L’A. T. s’ouvre par le récit de la création du monde, à laquelle nous voyons participer la Parole et l’Esprit de Dieu.
[Cuvier dit, en parlant des premiers versets de la Genèse, que jamais rien de plus sublime n’est sorti d’une plume humaine. — Dans les Etudes et Critiques de 1852, J.-G. Staib a écrit un excellent article sur ces premiers chapitres de la Genèse, montrant que sans eux toute l’histoire de la révélation serait en quelque sorte suspendue dans les airs sans se rattacher à rien de solide. « D’où viennent ces chapitres ? dit-il. Je l’ignore. Mais ce que je sais, c’est qu’ils sont là, et que, malgré toutes les tentatives qu’on a faites de les mettre de côté, ils seront là jusqu’à la fin du monde. Alors on pourra voir le dénouement de l’histoire répondre à son commencement, et l’on pourra comprendre le commencement à la lumière du dénouement. »]
Dieu appelle toutes choses à l’existence par sa Parole, ce qui fait qu’il nous apparaît dès les premiers versets de la Bible, comme l’Éternel et comme un être absolument indépendant. Il anime toutes choses par son Esprit, ce qui exclut aussi dès l’abord toute possibilité d’établir une opposition dualiste entre Dieu et le monde. La terre, qui est considérée comme le point central de l’univers, tellement qu’il n’est parlé des autres mondes que dans leur relation avec elle (Genèse 1.14 et sq.), voit ensuite se produire successivement des êtres toujours plus parfaits. Il y a un parallélisme évident entre les trois premiers et les trois derniers jours de la création. Mais l’œuvre du premier et du second, du quatrième et du cinquième jour est une œuvre unique ; celle du troisième et du sixième est double : terre et plantes, — animaux terrestres et homme. — Chaque jour de création forme en quelque sorte un tout et contribue pour sa part à l’accomplissement du but que Dieu s’est proposé en créant. C’est ce qui ressort de ces mots qui reviennent après chaque journée : Et voici, cela était bon. — Quant à la formule qui revient également à six reprises : Ainsi fut le soir, ainsi fut le matin, — il est maintenant prouvé qu’elle ne suppose pas la manière hébraïque de compter les jours (depuis un soir jusqu’au soir suivant, Lévitique 23.32), mais bien plutôt la manière chaldéenne de les compter (depuis un matin jusqu’au matin suivant. Pline, Hist. nat., n2, 77).
Mais le Créateur ne se repose pas avant d’avoir formé l’être en vue duquel il a fait tout le reste. Ce n’est que lorsqu’il a devant lui un homme, une créature faite à son image et à sa ressemblance, qu’il se déclare satisfait et qu’il cesse de créer. Ce sabbat divin est la limite qui s’étend entre la création maintenant achevée, et l’histoire qui va commencer à se dérouler sous la double coopération de Dieu et de l’homme. La mention de ce jour de repos sert aussi, comme le fait du reste déjà le verset 14e, à montrer la relation qu’il y a entre les institutions mosaïques et celles qui sont d’un ordre tout-à-fait général et qui datent de la création elle-même. Le fameux passage Genèse 2.4 et sq., n’est point du tout un second récit de la création. Il est simplement destiné à compléter le premier chapitre sous un rapport particulier, en montrant comment Dieu a préparé la terre à devenir la demeure de l’homme et le théâtre de son activité. On pourrait l’appeler l’introduction à l’histoire de l’humanité.
Il est de mode aujourd’hui de parler de deux récits parallèles de la création, parallèles mais entre lesquels il n’y aurait pas d’accord possible. Je crois, avec Tuch, que la Genèse, sous sa forme actuelle, provient réellement d’un écrit primitif éloïste, auquel on aura intercalé des morceaux jéhovistes. Mais comment admettre que l’auteur de ce remaniement ait été assez peu intelligent pour mettre en tête de son ouvrage deux récits qui s’exclueraient manifestement l’un l’autre ? Le chapitre second ne peut avoir la prétention d’être un récit de la création, car il laisse de côté bien des choses fort importantes. Sans qu’il en ait rien dit, les cieux et la terre sont créés, seulement il n’y a point encore de végétation sur la terre ; puis vient la création de l’homme, Dieu plante un jardin en Eden et fait venir les animaux vers Adam. — Ceci est décidément trop fragmentaire pour qu’on puisse y voir un récit complet de la création. Aussi suis-je convaincu que le v. 4 du chapitre second doit être coupé en deux et que la première partie : « Ce sont ici les origines des cieux et de la terre lorsqu’ils furent créés », se rapporte à ce qui précède et non pas à ce qui suit. Dans Genèse 1.1 à 2.4a, nous avons un récit complet et qui se suffit à lui-même. Après quoi vient un nouveau document qui n’a point la prétention de raconter à son tour et à sa façon l’œuvre de la création, mais seulement de dire certaines choses qui n’ont pas encore été dites. La seule difficulté que présente cette manière de voir, provient de ce qu’on croit devoir trouver dans le chapitre second un ordre strictement chronologique. — Alors, effectivement, il y a contradiction entre les deux morceaux. Voici, en peu de mots, quel serait le contenu du chapitre second, si l’on voulait y voir un récit chronologique : « La terre est là, nue, sans végétation ; une vapeur en monte ; Dieu crée l’homme, il le quitte pour aller planter le paradis, puis il revient chercher l’homme pour l’y introduire ; alors Dieu crée toutes sortes d’animaux terrestres et d’oiseaux et les fait passer devant Adam, après quoi il forme la femme, qui est ainsi le dernier être créé. » — Ce serait supposer bien peu de réflexion chez l’auteur de ce morceau, que de penser qu’il a voulu nous y présenter les divers actes créateurs dans l’ordre où ils doivent s’être produits. Non ! voici plutôt comment nous nous représentons la chose : le second récit commence avec ces mots du verset 4e du chap. 2 : « Au jour où l’Éternel fit la terre et les cieux… » ; ces mots vont reprendre la narration au point où l’a laissée le verset 10e du premier chapitre, c’est-à-dire à la fin du second jour, et il s’agit d’expliquer spécialement comment la terre, sur laquelle à ce moment-là aucune végétation ne s’était encore développée, a pu devenir la demeure de l’homme. On pourrait exiger, pour que le récit fût complet, que le verset 8e, avant de parler du paradis, mentionnât la production des végétaux. Mais nous avons ici une de ces narrations simples et enfantines auxquelles doit être habitué tout lecteur de la Bible.