Le rapporteur divise…
Jacob – c’est bien connu – avait un faible pour Joseph, le fils de sa femme préférée qui était décédée. Il vouait à cet enfant docile de nature, une affection particulière et un intérêt tel que ses frères s’en montraient jaloux. Ces derniers il est vrai, n’étaient guère attachants. Le père avait sans doute négligé leur éducation, laissant à ses épouses le soin d’élever leur propre nichée. Jadis, dans les foyers polygames, chaque femme s’occupait de ses enfants, d’où l’existence de clans et de rivalités au sein d’une même famille. Attristé de voir le comportement des aînés, le patriarche avait été amené à s’occuper personnellement de Joseph, d’autant que Rachel, sa mère, n’était plus là pour l’éduquer. Sous cette heureuse influence, l’enfant se montra soumis, respectueux et très différent de ses frères, tous grossiers et méchants. Entre le père et le fils devait s’établir très tôt un climat de confiance qui favorisa échanges et confidences. « Joseph, précise le texte sacré, rapportait à son père les mauvais propos tenus par ses frères » (Genèse 37.2). En acceptant ces informations le patriarche avait encouragé le rapporteur … à moins qu’il ne les ait sollicitées en disant par exemple :
— Tu sais Joseph, tes frères me donnent du souci.
— A moi aussi, père.
— Je redoute qu’ils ne s’égarent et ne deviennent de mauvais garçons ! Ne voudrais-tu pas les surveiller un peu et m’avertir s’ils dépassent la mesure ? Il faut leur éviter de s’engager résolument sur la mauvaise voie …
Je ne sais si tel fut le langage de Jacob mais une chose est certaine : il accepta d’accueillir les « mouchardages » de son fils, d’où le drame qui s’ensuivit.
Les rapporteurs sont des gens détestables et la Bible est loin de les tenir en estime puisqu’elle déclare : « Le rapporteur divise les amis » (Proverbes 16.28). – « Faute de rapporteurs, la querelle s’apaise » (Proverbes 26.20). – « Dieu les a livrés pour commettre des choses indignes, étant rapporteurs, médisants … » (Romains 1.30).
Incontestablement, les rapportages font des ravages dans l’Église et la société, mais aussi dans les familles. Ils opèrent à la longue un travail de sape bien difficile à réparer. En effet, supposez que je sois invité à donner mon opinion sur une personne à qui l’on voudrait confier une tâche importante dans l’église locale. Sans songer un instant à la dénigrer, mais parce que je tiens à être véridique, je me dois de dire : « A mon avis, cette dame est instable et manque de maturité spirituelle pour remplir valablement la fonction que vous pensez lui proposer. Et puis … je la trouve bavarde ! ».
Si l’on s’empresse d’aller dire à la dame en question : « Vous savez, Monsieur A. s’est opposé à votre candidature en disant que vous étiez instable et bavarde », un fossé se creusera inévitablement entre elle et moi. Persuadée que je la méprise ou lui souhaite du mal, cette personne « me gardera une dent » de l’avoir ainsi décrite.
Souvenez-vous qu’une parole, même fidèlement rapportée, n’est jamais reproduite dans l’esprit et avec le ton qui l’ont inspirée pour la simple raison que « le mouchard » a agi pour d’autres motifs et avec d’autres intentions.
Quant aux enfants, chacun sait qu’ils se montrent impitoyables à l’égard des autres, éprouvant même un réel plaisir à rapporter, en les amplifiant, les bévues de leur frère ou sœur qu’ils souhaiteraient voir punir. Donc, prudence !
1. — En règle générale, les parents devraient refuser catégoriquement les mouchardages dans la famille. Y prêter attention, les tolérer, c’est approuver et encourager le rapporteur. C’est favoriser une fâcheuse habitude. Quand les enfants sont autorisés à se dénoncer, très vite s’installent la méfiance, la médisance et le dénigrement qui viennent polluer l’atmosphère du foyer. Ne laissez jamais le champ libre au rapporteur. Reprenez-le fermement. Il doit savoir que son action vous déplaît. Selon l’Écriture, il a commis « une chose indigne » (Romains 1.30). C’est lui, et non sa victime cependant coupable, qui sera repris et puni. La famille tout entière doit en être avertie.
2. — Ne confiez pas à l’un des vôtres – même le plus soumis et le plus « sanctifié » – la mission de surveiller les éléments difficiles de la famille. Vous l’inciteriez à accomplir une mauvaise action et le mettriez en fâcheuse posture. De plus, il se croirait autorisé à juger les autres et, à l’instar de Joseph, ne tarderait pas à se prendre au sérieux. Non, il n’appartient pas à un enfant d’exercer pareille surveillance ni de s’occuper de près ou de loin de l’éducation de ses frères et sœurs. Cette délicate mission incombe aux parents seulement.
3. — Il y a toutefois des fautes qui devraient être dénoncées pour le bien du coupable et de la famille tout entière. L’un des vôtres peut avoir été le témoin d’un acte répréhensible (un vol par exemple) commis par son frère. Il aura le devoir de vous en avertir si le coupable refuse d’avouer lui-même sa faute. Dans une certaine mesure et en dépit de l’âge, chacun est responsable de son frère ou de sa sœur (Genèse 4.9). Cependant, les parents se garderont de sévir avant d’avoir vérifié l’exactitude des faits rapportés car les récits d’enfant sont souvent sujets à caution.
En règle générale, pas de mouchardage à la maison.
LES PARENTS S’INTERROGENT