Quelque temps auparavant, le comte avait jugé nécessaire d’opposer une déclaration positive aux relations chimériques que l’on faisait courir dans le monde au sujet de Herrnhout. Il engagea donc les Frères à s’expliquer eux-mêmes sur un certain nombre de points essentiels, en présence de témoins et par-devant un notaire impérial. Leur déclaration fut verbalisée par le notaire et signée par eux tous, ainsi que par le comte et le pasteur.
Cette précaution, qui peut paraître singulière, était loin d’être superflue, puisque depuis quelque temps la nouvelle communauté était l’objet de la curiosité publique et donnait lieu aux suppositions les plus malveillantes, aux jugements les plus sévères. C’était surtout à Zinzendorf qu’on en voulait. Tandis que les uns le traitaient de fanatique, les autres l’accusaient d’indifférentisme — c’était le mot dont on se servait. — Ce qui donnait lieu à ce reproche, c’était la largeur de ses opinions et son extrême tolérance. Il était indifférent, en effet, à bien des choses auxquelles les théologiens de son temps attachaient une importance souveraine ; car il croyait que tous ceux qui aiment le Sauveur se rencontrent dans une unité spirituelle infiniment élevée au-dessus des barrières que les traditions, les rites divers, les erreurs même élèvent entre les différentes églises. La réalisation de cette unité avait été longtemps l’objet de ses désirs ; il aspirait au moment bienheureux où le règne de la charité succéderait à celui de la théologie.
[« Quoique je sois et veuille rester membre de l’église évangélique, je ne lie néanmoins Christ et sa vérité à aucune secte ; quiconque croit qu’il est sauvé par la grâce du Seigneur Jésus, par la foi vivante, c’est-à-dire quiconque cherche et trouve en Christ sagesse, justice, sanctification et rédemption, celui-là est mon frère, et je regarde comme une besogne inutile, ou plus nuisible qu’utile, d’examiner quelles sont, du reste, ses opinions ou quelle est son exégèse. Dans ce sens-là, j’en conviens, on a raison de dire qu’il ne m’importe guère que quelqu’un soit hétérodoxe mais dans ce sens-là seulement. » (Lettre de Zinzendorf du 20 juin 1729.)]
« O Seigneur Jésus ! » s’écriait-il dans un cantique composé en 1723, « ne laisse pas tomber ton troupeau entre les griffes des loups. Mais, en bon pasteur, rassemble, rassemble autour de toi ceux qui t’aiment. Fais-toi voir sans miroir, fais-toi comprendre sans formule !
… Alors il n’y aura plus rien que Jésus. Le réformé et le luthérien, celui qui est de Céphas et celui qui est de Paul, le tien et le mien, l’épiscopal, le presbytérien, toutes les sectes se fondront ; car la charité seule demeure. »
On a vu les relations amicales qu’avait soutenues le comte avec le clergé janséniste, et comment, dans son désir de contribuer à l’édification des catholiques de France, il avait fait traduire le livre de J. Arnd et l’avait dédié au cardinal de Noailles. Il se sentait pressé de faire quelque chose aussi pour les catholiques d’Allemagne. Ce fut dans cette intention qu’il publia en 1727 un Livre de cantiques et de prières à l’usage des catholiques. Ces cantiques étaient tirés pour la plupart des Poésies spirituelles d’Angélus Silésius, un des plus remarquables parmi les poètes mystiques de l’Allemagne. Cet auteur, qui vivait au milieu du xviie siècle, était né dans l’église protestante, mais avait passé à l’église romaine et était même entré dans les ordres. La publication de Zinzendorf, dédiée au prince de Fürstenberg, fut bien accueillie de ceux à qui elle s’adressait et produisit de bons fruits ; mais beaucoup de protestants s’en scandalisèrent et accusèrent le comte de pencher au papisme ou du moins de manquer de principes arrêtés. Ce fut bien pis encore lorsque, l’année suivante, encouragé par le succès de cet ouvrage, il se mit en tête de publier un recueil de poésies catholiques plus étendu que le précédent, et de le faire autoriser par le pape ! Il ne se faisait aucun scrupule de demander cette approbation au souverain pontife, qu’il envisageait comme le chef légitime des chrétiens qui reçoivent les canons du concile de Trente. « Tant que le pape, disait-il, adore le Christ crucifié et le regarde comme son Dieu, on ne peut pas, selon la définition de saint Jean, le considérer comme l’Antechrist. » Il vénérait d’ailleurs le caractère personnel de l’homme qui occupait alors le saint-siège. Benoît XIII (Orsini), le dernier pape qu’ait fourni l’ordre des Dominicains, était universellement respecté pour sa piété profonde et la sainteté de sa vie, non moins que pour sa sagesse et sa tolérance. Plusieurs amis de Zinzendorf, prélats ou grands seigneurs, lui avaient souvent déjà proposé de le mettre en relations avec le pontife ; il pouvait donc espérer que sa demande serait accueillie et il se mit à rédiger une lettre au pape ; mais il se trouva bientôt embarrassé, ne sachant par quel titre il devait le désigner, car il n’eût voulu démentir ses principes évangéliques par aucune apparence d’accommodement. Cette difficulté suffit pour l’arrêter quelque temps ; d’autres occupations vinrent à la traverse, la lettre ne fut pas envoyée et le livre ne parut pas. Le comte avait perdu de vue toute cette affaire, lorsqu’un beau jour le brouillon de cette lettre, oublié dans un volume du Dictionnaire de Bayle, tomba entre les mains d’un de ses adversaires, qui ne manqua pas d’en tirer parti en en faisant circuler des copies ; on l’inséra même, vingt ans après, dans un pamphlet contre Zinzendorf. Ce fut, selon l’expression de Schrautenbach, une pièce de grosse artillerie dans l’arsenal de ses ennemis. En correspondance avec le pape ! … quel plus beau thème aux déclamations et aux réquisitoires de tous les preneurs de scandale, orthodoxes ou piétistes ! Comme on peut le penser, on ne s’en fit pas faute, et pendant longtemps on considéra comme un fait acquis que toutes les visées du comte de Zinzendorf ne tendaient qu’à un chapeau de cardinal.
[Le comte avait peu de loisirs à consacrer à la lecture et ne lisait guère que la Bible et les historiens ecclésiastiques. En fait de littérature profane, le Dictionnaire de Bayle lui tenait lieu de bibliothèque ; il le lisait non seulement pour y puiser la science des faits et pour apprendre à connaître les principaux arguments dont fait usage la critique, mais encore, nous dit Spangenberg, « afin de découvrir comment on aurait à s’y prendre pour gagner à Jésus-Christ des hommes de cette tournure d’esprit. » On voit que le livre de Bayle était pour Zinzendorf à peu près ce que celui de Montaigne était pour Pascal.]
Si l’esprit large et tolérant de Zinzendorf le faisait accuser tour à tour par les théologiens d’indifférentisme, de cryptopapisme ou d’apostasie, son horreur pour une intervention quelconque de la police dans le domaine religieux fournissait à d’autres un prétexte pour le traiter d’anarchiste. Il est certain que ses principes sur ce sujet devançaient l’opinion de son époque et même, en bien des points, de la nôtre. Un pasteur de ses amis se plaignait à lui, dans une lettre, du peu d’appui que lui donnait l’autorité, qui eût pu seconder d’une manière efficace son ministère en interdisant les divertissements frivoles, bals publics, etc. « Non, lui répond Zinzendorf, il est impossible de charger les hommes du joug de Jésus autrement que de leur plein gré et une fois qu’ils sont réellement convertis. Exercer une contrainte extérieure, interdire les divertissements mondains, c’est le vrai moyen de produire l’hypocrisie la plus damnable, les abominations secrètes les plus affreuses ; c’est faire en sorte que l’on se moque de l’autorité, que l’on s’aigrisse contre le ministère qui prêche la réconciliation ; enfin, et au mieux aller, c’est inspirer aux gens ce malheureux contentement de soi-même qui fait que (sans foi et sans conversion, sans humiliation et sans grâce) on se croit un excellent chrétien, parce qu’on s’abstient, volontairement ou non, des divertissements mondains auxquels d’autres s’amusent quelquefois. »
Il est assez curieux, après cela, de voir Zinzendorf accusé de pharisaïsme, et pourtant c’était là le grand reproche que lui adressaient les gens du monde. L’accusation était banale ; les prédicateurs firent mieux, ils représentèrent à leurs ouailles Zinzendorf et les Frères de Herrnhout comme étant ces faux prophètes annoncés par l’Évangile, « qui viennent en habits de brebis, mais qui au dedans sont des loups ravisseurs. » Tout était bon pour satisfaire la mauvaise humeur de la vieille école orthodoxe, dérangée dans ses habitudes par l’activité prodigieuse du comte, qui allait plus vite que toutes les liturgies et dépassait tous les programmes. Ces réunions, ces institutions, ces chœurs, ces bandes, ces occasions, ce jeune comte faisant de la théologie, tout cela la mettait aux champs. A peine la grande émeute de Spener venait-elle enfin de s’apaiser un peu et de se creuser un lit, à peine l’Église commençait-elle à goûter un peu de repos, et déjà, grâce à ce nouveau venu, voilà que de toute part on n’entendait plus parler que de réveil !
Mais ces diverses attaques, si violentes qu’elles fussent, furent moins sensibles à Zinzendorf que celles qui lui vinrent de ses anciens amis, de ceux-là même avec lesquels il se croyait le plus complètement en communion spirituelle, et auprès desquels il eût pu espérer de trouver quelque appui contre l’inimitié des théologiens de l’ancienne école. Nous voulons parler des piétistes de l’école de Spener. Les enfants de ma mère se sont mis en colère contre moi ! (Cantique des cantiques 1.6) s’écriait-il. Nous avons vu que Franke lui-même, quoiqu’il fût resté jusqu’à la fin de sa vie en relations d’amitié avec Zinzendorf, n’avait pas approuvé sans réserve ses tendances. D’autres — un certain pasteur Mischke, par exemple, en faveur duquel le comte avait intercédé pour le soustraire aux persécutions dont il était l’objet en Silésie — lui avaient déclaré franchement qu’ils le considéraient comme encore inconverti ; car, d’après son propre aveu, il n’avait point passé par ce que les piétistes appelaient le combat de la repentance. Avec sa candeur et son humilité habituelles, Zinzendorf s’était incliné devant les oracles de ceux qu’il regardait comme ses maîtres en la foi, et souvent le trouble s’emparait de son âme lorsqu’il se répétait qu’il n’était pas converti ; il se comparait alors à Apollos, qui avait un grand zèle et enseignait fort exactement les choses du Seigneur, quoiqu’il ne connût que le baptême de Jean (Actes 18.25) », ou bien à Rahab, à Jéhu, à Samson, à tous ceux enfin que Dieu a employés comme instruments, sans qu’on puisse pour cela les appeler enfants de Dieu. Mais il avait beau faire, il ne parvenait pas à perdre courage et à douter de l’amour du Seigneur. « Eh bien ! » dit-il dans une de ses poésies, « puisque je ne suis pas au nombre de ceux que tu as engendrés, puisque je ne suis que ton serviteur et non pas ton fils, donne-moi le salaire que tu donnes par grâce à tes ouvriersa ». Et plus loin, faisant allusion à ce qui est dit de Marie, sœur de Moïse (Nombres 12.14), il ajoute : « Puisque, même avec tout cela, je ne puis guère parvenir à te plaire, crache-moi donc au visage, et me voilà reconnu pour ton enfant ! » Enfin, après un examen attentif des voies par lesquelles le Seigneur l’avait conduit, après bien des prières et des supplications, il obtint la certitude qu’il était réellement enfant de Dieu par la grâce, il comprit qu’il ne devait point se créer un tourment inutile en doutant de cette grâce, mais qu’il devait la reconnaître avec simplicité et en bénir Dieu.
a – Allusion à la parabole des Ouvriers. (Matth. ch. 20)
De ce moment, le trouble qui l’avait longtemps agité fut à jamais dissipé ; mais de ce moment aussi il s’aperçut qu’il n’était point d’accord avec le système des piétistes, et il ne craignit pas de s’exprimer franchement contre leur méthode absolue et leurs règles sans exceptions. La page suivante, extraite de ses Réflexions naturelles, donne son opinion à ce sujet et est en même temps un curieux spécimen de son style :
« Ce qu’on appelle agon pœnitentiæ, et en langue vulgaire le combat de la repentance, ne peut être autre chose qu’une sorte de convulsion spirituelle, résultant soit de l’opposition qui se produit dans le malade entre l’action de la maladie et la volonté qu’il a d’être guéri, soit de la résistance de ses penchants aux devoirs qu’il sait lui être prescrits par la loi. Je ne nie pas le moins du monde l’existence de ces deux sortes de combats. Je reconnais qu’il vaut infiniment mieux qu’un enfant souffre de convulsions en faisant ses dents, que de ce qu’il crève pendant la dentition, parce que la nature n’aura pas agi ; mais je prétends que l’on n’a jamais encore vu de médecin assez homme à système pour défendre aux enfants de faire leurs dents sans avoir préalablement été malade. Il serait triste vraiment que les théologiens fussent à ce point impitoyables, et que, lorsqu’une âme, sans passer par ces convulsions spirituelles, est née de l’Esprit et a été remise dans les bras du Bon Berger, ils voulussent à toute force la donner au loup, parce que la mère et l’enfant ne se sont pas réglés sur leur méthode.
Je sais fort bien que la naissance spirituelle ne se passe pas sans souffrance ; mais quant à déterminer le degré des douleurs que l’on doit ressentir, quant à prôner ce combat de la repentance que pratiquent nos sages-femmes de l’âme, et qui donne lieu à plus de mille fausses-couches pour un seul accouchement heureux, c’est à peine si la confession d’Augsbourg parviendrait à m’en persuader, dans le cas où elle le dirait, et comme elle ne le dit pas, bien moins encore m’en rapporterai-je à nos théologiens.
Mieux vaut s’en tenir à ce que nous dit à chaque page le Nouveau Testament et déjà même l’Ancien : « Il nous a engendrés de sa propre volonté ! (Jacques 1.18) — Le vent souffle où il veut ; il en est ainsi de quiconque naît de l’Esprit (Jean 3.8)b. »
b – Vinet a écrit sur le même sujet et au même point de vue une page qu’il est intéressant de comparer à celle-ci. C’est dans son article sur Ulric Guttinguer (Études sur la Littérature française au XIXe siècle, tome III).
Ces déclarations ne firent que renforcer les piétistes dans l’opinion fâcheuse qu’ils avaient de lui ; ils lui reprochaient aussi un certain manque de gravité, je ne sais quelle vivacité voisine de l’étourderie ; ils trouvaient, en un mot, comme on dirait de nos jours, qu’il n’avait pas assez de tenue. Le ton paradoxal qu’il aimait à donner à son langage était aussi un sujet de scandale, et sa franchise plus encore. « Ainsi, » nous dit Spangenberg, « quand on parlait de telle ou telle doctrine qui ne lui était pas encore claire, il avouait tout ouvertement qu’il n’avait pas de conviction sur ce point-là. Cela ne signifiait pourtant pas qu’il niât la chose, mais il va sans dire qu’on ne demandait pas mieux que de l’entendre ainsi. »
L’opposition des piétistes devint de plus en plus vive et se manifesta par des attaques toujours plus directes. Zinzendorf, de son côté, était las de leur esprit de légalité, de leur austérité affectée, et surtout de la contrainte morale qu’ils faisaient régner autour d’eux. Jamais, cependant, il ne leur rendit attaque pour attaque ; une fois seulement, poussé à bout par leurs criailleries, il donna cours à son impatience en rimant l’innocente boutade que voici :
« Il n’y a qu’une seule race au monde à laquelle je ne puisse me faire et qui me soit antipathique ; c’est cette misérable espèce de chrétiens qui se décernent le titre de piétistes que personne ne leur accorde. »
Nous venons de passer en revue bien des classes d’adversaires de Zinzendorf, mais nous ne sommes pas au bout. « Je vous souhaite beaucoup de succès, » lui avait dit quelques années auparavant le célèbre jurisconsulte Thomasius, « car ceux qui vont s’opposer à vous se nomment légion ! » La prédiction s’accomplit. L’année 1729 vit éclore de toutes parts des pamphlets contre Zinzendorf. Il n’était encore connu que de peu de gens, mais déjà condamné par tous. « Il était arrivé », dit plaisamment Spangenberg, « ce qui arrive dans une petite ville, lorsque quelqu’un se met à crier au feu ! On voit une quantité de gens se précipiter hors de chez eux et courir par les rues en criant aussi au feu ! quoique souvent ils ne sachent pas eux-mêmes où est l’incendie, ni s’il y en a réellement un. »
De tous les pamphlets dirigés contre Zinzendorf cette année-là, un des plus acérés partait — on ne s’y attendrait guère — des rangs du clergé catholique. L’auteur était un missionnaire jésuite occupé en Silésie à convertir les sectateurs de Schwenkfeld. Se trouvant considérablement contrarié dans son œuvre par la protection que le comte accordait à ces gens-là, il s’en prenait à lui et dénonçait à la chrétienté les Frères de Herrnhout comme une nouvelle secte des plus dangereuses. Zinzendorf — c’était alors son principe — ne répondit point à ce libelle ; mais Rothe et d’autres de ses amis, qui y étaient aussi pris à partie, voulurent absolument le réfuter. Le comte ne pouvait s’y opposer, mais il exigea qu’il n’y fût pas question de lui et que l’on ne relevât aucune des accusations qui ne concernaient que lui personnellement. Cependant, comme le P. Régent (c’était le nom du jésuite) avait mêlé à son attaque théologique des insinuations politiques de nature à compromettre gravement Herrnhout auprès de la cour impériale, le comte crut devoir prévenir les inconvénients qui pouvaient en résulter ; il s’empressa de donner au cabinet de Vienne quelques éclaircissements. Le P. Tœnnemann, confesseur de l’empereur, arrangea tout de la façon la plus obligeante pour Zinzendorf.
En butte à tant d’attaques, abandonné de ses anciens amis, Zinzendorf trouva un puissant encouragement dans l’approbation et la sympathie qui lui furent témoignées par un homme avec lequel il n’était en relations que depuis peu. Jablonsky, dont le nom reparaîtra dans cette histoire, remplissait les fonctions de premier prédicateur à la cour de Berlin. Sa mère était fille du célèbre évêque de l’Unité des Frères, Amos Coménius. Son père avait reçu à son tour la consécration épiscopale en 1662, après la ruine de cette église et dans un temps où l’on ne pouvait plus espérer que contre espérance. Lui-même, enfin, portait depuis 1699 ce titre d’évêque de l’Unité, qui semblait n’être plus guère qu’un pieux souvenir de choses à jamais éteintes.
Zinzendorf, sans le connaître personnellement, lui avait écrit pour l’informer de la reconstitution d’une petite communauté morave à Herrnhout ; il lui avait raconté les circonstances par lesquelles elle avait passé et les bénédictions que le Seigneur avait répandues sur elle. « J’apprends », lui répond Jablonsky, « avec une joie extraordinaire et une intime satisfaction, que Dieu, dans sa souveraine bonté, a conservé ce petit troupeau des Frères de Bohême et de Moravie, si méprisés aux yeux du monde et qui ont été en leur temps les précurseurs de la Réformation. Je bénis les voies miséricordieuses de notre Dieu. Qu’Il daigne continuer à protéger ce petit troupeau ! qu’il continue à lui susciter des nourriciers et des nourrices, comme Il lui en a suscité en vous d’une manière si merveilleuse ! »
Et dans une autre lettre : « Il m’est impossible d’exprimer l’immense et intime satisfaction dont les nouvelles que vous me donnez ont rempli mon cœur. Il me semblait, en les lisant, que je voyais renaître et reparaître aux yeux de la chrétienté la primitive église apostolique ou les institutions des anciens Frères de Bohême et de Moravie. Par la constitution de Herrnhout, vous avez rendu possible, vous avez même réalisé ce que l’on ne considérait que comme une République de Platon ou comme une chose qu’il était plus raisonnable de désirer que d’espérer. Que le grand Dieu, qui est merveilleux dans toute son œuvre et qui a planté à votre abri cette vigne exquise (Jérémie 2.21), daigne veiller sur elle et la cultiver lui-même, pour que, jusqu’à la fin du monde, elle serve d’enseignement et d’exemple à la chrétienté déchue ! »
Enfin, dans une lettre écrite l’année suivantec, il lui dit : « Je vois avec douleur, par divers écrits qui viennent de paraître, que les établissements que vous avez fondés et que la chrétienté devrait regarder comme une lumière au milieu de notre génération perverse, sont l’objet du mépris et des outrages. Mais il ne peut en être autrement : si vous étiez du monde, le monde vous aimerait ; mais parce que vous n’êtes point du monde, le monde vous hait… Les serviteurs de Christ ne peuvent pas y échapper plus que leur Maître. »
c – 15 mai 1730, et non pas 31 décembre 1729, comme le dit par erreur Spangenberg.