Maintenant, il est grand temps de ne plus laisser la sottise des hérétiques donner, sans en avoir l’air, un sens impie à l’enseignement juste et saint de la Loi. Leur folle exégèse s’appuie d’abord sur ce texte : « Ecoute, Israël, le Seigneur ton Dieu, est un » (Deutéronome 6.4), pour nier la divinité du Fils de Dieu. Mais cette interprétation sacrilège est mise en échec par le nom mentionné dans ce texte, puisque la Loi nous parle d’un Dieu et d’un Dieu. Aussi, pour mettre en doute la nature soulignée par ce nom tout en s’appuyant sur un texte prophétique, leur folie ajoute ce verset : « Ils te béniront, toi, le seul vrai Dieu » (Ésaïe 65.16). Par ces mots, selon eux, la Loi ne nous parlerait que d’un seul Dieu ; celui que nous appelons Dieu, le Fils de Dieu, porterait ce nom sans en avoir la nature, l’Ecriture ne faisant état que d’un seul vrai Dieu.
Insensé ! Tu t’imagines peut-être que nous allons contredire tes paroles et nier ainsi l’existence d’un seul vrai Dieu ! Mais non, nous reconnaissons comme toi ce Dieu unique et l’affirmons clairement. Telle est notre foi, tel est notre sentiment, tel est notre langage. Nous reconnaissons un seul Dieu et le déclarons vrai Dieu. Notre foi qui perçoit dans la nature du Fils le Dieu Unique et vrai, n’est pas mise en danger par ce nom divin.
Entre donc, toi aussi, dans l’intelligence de ta propre confession de foi ; reconnais un Dieu Unique et vrai, afin de pouvoir annoncer aux autres avec justesse le Dieu Unique et vrai. Car tu t’empares de notre profession de foi qui, elle, est conforme à un sens éclairé de Dieu, et tu la mets au service de ton impiété ; tu nies ce qu’est le Fils, alors que tu affirmes ce qu’est Dieu[33]. Ainsi, tu nous amuses avec ta sotte sagesse du monde, toi qui étouffes la vérité sous une apparence de vérité. Tu reconnais un seul vrai Dieu pour nier un seul vrai Dieu. Ainsi ta foi semble être orthodoxe pour mieux être hétérodoxe ; elle semble vraie, mais elle est fausse. De fait, si tu proclames un Dieu Unique et vrai, c’est pour le réduire à néant !
[33] Arius reconnaît Dieu, mais ne veut y inclure la divinité du Fils, au nom de la raison. Il ne fait pas le saut de la foi, en accueillant la Révélation.
Car tu refuses au Fils le titre de « vrai Dieu », alors que tu lui accordes pourtant d’être Dieu, puisque tu admets qu’il est Dieu, non de nature, mais de nom. Si sa naissance avait pour unique support le nom qu’on lui donne et s’il n’était pas né en vérité, tu aurais le droit de refuser la vérité de ce nom ; mais s’il est vraiment né Dieu, je voudrais bien savoir comment il pourrait ne pas être vraiment ce qu’il est par naissance. De deux choses l’une : ou bien tu nies qu’il est né Dieu, et il n’est pas Dieu, ou bien, s’il est né Dieu, comment ne serait-il pas ce qu’il est, puisque ce qui est ne peut pas à la fois être et ne pas être ?
Je parlerai bientôt de cette naissance. Pour le moment, je me propose de te prouver l’impiété de ton erreur sur la vraie nature de Dieu en utilisant les témoignages des prophètes. Toutefois il importe qu’en affirmant le Dieu unique et vrai, on ne nous impute pas l’hérésie de Sabellius qui prétend que le Père est tout à la fois Père et Fils, et que nous ne t’imitions pas, toi qui te méprends sur la vérité du Fils de Dieu en affirmant seulement un seul vrai Dieu.
L’impiété n’a rien à voir avec la sagesse. Là où manque « la crainte de Dieu, commencement de la sagesse » (Psaumes 111.10), disparaît avec elle toute amorce de bon sens !
Leur désir de ruiner la foi dans le Fils, vrai Dieu, souffle à nos adversaires de nous opposer ce passage du prophète : « Et ils te béniront, toi, le vrai Dieu » (Ésaïe 65.16). Nous commencerons par imputer à la sottise de leur mauvaise foi de ne pas comprendre les paroles qui précèdent ce texte, ou, s’ils les ont comprises, de les passer sous silence. Ensuite nous leur ferons remarquer qu’ajouter une syllabe à ce texte frise la malhonnêteté[34] ! Ils tirent parti de cette fourberie, fruit de leur folie, comme si nous étions tenus d’ajouter foi en ces paroles, au point de ne plus songer à rechercher le texte intégral de cet écrit du prophète. Car ce texte porte : « Ils béniront le vrai Dieu », et non pas ; « Ils te béniront, toi, le vrai Dieu ». Or ce n’est pas une légère source d’équivoque de dire : « Toi, le vrai Dieu » ou : « le vrai Dieu ». Le pronom : « Toi » semble se rapporter à une autre personne en ce texte où il y a : « Toi » ; mais là où cette syllabe ne se trouve pas, le nom : « vrai Dieu » se rapporte à celui dont il est question[35].
[34] Les ariens avaient ajouté te béniront.
[35] A savoir le Fils.
Pour nous permettre de discerner en tous points la vérité, il convient de citer le texte du prophète en son entier : « Ainsi parle le Seigneur : Eh bien, ceux qui me servent mangeront, et vous, vous aurez faim ; eh bien, ceux qui me servent boiront et vous, vous aurez soif ; eh bien, ceux qui me servent se réjouiront, pleins d’allégresse et vous, vous crierez, le cœur en peine, et vous hurlerez dans le désarroi de votre esprit. Car vous laisserez votre nom à mes élus qui seront dans la joie, tandis que vous, le Seigneur vous fera périr. Quant à mes serviteurs, un nom nouveau leur sera donné, un nom qui sera béni sur la terre. Et ils béniront le vrai Dieu, et ceux qui prêtent serment sur la terre, prêteront serment par le Dieu vrai » (Ésaïe 65.13-16).
Ce n’est pas sans motif que l’on s’écarte de la manière habituelle de présenter une doctrine ; le souci de la vérité rend compte d’une manière inusitée de s’exprimer. En effet, auparavant, bien des prophéties avaient eu Dieu pour sujet, et pour souligner sa majesté et sa nature, on employait simplement le nom de Dieu. Demandons-nous donc pourquoi l’Esprit de prophétie nous prédit ici par Isaïe, que les hommes béniront « le vrai Dieu » et prêteront serment sur la terre « par le Dieu vrai ».
Remarquons-le tout d’abord : cette annonce du prophète a pour objet des événements à venir. Or je voudrais bien savoir s’il n’était pas le « vrai Dieu » ce Dieu que les Juifs pensaient alors bénir et par qui ils prêtaient serment. Les Juifs, en effet, ne connaissaient pas les secrets du mystère de Dieu, et c’est pourquoi, dans l’ignorance où ils étaient du Fils de Dieu, ils vénéraient simplement Dieu, sans rendre hommage au Père. Car s’ils avaient vénéré Dieu comme Père, ils auraient aussi vénéré le Fils. Ils bénissaient donc Dieu et prêtaient serment par lui. Mais le prophète atteste qu’ils doivent bénir le « vrai Dieu », et s’il précise : « le vrai Dieu », c’est que le mystère de son incarnation devait être pour certains un obstacle pour reconnaître le vrai Dieu dans le Fils. Et là où l’affirmation d’une erreur devait se répandre, il importait de bien asseoir la vérité.
Mais passons en revue chaque phrase de ce texte.
« Ainsi parle le Seigneur : Eh bien, ceux qui me servent mangeront, et vous, vous aurez faim ; eh bien, ceux qui me servent boiront, et vous, vous aurez soif ». Remarque-le : une même phrase suggère deux époques différentes, pour nous faire entendre le mystère de la plénitude des temps. « Ceux qui me servent mangeront ». Dieu rétribue le service qu’on lui rend à présent par des récompenses à venir ; de même, l’incrédulité d’aujourd’hui recevra comme châtiment la faim et la soif.
Puis le texte ajoute : « Eh bien, ceux qui me servent se réjouiront, pleins d’allégresse, et vous, vous crierez, le cœur en peine, vous hurlerez dans le désarroi de votre esprit ». Comme dans la phrase précédente, le sens de ces lignes concerne le présent et l’avenir. Ceux qui le servent maintenant se réjouiront, pleins d’allégresse ; ceux qui ne le servent pas ne cesseront de crier et de hurler, le cœur en peine et l’esprit en désarroi.
Le texte continue : « Car vous laisserez votre nom à mes élus qui seront dans la joie, tandis que vous, le Seigneur vous fera périr ». Le sens de cette phrase regarde l’avenir ; elle s’adresse à l’Israël selon la chair, Dieu lui enjoint d’abandonner son nom au profit de ses élus. Je me demande quel est ce nom. A coup sûr, Israël, car cette prophétie lui était alors adressée. Là-dessus, je m’interroge : Qui est aujourd’hui Israël ? L’Apôtre me répond : « Ceux qui le sont en esprit, et non selon la lettre » (Romains 2.29), « ceux qui marchent selon la Loi du Christ » sont « l’Israël de Dieu » (Galates 6.16).
Après cela, il nous reste encore à comprendre pourquoi cette parole qui introduit le passage : « Ainsi parle le Seigneur », est suivie de cette autre : « Tandis que vous, le Seigneur vous fera périr », et ensuite à rechercher le sens de ce texte : « Quant à mes serviteurs, un nom nouveau leur sera donné, un nom qui sera béni sur la terre ».
Il y a-t-il lieu d’en douter ? Ces deux phrases : « Ainsi parle le Seigneur » et : « Le Seigneur vous fera périr » nous le prouvent : celui qui parle et qui fera périr ne peut être compris d’un autre que du Seigneur. C’est lui aussi qui par la suite, récompensera ses serviteurs en leur donnant un nom nouveau ; de fait, il est avéré que c’est bien lui qui a parlé par les prophètes et qui sera le juge des justes et des méchants.
Aussi la fin du texte nous met à découvert le mystère révélé dans l’Evangile, pour que ne puisse subsister aucun doute concernant le Seigneur qui parle et le Seigneur qui fait périr. « Quant à mes serviteurs, un nom nouveau leur sera donné, un nom qui sera béni sur la terre ». Ici, le texte se réfère entièrement aux temps futurs. Quel est donc ce nom nouveau, se rapportant à un culte qui sera béni sur la terre ? Si jadis, dans les siècles passés, le bienheureux nom de « chrétien » fut parfois utilisé, alors, avouons-le, ce n’est pas un nom nouveau. Mais si au contraire, ce nom qui consacre notre véritable foi envers Dieu est un nom nouveau, alors, n’en doutons pas, ce nouveau nom qui caractérise notre engagement, est le salaire des bénédictions célestes, déjà rémunéré sur la terre.
Et voici le verset suivant ; il confirme la certitude intime de toute notre foi. Le Seigneur dit : « Et ils béniront le vrai Dieu, et ceux qui prêtent serment sur la terre, prêteront serment par le Dieu vrai ». Oui, ceux qui ont reçu un nom nouveau, grâce au culte qu’ils ont rendu à Dieu, béniront le vrai Dieu ; bien plus, le Dieu par qui ils auront à prêter serment est le vrai Dieu. Qui donc pourrait mettre en doute que celui par qui les hommes prêtent serment est celui qu’ils bénissent et qui donnera à ceux qui le servent un nom nouveau, source de bénédictions ?
Tu vois, hérétique, toute la foi en la parole dispensée par l’Eglise est d’accord avec moi pour condamner ta prédication impie ! Cette parole te proclame vrai Dieu, ô Christ, et c’est bien par toi que j’ai connu cette foi en ton nom et en l’appellation bienheureuse[36] que reçoivent de toi, sur la terre, ceux qui s’engagent à ton service ! Car la bouche de tous les croyants, ô Christ, te reconnaît Dieu. La foi de tous les croyants affirme sous serment ta divinité ; elle te confesse vrai Dieu, elle te proclame vrai Dieu, elle en est sûre : tu es vrai Dieu !
[36] « De chrétien ».
D’ailleurs tout ce passage du prophète ne présente pas grande difficulté ; il est Dieu, cela va de soi, celui à qui s’adresse le service rendu par ces gens qui portent un nouveau nom, et celui par qui est bénie sur la terre, la nouvelle religion de ces gens, et celui qui est béni comme Dieu vrai, et celui par qui les hommes prêtent serment. Toutes ces prophéties qui visent la plénitude des temps, l’Eglise, par sa foi sainte, les réalise dans son culte pour le Christ Seigneur.
Ainsi, ce texte prophétique est conséquent avec lui-même ; il n’introduit pas une nouveauté en faisant allusion à une autre personne, par l’addition du pronom. Car si l’on avait ajouté : « toi, le vrai Dieu », cette phrase aurait pu être attribuée à une autre personne que celle qui s’exprime en ce passage. Mais puisqu’on lit : « le vrai Dieu », l’intelligence n’a pas d’autre issue que celle d’appliquer cette expression à celui qui parle.
Celui que désigne ce passage ne fait donc aucun doute ; cependant les versets qui précèdent nous montrent quel est celui à qui nous devons attribuer cette déclaration. Ils précisent en effet : « Je suis apparu en plein jour à ceux qui ne m’interrogeaient pas et je me suis laissé trouver par qui ne me recherchait pas. J’ai dit : me voici, à une nation qui n’invoquait pas mon nom. J’ai étendu les mains tout le jour vers un peuple incroyant et rebelle » (Ésaïe 65.1-2).
Ce texte laisse-t-il dans l’ombre le mensonge impie Qu’insinue sans en avoir l’air, une certaine manière de présenter les choses ? Allons-nous encore douter qu’il est vrai Dieu celui qui prononce ici ces paroles ? Je le demande : quel est celui qui est apparu à ceux qui ne l’interrogeaient pas et s’est laissé trouver par ceux qui ne le recherchaient pas ? Quelle est donc cette nation qui n’invoquait pas encore le nom de Dieu ? Qui donc étendit ses mains tout le jour vers un peuple incroyant et rebelle ?
Rapproche ce texte du cantique sacré et divin du Deutéronome où Dieu, irrité par des êtres qui ne méritent pas le nom de Dieu, inspire à ceux qui n’ont pas la foi de rivaliser avec une nation sans intelligence, un peuple qui ne mérite pas le nom de peuple[37]. Comprends alors quel est celui qui se manifeste à ceux qui l’ignorent, quel est ce Dieu qui, appartenant à un peuple, devient le bien d’une autre nation, qui est celui qui étend ses mains devant un peuple incroyant et rebelle, en clouant à la croix le décret de notre condamnation[38]. Car cet Esprit de prophétie dit dans la suite du texte, et tout à fait dans la même ligne : « Quant à mes serviteurs, un nom nouveau leur sera donné, un nom qui sera béni sur la terre. Et ils béniront le vrai Dieu ; ceux qui prêteront serment sur la terre, prêteront serment par le vrai Dieu » (Ésaïe 65.15-16).
[37] Cf. Deutéronome 32.21.
[38] Cf. Colossiens 2.14.
La sottise et l’impiété de l’hérésie s’efforcent d’induire en erreur les ignorants et les simples, en soutenant bien à tort, que ces paroles concernent la personne de Dieu le Père, pour nous dissuader de les appliquer à Dieu le Fils. Qu’elle entende alors sa condamnation de la bouche de l’Apôtre et docteur des nations. Celui-ci l’affirme : toutes ces prophéties sont orientées vers le mystère de la Passion du Seigneur et le temps où l’on croira à la bonne nouvelle ; en ce texte, il reproche à Israël son manque de foi et le reprend de n’avoir pas reconnu la venue du Seigneur dans la chair. Et voici ses propres termes : « Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. Et comment l’invoquer sans d’abord croire en lui ? Et comment croire sans d’abord l’entendre ? Et comment l’entendre si personne n’en parle ? Et comment en parler sans être mandaté par lui ? Ainsi est-il écrit : Qu’ils sont beaux les pieds de ceux qui annoncent la paix, de ceux qui annoncent le bonheur ! Mais tous n’obéissent pas à la bonne nouvelle. Isaïe dit en effet : Seigneur, qui a cru à notre prédication ? Ainsi la foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend, c’est l’annonce de la parole. Je demande alors : N’auraient-ils pas entendu ? Mais si ! Leur voix s’en est allée par toute la terre et leur parole jusqu’aux extrémités du monde. Je demande encore : Israël n’en a-t-il pas eu connaissance ? Déjà Moïse avait dit : Je vous rendrai jaloux d’une nation qui n’en est pas une, et j’exciterai votre dépit contre un peuple sans intelligence. Isaïe, lui, va jusqu’à dire : je me suis manifesté à ceux qui ne me cherchaient pas, et je me suis laissé trouver par ceux qui ne m’interrogeaient pas. Or qu’ajoute-t-il à l’adresse d’Israël ? J’ai tendu les mains, tout le jour, vers un peuple qui n’obéissait pas » (Romains 10.13-21).
Et toi, as-tu gravi tous les degrés des deux, ignorant si c’était en ton corps ou sans ton corps, pour être un interprète plus fidèle que Paul de ces paroles prophétiques ? As-tu entendu les ineffables secrets des mystères célestes, en te sentant incapable de les redire, pour annoncer avec une plus grande assurance la science que Dieu t’a révélée ? Et en sortant de cet état où tu te voyais ravi au paradis, t’es-tu vu réservée la plénitude de la Passion du Seigneur en croix, pour que tu tires des Ecritures des enseignements supérieurs à ceux que nous dispense cet instrument choisi par Dieu ? Car tu ignores qu’en ces textes, il s’agit des paroles et des actions du vrai Dieu, rapportées par l’Apôtre véritable et choisi par Dieu pour nous conduire à l’intelligence du vrai Dieu[39].
[39] Ironie d’Hilaire, qui attribue ici à l’arien les charismes de Paul.
Mais l’Apôtre a peut-être cité ces paroles prophétiques sans être inspiré par l’Esprit de prophétie, peut-être interprète-t-il à la légère le langage d’autrui. Certes, tout ce que nous enseigne l’Apôtre lui vient par révélation du Christ[40], mais il connaît les prophéties d’Isaïe dans le texte même d’Isaïe. Au commencement de ce passage où le prophète nous assure que ceux qui servent le vrai Dieu le béniront et prêteront serment par lui, on lit cette prière : « Jamais nous n’avons entendu et jamais nos yeux n’ont vu un autre Dieu que toi, et on ne saurait imaginer les merveilles que tu feras pour ceux qui espèrent en ta miséricorde « (Ésaïe 64.4).
[40] Cf. Galates 1.12.
Oui, voilà ce que certifie Isaïe : il n’a pas vu un autre Dieu que lui. Car il a vu la gloire du Dieu dont il prédit le mystère de l’Incarnation dans le sein de la Vierge. Et si tu ne veux pas reconnaître qu’il a vu Dieu, le Fils Unique, dans la gloire de ce mystère, écoute l’Evangéliste Jean : « Isaïe dit ces choses de lui, lorsqu’il vit sa gloire, et c’est de lui qu’il parla » (Jean 12.41). Ainsi ces paroles de l’Apôtre, celles de l’Evangéliste, celles du Prophète, te ferment la bouche, hérétique impie. Car Isaïe a bel et bien vu Dieu, et ce texte : « Dieu, personne ne l’a jamais vu ; le Fils, Unique Engendré, qui est dans le sein du Père, c’est lui qui nous l’a fait connaître » (Jean 1.18) est à concilier avec le fait que le prophète a cependant vu Dieu ; il a contemplé sa gloire au point que les Juifs furent jaloux de cette faveur. Telle est la raison pour laquelle ils décrétèrent contre lui la sentence de mort[41].
[41] Hilaire force ici son argumentation.
Dieu ne pouvant être vu par personne, le Fils, Unique Engendré, qui est dans le sein du Père, nous l’a fait connaître. De deux choses l’une : ou bien tu ne tiens pas compte de cette révélation du Fils Unique, ou bien tu crois en ce Dieu qui a été vu, qui se manifesta à ceux qui l’ignoraient, qui se fit le bien des nations qui ne l’invoquaient pas et qui a étendu ses mains devant un peuple rebelle ; ce qui lui a permis de donner un nom nouveau à ceux qui le servent et d’être béni sur la terre comme vrai Dieu, par les hommes qui prêtent serment par lui. Tels sont les termes du prophète, l’attestation de l’Evangile, l’interprétation de l’Apôtre. Et l’Eglise confesse[42] qu’il est vrai Dieu, celui qui s’est laissé voir, puisque, nous en sommes d’accord, Dieu le Père, personne ne l’a vu.
[42] Affirmation importante qui invoque la confession de la tradition ecclésiastique. Cf. Irénée.
Et la sottise de l’hérétique se déchaîne en fureur au point de nier ce qu’elle feignait de reconnaître ! En effet, on le voit repousser comme une machination impie et une nouveauté la profession de foi que nous présentons, alors qu’avec un art astucieux, il tourne la foi en ridicule par ses mensonges ! Car, lorsqu’il reconnaît un seul et même vrai Dieu, seul juste, seul sage, seul immuable, seul immortel, seul puissant[43], il met le Fils à un degré inférieur, en lui prêtant une substance différente : il n’est pas né de Dieu comme Dieu, mais adopté comme Fils par création ; il n’a pas le nom dû à sa nature, mais il porte le titre de Dieu par adoption. De ce fait, le Fils doit fatalement être privé de toutes ces perfections divines qui sont présentées comme le privilège de la majesté solitaire du Père.
[43] Lettre d’Arius, Trinité IV, 12.