(15 janvier)
Macaire, étant abbé, et marchant dans le désert, entra pour dormir dans un monument où étaient ensevelis des corps de païens ; et il plaça un de ces corps sous sa tête, en guise d’oreiller. Et les démons, voulant l’effrayer, appelaient, disant : « Lève-toi et viens avec nous au bain ! » Et un autre démon, s’étant introduit dans le corps du mort, et prenant une voix de femme, répondait : « Je ne puis me lever, car un étranger s’est mis sur moi ! » Mais Macaire, sans s’effrayer, dit au corps, après l’avoir battu : « Lève-toi et va-t’en, si tu le peux ! » Ce qu’entendant, les démons s’enfuirent, en criant à haute voix : « Seigneur, tu nous as vaincus ! »
Un jour, saint Macaire, traversant un marais pour regagner sa cellule, rencontra le diable, qui, armé d’une faux, voulut le frapper et ne put y parvenir. Et le démon lui dit : « J’ai beaucoup à souffrir de ton fait, Macaire, et cela, parce que je ne parviens pas à te vaincre. Je fais pourtant tout ce que tu fais ; tu jeûnes et moi je ne mange pas, tu veilles et moi je ne dors pas ; et il n’y a qu’une seule chose où tu me dépasses. » Et l’abbé dit : « Quelle est donc cette chose ? » Et le diable : « C’est ton humilité, en raison de laquelle je suis sans force contre toi ! »
Ayant trop à souffrir de la tentation, Macaire, mit sur ses épaules un grand sac rempli de sable, et alla le porter dans le désert, plusieurs jours de suite. Théosèbe, le rencontrant, lui dit : « Abbé, pourquoi portes-tu ce fardeau ? » Et il lui répondit : « Pour tourmenter mon corps qui me tourmente ! » Une autre fois, il vit Satan vêtu d’un manteau percé du trous et auquel pendaient d’innombrables flacons. Et Macaire lui dit : « Où vas-tu ? » Et lui : « Je porte à boire aux frères ! » Et Macaire : « Mais pourquoi as-tu tant de flacons ? » Et le diable : « C’est pour être sûr de contenter les frères ; car si un des flacons ne leur plaît pas, je leur offrirai de l’autre ou du troisième, jusqu’à ce que l’un de mes flacons soit à leur goût ! » Plus tard, le voyant revenir, Macaire lui dit : « Eh bien, qu’as-tu fait ? » Il répondit : « Tous se sont sanctifiés et ont refusé mes flacons, à l’exception d’un seul, nommé Théotiste. » Aussitôt Macaire, se levant, alla trouver ce frère, et, par ses discours, le délivra de la tentation. Et le lendemain, Macaire, rencontrant de nouveau le diable lui dit : « Où vas-tu ? » Il répondit : « Chez les frères ! » Et Macaire, quand il le vit revenir, lui demanda : « Eh bien, comment vont les frères ? » Et le diable répondit : « Mal ! » Et Macaire : « Comment cela ? » Et le diable : « Ils sont tous saints, et, pour comble de malheur, le seul d’entre eux que j’avais est perdu pour moi, et est même devenu le plus saint de tous ! » Et le vieillard, quand il entendit ces paroles, rendit grâces à Dieu.
Un autre jour, Macaire, ayant trouvé un crâne de mort, lui demanda de qui il avait été la tête. « – D’un païen ! – Et où est ton âme ? – En enfer ! » Macaire demanda au crâne si sa place en enfer était très profonde. « – Aussi profonde que la terre par rapport au ciel ! – Et y a-t-il des âmes logées encore plus bas que la tienne ? – Oui, celles des Juifs ! – Et, au-dessous des Juifs, y a-t-il encore d’autres âmes ? – Oui, celles des mauvais chrétiens qui, rachetés par le sang du Christ, font bon marché de ce privilège ! »
Ce bon abbé tua, un jour, de sa main, une puce ; et, l’ayant tuée, il fut désolé d’avoir vengé sa propre injure ; et pour se punir, il resta pendant six mois tout nu dans le désert, jusqu’à ce que tout son corps ne fût plus qu’une plaie. Et après cela, il s’endormit en paix, laissant au monde le souvenir de grandes vertus.