La Rédemption a deux fins principales : le pardon et la sanctification. — La foi salutaire est un sentiment autant et plus qu’une notion. — L’homme ne doit pas séparer ce que Dieu a joint.
Tout prouve donc que si l’objet immédiat de la rédemption est la rémission des péchés, son objet final est la régénération de l’homme. On arrive à ce résultat, de quelque côté qu’on l’envisage. Mais, dès lors, le point essentiel est moins la connaissance ou la croyance du dogme, que son impression sanctifiante. Aussi la foi salutaire est-elle un sentiment autant et plus qu’une notion. L’homme qui n’a qu’une vue enveloppée de la vérité sainte, qui la saisit simplement comme un fait divin, mais dont le cœur, la conscience, l’âme entière en est profondément affectée, croit mieux et, si je puis ainsi dire, connaît mieux l’Évangile que le théologien le plus instruit, dont l’esprit seul est éclairé (1 Corinthiens 8.2). Bien plus, tel païen pénétré de sa culpabilité en même temps que de la justice et de la miséricorde divine, qui soupire après son pardon, qui le cherche en tâtonnant, l’attendant d’En haut au milieu de ses ténèbres, se trouve peut-être dans les termes évangéliques plus réellement que tel chrétien qui s’appuie sur sa foi dans le même esprit que les Juifs s’appuyaient sur leur loi (Romains ch. 2). Que de raisons de nous défier de nos systèmes, et de la pente qui nous porte à en faire la mesure de la vérité et la règle du jugement ! Comment cet homme serait-il de Dieu, disaient de Jésus-Christ les pharisiens, puisqu’il ne garde point le sabbat ?…
En résumé, nous trouvons que la rédemption a deux fins principales, qui ne vont pas l’une sans l’autre : le pardon et la sanctification. Aussi la foi, par laquelle nous nous en approprions les bienfaits, est-elle tout ensemble moyen de justification et principe de régénération. Si elle ne change pas le cœur, elle n’obtient aucune grâce ; elle est morte, c’est-à-dire vaine pour l’homme et nulle devant Dieu, dépourvue qu’elle est alors de ses éléments et de ses produits essentiels. Sans doute, la justification ne sort pas de la régénération, mais elle n’est pas sans elle ; cela s’expliquera et se légitimera plus tard. Les systèmes qui réduisent la rédemption à l’une ou l’autre de ses grandes fins, en la faisant prédominer outre mesure, se fondent chacun sur une face réelle de l’Évangile, mais ils sont incomplets en même temps qu’excessifs, et peuvent conduire à de graves erreurs. Celui qui tend à tout déduire de la nouvelle direction de l’âme et de la vie, fruit de l’union avec Christ par la foi, qui veut en définitive qu’« être justifié » et « être fait juste » soient tout un, nous a rapidement et largement envahis. S’il l’emporte, on n’aura réussi qu’à traverser encore la vérité, selon la pente trop ordinaire de l’esprit humain. Il a l’avantage de donner ou de paraître donner l’intelligence du mystère ; mais il fait plier devant ses interprétations et le témoignage du Nouveau Testament et le fait que ce témoignage atteste.
Prenons garde, pour répéter une recommandation qui reviendrait sans cesse dans le mouvement tumultueux de nos jours, prenons garde de lier la vérité révélée aux conceptions changeantes de la philosophie et de la théologie qu’elle inspire. Ne nous rendons esclaves d’aucun de ces revirements de la pensée qui portent tantôt à un des pôles du Christianisme tantôt à l’autre. Ne séparons pas ce que Dieu a joint. Préoccupons-nous plus de maintenir intégralement les faits de révélation, objet de la foi et fondement de la vie, que d’en opérer la systématisation logique. Embrassons ensemble les deux fins générales de la rédemption, puisqu’elles sont également données dans l’Évangile ; apprenons de l’histoire de la dogmatique qu’on n’aboutit qu’à les fausser et à compromettre l’ordre divin du salut, en voulant absorber, pour l’unité du principe, ou celle-là dans celle-ci ou celle-ci dans celle-là ; et puis, appliquons-nous à relever l’Église du côté par où elle penche.