Quoique Paul parle souvent en son propre nom dans cette lettre, il l’adresse cependant aux Thessaloniciens de la part de Silas et de Timothée aussi bien que de la sienne. C’est un hommage que sa délicatesse trouve juste de rendre à ses deux compagnons d’œuvre qui avaient travaillé avec lui à la fondation de l’église.
Nous avons dit que Paul commence ordinairement ses lettres par la mention de ses actions de grâces journalières pour l’œuvre accomplie chez ses lecteurs, d’où il passe naturellement au sujet qu’il se propose de traiter en vue du perfectionnement de cette œuvre et des dangers qui la menacent. Dans notre épître, cette disposition n’est pas aussi nettement indiquée que dans les autres, soit que la forme, par lui adoptée plus tard, ne fût pas encore nettement arrêtée dans son esprit, soit parce que le principal objet, de sa lettre se confondait en grande partie, comme nous le verrons, avec l’action de grâces elle-même. Le fait est que cette action de grâces, qui commence 1.2, s’étend, avec les développements qu’il y ajoute dans le but de se blanchir des calomnies qu’on avait répandues contre lui, jusqu’à la fin du ch. 3. C’est la première et la principale partie de l’épître ; le reste est annoncé 4.1 comme un appendice (τὸ λοιπὸν).
I. Ch. 1 à 3.
L’apôtre sent le besoin, après la brusque séparation qui a mis fin à son séjour si court à Thessalonique, de resserrer le lien spirituel qui l’unit à cette jeune église et de ne rien laisser se glisser entre elle et son apôtre qui puisse refroidir leur affection mutuelle. En leur rappelant l’œuvre divine que Dieu lui a donné d’opérer chez eux, il veut leur faire sentir ce qu’il a été et ce qu’il est désormais pour eux, comme eux pour lui, jusqu’au grand jour de la venue du Christ.
1. Dans 1.2-10, Paul leur rappelle ce qu’il a été chez eux par sa prédication et l’énergique réceptivité avec laquelle ils l’ont accueillie. Il rend grâces pour les sentiments de foi, d’amour et d’espérance qui remplissent leurs cœurs (v. 3) ; il est assuré de leur divine élection pour le salut (v. 4) ; car il a senti, en leur annonçant l’Évangile, l’effusion d’une force divine dont Dieu le revêtait pour eux (v. 5). Leur élection ne se manifestait pas moins, d’autre part, dans l’empressement avec lequel ils saisissaient le salut qui leur était annoncé, malgré toutes les tribulations que cette foi leur attirait (v. 6). Marchant sur les traces de Jésus-Christ et de ses envoyés, ils sont devenus les modèles de tous ceux qui ont dès lors été amenés à la foi en Macédoine (à Bérée) et en Achaïe (à Corinthe). En effet la nouvelle de leur foi et de leur conversion s’est déjà répandue au loin, tellement que partout où Paul arrive, on lui parle des succès que l’Évangile a obtenus à Thessalonique, avant même qu’il ait eu le temps d’en rien raconter (v. 7 et 8). Comment cela s’est-il fait ? Par le moyen des adversaires, des Juifs eux-mêmes, qui font circuler de synagogue en synagogue le bruit de ce qui s’est passé à Thessalonique, pour mettre en garde tous leurs coreligionnaires. Paul ne nomme pas ces messagers hostiles ; mais il les désigne suffisamment pour ses lecteurs par le pronom « eux-mêmes » (v. 9), sachant bien qu’ils comprendront sans peine de qui il veut parler. Dans les termes dans lesquels Paul décrit v. 9 et 10 la conversion des lecteurs, nous retrouvons en quelque sorte ceux du rapport transmis d’une synagogue à l’autre. La phrase tout entière dépend en effet du « eux-mêmes racontent ». Ils disent comment ces anciens païens de Thessalonique ont rompu avec l’idolâtrie et comment ils attendent maintenant le retour de Jésus ressuscité et glorifié qui doit, selon Paul, délivrer les siens du jugement à venir. — Ce dernier trait était celui qui dans la prédication de l’Évangile avait surtout frappé et les croyants et leurs adversaires israélites ; il s’accorde bien avec le chef d’accusation que les ennemis de l’Évangile avaient avancé contre Paul devant le tribunal, ainsi qu’avec les sujets traités dans nos deux lettres.
2. Après avoir ainsi décrit ce que sa prédication a été pour eux et comment ils l’ont reçue, Paul retrace 2.1-16, ce qu’a été sa conduite personnelle au milieu d’eux, ainsi que la constance avec laquelle eux-mêmes sont dès lors demeurés fidèles à son évangile, au milieu des persécutions dont ils ont été les objets. Le but de ces développements est encore, il est vrai, de motiver le sentiment d’action de grâces dont son cœur est rempli et d’exprimer l’attachement profond qui l’unit à ses lecteurs ; mais il veut en même temps repousser certaines attaques dont il a été l’objet. Il leur rappelle d’abord ce qu’il a été pour eux par toute sa manière d’agir au milieu d’eux, v. 1 à 12.
Les souffrances que lui avait attirées à Philippes la prédication de l’Evangile, ne l’ont pas empêché de poursuivre hardiment son œuvre à Thessalonique. Car sa prédication ne porte point sur des faits controuvés, et dans son œuvre chez eux il n’a point été mû par un motif d’intérêt propre, mais uniquement par le désir de plaire à Dieu qui est témoin de ce qui se passe dans son cœur. L’apologie de sa conduite, à laquelle se livre ici l’apôtre, ne peut être motivée que par de sérieuses accusations qui avaient été élevées à Thessalonique contre son désintéressement et sa sincérité. Qui étaient les accusateurs ? Des judéo-chrétiens, tels que ceux qui l’ont tant fait souffrir plus tard ? Impossible ; il n’y en avait pas encore à Thessalonique. Des païens ? Mais ces inculpations de cupidité, d’ambition, de zèle religieux inspiré par l’intérêt propre, supposent des gens moins étrangers à la religion que les païens. Ce ne peuvent être que les Juifs de Thessalonique, qui par jalousie accusaient Paul de ce dont ils se rendaient eux-mêmes coupables. La forme négative de la première partie de cette apologie (v. 3 à 6) s’explique ainsi naturellement. Non, il n’est point, un imposteur qui ait avancé des faits mensongers, point un homme avide qui ait recherché un gain honteux, point un rhéteur qui travaille à se faire des adeptes par la flatterie ou à satisfaire son amour de la gloire. Mais — il passe ici au côté positif de sa justification — il a été humble et désintéressé, semblable à une nourrice qui se donne tout entière à son nourrisson, sans rien demander de lui. Car il a constamment pourvu lui-même, par un travail de jour et de nuit, à son entretien, menant sous leurs yeux une vie d’une pureté irréprochable. Il ne s’est point contenté de leur annoncer gratuitement l’Evangile à tous en commun ; il s’est adressé à chacun d’eux en particulier, comme un père qui, après avoir donné la vie à ses enfants, travaille avec sollicitude à leur éducation.
Aussi, quelle n’est pas sa reconnaissance pour la constante fidélité avec laquelle leur conduite a correspondu à la sienne (v. 13 à 16) ! Après avoir reçu l’Evangile comme parole non de l’homme, mais de Dieu, ils y sont restés fidèlement attachés, subissant sans faiblir la persécution des païens de Thessalonique et imitant ainsi la constance des églises de Judée qui ont tenu bon devant l’inimitié de leurs propres compatriotes. Ici l’apôtre se livre à une explosion d’indignation contre ce peuple juif qui, à la persécution de ses anciens prophètes et à la crucifixion de Jésus, ajoute maintenant, comme pour combler la mesure de son péché, la haine dont il poursuit partout les prédicateurs de l’Evangile qui s’efforcent de travailler au salut des païens.
Ce passage si véhément confirme le fait que les véritables auteurs des calomnies réfutées par l’apôtre étaient, non les païens, simples instruments d’une haine étrangère, mais les Juifs, qui se montraient en cela ce qu’ils avaient toujours été. Aussi, ajoute l’apôtre, leur châtiment est-il imminent !
3. Ce lien d’amour si étroit qui s’est formé entre eux et leur apôtre, par l’œuvre divine accomplie chez eux, ne s’est point relâché par suite de la séparation temporaire que son brusque départ a amenée (2.17 à 3.11).
Encore ici la tendance apologétique est évidente. On l’accusait de lâcheté pour le fait de cette longue absence. Cette accusation est l’arrière-plan de tout le développement suivant. Il n’est point encore retourné vers eux, il est vrai. Mais il n’en brûle pas moins constamment du désir de les revoir. Car quelle sera sa couronne au grand jour de la manifestation du Christ, si ce n’est cette église fidèle de Thessalonique ? Ce n’est pas une, mais deux fois qu’il a été sur le point de repartir pour Thessalonique ; il veut parler probablement du temps de son séjour à Bérée. Mais chaque fois des obstacles insurmontables dûs à l’action de l’ennemi l’ont empêché (v. 17 à 20). Bien plus, la sollicitude qu’il éprouve pour eux est telle que, ne pouvant supporter d’être sans nouvelles d’eux, il leur a depuis Athènes renvoyé Timothée, lors même que le départ de son jeune compagnon d’œuvre le laissait absolument seul dans cette grande ville étrangère (3.1-5). Cette parole de l’apôtre semble n’être pas entièrement d’accord avec Actes 17.15, d’où il résulte que les frères de Bérée, qui avaient amené Paul à Athènes, avaient reçu de lui, en repartant, la commission d’envoyer promptement Silas et Timothée pour le rejoindre. Mais les deux données s’accordent aisément si l’on admet que Timothée avait exécuté l’ordre qui lui avait été donné, tandis que Silas restait encore à Bérée, et que Paul renvoya Timothée à Thessalonique pour lui rapporter immédiatement des nouvelles toutes fraîches de l’église. C’est le sens naturel de l’expression : être laissé seul, qu’emploie Paul (v. 1-5)c. Comme dernière preuve de l’intérêt et de l’attachement profond qu’il éprouve, pour l’église, Paul parle enfin de la joie indicible qu’il a éprouvée quand tout récemment Timothée, étant revenu de Macédoine, lui a apporté de bonnes nouvelles de leur état (3.6-13). Ils tiennent bon, malgré leurs souffrances. Cette nouvelle l’a fait revivre. Ce qui inquiétait surtout Paul à leur égard et ce qui l’avait porté à leur envoyer Timothée, c’est qu’il n’ignorait pas les dures épreuves qu’ils avaient à subir de la part des ennemis de l’Evangile. Mais maintenant quelle joie n’est pas la sienne ! Cette bonne nouvelle l’a consolé de toutes ses tribulations présentes. Combien il voudrait aller les fortifier dans les leurs ! Ici le cœur de l’apôtre éclate en actions de grâces et en une prière ardente, pour que le Seigneur lui-même comble ce qui peut manquer à leur foi et les conserve irréprochables jusqu’à son avènement (v. 6 à 13).
c – On peut aussi admettre que Paul avait envoyé à Timothée par les Béréens qui repartaient, l’ordre de retourner à Thessalonique avant de venir le rejoindre, ce qui prolongeait la solitude où il se trouvait.
On peut s’étonner de ce que Paul ne parle à cette occasion que du retour de Timothée, tandis qu’Actes 18.5 et 2 Corinthiens 11.9.d
montrent bien que Silas était aussi revenu avec lui. Mais probablement Timothée seul s’était rendu à Thessalonique et avait pu lui rapporter des nouvelles de cette église.d – « Les frères venus de Macédoine ont suppléé à ce qui me manquait. »
Paul venait de parler de ce qui pouvait leur manquer encore, des déficits de leur foi : Timothée, en lui rendant compte de leur état, lui avait certainement indiqué quelques points particuliers au sujet desquels ils avaient besoin de lumière et d’encouragement. C’est là la transition naturelle à la seconde partie de l’épître, les avertissements et les enseignements particuliers.
II. Ch. 4 et 5.
1. L’apôtre commence par cinq exhortations : l’une, tout à fait générale, à la fidélité dans le travail de la sanctification (4.1-2) ; une seconde, plus particulière, relative à la pureté des mœurs (v. 3 à 5). La troisième se rapporte, comme cela était tout naturel dans une ville adonnée au commerce, à la bonne foi et à la droiture dans les affaires (v. 6 à 8). Il rappelle ensuite aux Thessaloniciens la nécessité de pratiquer l’amour fraternel, ce sentiment que Dieu lui-même a mis dans leur cœur et dont ils ont déjà donné des preuves dans leur conduite envers leurs frères macédoniens (v. 9 et 40). Enfin il les presse de ne pas se laisser détourner par les préoccupations de la vie spirituelle des devoirs tout simples de la vie pratique et du travail de leur vocation terrestre (v. 11 et 12).
On a souvent conclu de ces exhortations que Timothée avait rapporté à Paul les nouvelles les plus déplorables de la conduite morale des Thessaloniciens : l’impudicité avait repris le dessus dans la jeune église, l’amour du gain étouffait l’amour fraternel, les spéculations sur l’avenir avaient engendré l’oisiveté ; il fallait un prompt remède, pour que le christianisme de cette jeune église ne s’évanouît pas dans de fantastiques rêveries… (Holtzmann, Bibellexikon, V, 501-502). En vérité il n’y a ici de fantastique que ce tableau mêmee. Paul ne loue-t-il pas en commençant les Thessaloniciens pour l’œuvre de leur foi, le travail de leur amour et la fermeté de leur espérance (1.3) ? Dans le passage même d’où l’on tire de si désolantes conséquences, ne déclare-t-il pas qu’il sait qu’ils sont enseignés de Dieu à aimer et qu’ils ne cessent de pratiquer cette vertu ? Il les invite seulement à y progresser sans cesse. N’est-il pas tout simple que, s’adressant à de jeunes croyants, tirés récemment du milieu d’une société absolument livrée au vice et livrée à l’ardeur de l’agitation commerciale, Paul leur recommande la pureté, la rectitude, la charité et la constance dans le travail, sans qu’il en faille conclure que ces chrétiens fussent sur le point de retomber dans leurs anciens vices ou de s’abandonner à une exaltation sans mesure ?
e – Holtzmann paraît l’avoir senti lui-même, car tous ces traits si exagérés sont atténués dans son Introduction.
2. Après ces exhortations, l’apôtre passe à un enseignement sur un sujet qui préoccupait péniblement l’église et dont Timothée lui avait fait part. Il y avait eu quelques cas de mort parmi les chrétiens depuis le départ de Paul, et préoccupés, comme ils l’étaient, de l’attente du retour prochain du Seigneur, les fidèles se demandaient avec inquiétude si ces frères, qui avaient été ainsi retirés d’ici-bas, ne se trouveraient pas privés de la participation aux joies de ce jour glorieux. L’apôtre répond à cette question dans le passage suivant et profite de cette occasion pour leur donner une instruction sur l’avènement de Christ (4.13 à 5.11).
Il donne la solution de la question posée comme une parole du Seigneur (4.15). L’on a pensé que par là il entendait une parole de Jésus renfermée dans un de nos évangiles, Matthieu 24.31f, par exemple (Weiss et d’autres), en y ajoutant, selon Hofmann, Jean 6.39,44. Mais en comparant ces paroles avec celle de Paul qui suit, v. 15 à 17, on voit aisément que le rapport est beaucoup trop éloigné pour que celle-ci puisse être envisagée comme une citation de celles-là. D’autres ont pensé que l’expression parole du Seigneur désignait simplement ici la vérité chrétienne en général (Hilgenfeld) ; mais Paul veut évidemment rappeler une déclaration précise. Ewald suppose qu’il s’agit d’une parole empruntée à un écrit perdu. Steck pense à un passage qui se trouve dans le quatrième livre d’Esdras, V, 41 et 42, où Esdras déclare que le jugement « est semblable à un cercle dans lequel les derniers ne vont pas trop lentement ni les premiers trop vite. » Mais la question est de savoir, dans le cas où il y aurait imitation, si ce n’est pas l’auteur du livre d’Esdras qui s’est inspiré de l’écrit de Paul plutôt que l’inverse, car le faux Esdras a écrit son apocalypse à la fin du Ier siècleg. Et s’il y avait dépendance de l’un par rapport à l’autre, combien la parole de l’apôtre n’est-elle pas plus simple que la maxime alambiquée d’Esdras ! Enfin nous n’avons pas d’exemple d’une parole tirée d’écrits de ce genre et citée comme parole du Seigneur dans les épîtres de saint. Paul. Il faut donc ou admettre avec Calvin que Paul cite ici une parole transmise par la tradition, comme celle d’Actes 20.35, ou qu’il veut parler d’une révélation spéciale qui lui a été accordée, comme il en mentionne lui-même tant d’autres (Romains 11.25 ; 1 Corinthiens 16.51 ; Galates 2.2, etc.). Ce dernier sens me semble le plus naturel.
f – « Et il enverra ses anges avec un son puissant de trompettes, et ils rassembleront ses élus depuis un bout des cieux jusqu’à l’autre. »
g – Voir Renan Les Évangiles p 348-351.
Le contenu de cette déclaration divine est celui-ci : au moment du retour glorieux de Christ, les fidèles morts seront réveillés par un appel céleste ; puis les vivants seront glorieusement transmués et s’élèveront au devant du Seigneur revenant avec ses anges et les fidèles glorifiés. Il n’est point dit que le Seigneur s’établira sur la terre pour y régner visiblement, selon certaines idées souvent émises. Cette apparition du Seigneur sera plutôt, d’après Paul, un contact instantané avec la terre. Il ne se laisse point aller à en décrire les conséquences pour celle-ci.
Aux v. 15 et 17, l’apôtre paraît, se ranger lui-même dans la classe de ceux qui vivront à ce moment-là : « Parce que nous les vivants, ceux qui resteront jusqu’à la parousie du Seigneur, nous ne devancerons point… ; ensuite les vivants, les restants, nous serons enlevés avec eux. » Cette adjonction explicative, les restants, qui détermine deux fois le terme nous les vivants, montre bien quelle était la pensée de l’apôtre. Il eût été absurde de sa part de se croire assuré de ne mourir ni par maladie, ni par accident, avant le retour de Christ. Il dit un peu plus loin, en vue de lui-même, aussi bien que de ses lecteurs (v. 10) : « Soit que nous veillions, soit que nous dormions, » ce qui, dans le contexte, ne peut signifier que : soit que nous soyons vivants ou morts au moment de la Parousie. Paul partage les chrétiens actuellement vivants en deux classes, ceux qui mourront avant la Parousie et ceux qui vivront jusqu’à ce moment, et dans l’ignorance où il est de l’époque de cet événement et de celle de sa propre mort, il se range, en tant que vivant, parmi les seconds, mais avec cette réserve : les restants, c’est-à-dire si nous restons, vu qu’il ne croit pas le moins du monde que tous les vivants actuels seront au nombre de ces vivants, en d’autres termes qu’il ne mourra plus un seul chrétien jusqu’à la Parousie. Le sens revient donc au fond à cette idée : ceux d’entre nous, chrétiens, qui vivront, à ce moment-là. Aussi, dans 1 Corinthiens 6.14 (vraie leçon) et 2 Corinthiens 4.14, Paul se range-t-il parmi ceux qui ressusciteront.
Mais si c’est forcer l’expression de l’apôtre que d’en vouloir faire sortir l’idée que lui ou tel autre de ses contemporains vivra jusqu’à la Parousie, il est certain, d’autre part, qu’elle implique la croyance à une certaine proximité de cet événement. L’apôtre n’avait évidemment aucune notion de la durée si considérable de l’économie de grâce dont il voyait le commencement et qu’il inaugurait lui-même.
Dans les onze premiers versets du ch. 5, Paul enseigne, non la proximité de la Parousie, — car il parle au contraire d’une série de temps et de conjonctures qui doivent précéder cet événement, — mais la manière soudaine, imprévue pour les mondains, en laquelle elle arrivera. Quant aux croyants, ils ne seront point surpris de cette manière ; car ils vivent dans la clarté du salut dans laquelle ils marchent comme enfants de lumière, appartenant déjà par leurs sentiments intimes à ce grand jour qui va luire ; et ils attendent pleins d’espérance le moment d’entrer, couverts de leur divine armure, dans la terre promise du salut parfait, par celui dont le sacrifice leur en assure l’entrée, soit, qu’ils doivent passer par la mort, soit qu’ils vivent encore sur la terre au moment de la venue du Christ. C’est ainsi que Paul clôt cet enseignement en revenant au sujet particulier qui y avait donné lieu.
3. La lettre se termine par quelques recommandations concernant surtout la vie de l’église. Elle doit respecter ses conducteurs qui travaillent dans son sein pour le service du Seigneur (v. 12 et 13). En quittant les églises d’Asie-Mineure, fondées dans le premier voyage, Paul et Barnabas avaient établi dans chacune d’elles, avec jeûne et prière, des Anciens appelés à les dirigerh ; il est, donc difficile de ne pas supposer que Paul en eût fait autant à Thessalonique, avant de quitter cette jeune église, et que ce ne soit par conséquent de ces chefs qu’il veuille parler en faisant à l’église cette recommandation.
h – Actes 14.23 : « Et leur ayant élu dans chaque église des Anciens et, ayant prié avec jeûnes, ils les confièrent au Seigneur en qui ils avaient cru. »
Mais ce ne sont pas les Anciens seuls qui doivent veiller sur les membres du troupeau. Tous les frères sont solidaires et doivent se préoccuper de l’état spirituel des autres croyants. Oisifs, découragés, dénués de force, tous doivent trouver des frères qui leur communiquent de la part de Dieu ce dont ils ont besoin. Ces derniers doivent le faire sans se lasser, dans la communion d’un pardon mutuel, chacun ayant soin du bien de tous (v. 14 à 16).
Un troisième groupe de recommandations se rapporte à l’action que chaque individu doit exercer sur lui-même pour le maintien et le progrès de sa propre vie spirituelle (v. 17 à 18), en travaillant à entretenir en lui la flamme de la joie intérieure, de la prière incessante et d’une action de grâces qui s’étende à tout ce que la volonté de Dieu dispense.
Enfin, un quatrième groupe d’avertissements paraît se rapporter à la vie commune de l’église dans le culte, v. 19 à 22. Lors même que cela ne nous est pas raconté dans le livre des Actes, au moment de la fondation de l’église l’apparition de la vie nouvelle doit avoir été accompagnée à Thessalonique de signes extraordinaires analogues à ceux qui avaient eu lieu dans les églises de Judée (Actes ch. 2 et 10.4-6) et que nous retrouverons bientôt dans celle de Corinthe, en particulier le parler en langues et la prophétie. Au moment où Paul écrivait, ces deux manifestations existaient encore, mais dans un état d’affaiblissement qui faisait que l’église était disposée à les supprimer. L’apôtre les prend sous sa protection : « N’éteignez pas l’Esprit (les langues) et ne méprisez pas les prophéties. » Il faut ne rejeter rien de tout ce qui peut produire quelque bon fruit, et s’abstenir uniquement de ce qui est mal sous toutes les formes. A cette parole se rattache un vœu qui forme en quelque sorte le complément positif de cette recommandation négative : la sanctification de leur personne tout entière, esprit, âme et corps, pour le moment de l’avènement de Jésus-Christ ; c’est à Dieu lui-même qu’il appartient de réaliser un tel vœu (v. 23 et 24). Telle est la seconde partie de l’épître, qui a commencé 4.1.
Il ne reste plus qu’une courte conclusion (v. 25 à 28) renfermant les commissions : deux à l’adresse de l’église ; elle doit prier pour Paul et ses deux compagnons d’œuvre, et tous ses membres doivent se saluer mutuellement par le baiser fraternel. On sait comment s’accomplissait cette cérémonie qui se nommait d’après Tertullien osculum pacis, baiser de paix, (De oratione, ch. XIV). Le président de l’assemblée donnait le baiser à celui des frères qui était assis près de lui et celui-ci à son voisin, pendant que la même chose se passait du côté des femmes. L’épithète de saint ajoutée au mot baiser éloigne toute idée profane. Enfin une recommandation adressée spécialement aux Anciens : c’est de veiller à ce que cette lettre parvienne à la connaissance de tous les membres de l’église, c’est-à dire aussi de ceux d’entre eux qui n’auraient pas été présents dans l’assemblée, au moment où la lettre a été lue officiellement.
L’apostille critique qui se trouve placée à la fin de cette lettre dans un assez grand nombre de manuscrits et d’après laquelle elle aurait été écrite d’Athènes, est conforme aux commentaires de quelques Pères de l’église grecque, Théodoret en particulier ; mais, comme nous le verrons, elle ne soutient pas l’examen.
Nous nous sommes étendu d’une manière un peu disproportionnée sur le contenu de cette épître, d’abord parce que c’est la première de celles qui nous ont élé conservées et que, comme point de départ de la correspondance apostolique, elle nous intéresse particulièrement, et ensuite parce qu’elle nous présente l’apôtre Paul sous un jour sous lequel il ne nous apparaîtra plus que rarement ; non comme le théologien ou le dialecticien ou le polémiste, mais comme l’homme de cœur, le frère, le pasteur plein d’amour, de sollicitude, d’anxiété pour des frères jeunes encore et inexpérimentés. C’est ainsi que pour connaître Calvin, il ne faut pas lire seulement ses Institutions ou ses Commentaires ; c’est dans certaines de ses lettres que l’on sent toute la chaleur et la tendresse de son cœur d’ami.