Les mots qui servent de titre à cet article sont, si je m’en souviens bien, ceux par lesquels notre excellent ami Théodore Monod caractérisait le réveil d’il y a trente ans. A ceux qui reprochaient à ce mouvement de trop sortir des vieilles ornières et de s’aventurer dans de périlleuses innovations, il répondait :
« Rien de nouveau, mais toutes choses nouvelles ! »
C’est encore le programme du réveil que nous attendons, comme ce fut celui de tous les réveils du passé.
Rien de nouveau !
« Ce qu’il faut, disent certains théologiens, c’est un réveil théologique. Voilà longtemps qu’on nous prêche la nécessité d’une refonte dogmatique, comme condition essentielle d’un réveil religieux. Sans nier que nous ayons besoin de sortir du chaos doctrinal où nous sommes enlisés, je ne crois pas que le renouvellement spirituel nous vienne de ce côté-là. J’attends plus des évangélistes et des prophètes que Dieu nous enverra que des docteurs que nous envoient les Facultés. Ceux-ci font un travail qu’il faut se garder de mépriser, mais qui n’a que des rapports assez lointains avec le salut des âmes. Les réformateurs du xvie siècle et les hommes de réveil du xviiie n’ont pas voulu innover en fait de doctrines, mais rénover : ils se sont bornés à remonter, les uns à travers la scolastique romaine, et les autres à travers la scolastique protestante, jusqu’à l’enseignement de saint Paul et de Jésus-Christ. Nous ferons bien d’imiter leur exemple et de continuer à prêcher « Christ et Christ crucifié, folie aux Grecs, scandale aux Juifs, mais puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit ».
« Ce qu’il nous faut, disent d’autres, c’est un réveil ecclésiastique. Rendez-nous la vraie Église, le vrai baptême, le vrai catéchuménat, le vrai ministère, etc., et vous aurez préparé la voie au vrai réveil. Tout en reconnaissant que nos Églises, même les meilleures, ont de grandes réformes à opérer sur elles-mêmes, je ne crois pas que ces réformes soient la condition nécessaire du réveil spirituel ; je crois plutôt que celui-ci produira celles-là. Quand vous aurez récolté le vin nouveau dans la vigne du Seigneur, vous verrez la nécessité de renouveler vos outres et vos barriques. Pour le moment, laissons dormir ces questions qui nous ont tant divisés. Ce n’est pas dans ce domaine qu’il importe actuellement de faire du nouveau.
Ce qu’il nous faut, dit-on enfin, c’est un réveil social. Je ne voudrais pas contrister les vaillants paladins du socialisme chrétien et du christianisme social ; mais il convient de leur rappeler ce que Tommy Fallot avait pleinement reconnu dans les dernières années de sa vie, que, pour réformer la société, il faut réformer, c’est-à-dire convertir l’individu, et qu’en fait de culture humaine, comme de culture agricole, on n’aboutit à rien en mettant la charrue devant les bœufs.
Le réveil que nous demandons à Dieu ne sera donc ni théologique, ni ecclésiastique, ni social ; il n’aspirera à refondre ni la théologie, ni l’Église, ni la société. Il sera essentiellement religieux : il travaillera à sauver les âmes, ce qui est toujours le bon moyen de sauver le monde. Il cherchera premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et le reste (dans tous les domaines) lui sera donné par surcroît… Le progrès de l’âme est l’âme du progrès.
De cette œuvre de réveil, modeste comme toutes les grandes œuvres, humble comme le levain qu’on mêle à la pâte, petite à l’origine comme le grain de sénevé, plus d’un dira sans doute en haussant les épaules : Rien de nouveau ! Mais nous répondons : C’est vrai ! mais toutes choses nouvelles.
Toutes choses nouvelles ! D’abord dans la préparation du réveil.
Les Églises où l’on désire le réveil sont des Églises où l’on prie, où l’on a des réunions de prière. C’est là, depuis la première Pentecôte, la seule méthode chrétienne pour attendre les effusions du Saint-Esprit. On sent les approches de cette effusion quand l’esprit de prière se réveille, quand les vieilles réunions de prière se raniment… Il y a quelque chose de nouveau quand on peut dire d’une Église, d’un homme, ce qui fut dit de Saul de Tarse : « Voilà, il prie ».
… Le réveil porte des fruits de conversions individuelles. Nos Églises sont encombrées de demi-chrétiens et de quarts de chrétiens, qui sont comme les traînards de l’armée de Jésus-Christ. Ce qui leur manque, c’est la conversion. Le réveil les fera entrer dans les rangs des chrétiens fervents et actifs, à moins qu’il n’ait pour résultat de les décider à retourner dans le monde. Chez les membres nominaux de l’Église, devenus par la conversion des membres effectifs, toutes choses sont devenues nouvelles. Et il en sera de même pour l’Église prise dans son ensemble. Un afflux de sang nouveau y apportera la vie et y fécondera l’activité. Le pasteur ne sera plus « le monsieur vêtu de noir, qui débite des choses honnêtes ». Son âme, retrempée dans le baptême du Saint-Esprit, n’aura plus cette allure découragée et pessimiste si fréquente aujourd’hui. Ses sermons ne seront plus des morceaux oratoires qui laissent l’auditeur endormi, mais une démonstration d’esprit et de puissance. Les auditeurs se diront : C’est curieux ! on nous a changé notre pasteur ! Et le pasteur, de son côté, se sentant soutenu par un auditoire réveillé, pensera : C’est étrange ! on m’a changé mes auditeurs !
En vérité, les choses vieilles sont passées, toutes choses sont devenues nouvelles.