plus aucun traitement efficace. Ce fut alors dans toute l’île et bientôt sur tous les points de l’archipel une détresse générale. Un voile sombre de douleur s’étendit sur le cœur des collègues du cher malade qui avait été pour tous un père plein de bienveillance et de bons conseils ou un frère aîné à l’âme sympathique. Les femmes et les enfants des missionnaires pleuraient déjà comme un membre de leur propre famille celui qu’ils s’étaient habitués à entourer d’une affection ardente et d’un respect qui était presque de la vénération.

La perspective de perdre leur pasteur bien-aimé n’était jamais entrée dans la pensée des chrétiens de Viwa ; une telle calamité semblait dépasser, à leurs yeux, la limite des choses possibles ; le cœur qui sympathisait avec toutes leurs infortunes semblait ne devoir pas de longtemps cesser de palpiter ; la main qui s’ouvrait si libéralement pour secourir et pour aider semblait ne devoir pas de longtemps se glacer au contact de la mort. Hunt avait été pour eux tous un père dont l’affection n’avait reculé devant aucune peine et n’avait hésité devant aucun sacrifice. Et lorsque la terrible vérité se fit jour dans ces cœurs qui s’étaient longtemps refusés à l’admettre, ce fut un déchaînement de douleur tout à fait impossible à décrire ; chaque maison retentit des gémissements et des cris de détresse de ces pauvres gens chez lesquels la souffrance n’avait pas appris à se contenir et à se dissimuler.

Mais ces pauvres gens étaient des chrétiens, et ils ne pouvaient pas oublier, dans ces heures de détresse, que Dieu seul pouvait encore quelque chose pour eux. L’église de Viwa se montra à la hauteur des beaux jours du réveil qui l’avaient visitée ; elle convoqua des réunions de prières non interrompues, où toute la population chrétienne se succédait et se relevait pour demander à Dieu que, si cela se pouvait encore, son serviteur fût épargné. Les âmes qu’il avait lui-même conduites au trône de la grâce assiégeaient ce trône en sa faveur. Les prières étaient des cris d’angoisse qui partaient du cœur et qui allaient au cœur ; le plus souvent elles se terminaient dans des sanglots. C’était un spectacle émouvant que celui de cette assemblée de chrétiens naguère sauvages qui, mus par une même pensée, faisaient monter au ciel une même supplication.

Au milieu de ces fidèles prosternés se distinguait Vérani, l’ancien chef cannibale devenu chrétien fervent ; nul n’avait des obligations plus grandes que les siennes envers John Hunt, nul non plus ne l’aimait d’une affection aussi filiale, aussi entière que la sienne ; c’était un mélange de vénération et de dévouement qui était capable des plus grands sacrifices. Sa voix dominait celle des sanglots de la foule : « Seigneur, s’écriait-il en fondant en larmes, nous savons que nous sommes très méchants ; mais pourtant épargne ton serviteur ! Si quelqu’un doit mourir, prends-moi ! prends-en dix parmi nous, mais épargne ton serviteur pour qu’il prêche Christ à ce peuple ! » Admirable prière dans sa simplicité naïve et confiante, où l’on sent vibrer les accents d’un cœur ému et d’une foi ardente ! prière qui nous révèle à elle seule quelles puissances d’affection et de tendres sentiments, quelles énergies de dévouement et de pitié le christianisme a su éveiller dans des âmes que le paganisme avait abruties et qu’une civilisation dédaigneuse eût déclarées incorrigibles !

Hélas ! ces prières ne devaient pas être exaucées, et Dieu avait décidé de rappeler à lui son serviteur. Il envoyait du ciel dans son âme une paix profonde qui lui faisait supporter vaillamment ses agonies les plus terribles. Hunt disait alors : « J’éprouve une paix calme et uniforme ; quelque vives que soient mes souffrances, elles ne portent pas atteinte à ma tranquillité d’âme ; mais toutefois je sens mes peines. » Il disait encore : « Il me faut une manifestation plus claire de l’amour de Dieu, qui me rende capable de me réjouir dans mes souffrances. J’ai la paix. Priez pour moi ! »

Lorsque le paroxysme de ses douleurs eut passé, le pieux malade médita longuement sur les solennelles leçons que lui apportait cette maladie, sur le caractère de laquelle il ne se méprenait pas. Cet examen sérieux qui eut lieu au sortir de cette crise, ébranla pour un moment sa confiance. En jetant un regard impartial et sévère sur sa vie passée, il se dit que le mal s’y était souvent mêlé au bien et l’avait dénaturé ; il essaya de la juger au point de vue de l’éternité dont il se sentait si rapproché, et il crut y découvrir d’innombrables imperfections. « J’ai eu, disait-il, les convictions les plus humiliantes de ma nullité et de mon inutilité ; cela m’a jeté dans une profonde détresse, jusqu’au moment où le Seigneur, rappelant à mon souvenir mes églises bien-aimées et les âmes qui ont cru par mon moyen, m’a remis en mémoire cette parole de St. Paul : « N’êtes-vous pas vous-mêmes mon œuvre dans le Seigneur ? Si pour d’autres je ne suis pas un apôtre, au moins je le suis pour vous, car vous êtes le sceau de mon apostolat dans le Seigneur. » Depuis lors, Dieu semble n’avoir plus permis que j’aie entendu en moi ces reproches qui me troublaient ; il s’est manifesté à moi d’une manière surprenante, et je me suis senti tout rempli et tout débordant de l’amour de Dieu. Je sentais que ma volonté se perdait complètement dans la sienne. »

Ce n’était pourtant pas là encore la grande lutte, mais un simple avertissement. Il y eut même quelques semaines de répit, avant la crise suprême. La maladie parut vaincue pendant un moment. Le malade se releva et sembla entrer en convalescence ; on le vit successivement quitter le lit, faire quelques pas dans sa chambre en s’appuyant sur un bâton, sortir même et s’asseoir au grand air sous la véranda. Son regard put encore une fois se promener avec plaisir sur les scènes familières de la vie domestique. Son cœur s’intéressait aussi vivement que jamais aux succès de l’œuvre chrétienne. Mais il n’était plus le même homme que précédemment ; ses pieds avaient foulé l’obscur sentier qui longe les confins mystérieux des deux vies, et il avait vu descendre d’en haut sur cette voie ténébreuse les douces lueurs du jour éternel ; son regard avait pénétré les noires profondeurs du tombeau, mais il s’était baigné aussi dans les effluves lumineuses de la vie à venir. L’intérêt qu’il prenait aux choses d’ici-bas avait un caractère tout nouveau ; ce n’était plus la préoccupation haletante et passionnée du lutteur engagé dans le combat, auquel souvent la poussière du champ de bataille voile l’issue qui se prépare ; c’était déjà la calme et triomphante assurance du vainqueur. C’est qu’une voix qu’il savait infaillible lui disait que la fin approchait. « Je ne sais pas comment cela se fait, disait-il, mais quelque chose au dedans de moi me dit que mon œuvre est finie. »

Il planait sur ce visage allongé, amaigri et incliné, je ne sais quoi de solennel ; le doigt de Dieu y avait écrit le mystère de la vie éternelle, et, en le contemplant, on se sentait saisi de vénération et presque de crainte. On s’arrêtait malgré soi en voyant passer, à pas lents et mal assurés, dans le jardin de la mission, cet homme vieilli par la maladie, dont les yeux ardents rayonnaient comme deux charbons incandescents, et on ne pouvait s’empêcher de se dire que cet homme-là n’était plus d’ici-bas.

Il s’ouvrait quelquefois à sa femme et à ses amis, qui recueillaient avec avidité ces dernières paroles du malade. « J’ai cru un moment, leur disait-il, que je touchais au port ; vous ne pourriez vous imaginer combien me paraissait douce la perspective du départ. Je sentais que rien ne me retenait ici-bas, non pas même ma chère femme et mes enfants. Je me sentais complètement mort au monde. »

Il disait encore : « J’en ai pris mon parti. J’ai pensé que mon état ne tardera pas à entrer dans une autre phase ; aussi ai-je donné à Dieu par Jésus-Christ, mon corps et mon âme, et je sens qu’il m’a accepté. Je suis parfaitement résigné à sa volonté. »

Cette résignation n’était pas, comme chez tant d’autres, une soumission forcée ; la volonté de Dieu n’était pas pour lui un joug intolérable sous lequel il se courbait à contre cœur. Il l’acceptait joyeusement, et sa confiance en Dieu le rendait heureux. Il faisait dire aux fidèles réunis pour prier en sa faveur combien l’épreuve lui avait été salutaire et quels fruits de vie il en avait retirés ; et en recevant ce message de leur bien-aimé pasteur, les chrétiens éclataient en sanglots. Ils espéraient déjà qu’en réponse à leurs prières, Dieu allait le leur rendre, et ils en exprimaient à Dieu leur vive reconnaissance. Ratou David, un chef chrétien de Mbau, disait avec ferveur dans ses prières : « Seigneur, nous étions tout troublés ; nous craignions que tu ne fusses sur le point de nous enlever la lumière et de nous laisser dans les ténèbres, par suite de nos péchés : nous craignions que tu n’éteignisses notre lumière, et que tu ne nous enlevasses celui qui nous a enseigné la Parole de vie. Mais nous avons arrêté tes mains ; nous avons refusé de le laisser partir, et, pour l’amour de Christ, tu as écouté les prières des pécheurs. »

Plusieurs semaines s’écoulèrent, pendant lesquelles le malade, quoique fort affaibli, fut comparativement exempt de souffrances. Son médecin et ses amis le tinrent, pendant ce temps, dans un repos aussi complet que possible et ne lui permirent pas de s’occuper en rien de son travail ordinaire. Il put, pendant cette période, passer en revue sa vie entière ; cet examen sérieux eut pour unique résultat de le jeter dans les bras de son Sauveur et de resserrer les liens qui l’unissaient à lui. Il écarta ses projets d’avenir, ses vœux, ses soucis, sa famille elle-même, tout ce qui pouvait enfin ralentir l’élan de sa foi, distraire son attention ou obscurcir son jugement. Il contempla la terre, avec toutes ses promesses d’avenir, et toutes ses incertitudes, et il la compara aux réalités du ciel qu’il avait entrevues, et il comprit que, puisque Dieu l’appelait, il n’y avait plus à hésiter. Il est vrai qu’entre lui et la couronne de gloire préparée pour lui, il découvrait une crise suprême, une agonie dernière dont il avait savouré l’avant-goût douloureux. Mais l’issue ne l’inquiétait pas ; pour l’œil de sa foi, la victoire était déjà gagnée, et il attendait avec un calme parfait le dénouement de la grande lutte qui se préparait.

Pendant ces jours d’attente si solennels, John Hunt montra le plus vif intérêt pour la mission à laquelle il avait consacré les plus belles années de sa vie. Il aurait voulu même reprendre quelque partie de son ancienne activité, si le médecin ne le lui avait strictement interdit. Cet intérêt qu’il prenait à tout ce qu’on lui rapportait sur l’état de l’œuvre produisit même un résultat qui ne surprendra personne ; à mesure que se réveillait en lui son besoin d’activité et que la joie du travail le visitait de nouveau, il en venait à se faire illusion sur son état, et à certains moments, il se persuadait que sa course n’était peut-être pas encore achevée, et que Dieu allait peut-être faire un miracle en sa faveur, en lui permettant, pendant quelques jours encore, d’annoncer l’Évangile aux pécheurs. Lorsque, dans le doux apaisement qui succédait à ses douleurs, l’amour de Dieu remplissait son âme d’une sainte extase, il lui était facile de considérer cette vigueur renouvelée et débordante de la vie intérieure comme l’indication d’un rajeunissement de la vie extérieure. De pareils sentiments sont fréquents chez les malades. Il n’est pas rare qu’avant de s’éteindre, le flambeau de la vie jette une subite et éclatante lueur ; le malade est presque toujours le premier à se méprendre sur la portée de cet éclair de vie qui sillonne son ciel chargé de nuages ; mais ceux qui veillent auprès de lui ne s’y trompent pas : cet apparent retour à la santé n’est qu’un symptôme nouveau qui annonce l’approche de la fin. C’est dans un de ces moments de lucidité, où la vie semblait ouvrir devant son regard ses lointaines et charmantes perspectives, qu’il écrivit la lettre suivante, la dernière qu’il ait écrite. Elle était adressée à son collègue Williams, de Mboua, et portait la date du 29 août 1848 :

« Mon cher frère,

Je vais essayer de vous écrire une ligne ou deux, mais je ne sais pas si j’y réussirai, attendu que je suis encore incapable d’aucun travail. Vous verrez toutefois avec plaisir que je suis au moins capable d’essayer de travailler.

Je vous remercie vivement et avec vous la sœur Williams pour votre bonne sympathie. En vérité, je puis à peine y penser sans que mes yeux se remplissent de larmes. C’est une de mes plus grandes consolations de voir tant de sentiments affectueux qui me sont témoignés, à moi indigne, par mes collègues, par leurs femmes et par les indigènes. Lorsque vint Salomon (l’évangéliste indigène de Mboua), la plus forte crise était passée, et la maladie était entrée dans une période d’amélioration décidée. J’ai fait depuis lors de lents progrès dans la même direction, et j’espère pouvoir, dans un mois ou deux, reprendre quelque service actif, si Dieu le permet.

Mon miséricordieux Sauveur a été bien bon pour moi pendant mon affliction. J’ai compris mieux que jamais sa bonté, et je voudrais avoir mille langues pour le louer. Je sens qu’il m’a abondamment béni. Oh ! aidez-moi à le louer !

J’ai été en paix durant la première partie de mon affliction ; mais j’ai éprouvé qu’il me fallait une manifestation de l’amour de Dieu plus claire que celle que je possédais, qui me rendit capable de me réjouir au milieu des vives douleurs que j’éprouvais alors. Lorsque le médecin, pensant que j’approchais de ma fin, me demanda si je n’avais aucune recommandation à faire au sujet de mes affaires temporelles, je me sentis tout disposé à adresser un dernier adieu à ce monde, il me semblait que tous les liens étaient brisés. Ce que je ressentais ce n’était pas tant la joie que le désir du départ ; j’étais contrarié par la pensée de revenir à la vie. Il y a une semaine environ, pendant la journée du dimanche, le Seigneur remplit mon âme de son amour, à tel point que ma coupe débordait de joie. Oh ! mon âme semblait se fondre en amour tendre, humble et reconnaissant. Je n’ai jamais éprouvé rien de semblable. Il me tardait à ce moment-là de quitter la terre ; mais le Seigneur, pendant cette manifestation de son amour à mon âme, parut m’indiquer qu’il me rendrait la santé. Je m’écriai : « Seigneur, tu peux me rétablir, je vivrai pour raconter les œuvres du Seigneur. » Depuis lors, je me suis trouvé en meilleur état de corps et d’âme. Je puis lire un peu, et je trouve de grands encouragements dans la lecture du Nouveau Testament, des sermons de Wesley et des vies des premiers prédicateurs méthodistes. J’y trouve, grâce à Dieu, des bénédictions quotidiennes.

Ma chère femme a été merveilleusement conservée en santé et en paix, malgré de grandes fatigues. Mes collègues m’ont été fort utiles, surtout pendant la nuit. Les enfants eux-mêmes ont été fort bien, pendant tout ce temps. En un mot, chacun a fait ce qu’il a pu faire.

Je dois dire un mot maintenant des nombreux billets ou lettres que vous m’avez adressés. Je vous en suis fort reconnaissant. Ils respirent tous un esprit qui me plaît. Si cela peut vous faire plaisir d’apprendre que tous vos plans et que tous vos travaux que vous me racontez ont obtenu ma parfaite approbation, je ne puis que vous assurer que c’est parfaitement le cas. Vous m’êtes de plus en plus cher à tous égards, et je me réjouis vivement de la paix et de la prospérité dont vous jouissez. Je suis affligé à la pensée de l’isolement où vous allez vous trouver pendant l’événement qui se prépare pour votre famille. Mais vous ne serez pas seuls : le grand et bon Médecin sera avec vous. Il envoya jadis ses disciples deux à deux, mais, si nous sommes souvent obligés de les envoyer seuls et un à un, à cause de la grandeur de notre champ de travail, le Seigneur saura bien suppléer à notre pauvreté.

Votre rapport et vos comptes me sont parvenus. J’aime votre rapport ; je suis exactement de votre avis au sujet des postes à occuper dans l’île de Vanoua-Levou.

Mon cher frère m’excusera si je ne prolonge pas plus longtemps cette lettre. Mes amitiés à la sœur Williams, et mes prières ferventes pour sa délivrance à l’heure de l’épreuve ; et encore une fois mes remerciements à vous deux pour votre affectueuse sympathie. Ma femme s’unit à moi dans les sentiments que je viens d’exprimer.

Je demeure votre très affectionné

J. Hunt. »

Un jour ou deux après que cette lettre eut été écrite, le John Wesley arriva de la Nouvelle-Zélande. C’était là toujours pour les familles missionnaires un événement important ; il fallait débarquer les provisions, ouvrir les paquets, lire les lettres et les journaux qui apportaient du monde civilisé des nouvelles vieilles au moins d’une année. Tout le monde était nécessairement en alerte, et il était impossible que le pauvre convalescent réussît à se soustraire complètement à l’excitation universelle ; cette excitation dut réagir forcément sur sa constitution affaiblie. Puis vint l’assemblée annuelle du district avec ses inévitables soucis et ses absorbantes préoccupations ; John Hunt en prit sa part, quoiqu’on pût faire pour l’en dispenser. Tout cela le fatigua énormément et précipita la crise fatale qui éclata le 15 septembre.

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