[d] Dans la première semaine d’août, la fin du semestre étant imminente, le professeur dut suspendre l’exposé discursif de son cours d’ailleurs maintes fois interrompu par la maladie. Des cinq dernières leçons dont se composait encore la matière du cours, le maître se borna à ne donner qu’un résumé très succinct. Les paroles mêmes par lesquelles Vinet introduisit sa dix-huitième, Jules Tallichet nous les a conservées, les empruntant sans doute au cahier d’un étudiant qui notait scrupuleusement toutes les paroles du maître. Les voici : « Nous n’avons pas le temps d’achever l’explication homilétique de l’épître ; toutefois j’expliquerai en courant la suite, dès le chapitre 3, verset 16 à la fin, portion qui serait divisée ou décomposée en cinq études dont je vous communiquerai les analyses. »
Que la parole de Christ habite abondamment parmi vous ; en toute sagesse vous instruisant et vous avertissant les uns les autres, par des psaumes, des hymnes, des cantiques spirituels, chantant dans vos cœurs à Dieu, par la grâce. Et quelque chose que vous fassiez, en parole ou en œuvre, faites tout au nom du Seigneur Jésus, rendant grâces par lui à Dieu le Père.
Saint Paul parle ici successivement de deux cultes. Il traite d’abord du culte formel ou occupant exclusivement certains moments de la vie, moments consacrés. Il traite ensuite du culte non formel qui consiste dans la vie tout entière, y est répandu et s’y mêle. Ce serait le sujet du discours.
I. — Culte formel (v. 16).
1) Ce culte consiste dans « la parole de Christ ». Ce que c’est que cette parole de Christ : c’est non seulement les paroles que Christ a prononcées, ses discours, mais encore Christ lui-même, Christ personnellement, et par conséquent tous les faits par lesquels il a parlé ; sa vie et sa mort » tout ce que les apôtres ont annoncé sur lui, de lui, est et doit être le sujet ou l’objet des entretiens des fidèles dans leurs assemblées. Cette parole de Christ doit être selon saint Paul : D’abord abondante : « qu’elle habite en vous, abondamment », soit dans un sens absolu, soit dans un sens comparatif, c’est-à-dire comparée à la parole humaine. Celle-ci doit être riche de celle de Christ, la parole du prédicateur doit être toujours celle de Christ[e].
[e] « Le ministre est un homme qui parle la parole de Dieu. » Cf. Vinet, Théologie Pastorale.
Ensuite, cette parole doit abonder « en toute sagesse », c’est-à-dire qu’il faut s’attacher non à la lettre, mais à l’esprit de cette parole.
2) Le culte formel consiste dans le chant, « vous enseignant et vous exhortant l’un l’autre par des psaumes, par des hymnes et des cantiques spirituels, avec actions de grâces, chantant de votre cœur au Seigneur ». Il s’agit, semble-t-il, de diverses espèces de cantiques, mais il importe peu ; il s’agit de chants spirituels qui se lient à l’instruction. Le chant n’est qu’une forme spéciale de cette effusion du cœur qui, débordant d’amour, a besoin de se répandre au dehors ; c’est « la coupe des délivrances », dont parle David (Psaumes 116.13), et en élargissant l’idée, nous dirons qu’il est toute expression ou tout langage par lequel les âmes s’élèvent en commun au Seigneur, se consolant, s’encourageant et s’exhortant mutuellement : langage à Dieu, à nos frères, à nous. Il faut chanter « avec actions de grâces », avec reconnaissance ; « du cœur », intérieurement et non des lèvres seulement ; « au Seigneur », à la louange et à la gloire de Jésus-Christ.
II. — Culte non formel ou de la vie (v. 17).
Ce culte a pour caractère de « faire tout au nom du Seigneur Jésus-Christ, soit par parole ou par œuvre, rendant grâces… » c’est-à-dire que, agissant dans le sentiment que Jésus-Christ agit en nous, que nous ne sommes pas à nous-mêmes mais à lui, comme lui est à Dieu, chaque action, chaque parole soit animée ou pénétrée de cette reconnaissance que nous devons « par lui à notre Dieu et Père » et qui est proprement toute la vie de l’âme, toute la religion, car elle doit avoir lieu « toujours, pour toutes choses » (Ephésiens 5.20). Toute notre vie doit être une action de grâces envers Dieu par Jésus-Christ ; une consécration à Dieu, par lui, « quelque chose que nous fassions ». Comme par la médiation de Jésus-Christ nous avons reçu et nous recevons toutes les grâces, c’est aussi « par Jésus-Christ que nous pouvons nous approcher de Dieu, lui transmettre nos actions de grâces, lui offrir tout ce que nous avons reçu de lui en Jésus-Christ », et faire tout pour sa gloire (1 Corinthiens 10.31).
Ces cultes ne se passent pas l’un de l’autre : il faut les célébrer tous les deux : Qu’un culte complète l’autre !