Propos sur le temps

QUATRIÈME PARTIE
LE TEMPS RETROUVÉ

PRÉVOIR LE TEMPS

Puissent mes voies être bien réglées.

Psaumes 119.5

Ce dimanche matin, à la sortie de l’église, un ami me tire par la manche et, sans préambule, me demande :

— Cher ami, que faites-vous cet après-midi ?

Embarrassé, je balbutie :

— Heu ! A vrai dire, rien de précis.

— C’est bien. Puisque vous n’avez pas de programme, vous serez des nôtres.

Je tente de lui résister, mais trop mollement, n’ayant aucune raison valable de décliner son invitation. Un peu réticent, je l’interroge à mon tour :

— Mais que pensez-vous faire au juste ?

— Faites-moi confiance ! Je vous promets une belle après-midi… Vous n’aurez qu’à nous suivre.

— Mais encore ?

— Si, si ! C’est entendu. Nous aurons beaucoup de plaisir à vous avoir.

Et nous voilà embarqués par de vagues amis qui, nous le soupçonnons, ont une certaine dose de bougeotte. La perspective de les suivre à l’aveuglette ne m’enchante vraiment pas… mais ils sont déjà loin.

Tout en maugréant, nous les rejoignons à l’heure et au lieu convenus :

— Je passe devant, me crie-t-il, suivez-nous. Je connais un itinéraire intéressant et varié… Vous ne serez pas déçus.

Et voilà notre bonhomme qui démarre en trombe. Malgré moi, je dois en faire autant et m’efforcer de rester dans son sillage. Ah ! Quelle randonnée ! Nous avalons les kilomètres à un rythme fou. Le pied sur l’accélérateur, tendu et nerveux, j’essouffle mon moteur pour « tenir pied » à ce frère épris de vitesse. Naturellement, nous le perdons de vue à deux ou trois reprises ; je dois alors forcer l’allure pour le rattraper. Quelle après-midi… remplie de vent et de courants d’air ! Tout juste une halte à l’orée d’un bois à grelotter debout, sur un sol détrempé. Nous passons les trois quarts de notre temps crispés au volant, lui me lorgnant dans le rétroviseur, moi derrière écrasant le « champignon ». Ces heures dites de détente et d’amitié, stupidement gaspillées, m’ont appris cependant une fameuse leçon : Qui veut « posséder le temps » doit le prévoir.

Non, il n’est pas répréhensible de faire des projets (Proverbes 16.1-3, 7, 9). « Méditer sa voie », planifier son temps, est conforme à la volonté de Dieu, pourvu que nous le laissions maître de déjouer nos plans s’il le juge opportun. Ouvrez la Bible dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament et vous noterez avec quel soin le Seigneur a prévu, à l’avance, les événements de l’histoire des hommes, en particulier ceux des temps de la fin. « Aux temps marqués », « en son temps », « selon le dessein de Dieu », sont des expressions familières aux rédacteurs du Saint-Livre. L’ange Gabriel ne disait-il pas à Zacharie le père de Jean-Baptiste  : Mes paroles… s’accompliront en leur temps (Luc 1.20). Le souhait du psalmiste ne pourrait-il pas nous servir de mot d’ordre : Puissent mes voies (ou mes actions) être bien réglées (Psaumes 119.5) ?

Prévoir, c’est bien. Mais pas au dernier moment. Je reçus un jour la lettre d’un frère anglais qui désirait me rencontrer lors de son passage à Paris. Il se préoccupait de savoir, un an à avance, si je serais à la maison à une date et une heure très précises. Naturellement, je fus incapable de lui répondre. Le Français moyen ne voit pas si loin. Il a tort, car il s’éviterait des déboires et préviendrait de fâcheux contretemps en agissant largement à temps. J’en fis l’expérience dernièrement à mes dépens. En gare de Neuchâtel, lorsque je voulus réserver ma place dans le train, le T.G.V. affichait complet. Résultat ! Je dus voyager de nuit pour ne rentrer à la maison que le lendemain. Encore du temps perdu !

Vous est-il arrivé de secouer la tête en grognant :

— Misère ! J’ai totalement oublié de renouveler la bouteille de gaz avant la fermeture du magasin ! Demain c’est jour férié et les rideaux resteront baissés toute la journée. Où avais-je la tête ? Nous sommes en vacances et allons être démunis de butane durant deux jours.

Ou bien :

— J’avais du temps cet après-midi et me demandais ce que je pourrais bien entreprendre. Comment l’idée ne m’est-elle pas venue d’aller visiter mon cousin Paul très éprouvé actuellement ? Je sais qu’il souhaite ma venue et qu’il a un sérieux besoin d’encouragement. Le moment était d’autant plus propice qu’il était chez lui toute la journée.

Ou encore :

— Que c’est dommage ! Je n’ai pas écrit à mon ami Jacques qui a aujourd’hui son anniversaire. Pourtant, je m’étais promis de le faire. Je suis navré d’avoir oublié…

Ces omissions regrettables ne se produiraient certainement pas si je prenais soin de noter par écrit et suffisamment à l’avance (sur un agenda ou une éphéméride) tout ce que je dois accomplir sans faute. L’expression biblique déjà signalée : « au temps marqué » paraît confirmer cette façon d’agir. En général, ce qui est écrit ne s’oublie pas. Tant de choses occupent notre esprit que la mémoire peut bien connaître des défaillances.

Si l’instituteur a son emploi du temps, la plupart des ménagères en ont un également. Sans le savoir peut-être : lessive le lundi, révision du linge et des habits le mardi, promenade avec les petits le mercredi, repassage le jeudi, chaussures cirées le vendredi, et le samedi, sport avec les grands ou visite aux malades.

Et les enfants ? Avez-vous noté qu’ils ont des journées « découpées en tranches », bien programmées ? Leur emploi du temps est nettement plus précis que celui des adultes. Il y a les heures et le jour de la leçon de musique ou du catéchisme. L’heure des repas et du coucher. Et de la classe bien entendu. D’ailleurs, parents et enseignants savent exiger d’eux la ponctualité, quitte à les gourmander s’ils se font attendre. Mais prêchent-ils d’exemple pour autant ?

Pourquoi, en famille le samedi soir, ne chercherait-on pas à établir le programme de la semaine à venir ? Je vous suggère par exemple :

  1. De noter sur votre agenda tout ce qui vous paraît devoir être accompli en priorité : lettres à écrire, achats indispensables, réparations à faire, visites à des malades, réunions spéciales…
  2. De réserver une soirée (le mardi de préférence) à la famille. C’est important.
  3. De noter les tâches qu’il serait possible de renvoyer à la semaine suivante.
  4. De prévoir dans chacune de nos journées des moments précis de « ressourcement » (culte personnel ; étude de la Bible ; lecture de bons livres…).
  5. De discerner les travaux qui pourraient être confiés aux enfants (sans les charger toutefois des tâches ingrates qu’il nous répugne d’accomplir nous-mêmes).


♦   ♦

L’homme propose et Dieu dispose. Et c’est vrai ! Le livre des Proverbes reconnaît que l’homme forme des projets – qui le lui reprochera ? – mais qu’il appartient à Dieu d’en permettre ou non la réalisation : Il y a dans le cœur de l’homme beaucoup de pensées (ou de projets), mais c’est le dessein de l’Éternel qui s ’accomplira… Le cœur de l’homme médite sa voie, mais c’est l’Éternel qui affermit (ou dirige) ses pas… Recommande à l’Éternel tes œuvres, et tes projets se réaliseront (Proverbes 19.21 ; 16.9, 3). Ces textes semblent nous dire : D’accord ! Établissez votre programme… mais avec soumission ; soyez prêts à abandonner vos projets les plus chers, acceptez d’avance les contretemps qui bousculeraient vos plans. Sans irritation ni murmure. Toute décision ne devrait-elle pas s’accompagner de si Dieu le veut ainsi que Jacques nous le recommande ? A vous maintenant qui dites : Aujourd’hui ou demain nous irons dans telle ville, nous y passerons une année, nous y ferons des affaires et nous réaliserons un gain ! Vous qui ne savez pas ce que votre vie sera demain… Vous devriez dire au contraire : SI LE SEIGNEUR LE VEUT, nous vivrons et nous ferons ceci ou cela (Jacques 4.13-15).

Je sais ! Il n’est jamais facile de fixer ses choix longtemps à l’avance. Ne risque-t-on pas d’inscrire trop de choses sur son agenda ? Évangéliste itinérant, je me suis parfois trouvé à court de temps ; à un programme trop chargé étaient venues s’ajouter impérieusement des tâches imprévues, des démarches de dernière heure… Et comme toujours, aux dépens de la famille.

Puissent mes voies être bien réglées (Psaumes 119.5).

QUESTIONS

  1. Avez-vous l’habitude de dresser votre programme à l’avance ? Êtes-vous de ceux qui ne prévoient pas ou se décident au dernier moment ?
  2. Pensez-vous qu’il soit souhaitable d’établir le programme de la semaine à venir ? D’y inscrire les priorités ?
  3. Dans chacune de vos journées, prévoyez-vous le temps du recueillement ? N’oubliez pas votre Seigneur !

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