La divinisation, que nous avons dit plus haut être le fruit de la rédemption, n’est pas généralement produite dans le chrétien par des voies purement spirituelles et invisibles. L’homme étant corps et âme — c’est la pensée de saint Chrysostome, — Dieu lui a donné « l’intelligible dans le sensible », c’est-à-dire la grâce dans des signes ou symboles visibles et palpables que nous appelons des sacrements.
Les Pères grecs du ive siècle, bien qu’ils distinguent, comme nous venons de le voir par saint Chrysostome, l’élément sensible de la grâce produite par le sacrement, et encore l’élément matériel du rite de la vertu qu’il acquiert par la bénédiction qui lui est donnée, ces Pères, dis-je, n’ont point fait la théorie générale des sacrements, pas plus qu’ils n’en ont fixé absolument la notion et le nombre. On trouve seulement groupés ensemble dans leurs œuvres, et notamment dans les catéchèses mystagogiques de saint Cyrille, les trois sacrements de l’initiation chrétienne, le baptême, la confirmation et l’eucharistie, noyau primitif que viendront grossir les rites analogues. Trois de ces rites sont nettement désignés comme imprimant au chrétien qui les reçoit un sceau, un caractère (σφραγίς), le baptême, la confirmation et l’ordre ; mais ce caractère n’est pas encore complètement distingué de la grâce produite par le sacrementa. D’autre part, saint Chrysostome est souvent revenu sur cette idée que, dans l’administration des saints mystères, Dieu ou Jésus-Christ est l’acteur principal, le prêtre n’est qu’un instrument : « Les dons que Dieu nous octroie ne sont pas tels qu’ils soient l’œuvre de la vertu sacerdotale ; le tout est l’œuvre de la grâce ; le prêtre ne fait qu’ouvrir la bouche : Dieu fait tout ; le prêtre accomplit seulement un signe symbolique… L’oblation est la même, que ce soit celle de Paul ou de Pierre : c’est la même que le Christ a confiée aux apôtres, et que les prêtres accomplissent maintenant ; et celle-ci n’est pas moindre que celle-là, parce que ce ne sont pas les hommes qui sanctifient celle-ci, mais celui qui a sanctifié celle-là. » De même pour le baptême : « Quand le prêtre baptise, ce n’est pas lui qui baptise, mais Dieu, dont l’invisible puissance tient la tête [du baptisé] ». « Dieu n’impose pas les mains à tous, mais il agit par tous [les prêtres], même indignes, pour sauver le peuple [des fidèles]. » Ces principes sont ceux-là même que saint Augustin développait, vers la même époque, contre le donatisme : ils proclament que la valeur des Sacrements est indépendante de la sainteté du ministre qui les confère, et acheminent la théologie sacramentaire vers la doctrine de l’ex opere operato. Mais il faut venir au détail puisque, aussi bien, c’est à l’occasion de sacrements particuliers que les Pères ont émis ces observations.
a – Saint Cyrille de Jérusalem, celui qui a le plus complètement exposé la théorie du caractère, suppose qu’il n’est pas imprimé là où la grâce n’est pas donnée (Catech. I, 3).
Saint Grégoire de Nazianze distingue six espèces de baptême : 1° le baptême de Moïse, qui était in aqua et aussi in nube et in mari (1Corinth.10.1-2) : c’était une pure figure ; 2° Celui de Jean-Baptiste qui était in aqua et in paenitentiam ; 3° Celui de Jésus qui, de plus, est in spiritu (ἐν πνεύματι) ; 4° Le baptême de sang, le martyre ; 5° Le baptême de larmes, ou la pénitence après le baptême ; 6° Enfin le baptême de feu dans l’autre monde, plus dur encore et plus long, qui dévore la matière comme la paille, et consume la vanité de toute iniquité. La différence entre le baptême de saint Jean et celui de Jésus-Christ est donc mise en ce que le premier est in paenitentiam seulement, tandis que, dans le second, le Saint-Esprit intervient. C’est l’opinion de saint Basile et de saint Cyrille de Jérusalem. Ils croient que le baptême de Jean remettait les péchés, mais que le baptême chrétien, de plus, nous fait enfants adoptifs de Dieu et nous confère le Saint-Esprit. Ces effets sont d’ailleurs symbolisés dans le baptême chrétien, car l’ensevelissement dans les eaux signifie la mort au péché du baptisé, tandis que l’Esprit lui communique la vie, lui rend la vie première que nous avons perdue. Autre est l’opinion de saint Chrysostome. Comparant ensemble le baptême des juifs, celui de saint Jean et celui de Notre-Seigneur, il déclare que le premier n’atteignait que le corps, que le second procurait la justification de l’âme seulement parce qu’il était accompagné d’une exhortation à la pénitence (ex opere operantis), et que le dernier seul remet les péchés et confère le Saint-Esprit.
Quoi qu’il en soit de la valeur du baptême johannique, l’usage universel et non douteux de l’Église grecque au ive siècle était de baptiser au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Aussi déclare-t-on que ceux qui rangent le Saint-Esprit parmi les créatures rendent le baptême imparfait (ἀτελές). Saint Basile examine cependant si le baptême au nom du Christ, dont parle saint Paul, est valide, et il remarque que nommer le Christ c’est professer toute la Trinité ; car c’est nommer (implicitement) et le Père qui oint, et le Fils qui est oint, et le Saint-Esprit qui est l’onction. Que si ailleurs (Actes 1.5 ; Luc 3.16) il est question du baptême dans le seul Esprit-Saint, ce baptême aussi est certainement parfait.
En dehors du martyre, nos auteurs proclament le baptême absolument nécessaire pour jouir du bonheur éternel. Saint Chrysostome ne fait pas même d’exception pour les croyants qui meurent sans l’avoir reçu : il les déclare semblables aux infidèles, « hors des demeures royales avec ceux qui sont châtiés, qui sont condamnés » ; et il ne pense pas qu’on puisse les secourir par les prières et l’offrande du sacrifice ; l’aumône seule faite à leur intention peut leur procurer quelque soulagement (In epist. ad Philipp., hom.3.4.). Saint Cyrille de Jérusalem va plus loin encore, et n’excepte pas ceux qui pratiqueraient d’ailleurs les œuvres de vertu : à eux aussi le baptême est absolument nécessaire pour entrer dans le royaume des cieux (Catech.3.4).
Quels sont les effets du baptême chrétien ? Nous y avons déjà touché un peu plus haut, et nos auteurs, dans les discours spéciaux qu’ils ont consacrés à ce sujet, les ont magnifiquement développés. Il s’agit toujours de la rémission des péchés, de tous les péchés, de la grâce de l’adoption divine, de la réception du Saint-Esprit, de l’image de Dieu restaurée, de la transformation intérieure de l’homme, de la vie nouvelle et du principe d’immortalité communiqués : le baptême nous rend σύμμορφοι τοῦ υἱοῦ ϑεοῦ. Mais, à côté de ces effets, on en trouve signalé un autre, mentionné, il est vrai, dès les temps apostoliques, mais auquel les Pères grecs du ive siècle donnent un relief spécial : c’est le caractère. Le baptême imprime un caractère (σφραγίς). Saint Cyrille de Jérusalem est le plus complet représentant de cette doctrine, que les autres d’ailleurs n’ignorent pas. Quelquefois le baptême lui-même est appelé σφραγίς ; mais le plus souvent ce mot désigne un des effets du baptême : le Saint-Esprit marque l’âme (σφραγίζον, σφραγίζει) pendant que le baptême est administré. Cette marque est comparée à la circoncision, à un sceau qu’on imprime sur une cassette, au signe dont on marque les brebis ou dont on décore les soldats de la même armée pour qu’ils puissent se reconnaître entre eux ; au tau qui fut dessiné sur les portes des Israélites en Égypte. Elle est le signe distinctif du chrétien, ce à quoi les anges et les démons le reconnaissent comme tel, à quoi le juge suprême lui-même le reconnaîtra un jour. Marque qui n’est pas matérielle, mais spirituelle (πνευματική), sainte et salutaire (ἁγία, σωτηριώδη), merveilleuse, et surtout indestructible et indélébile (ἀκατάλυτος). Ces derniers mots sont importants, car ils prouvent que saint Cyrille, qui ne distingue pas assez le caractère de la grâce du baptême pour vouloir que le caractère soit produit alors que la grâce ne l’est pas, l’en distingue cependant assez pour affirmer la persistance du caractère même alors que la grâce de la régénération a été perdue par le péché.
Comment ces effets du baptême sont-ils produits ? Le fait que, d’une part, nos auteurs ne requièrent pas la sainteté dans le ministre qui le donne, et, d’autre part, acceptent le baptême des enfantsb, indique qu’ils accordent au rite lui-même une efficacité objective pour la production de la grâce. D’où vient cette efficacité et comment s’exerce-t-elle ? Saint Cyrille de Jérusalem l’explique en ébauchant une théorie qu’il étendra au chrême de la confirmation et, dans un sens plus strict, au pain de l’eucharistie. Cyrille suppose que la bénédiction de l’eau baptismale par l’invocation (ἐπίκλησις) de la Trinité donne à cette eau le pouvoir de sanctifier (δύναμιν ἁγιότητος). Cette eau bénite n’est pas de l’eau simplement (λιτὸν ὕδωρ), mais de l’eau unie à l’Esprit-Saint dont l’action s’exerce en elle et par elle. Cette théorie est acceptée en principe par saint Basile qui explique aussi par la présence de l’Esprit-Saint la vertu régénératrice de l’eau, et soutenue par l’euchologe de Sérapion. Dans la prière pour la bénédiction de l’eau baptismale que présente ce document (xix), on demande à Dieu de remplir les eaux de l’Esprit-Saint, d’y faire descendre son Verbe, et de transformer leur vertu génératrice afin qu’elles puissent produire des hommes spirituels.
b – Saint Grégoire de Nazianze (Or. XL, 28) veut qu’on baptise les nouveau-nés immédiatement s’ils sont en danger de mort, sinon qu’on attende environ l’âge de trois ans.
[Voilà pourquoi nos auteurs regardent presque comme indispensable à l’efficacité du sacrement de baptême la bénédiction préalable de l’eau (Basil., De Spir. Sancto, 66 ; Greg. Nyss., De baptismo Christi, P. G., XLV1, 881 ; Cyrill. Hier., Catech. iii, 3).]
Reste la question de la valeur du baptême des hérétiques. On a vu, dans le premier volume de cet ouvrage, que les divergences à ce sujet n’avaient point cessé avec les démêlés du pape Etienne et de saint Cyprien, et que, en Orient surtout, les usages les plus divers s’étaient maintenus. Il n’est pas toujours aisé de voir clair dans la pensée de nos auteurs, dans l’impossibilité où l’on est de discerner s’ils repoussent le baptême de certains hérétiques, parce qu’ils sont hérétiques, ou parce qu’ils n’emploient pas, dans la collation du baptême, la formule trinitaire requise. A Alexandrie, il semble que la doctrine fût que les hérétiques qui n’erraient point en matière trinitaire baptisaient validement, les autres non. Athanase déclare pour cette raison absolument vain et inutile (παντελῶς κενὸν καὶ ἀλυσιτελές ––– οὐδὲν εἰληφότες ἔσονται) le baptême des ariens, des manichéens, des montanistes et des paulianistes.
[C. arianos, ii, 42, 43. M. Saltet (Les réordinations, p. 45, 46) pense cependant qu’Athanase changea d’avis plus tard, probablement sous l’influence de l’Occident. Cf. Ad Serapion. epist. 1, 29, 30. — On sait que le canon 19 du concile de Nicée ordonne de rebaptiser les paulianistes qui se convertissaient. Saint Athanase affirme cependant (C. arianos, ii, 43) que les paulianistes employaient la forme prescrite.]
Didyme veut de même que l’on rebaptise les eunomiens et les montanistes : les premiers, dit-il, parce qu’ils ne pratiquent qu’une seule immersion, et prétendent qu’il faut baptiser seulement dans la mort du Seigneur ; les seconds, parce qu’ils ne baptisent pas dans les trois hypostases divines, qu’ils confondent dans leur croyance. A Jérusalem, Cyrille repousse uniformément le baptême de tous les hérétiques, pendant qu’Eusèbe de Césarée regarde, au contraire, comme plus ancienne la tradition romaine, et que saint Epiphane ne veut pas que, en l’absence d’une décision de l’Église, on rebaptise même les ariens.
Pour les Cappadociens, la nécessité de rebaptiser les hérétiques pouvait à peine faire un doute, tenus qu’ils étaient par la tradition de Firmilien de Césarée. Saint Grégoire de Nazianze, comme je l’ai remarqué plus haut, ne requiert pas du ministre du baptême la sainteté : c’est assez qu’il ne soit pas ouvertement condamné et réprouvé par l’Église pour qu’on puisse recourir à son ministère ; mais saint Grégoire requiert qu’il ait là foi de l’Église. Saint Basile entre dans plus de détails. Distinguant les hérétiques proprement dits, qui errent en matière de foi, des schismatiques qui se séparent de l’Église principalement sur la question de la pénitence (les novatiens), et des dissidents qui forment des conventicules à part, il regarde comme nul le baptême des premiers et ne les reçoit dans l’Église qu’avec un nouveau baptême. Tels sont les montanistes, les marcionites, les valentiniens et les manichéens. Quant aux novatiens, encratites, hydroparastates, etc., simples schismatiques ou conventiculaires, saint Basile exprime l’idée que chaque église doit les traiter suivant la coutume ou tradition locale, ou même suivant ce qui lui paraît plus opportun. Pour lui, personnellement, il admet le baptême des novatiens, mais il repousse celui des encratites, des saccophores (ou hydroparastates) et des apotactites : toutefois, il ne veut pas imposer ses décisions.
Immédiatement après le baptême se donnait la confirmation : le baptisé sortant de l’eau recevait l’imposition des mains de l’évêque et l’onction d’huile parfumée (μύρον) qui le faisaient parfait chrétien. Ces rites étaient comme un complément du baptême, et, à cause de cela, n’en étaient pas toujours nettement distingués. Un embarras du reste existait pour expliquer comment ils produisaient une grâce spéciale. On accordait en effet généralement que le baptême conférait le Saint-Esprit. Cette collation du Saint-Esprit dans le baptême était, d’après les Constitutions apostoliques (iii, 17, 1 ; vii, 22, 2), l’effet particulier de l’onction d’huile qui précédait l’immersion. On pouvait dès lors se demander quelle était bien la raison d’être de l’onction d’huile parfumée qui la suivait. Malgré cela, plusieurs de nos auteurs ne manquent pas de la mettre en relief et d’en noter l’efficacité. Didyme la distingue clairement du baptême, et saint Cyrille lui consacre une catéchèse à part (xxi).
[Bien que cette cérémonie ne soit pas explicitement mentionnée par nos auteurs ni dans les sacramentaires, il est certain qu’elle était pratiquée dans les églises grecques. V. L. Duchesne, Origines du culte chrétien, p. 320, note 1 et p. 327, note 3. L’euchologe de Sérapion y fait peut-être allusion (XXV, 1). V. la note de Funk in h. loc.]
L’huile parfumée (μύρον, χρῖμα) qui devait servir à l’onction était préalablement bénite par l’évêque. Dès lors ce n’était plus, d’après la théorie de saint Cyrille, du chrême simple (μύρον ψιλόν), mais, de même que le pain eucharistique devient par l’épiclèse le corps du Christ, ainsi le chrême, par l’invocation, était devenu « le charisme du Christ productif du Saint-Esprit, par la présence de sa divinité » (Χριστοῦ χάρισμα, καὶ Πνεύματος ἁγίου, παρουσίᾳ τῆς αὐτοῦ ϑεότητος, ἐνεργετικὸν γινόμενον). Le Saint-Esprit est dans le chrême comme il est dans l’eau baptismale, et il agit en lui et par lui. Ainsi l’huile parfumée est l’antitype (ἀντίτυπον) du Saint-Esprit : expression qui ne signifie pas — comme on peut le voir — qu’elle en est un simple symbole ou image, mais qu’elle le contient et constitue l’élément sous lequel il exerce et cache son action.
L’évêque seul, d’après Didyme, pouvait oindre les baptisés. [De trinit., ii, 15, col. 721. A moins qu’il ne s’agisse ici de la bénédiction même du chrême : Ἐπίσκοπος δὲ μόνος τῇ ἄνωϑεν χάριτι τελεῖ τὸ χρῖσμα. Les Constitutions apostoliques, qui permettent aux simples prêtres de baptiser, veulent aussi que ce soit l’évêque qui fasse sur les baptisés l’onction du chrême (iii, 16, 4). Saint Chrysostome remarque que seuls, les apôtres avaient, dans les premiers temps, le pouvoir de donner le Saint-Esprit par l’imposition des mains (In acta apostol., hom.18.3).] A Jérusalem, l’onction se faisait sur le front, aux oreilles, aux narines et à la poitrine. La formule qui accompagnait ce geste, et qui est restée celle de l’Église grecque, est déjà donnée par saint Cyrille : Σφραγὶς δωρεᾶς τοῦ Πνεύματος ἁγίου.
Quel était l’effet propre du sacrement ainsi compris ? Sa formule même indique qu’on le regardait comme le rite collateur du Saint-Esprit. Celui-ci est, dans la doctrine de saint Athanase, une onction et un sceau (χρῖσμα λέγεται τὸ Πνεῦμα καὶ ἔστι σφραγίς. Il venait donc, après le baptême, confirmer, parfaire, achever et sceller pour ainsi dire la vie chrétienne acquise par le néophyte : il venait le fortifier et le rendre invincible aux attaques du démon.
Pour la confirmation, comme pour le baptême, le mot σφραγίς est assez souvent employé par nos auteurs. On l’a vu par la formule qui accompagne le rite. Saint Cyrille répète le mot ailleurs. L’onction chrismale est, d’après Didyme, σφραγὶς χριστοῦ ἐν μετόπῳ. Dans l’euchologe de Sérapion (xxv, 2), les baptisés sont affermis par le sceau (σφραγῖδι) de l’onction. Même façon de s’exprimer dans les Constitutions apostoliques (vii, 22, 2). On en peut conclure que ces auteurs admettaient que la confirmation, comme le baptême, imprime à celui qui la reçoit un caractère, et, en conséquence, ne saurait être renouvelée. Et sans doute, nous savons que les hérétiques initiés au christianisme dans l’hérésie étaient, lorsqu’ils se convertissaient et que leur baptême était reconnu valable, reçus dans l’Église par le rite collateur de l’Esprit-Saint, c’est-à-dire par la confirmation ; mais c’est précisément parce qu’on ne croyait pas que les hérétiques possédassent la sainte chrismation et pussent conférer le Saint-Esprit.