« Dieu a établi dans l’Église ceux qui ont le don de guérir. Tous ont-ils le don des guérisons ? »
Jaïrus, le chef de la synagogue, accourt vers Jésus, se jette à ses pieds en suppliant : « Ma fille est morte, mais viens, impose-lui les mains et elle vivra » (Matthieu 9.18). Le Maître, quoique retardé, se rend chez ce malheureux père et entre dans sa maison. S’approchant de la morte, il lui « prend la main » et, aussitôt, la jeune fille se lève à la stupéfaction de tous (Matthieu 9.18-26).
Avez-vous noté que Jésus n’accomplit pas le geste demandé par Jaïrus : « impose-lui les mains » ? Pourquoi ? Sans doute parce qu’il ne veut pas qu’on lui dicte ce qu’il doit faire. Surtout, il ne faut pas que le chef de la synagogue s’imagine que le pouvoir de guérir est dans le geste ; l’imposition des mains n’est pas un acte magique ; ce serait superstition de le croire. Jaïrus doit savoir que le Fils de Dieu possède seul le pouvoir de ressusciter les morts, avec ou sans imposition des mains, avec ou sans onction d’huile.
Alors que le peuple crie sa soif dans le désert (Nombres 20), Moïse, tel un magicien à la puissante baguette, croit devoir répéter à Kadès le geste qui avait fait merveille devant le peuple quelque 38 ans auparavant à Réphidim ; le patriarche avait alors “frappé le rocher” et l’eau avait jailli en quantité suffisante pour abreuver bêtes et gens. Puisque le “coup du bâton” avait réussi dans des circonstances analogues, pourquoi ne pas le renouveler ? Moïse eut foi dans l’acte lui-même plutôt qu’en l’Éternel qui lui avait ordonné seulement de “parler” au rocher. Cette désobéissance lui coûta l’entrée dans la terre promise. N’imitons pas le chef d’Israël en accordant puissance et efficacité à l’onction d’huile ou à l’imposition des mains, à un acte de foi ou à une ardente prière même accompagnée de jeûne. Dieu seul a le pouvoir de guérir et Il en use « selon le dessein bienveillant de sa volonté pour célébrer la gloire de sa grâce » (Éphésiens 1.5). Il faut le dire.
Rien dans la Bible ne nous permet de lier obligatoirement la réception d’une grâce – ici la guérison – au rite de l’imposition des mains ou de l’onction d’huile. Dieu reste souverain. Christ et les apôtres ont utilisé les moyens les plus divers pour guérir les malades : attouchement (Matthieu 8.3), parole (v. 13-16), prière (Actes 9.40), linges (19.12), onction d’huile (Jacques 5.14-15), prière de la foi (Jacques 5.15).
L’imposition des mains, dont il est souvent fait mention dans la Bible, est un acte purement symbolique par lequel “celui qui l’accomplit entend faire passer sur une autre personne quelque chose de ce qu’il a reçu de Dieu”. Ce geste est généralement accompagné de prières car l’homme ne peut que saisir ou ordonner, toujours par la foi, la transmission de la bénédiction du Seigneur et cela en vertu de ses promesses. Pour Jésus, il en était autrement ; chez lui l’acte était efficace puisque une « puissance émanait de sa personne » (Luc 6.19).
Il n’empêche que le geste, quoique symbolique, a une signification et une valeur certaines, car il engage à la fois le patient et celui qui l’accomplit. Les anciens ne se contentent pas d’aborder le problème de la guérison, d’en parler devant celui qui souffre, de reconnaître qu’il serait bon d’étudier sérieusement la question en consultant l’Écriture. Non ! En imposant les mains, en pratiquant l’onction d’huile ou en se réunissant pour prier, pasteur et anciens passent aux actes en sachant néanmoins que la guérison ne viendra que du Seigneur. De son côté, le patient n’est pas passif mais pleinement consentant. Il appelle les frères à son chevet et accepte leur intervention ; ainsi, tous, dans une même foi, mettent Dieu à l’épreuve par un geste concret, s’attendant avec soumission à une délivrance de sa part.
Dans l’Ancienne Alliance, le sacrificateur “passait aux actes” au grand jour des expiations, en particulier lorsqu’il posait les mains sur la tête du bouc vivant ; devant Dieu et au milieu d’Israël rassemblé, solennellement, il se déchargeait de son péché et de celui du peuple sur cet animal innocent qui payait pour les coupables en allant mourir dans le désert : « Aaron posera ses deux mains sur la tête du bouc vivant et il confessera sur lui toutes les iniquités des enfants d’Israël. Il les mettra sur la tête de l’animal puis le chassera dans le désert… » (Lévitique 16.21-22).
Après avoir offert une série de sacrifices, Aaron terminait la cérémonie en étendant les mains vers le peuple pour le bénir (Lévitique 9.22). Il signifiait ainsi qu’il voulait transmettre à Israël les grâces obtenues par le sacrifice expiatoire.
En imposant les mains à Josué, Moïse “passait aux actes” publiquement. Par ce geste ordonné par Dieu, il transmettait sa charge de chef du peuple à son serviteur expressément désigné pour prendre la relève ; il était désormais investi de l’autorité que possédait le patriarche. S’il avait seulement murmuré à son successeur, dans le creux de l’oreille et en privé : « Je te transmets ma charge et les qualifications nécessaires pour la remplir », Josué aurait pu oublier et le peuple ignorer.
En intimant aux démons l’ordre de quitter leur victime, Jésus s’engageait lui aussi ; Il proclamait l’intervention du Père et accomplissait la délivrance attendue…
De même, comme nous l’avons déjà dit, le malade qui s’attend à Dieu doit lui aussi agir, faire une démarche : il « appelle les anciens », accepte et demande leur assistance ; les frères aussi ne se contentent pas de prier dans leur demeure ou dans une réunion de l’Église ; ils se concertent, puis se déplacent et intercèdent pour obtenir l’intervention du Seigneur qu’ils expriment par un geste précis.
Est-ce pour rien que Paul, inspiré d’en-haut, mentionne l’existence du don des guérisons, ajoutant que Dieu l’a donné à l’Église pour son édification ? Oui, “à l’Église” et non pas à l’Église “primitive” seulement comme beaucoup le pensent, sans doute à cause des abus qui ont discrédité ce ministère. Ce n’est pas parce que l’Évangile a été ici ou là mal prêché qu’il faut renoncer à proclamer la Bonne Nouvelle. Et ce n’est pas parce qu’on a imposé les mains avec précipitation ou abusivement qu’il faut ignorer l’existence de ce don. Mais Dieu est sage qui a jugé bon d’établir, pour le bien et l’édification de la communauté, des hommes par Lui qualifiés, appelés à être de précieux instruments auprès de ceux qui souffrent. Un ministère certainement utile de nos jours encore car la médecine, malgré des progrès inouïs, reste impuissante à soulager nombre de cas estimés incurables. Or, puisque ce don sert au bien et à l’édification des croyants, ne serait-ce pas une erreur, pour ne pas dire une faute, que de le négliger ?
Il est intéressant de noter que dans la liste des dons spirituels fournie par Paul dans sa première lettre aux Corinthiens, le don de la foi précède celui des guérisons. Par “la foi”, l’apôtre n’entend pas ici la foi qui sauve car elle est l’apanage de tous les chrétiens. D’ailleurs, dans le chapitre 13 verset 2, l’apôtre distingue nettement la foi, racine de la vie chrétienne, de la foi en tant que don particulier. Cette foi n’est autre que cette hardiesse, don du Saint-Esprit, attaquant et surmontant résolument tous les obstacles qui s’opposent à l’œuvre du Seigneur dans une situation donnée. C’est la foi qui transporte les montagnes et dont l’histoire nous présente de multiples exemples : Georges Muller la possédait. Le don des guérisons se rattache étroitement à la foi ainsi comprise puisqu’il a pour base la confiance en la puissance de Dieu appliquée à la maladie. Ce n’est pas seulement ici une prière confiante ; c’est un ordre donné dans le sentiment de l’accord complet avec la volonté de Dieu, comme le “lève-toi et marche” de Pierre dans Actes 3.6 (Godet – Commentaire sur la première épître aux Corinthiens, page 206).
Si Dieu a choisi et qualifié des hommes destinés à être des instruments de guérison auprès des malades, il paraît utile de préciser qu’il n’accorde pas ce charisme à n’importe qui et pas nécessairement aux responsables des diverses Églises. La réception de ce don ne dépend pas de nous, bien qu’il nous soit permis de le demander. Il ne dépend pas non plus de notre foi, de notre sanctification ou de notre zèle pour Dieu (1 Corinthiens 12.11). On ne mérite pas un don. C’est le Dieu souverain qui appelle et choisit. Et parce que cette grâce pourrait constituer un piège pour des personnes tentées de paraître ou de dominer, il n’en revêt, me semble-t-il, que les croyants humbles et soumis, vivant en communion étroite avec lui et en bonne harmonie avec les membres de la communauté.
Ne devrait exercer le ministère de guérison que celui qui est expressément appelé par Dieu à le remplir et établi par l’Église qui a discerné parmi ses membres celui qu’il a qualifié pour remplir ce ministère en étroite dépendance avec la communauté.
Mais comment saura-t-on que tel croyant possède ce charisme ? Ici, qu’on se rassure ! Le Seigneur ne manque pas de moyens pour désigner celui qui le détient, pourvu que la communauté attache du prix à ce ministère et s’attende à ce qu’il soit rempli. Dieu ne donne rien à qui n’attend rien (1 Corinthiens 12.7 ; Éphésiens 5.21 ; Jacques 4.3).
En se penchant sur les textes sacrés, il vaudrait la peine qu’on sorte du vague ou de réticences frileuses pour répondre simplement à la pensée du Seigneur : à savoir, l’édification du corps de Christ. Il y a des malades devant lesquels la médecine ne peut rien et dont une guérison venant de Dieu servirait à sa gloire, délivrerait la personne qui souffre et inciterait les membres de l’assemblée à s’intéresser davantage à ceux qui sont atteints et qu’on abandonne trop facilement à leur sort.
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