Notes sur les Paraboles de notre Seigneur

XIII.
Les dix vierges

Matthieu 25.1-13

« Alors », au grand jour final, lorsque le Seigneur témoignera contre l’hypocrite et l’incrédule, Il éprouvera aussi la foi de ses serviteurs, et, selon le résultat de cette épreuve, Il les recevra ou les rejettera pour toujours. « Alors le royaume des cieux sera rendu semblable à dix vierges, qui, ayant pris leurs lampes, sortirent à la rencontre de l’époux. » On connaît bien les circonstances diverses d’un mariage chez les juifs ; elles sont, encore aujourd’hui, à peu près les mêmes qu’autrefois. Les vierges « prirent leurs lampes » ; en Orient, les mariages sont toujours célébrés de nuit ; de là la mention des lampes et des torches que portaient les amis et les serviteurs (Esdras 10.2 ; Jérémie 25.10 ; Apocalypse 18.23). Les vierges « sortirent à la rencontre de l’époux. » L’ordre du cortège nuptial paraît avoir été le suivant : l’époux accompagné de ses amis, « les autres gens de la noce » (Matthieu 9.15) ; « les amis de l’époux » (Jean 3.29) allaient à la maison de l’épouse, et la conduisaient avec joie à celle de l’époux. L’épouse était accompagnée de ses amies d’enfance ; d’autres, « les vierges » de la parabole, se joignaient au cortège un peu plus tard, et entraient avec le reste des gens de la noce dans la salle du festin (Cantique des cantiques 3.11).

Mais ces « vierges », pourquoi sont-elles ainsi nommées, et qui représentent-elles ? Quelques interprètes se fondant sur le fait que toutes sont vierges, ont dit que toutes, par conséquent, vivent de la vie de Christ. Il est vrai, ajoutent-ils, que quelques-unes ne sont pas trouvées prêtes au moment décisif, et n’ont aucune part au bonheur des autres pendant un certain temps. Mais le nom glorieux dont toutes se réclament leur donne l’assurance qu’elles auront également part au salut final et qu’aucune ne sera exclue du royaume de la gloire. Ceux qui atténuent ainsi la culpabilité des vierges folles et la sentence prononcée sur elles, y rattachent la doctrine du millenium et d’une première résurrection, dont seraient exclues les vierges qui ne furent pas trouvées prêtes. Cependant il faut remarquer que le titre de « vierges » ne leur est pas donné par le Seigneur Lui-même, mais il indique seulement qu’elles avaient pris le rôle d’attendre l’épouxr.

r – Certains dispensationalistes font grand cas de l’absence de l’épouse dans cette parabole ; et ils en déduisent qu’elle ne s’applique pas à l’Église qui aura déjà été enlevée, mais uniquement aux Juifs resté pour la grande tribulation. C’est là complètement méconnaître le but du Seigneur en donnant cette parabole, qui est manifestement d’exhorter tous les chrétiens à veiller, et non de leur expliquer le déroulement de son retour. D’autre part, dans son essence, l’épouse, l’Église de Christ, est une entité collective, et non individuelle. Elle ne devait donc pas être ici représentée par une personne unique, mais elle trouve sa correspondance dans les vierges sages. (ThéoTEX)

Chrysostome et d’autres restreignent l’application de la parabole aux vierges qui ont fait profession d’une virginité tout extérieure, au lieu de reconnaître qu’il s’agit dans la parabole de la profession d’une vraie foi, d’une absence de fornication spirituelle (Apocalypse 14.4 ; 2 Corinthiens 11.2). Les vierges désignent tous ceux qui professent d’attendre la venue du Fils de Dieu, d’aimer son avènement, tous ceux qui confessent la foi en Jésus-Christ notre Seigneur qui reviendra pour juger les vivants et les morts, et ne renient pas cette espérance dans leur vie habituelle. Toutes les vierges ont ceci de commun qu’elles professent la foi à un même Seigneur et ont une même espérance en Lui, car toutes prennent leur lampes et vont à la rencontre de l’époux.

Mais voici en quoi elles diffèrent : « Cinq d’entre elles étaient sages, et cinq, folles » les nombres en eux-mêmes ne sont pas importants ici, seule la partition qu’ils créent (Matthieu 7.25-27). Les vierges sages sont décrites : 2 Pierre 1.5-8, et les folles : 2 Pierre 1.9. Nous apprenons ensuite en quoi consistait la folie des unes et la sagesse des autres : « Celles qui étaient folles, en prenant leurs lampes, n’avaient point pris d’huile avec elles ; mais les sages avaient pris de l’huile dans leurs vases avec leurs lampes ». C’est là le pivot de la parabole. Tout dépend de ce qu’on entend par avoir de l’huile en réserve, ou n’en pas avoir. Nous retrouvons ici encore un sujet de controverse entre les catholiques romains et les premiers Réformateurs. Les Réformateurs affirmaient que ce qui manquait aux vierges folles, c’était la vie de la foi, car elles n’avaient qu’une profession chrétienne tout extérieure ; elles n’avaient pas la vie de l’Esprit, l’huile qui seule aurait pu alimenter la flamme de leurs lampes pour la venue du Christ. Selon les catholiques, les vierges folles avaient la foi, mais une foi « morte » (Jacques 2.17) ; elles ne produisaient aucune bonne œuvre, pour alimenter la lampe de la foi qu’elles portaient devant les hommes ; elles ne se fortifiaient pas dans la grâce de Dieu en faisant le bien, aussi cette grâce leur fut retirée ; leurs lampes s’éteignirent, et elles n’eurent pas de quoi les rallumer.

Les catholiques et les réformés ne sont pas d’accord sur le sens du mot foi : selon les premiers, elle est la profession extérieure de la vérité ; les seconds l’envisagent comme la racine et le principe vivant de la vie chrétiennes. Mais, au fond, l’interprétation des uns et des autres revient au même. Nous pouvons admettre que les vierges folles, dépourvues d’huile, représentent ceux qui accomplissent des devoirs tout extérieurs, sans vie, sans amour, sans chercher à se conformer intérieurement à la loi de Dieu ; elles sont aussi l’image de ceux qui confessent Christ des lèvres, mais sont négligents dans l’œuvre du Seigneur, dans les actes de charité, d’humilité et de renoncement, et perdent par degrés la grâce qu’ils avaient reçue, car « à celui qui n’a pas, cela même qu’il a sera ôté ». La lampe représente tout ce qui est purement extérieur dans la profession chrétienne, et l’huile, ce qui est intérieur et spirituel. Lorsque nous envisageons avec saint Jacques (Jacques 2.14-26) la foi comme un corps et les œuvres comme l’âme de ce corps, alors nous pouvons dire que la foi est la lampe, et les œuvres sont l’huile des vaisseaux ; mais lorsque, avec saint Paul, nous disons que les œuvres n’ont de valeur que si elles procèdent du principe vivant de la foi, alors les œuvres sont la lampe, et la foi, l’huile qui doit l’alimenter. C’est l’Esprit de Dieu qui produit les œuvres et qui vivifie la foi ; l’huile est toujours, dans l’Ecriture, le symbole de cet Esprit (Exode 30.22-33 ; Zacharie 4.2,12 ; Actes 10.38 ; Hébreux 1.9 ; 1 Jean 2.20-27). Il est évident que la parabole a pour but de faire comprendre à tous les membres de l’Église la nécessité de la vigilance. Ils doivent être diligents dans les bonnes œuvres, ne se contentant pas de dire : « Seigneur ! Seigneur ! » Ils doivent également veiller sur leur état intérieur, sur leurs affections, sur tout ce qui n’est connu que de Dieu seul ; ils doivent tendre à être remplis de l’Esprit de Jésus-Christ, à se rendre approuvés de Dieu. Les vierges folles désignent, non point les hypocrites, ni les impies et les profanes, mais bien ceux qui négligent la prière, qui sont paresseux à l’égard des œuvres pour le Seigneur, tous ceux, en un mot, qui cherchent plutôt à plaire aux hommes qu’à Celui qui voit dans le secret. Ils ne sont pas entièrement dépourvus d’huile, mais ils n’en ont pas assez ; leurs lampes sont allumées, mais seulement pour un temps ; elles s’éteignent au moment de la venue de l’époux. Les vierges sages reconnaissent que l’Époux peut tarder à venir, que l’Église n’entrera point encore dans sa gloire ; elles prévoient une vie de patience et de renoncement, et comprennent qu’il leur faut autre chose que de simples impressions pour pouvoir persévérer jusqu’à la fin ; il leur faut une abondante mesure de l’Esprit de Dieu.

s – Saint Augustin : « Animae tuae anima fides », l’âme de ton âme c’est la foi.« 

« Comme l’époux tardait, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent ». Ces paroles donnèrent à entendre aux disciples que le retour du Seigneur aurait lieu beaucoup plus tard qu’ils le pensaient. C’était un simple avertissement. Si Jésus avait parlé plus clairement, s’il avait dit que plusieurs siècles devaient s’écouler avant son retour, les disciples et en général les chrétiens de l’Église primitive n’auraient pas été excités à la sainteté et à l’activité. La seconde venue de Christ est possible en tout tempst. L’amour, le désir impatient des premiers chrétiens leur faisait croire que la venue de Christ était proche. Ils vivaient et souffraient dans la joie de cette foi ; lorsqu’ils mouraient, le royaume était venu pour eux. L’époque du retour de Christ est incertaine ; chaque âge est appelé à hâter ce retour par la foi et par la prière (2 Pierre 3.12 ; Actes 3.19 ; 2 Pierre 3.9). Les vierges s’endormirent par degrés ; on a vu dans ce sommeil qui s’empare de toutes une trop grande conformité au présent siècle, même chez les fidèles, qui ne cessent pas toutefois d’être prêts, car ils ont de l’huile. Saint Augustin voit dans ce sommeil la mort elle-même ; c’est aussi notre opinion ; il s’agit plutôt de la mort que des infidélités des chrétiens, même les meilleurs. C’est l’opinion de la majorité des anciens interprètes. Toutes les vierges, après avoir pris les mesures qu’elles jugeaient nécessaires, attendirent avec sécurité la venue de l’époux. Si les vierges folles avaient pu s’apercevoir de la fuite du temps, et du fait que leurs lampes s’éteignaient elles auraient immédiatement renouvelé leur provision d’huile. Mais elles s’endorment, et ne sont réveillées que par l’arrivée du cortège nuptial ; c’est ce qui explique leur manque absolu d’huile au moment où elle leur aurait été surtout nécessaire. Si les vierges sages ne s’étaient pas endormies également, elles auraient manqué d’amour en ne réveillant pas leurs compagnes et en ne les avertissant pas que leurs lampes s’éteignaient.

t – Augustin : « Latet ultimus dies, ut observetur omnis dies. » : le dernier jour reste caché, afin que chaque jour puisse être considéré comme celui-là.

« Or, au milieu de la nuit, il se fit un cri : Voici, l’époux vient, sortez à sa rencontre ! » Le cri qui réveille les dormeuses est celui de l’avant-garde du cortège, ou de la multitude joyeuse, qui attendait le passage de la procession, et l’acclama de tout son pouvoir. On a interprété diversement ce fait. La plupart y ont vu la descente du Seigneur « avec un cri de commandement, avec une voix d’archange et avec une trompette de Dieu » (1 Thessaloniciens 4.16), alors que l’Époux céleste viendra, accompagné de ses anges, les amis de l’Époux, et conduira dans sa maison l’Épouse, l’Église triomphante, tandis qu’il sera salué par les membres de l’Église militante sur la terre. Quelques-uns pensent que ce cri est celui des surveillants de l’Église, qui auront observé les signes des temps et qui proclameront la venue prochaine du Seigneur. Ce cri est entendu « au milieu de la nuit. » Les juifs modernes pensent que le Messie viendra subitement, à minuit, de même que leurs pères étaient sortis d’Egypte à cette heure-là (Exode 12.29). Mais s’il est question de minuit dans notre passage, c’est uniquement parce que, à cette heure-là, les hommes sont plongés dans un profond sommeil et ne s’attendent point au passage d’un cortège nuptial (1 Thessaloniciens 5.2). Et si le retour du Seigneur doit avoir lieu plus tard, il ne faut pas oublier qu’il vient aussi dans toutes les crises que traverse son Église, à chaque nouvelle effusion de son Esprit ; dans chacune de ces époques il se fait une séparation des sages et des fous, selon qu’ils sont vivants ou morts spirituellement. Ainsi, Il vint à la Pentecôte, à la Réformation.

« Alors toutes ces vierges se réveillèrent et préparèrent leurs lampes. » Les folles découvrirent à leur confusion que les leurs s’éteignaient et qu’elles n’avaient rien pour raviver la flamme. Chacun doit se préparer à rendre compte de ses œuvres, examiner les bases de sa foi, se demander si sa vie peut être approuvée de Dieu. Beaucoup de personnes renvoient cet examen au dernier moment, au jour du jugement. Lorsque le jour de Christ arrivera, personne ne pourra plus méconnaître son véritable état, car ce jour révélera les choses cachées du cœur, de telle sorte qu’il ne sera plus possible de se tromper soi-même (Proverbes 16.2 ; 21.2 ; Romains 2.16). Dans leur détresse les vierges folles ont recours à leurs sages compagnes : « Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent. » Cette demande, ainsi que la réponse qu’elle obtient, renferme une vérité solennelle. C’est en vain que nous chercherons auprès des hommes ce que la grâce de Dieu seule peut nous accorder ; nous serons misérablement déçus si nous comptons emprunter ce qui doit être acheté, obtenu par la prière fervente. La réponse des vierges sages nous enseigne que chacun doit vivre d’une foi personnelle. Il y a des choses que les hommes peuvent se communiquer les uns aux autres, et en devenir d’autant plus riches, mais il en est que le Seigneur seul peut donner, et que chacun doit réclamer pour son propre compte.

La réponse des vierges sages, « de peur que peut-être il n’y en ait pas assez pour nous et pour vous », condamne la doctrine catholique des œuvres surérogatoires (1 Pierre 4.18). Ces vierges ne pensent pas avoir rien de trop ; elles s’estimeront heureuses si leurs propres lampes donnent une flamme assez brillante pour leur permettre de faire partie du cortège nuptial et d’entrer dans la salle du festin. Aussi se bornent-elles à dire à leurs compagnes : « Allez plutôt vers ceux qui en vendent, et achetez-en pour vous-mêmes. » Elles les renvoient à ceux qui dispensent la grâce céleste et que Dieu a placés dans son Église pour servir à distribuer ses dons ; il s’agit ici des prophètes et des apôtres. C’est un conseil d’amour qui est donné aux folles, de cet amour qui « espère tout, » une exhortation à ne pas se confier en l’homme, mais à recourir à la source de la grâce, afin que l’œuvre de la grâce soit ranimée dans leurs cœurs.

L’espoir des vierges sages, en ce qui les concernait elles-mêmes, fut réalisé. Tandis que les autres allaient acheter de l’huile, « l’époux vint, et celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui aux noces, et la porte fut fermée (Genèse 7.16 ; Apocalypse 3.12). « Quelle est cette porte ? » demande l’auteur d’une ancienne homélie sur notre parabole ; il répond : « C’est celle qui maintenant encore est ouverte à ceux qui viennent de l’Orient et de l’Occident pour s’asseoir à table avec Abraham, Isaac et Jacob dans le royaume des cieux, cette porte qui a dit : Je ne mettrai point dehors celui qui viendra à moi. Elle est encore ouverte ; un jour, elle sera fermée pour toujours. Les péagers et les femmes de mauvaise vie viennent et sont reçus, ainsi que tous les impurs, les adultères et les voleurs, car Jésus-Christ, la Porte, est riche en pardon, quelque grands que soient les péchés. Mais Il a dit lui-même : la porte est fermée ; un jour, aucune prière, aucun gémissement ne seront plus écoutés. »

« Après cela vinrent aussi les autres vierges, disant : Seigneur, Seigneur, ouvre-nous ! » Elles n’ont pas trouvé d’huile, mais espèrent qu’il leur sera pardonné. Elles allèguent ici leur relation intime avec l’époux, en lui disant : « Seigneur, » et implorent leur admission (Genèse 22.11 ; Exode 3.4 ; 1 Samuel 3.10 ; Matthieu 27.46 ; Luc 8.24 ; 10.41 ; 13.25, 34 ; 22.31 ; Actes 9.4). Mais elles sont impitoyablement exclues : « Répondant, il dit : Amen, je vous dis, je ne vous connais pas » (Matthieu 7.23) ; Il ne les connaît pas, car elles ne sont pas ses brebis (Jean 10.14). Autres passages parallèles : Psaumes 37.18 ; Nahum 1.7 ; Amos 3.2 ; Osée 13.5 ; Matthieu 25.12 ; 2 Timothée 2.19. « Je ne vous connais pas » équivaut à « vous ne me connaissez pas. » (Augustin.) (Voyez aussi, comme parallèles intéressants : Luc 13.25-27 ; 12.35-38 ; 1 Pierre 1.13.

L’exclusion des vierges folles de la salle des noces est définitive. Bengel fait remarquer qu’il est quatre catégories de personnes qui comprennent tous ceux qui seront sauvés ou perdus : ceux auxquels l’entrée du royaume est largement accordée ; ceux qui sont sauvés à grande peine, comme des naufragés qui ont peine à atteindre le rivage ; puis, ceux qui marchent ouvertement sur le chemin de la perdition ; enfin, ceux qui ont paru « n’être pas loin du royaume de Dieu, » mais qui cependant ne peuvent y entrer. Les vierges folles appartiennent à cette dernière catégorie ; leur sort est le plus déplorable. De peur que ce sort ne soit aussi le nôtre, le Seigneur nous dit : « Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure ; » puisque nous ne savons pas, il est plus prudent d’être prêt chaque jour ; nous avons une œuvre à faire, qui n’est pas celle d’un moment (Luc 12.40 ; 21.34-36 ; 1 Thessaloniciens 5.6 ; 2 Pierre 3.10 ; Apocalypse 3.3).

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