Nos enfants

ÉCHEC À L’ENVIE

L’envie est la carie des os.

Proverbes 14.30

Ma fille – elle avait alors sept ans à peine – venait de recevoir une fort belle poupée. Comblée, elle se mit à jouer avec entrain. L’instant d’après, ma femme tendit une boîte à sa sœur qui rentrait de classe. Celle-ci déplia fébrilement son paquet et en retira une poupée aussi belle mais … légèrement plus grosse que l’autre. A partir de ce moment, la première cessa de jouer, abandonna son cadeau qui ne l’intéressait plus, pour fixer des regards de convoitise embués de dépit en direction de la poupée « plus grosse ». Il n’en fallait pas plus pour lui ôter son enthousiasme et son plaisir.


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Avez-vous déjà vécu la scène qui suit après avoir demandé à l’un des vôtres :

— Veux-tu une pomme ou du chocolat pour ton goûter ?

S’il choisit une pomme, il se montrera satisfait d’en recevoir une belle mais se ravisera et demandera à changer s’il voit son frère croquer du chocolat. Si vous résistez au mécontent – et en cela vous aurez parfaitement raison – il s’en ira bouder dans un coin, persuadé qu’il est victime d’une injustice. De telles réactions, aussi sottes qu’inattendues, ne sont pas rares. Il est dans la nature de l’être humain d’éprouver de la jalousie à l’égard de celui qui possède et de mauvais sentiments envers le donateur qualifié de partial. Parents, faites la sourde oreille et tenez bon.


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Je connais une belle famille où l’on fête avec faste l’anniversaire des petits. Les parrains et marraines doivent, ce jour-là, se montrer à la hauteur de leur titre, posséder une imagination en éveil (que donner à des filleuls qui possèdent déjà tout) et une bourse bien gonflée pour satisfaire ce petit monde de blasés.

Le problème, car c’en est un en ce jour d’anniversaire, est que seul le fêté reçoit un cadeau qu’il déplie avec délices – il se sait observé – devant des frères et des sœurs qui, eux, ne paraissent guère partager sa joie. Qu’il leur est peu naturel de « se réjouir avec celui qui se réjouit » ! Alors les parents s’émeuvent : Annie, Thomas et Jeannette n’obtiennent rien alors que Françoise est comblée. La joie ne devrait-elle pas éclater sur tous les visages ? C’est pourquoi maman et papa courent en direction du bazar le plus proche afin d’acheter à chacun un objet d’une valeur analogue pour rétablir une situation compromise et réparer une inacceptable injustice. Ainsi la fête de Françoise est la fête de tout le monde et … de personne.

Et la maman d’expliquer :

— Je ne veux pas que mes enfants se jalousent.

Tandis que papa approuve :

— Ma femme a raison. Je suis pour l’égalité.

Curieuse façon de corriger l’enfant, de le guérir de sa convoitise. Inégalité n’est pas synonyme d’injustice. Les enfants éduqués de la sorte deviennent, en dépit du but poursuivi, d’insatiables jaloux, incapables de supporter que l’autre possède ce qu’ils n’ont pas. Voulant obtenir sans retard ce qu’il voit chez autrui, l’enfant exigera qu’on lui procure les mêmes bottes (et même de plus belles), la bicyclette ou le poste à transistors que porte ou manipule le copain d’en face. Pas de cela ! Ne cédez pas à l’envie en lui donnant l’inutile abondance. Ne lui faites pas croire qu’il n’a qu’à demander pour obtenir. Que vos cadeaux soient modestes, plutôt exceptionnels et utiles. Offrez-lui ce que les parents ne songent guère à acheter : des outils ou du matériel pour l’inciter à fabriquer une foule d’objets. Ceux-ci lui procureront une satisfaction infiniment plus durable. En même temps il apprendra à bricoler, ce qui lui servira tout au long de sa vie.

Des parents bien intentionnés peuvent cependant commettre trois erreurs qui risquent de stimuler la convoitise :

1. — La première est de faire croire à l’enfant qu’à chacun doit être accordée la même faveur. Si je rencontre une troupe d’enfants et donne discrètement une orange à l’un d’entre eux, me serai-je montré injuste à l’égard de ceux qui n’ont rien reçu ? Pourra-t-on m’accuser de favoritisme, de partialité ? Les autres seront-ils autorisés à réclamer leur part ? Non car un cadeau n’est ni un salaire, ni un dû, ni une récompense. En aucun cas il ne peut être exigé. Aussi est-il bon d’inculquer – par les actes aussi – cette notion élémentaire à nos enfants et leur résister s’ils s’indignent de ne pas recevoir les mêmes présents.

2. — La deuxième erreur est de se croire obligé de fournir à ses enfants ce qu’ils envient chez leurs voisins. Un jour ou l’autre votre fils (ou votre fille) se plaindra : « Tu refuses toujours de m’acheter une montre parce que je suis trop jeune. Regarde Jacques. Il n’a pas encore mon âge et pourtant ses parents lui en ont offert une pour son anniversaire » … ou encore : « Le père de Jacques lui permet d’aller au cinéma tous les samedis et toi, tu t’y opposes toujours. Ses parents sont plus compréhensifs que vous » … Ne vous laissez pas émouvoir par de tels propos et ne cédez pas en vous imaginant que votre petit va se sentir frustré. Tenez bon et, dans une conversation sereine mais ferme – il faut prendre le temps d’expliquer les choses – dites-lui : « Ne parle pas ainsi. Les parents de Jacques font ce qu’ils croient juste de faire et nous de même. Nous ne désirons pas régler notre conduite sur la leur. C’est pourquoi accepte de bon cœur nos décisions sans regarder chez les voisins »… Vous aiderez les vôtres à admettre l’inégalité en les rendant attentifs au fait qu’ils possèdent ou reçoivent des présents dont les autres sont encore privés. Essayez aussi de voir avec eux ce qui serait plus utile, donc plus urgent à acquérir que l’objet convoité. Aidez-les à renoncer aux futilités et à viser plus haut, en envisageant un achat important qui exige économie et patience : l’acquisition d’une bicyclette, d’une chaîne Hi-Fi, d’une boîte à outils …

3. — La troisième erreur est de s’apitoyer sur l’envieux qui se plaint d’être frustré. Un bon remède à cette pitié de soi est de faire participer l’enfant à la joie des autres en lui disant par exemple : « Tu sais, demain c’est la fête de Paul. Nous aimerions lui réserver une surprise. A ton avis, que pourrions-nous lui acheter pour lui faire plaisir ? De ton côté, cherche à savoir ce qu’il souhaiterait recevoir ».

Vous pourriez suggérer à l’un de ses frères d’écrire une gentille carte d’anniversaire, à un autre de lui remettre une enveloppe remplie de timbres pour compléter sa collection … Dieu vous donnera de l’imagination comme il en donnera à vos enfants. Ils apprendront ainsi à se faire plaisir mutuellement ce qui sera autant de gagné sur l’envie.

LES PARENTS S’INTERROGENT

  1. L’un des vôtres est-il particulièrement jaloux ? Qu’avez-vous fait jusque-là pour le corriger ? Etes-vous conscients d’avoir commis l’une des erreurs signalées plus haut ?
  2. Si vous avez compris la nécessité de corriger votre enfant, qu’allez-vous faire pour le délivrer de l’envie ? Qu’est-ce qui devrait changer dans votre attitude à son égard ?
  3. Bénissez Celui-là seul qui peut chasser l’envie et la Jalousie du cœur de votre enfant.

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