Pendant qu’il était retiré dans la solitude où il avait résolu de passer quelque temps sans sortir et sans recevoir personne, un capitaine nommé Martinien vint au monastère importuner Antoine, car il avait une fille tourmentée par le démon. Martinien demeura longtemps frappant à la porte, le suppliant de venir et de prier le Seigneur pour sa fille. Antoine ne voulut pas lui ouvrir, mais regardant par la fenêtre de sa cellule, il lui dit : Ô homme, pourquoi m’importunez-vous par vos cris ? Je suis moi-même un homme comme vous ; si vous croyez au Christ que je sers, allez-vous-en, priez Dieu selon votre foi, et vous serez exaucé. Martinien crut, invoqua le Christ et s’en alla, ramenant sa fille délivrée du démon. Le Seigneur, qui a dit : Demandez et vous recevrez, a opéré beaucoup d’autres miracles par l’entremise d’Antoine, car, sans qu’il ouvrît sa porte, un grand nombre de malades se couchaient et dormaient en dehors du monastère, croyaient au Christ, l’invoquaient et obtenaient une complète guérison. Se voyant importuné par un grand nombre de personnes qui ne lui permettaient pas de vivre dans la retraite selon son dessein, craignant d’ailleurs que les merveilles que Dieu opérait par son ministère ne lui inspirassent des sentiments d’orgueil ou ne fissent concevoir aux autres des idées exagérées de son mérite, après y avoir bien réfléchi, il résolut de se rendre dans la haute Thébaïde, pays où il n’était pas connu. Ayant donc pris des pains que ses frères lui donnèrent, il alla s’asseoir sur le bord du Nil, et là il examinait s’il ne verrait point venir un navire où il put prendre place, afin de remonter le fleuve avec les autres passagers.