Cette étude de l’état de la théologie dans la première moitié du iie siècle, pour être moins incomplète, demande que nous ajoutions quelques mots sur les symboles de foi reconnus à cette époque.
Il est naturel qu’il ait existé de très bonne heure une formule courte, aisée à retenir, qui résumât l’enseignement des apôtres et des catéchistes, et que l’on fît répéter aux candidats avant de les admettre au baptême. On a voulu en voir des vestiges dans 1 Corinthiens 15.3-4 ; 1 Timothée 6.13 ; 2 Timothée 2.2, 8 ; 4.1. Mais plus dignes d’attention sont les passages que l’on relève dans un certain nombre d’écrivains du iie siècle, et qui paraissent être des traces de symbole, ou rappeler du moins des formules fixes de la prédication et de la foi chrétiennes.
Tels sont, pour l’Orient d’abord, les textes d’Origène, du presbyterium de Smyrne, d’Aristide, de saint Ignace réunis et reproduits par Hahn dans sa Bibliothek der Symbole, §§ 1, 2, 4, 8. Plusieurs auteurs en ont conclu que, dès ces temps reculés, l’Orient possédait un symbole à peu près fixe, et ils ont ajouté que ce symbole, usité dès le commencement du iie ou même à la fin du ier siècle, notamment en Asie Mineure, était passé de là à Rome pour y devenir la formule du symbole dit des apôtres, ou du moins pour influer sur sa rédaction. Mais cette théorie est loin d’avoir conquis tous les suffrages. Entre autres arguments, on a fait valoir contre elle le fait que les confessions de foi orientales, antérieures au concile de Nicée, que nous possédons — celles de saint Grégoire le Thaumaturge, d’Arius, d’Alexandre d’Alexandrie, du De recta in Deum fide (Hahn. §§ 14,15, 185-186) — présentent au contraire entre elles une diversité d’agencement qui reste inexplicable dans l’hypothèse d’un type fondamental commun. Ce n’est qu’à partir du concile de Nicée que les symboles orientaux offrent dans leur composition la même ordonnance, ordonnance qui rappelle celle du symbole des apôtres : preuve que ce symbole, loin d’avoir été exporté de l’Orient à Rome, a été plutôt importé de Rome en Orient lors des grands débats suscités par l’arianisme.
N’y avait-il donc, au iie et au iiie siècle, aucune formule baptismale généralement adoptée ? — Si, et l’on a signalé, comme ayant dû probablement servir alors à la redditio symboli, une courte formule dont on trouve la trace dans la XIXe catéchèse de saint Cyrille de Jérusalem, et que l’on peut ramener aux termes suivant : Πιστεύω εἰς… πατέρα, καὶ εἰς τὸν υἱὸν, καὶ εἰς τὸ πνεῦμα τὸ ἅγιον, καὶ ἐν βάπτισμα μετανοίας εἰς ἄφεσιν ἁμαρτιῶν.
En Occident, les choses sont beaucoup plus claires. Dès le milieu du iie siècle, nous rencontrons une formule fixe que l’on a appelée le symbole des apôtres, et qui n’est autre chose que le symbole baptismal de l’Église romaine. [Irénée, Adv. haer. : Οὕτω δὲ καὶ ὁ τὸν κανόνα τῆς ἀληϑείας ἀκλινῆ ἐν ἑαυτῷ κατέχων, ὅν διὰ τοῦ βαπτίσματος εἴληφε.]
Le plus ancien texte grec que nous en ayons est celui que Marcel d’Ancyre a reproduit dans sa lettre au pape Jules, et qui date de 337 environ ; le plus ancien texte latin est contenu dans une Explanatio symboli ad initiandos qui se trouve parmi les œuvres de Maxime de Turin, mais que l’on a attribuée à saint Ambroise († 397 ; Hahn, § 34) ; — dans celle de saint Nicéta de Remesiana au ve siècle (Hahn, § 40) ; — ou encore dans le Commentarius in symbolum apostolorum de Rufin (vers 400 ; Hahn, § 36). Rufin témoigne que l’Église de Rome avait, dès le principe, conservé ce texte sans changement, tandis que les diverses Églises (d’Occident) y avaient fait des additions. Ce dernier renseignement est confirmé par les faits (cf. Hahn, §§ 37 sqq.).
Au ive siècle, vers 337, la formule du symbole romain était donc arrêtée ; mais du ive siècle, nous pouvons remonter immédiatement à la fin du iie, car Tertullien, dans son Adversus Praxean, dans son De praescriptione haereticorum, et surtout dans son De velandis virginibus, nous donne, sous le nom de regula fidei, manifestement quant au fond, à l’ordre et même à la forme, le symbole des apôtres tel que Rufin le connaîtra plus tard (Hahn, § 7).
Que si maintenant on veut tenir compte des rapprochements que l’on peut établir entre cette formule et certains textes de saint Justin et de saint Irénée — deux occidentaux d’adoption — qui semblent en reproduire quelque chose (Hahn, §§ 3, 5) ; si l’on remarque le style lapidaire et la brièveté ferme de sa rédaction, l’absence dans son énoncé de toute allusion aux hérésies dominantes au iie siècle, on admettra sans difficulté que le symbole romain est contemporain au moins de saint Justin, ou même on le reportera plus haut encore vers le commencement du iie siècle.
Quelle en était, à cette époque, la teneur exacte ? On ne peut la déterminer qu’approximativement, en s’aidant des textes postérieurs, mais en écartant avec soin de ces textes tout ce qui n’est point accepté ni appuyé par les auteurs plus anciens. Cette méthode a conduit au texte suivant : Πιστεύω εἰς [ἕνα] ϑεὸν πατέρα παντοκράτορ, καὶ εἰς Ἰησοῦν Χριστὸν τὸν υἱὸν αὐτοῦ τὸν κύριον ἡμῶν, τὸν γεννηϑέντα ἐκ παρϑένου, τὸν ἐπὶ Ποντίου Πιλάτου σταυρωϑέντα, τῇ τρίτῃ ἡμέρᾳ ἀναστάντα ἐκ νεκρῶν, ἀναβάντα εἰς τοὺς οὐρανούς, καϑήμενον ἐν δεξίᾳ τοῦ πατρός, ὅϑεν ἔρχεται κρῖναι ζῶντας καὶ νεκρούς, καὶ εἰς τὸ πνεῦμα ἅγιον.
Dans ce texte, le mot ἕνα effacé depuis, est primitif : on suppose qu’il disparut lorsque se produisit l’hérésie monarchienne qu’il paraissait favoriser. C’est à cette occasion aussi, pensent quelques critiques, que l’on ajouta πατέρα, afin de marquer plus nettement la distinction du Père et du Fils. Mais cette dernière hypothèse est fort contestable. Πατέρα est probablement primitif comme ἕνα et ne désigne pas seulement la personne du Père, mais affirme aussi l’universelle paternité de Dieu comme créateur.