L’influence étrangère à Paris. — Le méthodisme. — L’Institut fondé par Haldane. — Les réunions de Porchat et de Méjanel. — Mark Wilks. — Lewis Way. — L’Église réformée. — Les pasteurs Marron, Jean Monod, Juillerat, Frédéric Monod, Coquerel, Montandon. — Les pasteurs luthériens : Boissard, Gœpp, Cuvier. — Verny. — Les cultes extra-officiels. — La maison des Missions. — La chapelle Taitbout. — Œuvre des chapelles. — Audebez. — Grandpierre. — Les beaux jours du Réveil.
Quel avait été le résultat de tous ces efforts, de ces travaux poursuivis avec plus ou moins d’éclat : en un mot comment se manifeste dans toute sa force l’œuvre du Réveil ?
Nous ne pouvons étudier cette œuvre dans toutes les Églises réformées ; ce serait une revue souvent monotone. Nous prendrons donc un exemple, et c’est l’Église de Paris qui nous le fournira. Nous y verrons l’œuvre de Dieu s’accomplir, sans beaucoup d’éclat au début, lentement et progressivement, pour aboutir bientôt à l’éclosion de cette admirable société protestante de 1830, dont le souvenir éveille en nous une invincible, mais sainte jalousie.
Si nous considérons le développement de la vie religieuse à Paris depuis le commencement du siècle et que nous recherchions jusqu’à quel point l’influence étrangère s’y est fait sentir, il ne nous paraîtra pas que cette influence ait joué un rôle prépondérant dans le Réveil de la capitale.
On se souvient de l’essai d’évangélisation tenté en 1791 par le docteur Coke, essai qui échoua complètement. Plus tard, en 1820, la conférence méthodiste envoya à Paris le pasteur Hawtrey, probablement pour prêcher en anglais aussi bien qu’en français. « En 1823, on demanda au comité des missions méthodistes de Londres un pasteur pour les ouvriers anglais d’une fonderie à Charenton, où MM. Croggon et Adams se succédèrent jusqu’à la fermeture de l’établissement. En 1824, M. P. Tourgis fut nommé à Paris et à Charenton comme pasteur de langue française. Il ouvrit des salles de culte, rue du Faubourg-Saint-Denis et rue du Faubourg-Montmartre. Le ministère de M. Tourgis, accompagné d’une grande puissance, fut en bénédiction à un nombre considérable de personnes qui, bien que non rattachées à l’Église méthodiste, ont cependant pris une grande part au Réveil qui date de cette époque et aux diverses sociétés religieuses qui en ont été les fruits. C. Cook succéda à M. Tourgis et fut chargé pendant quelque temps de la prédication dans les deux languesa. »
a – Decoppet, Paris protestant, Paris, 1876, p. 230-231.
Malgré le zèle des pasteurs, l’œuvre méthodiste à Paris fut longtemps encore difficile et ses résultats peu considérables.
C’est ainsi qu’en 1844, quand Rostan y fut envoyé, « elle était encore à ses débuts et dans son enfance. » Les wesleyens attachaient cependant à ce poste une grande importance, car ils regardaient avec raison Paris comme « le cœur de la France, » et comprenaient que « toute œuvre qui veut prendre pied sérieusement sur le sol français doit ne rien épargner pour jeter ses racines dans cette capitale où se donnent rendez-vous les misères et les détresses du monde entierb. »
b – Lelièvre, Vie de Rostan, p. 395.
Toutefois, c’est bien dans la province et non à Paris que le méthodisme a remporté ses plus beaux succès et exercé son influence la plus étendue. Le biographe de Rostan, M. Matthieu Lelièvre, explique cette froideur du public parisien par la dispersion du troupeau dans la grande cité ; la cure d’âmes et l’activité pastorale sont difficiles, dit-il, dans ces conditions, et un réveil un peu général paraît, à vues humaines, à peu près impossiblec. Assurément il y a beaucoup de justesse dans ces observations ; cependant, soit qu’il ne faille pas trop généraliser des faits particuliers, soit que la pratique ait contredit la théorie, il est certain que de grands mouvements religieux se sont opérés à Paris et que le souffle du Réveil a passé sur ces multitudes.
c – Ibid., p. 414-415.
Ce n’étaient pas seulement les wesleyens qui avaient essayé de faire une œuvre d’évangélisation à Paris. Nous avons déjà parlé d’un Institut fondé dans la capitale, vers 1824, par les soins de Robert Haldane, et qui subsista quelques années. Cet établissement, dont la direction avait été confiée à François et Henri Ollivier, de Lausanne, était destiné à préparer des ouvriers pour l’évangélisation des pays de langue françaised. C’était pour parer aux funestes conséquences de la loi promulguée le 20 mai 1824 dans le canton de Vaud, loi qui avait obligé un certain nombre de pasteurs, ministres et étudiants en théologie à s’expatrier. Les jeunes gens étrangers étaient reçus au même titre que les Français dans cet Institut. Il devint bientôt un centre de réunions : aux cultes du dimanche, présidés par François Ollivier, assistaient non seulement les élèves, mais aussi quelques personnes du dehors ; l’enseignement était strictement orthodoxe, on chantait les cantiques de Malan, le culte était très simplee. Plus tard, en 1831, cette petite congrégation passa entre les mains de Pytf, envoyé par la Société continentale ; elle est devenue ensuite la communauté darbyste de Parisg.
d – Guers, Le premier Réveil, p. 287.
e – Martin Dupont, Mes impressions, p. 104.
f – Voir Guers, Vie de Pyt, p. 260, 343, 360.
g – Decoppet, Paris protestant, p. 239.
Notons encore les réunions tenues depuis 1818 par Méjanel, aidé en 1819 par Porchat. Le lieu de culte était dans un quartier voisin du jardin du Luxembourg. Pour y attirer plus de monde, Porchat avait imaginé un moyen qui se rapprochait assez des méthodes employées par Whitefield en Angleterre ; doué d’une voix agréable, il montait, le dimanche avant l’heure du service, sur un banc du jardin, non loin de la rue où se tenait la réunion et il chantait un des cantiques qu’il avait appris à Genève ; quand quelques personnes étaient rassemblées autour de lui, il prononçait quelques paroles d’appel, puis invitait son auditoire improvisé à le suivre au culte régulièrement établi dans le voisinageh. Plus tard, en 1823, Méjanel, ayant adopté entièrement les idées irvingiennes, en devint l’apôtre à Paris, comme d’ailleurs dans toutes les localités où il avait exercé son ministère.
h – Guers, Le premier Réveil, p. 254.
En 1815, le révérend Mark Wilks établit à Paris un culte anglais qui, à partir de 1830, eut lieu dans la chapelle Taitbout jusqu’en 1848 ; ce fut la chapelle anglaise congrégationaliste.
Un culte anglican fut célébré quelque temps à l’Oratoire, à partir de 1818i.
i – Voir Archives du christianisme, 1818, p. 128.
Un peu plus tard, en 1824, une véritable Église anglaise fut établie, rue de Chaillot, par le révérend Lewis Way, à ses frais, et placée sous la protection de l’ambassade anglaise. Cette Église, l’Église anglicane de Paris, s’est réunie, à partir de 1844, dans la chapelle de la rue Marbeuf, puis, dans celle de la rue de Morny. Henri Pyt y tint pendant quelque temps des réunions de semainej.
j – Decoppet, Paris protestant, p. 240-241. Guers, Vie de Pyt, p. 261 et 264.
Tels furent, pendant les premières années du siècle, les essais tentés par les chrétiens étrangers pour l’évangélisation de la capitale ; évidemment, les résultats n’ont pas répondu aux efforts ; c’était une autre voie que Dieu allait choisir pour l’accomplissement de ses desseins.
Les chaires nationales étaient occupées, vers 1825, par les pasteurs Marron, Jean Monod, Juillerat et Frédéric Monod.
Marron avait été le premier pasteur de l’Église réformée de Paris après la Révocation ; quand il vint dans la capitale, en 1782, ce fut pour y exercer son ministère comme chapelain de l’ambassade de Hollande ; sur les conseils et grâce à l’influence de Rabaut Saint-Etienne, il fut choisi comme pasteur par l’Église de Paris lors de sa réorganisation ; Au moment de la crise révolutionnaire, il eut une heure de faiblesse, que nous avons rappelée ; il fut cependant arrêté et n’échappa à la mort que grâce au 9 thermidor ; il reprit alors l’exercice de son ministère, en vivant de ses appointements comme traducteur au ministère des relations extérieures. Ce ne fut qu’en 1795 qu’il put reprendre ostensiblement ses fonctions ; il les exerça jusqu’en 1832k. Au point de vue religieux, il paraît avoir été « un moraliste emphatique et déclamateur, laissant à l’écart les grandes doctrines de la chute, du relèvement, ou du péché et de la rédemption. Il était de son siècle et ne le dépassait pasl. »
k – Voir Encyclopédie des sciences religieuses, art. Marron.
l – Martin Dupont, Mes impressions, p. 105.
Un arrêté du premier consul lui donna pour collègue Rabaut-Pommier et Mestrezat. Ce dernier, étant mort bientôt après, eut pour successeur en 1808 Jean Monod, le chef de la famille Monod. Jean Monod était pasteur à Copenhague depuis 1794. Il exerça son ministère à Paris pendant vingt-sept ans et succéda à Marron dans la présidence du consistoire. « Prédicateur distingué, il avait la voix sonore, le geste sobre et naturel ; il était grave, éloquent, correct, mais un peu froid. Il intéressait plus l’esprit que le cœur, plus l’intelligence que la consciencem. » Du reste, les luttes dogmatiques n’avaient pas encore fait leur apparition dans l’Église ; ni le surnaturel, ni la divinité de Jésus Christ n’étaient contestés ; c’est à peine si l’affaire Gasc en 1812, la question des confessions de foi, soulevée en 1824 à propos d’un concours pour deux chaires à Montauban, faisaient pressentir les graves débats qui allaient s’ouvrir : l’absence des grandes affirmations doctrinales doit donc moins nous surprendre dans les chaires évangéliques, et ne pas nous faire suspecter la foi des prédicateursn.
m – Martin Dupont, Mes impressions, p. 105.
n – Voir des fragments de sermons de Jean Monod dans les Archives du Christianisme, 1824, p. 312 ; 1830, p. 305.
Le second collègue de Marron avait été Rabaut-Pommier. En 1815, il fut remplacé par Juillerat-Chasseur, alors pasteur à Nîmes, véritable huguenot selon la tradition de la Réforme ; au moment des troubles de la Terreur blanche, il était à Nîmes, et précisément le 12 novembre, au milieu de l’effervescence provoquée par la réouverture du culte, il occupait la chaire. Une populace, ivre de sang, qui dans quelques minutes allait massacrer le général Lagarde, pénétra dans le temple ; des cris de mort se firent entendre, mais le pasteur, sans avoir un instant de faiblesse, poursuivit paisiblement ses prières : un tel courage désarma les assaillants qui se retirèrent frappés d’une si puissante et si chrétienne énergie. Juillerat dirigea pendant deux ans les Archives du christianisme, de 1818 à 1820. Sa prédication était fermement orthodoxe, mais ses discours eussent gagné à avoir plus d’onction et de vieo.
o – Voir Revue chrétienne, 1867, p. 245 et suiv.
En 1820, un pasteur adjoint fut nommé à Paris, principalement pour les hôpitaux et les prisons. Nous le connaissons déjà, c’est Frédéric Monod, le jeune étudiant de Genève, le disciple de Robert Haldane, l’ami de tous les hommes du Réveil. Fils aîné de Jean Monod, il avait vingt-six ans quand il arriva à Paris ; pendant douze ans il y remplit les fonctions de pasteur adjoint ; en 1832, il fut nommé pasteur titulaire. Il est presque superflu de dire quelles furent sa prédication et son influence ; homme du Réveil dans toute la force du terme, il porta dans les chaires de la capitale les doctrines à la fois anciennes et nouvelles du christianisme évangélique ; rédacteur des Archives du christianisme, il dirigea pendant quarante-trois ans cet organe de l’orthodoxie réformée avec un incontestable talent et une ardeur de conviction qui commandaient le respect de ceux-là même qui professaient des vues théologiques opposées aux siennes. Les diverses sociétés religieuses qui se fondèrent à cette époque le comptèrent parmi leurs membres les plus actifs et les plus dévoués, et le grand mouvement ecclésiastique qui amena la fondation de l’Union des Églises libres est dû, pour une large part, à son initiative. Sorti des cadres officiels, il fut, de 1848 à 1863, pasteur de l’Église évangélique de Paris, et mourut le 30 décembre 1863, après de longs mois de souffrances et de pénible inaction.
En 1830, Marron prit pour suffragant un homme qui devait jouer un grand rôle dans l’histoire de notre Église, Athanase Coquerel, alors pasteur à Amsterdam ; en mai 1832, il devint pasteur adjoint ; en septembre, pasteur titulaire. Son activité dans l’Église de Paris eut pour premier résultat l’ouverture d’un nouveau lieu de culte, à Batignolles, en 1835 ; il n’y en avait eu jusqu’alors que deux : l’Oratoire et Sainte-Marie. En 1848, Coquerel remplit un mandat politique à l’Assemblée constituante, et fut réélu en 1849 à la Législative. Homme de plume autant que de parole, il fonda trois journaux : le Protestant, le Libre examen et le Lien. Quant à ses opinions théologiques, on sait qu’elles furent toujours favorables au libéralisme dont Coquerel a été l’un des chefs les plus écoutés.
Enfin, en 1832, quand Coquerel fut nommé pasteur titulaire, on appela pour le remplacer, comme pasteur adjoint, Montandon, alors à Luneray. Il s’occupa spécialement des écoles du dimanche, pour lesquelles il avait un talent remarquable ; il a laissé des Récits de l’Ancien et du Nouveau Testament, et des Etudes, rédigées en vue des moniteurs, qui sont justement appréciés. Il prit part aussi aux travaux des sociétés religieuses, notamment à ceux de la Société biblique. « Orthodoxe, quant à ses opinions dogmatiques, il était libéral en matière ecclésiastique. Travailleur infatigable, souffrant sans se plaindre des divisions que l’esprit de parti avait créées au sein de l’Église de Paris, Montandon sut se faire respecter par l’indépendance de son caractère si droit et si sûr et par une inébranlable fidélité à ses croyances évangéliques et à ses convictions libérales que rehaussaient encore une exquise modestie et une bonhomie pleine d’amabilitép. »
p – Encyclopédie des sciences religieuses, art. Montandon.
L’Église de la Confession d’Augsbourg avait été réorganisée par le premier consul, en 1808 ; jusqu’en 1842, elle n’eut qu’un seul temple, celui des Billettes. Le décret qui rétablissait le culte luthérien nommait deux pasteurs : Boissard et Gœpp. En 1830, une nouvelle place fut créée : Cuvier vint l’occuper. Tous trois, doués d’une grande activité, contribuèrent beaucoup au relèvement de l’Eglise luthérienne à Paris ainsi qu’à la création des sociétés religieuses. Ils se concilièrent l’estime et l’affection de leurs collègues réformés, et se rencontrèrent fréquemment avec eux dans nombre d’œuvres communes.
En 1835, à la mort de Gœpp, on appela à Paris un pasteur qui mérite une mention spéciale, Verny. Il avait trente-deux ans, quand il fut nommé à la place de Gœpp. D’abord avocat, puis, poussé par la vocation intérieure au saint ministère, il suivit pendant deux ans les cours de la Faculté de théologie de Strasbourg. En 1830, il fut appelé à occuper le poste de principal du collège de Mulhouse ; ce fut pendant son séjour dans cette ville qu’il se lia avec Vinet, alors professeur de littérature à Bâle : « Vinet, disait Verny, m’a fait l’opération de la cataracte. » Il lui devait la claire intelligence de l’Évangile. En 1835, il vint à Paris et groupa aussitôt autour de sa chaire un public choisi et sympathique ; sa prédication, aussi riche de pensées que chaleureuse et édifiante, en fit un des orateurs du Réveil les plus goûtés. Vers 1840, il traversa une crise théologique provoquée par le désir de concilier la foi et la science, la libre recherche et la piété sincère et vivante. Il se mit en relations avec Rothe, Nitzsch, Tholuck, Jul. Müller, Neander, et, sous leur influence, s’éloigna de l’orthodoxie stricte du Réveil. Collaborateur du Semeur, de l’Espérance, de la Revue de théologie de Strasbourg, il menait de front ses travaux intellectuels et son ministère pastoral si rempli. On a de lui un Catéchisme, le Recueil de Cantiques en usage dans l’Église de la Confession d’Augsbourg de Paris, lesquels sont en majeure partie son œuvre. Il n’a publié lui-même que deux sermons ; son gendre, M. Ed. Robert, en a édité un volume en 1867.
« Ses lectures étaient immenses et il entretenait avec une foule d’hommes distingués, venus de tous les points de l’horizon, un commerce intellectuel des plus féconds. Le salon de M. Verny était recherché par tous ceux qui s’intéressaient au mouvement des idées dans tous les domaines ; lui-même était un causeur brillant et un excitateur infatigable. Simple, sérieux, bon, aimable, il savait se mettre à la portée de chacun ; seule, la légèreté lui répugnait absolumentq. » Il était resté partisan convaincu de l’union avec l’État et du rôle éducateur que sont appelées à jouer les églises de multitude. On sait quelle fin tragique fut la sienne : le 19 octobre 1854 il était en chaire, ouvrant par une prédication la session du consistoire supérieur, à l’église Saint-Thomas, à Strasbourg ; tout à coup, à la fin de son discours, il s’affaissa, frappé d’un coup d’apoplexie. Ce fut un deuil immense, non seulement pour l’Église de la Confession d’Augsbourg, mais pour tout le protestantisme français, et en particulier pour tous les amis du Réveil, dont Verny, malgré son évolution théologique, avait toujours prêché les doctrines essentiellesr.
q – Encyclopédie des sciences religieuses, art. Verny.
r – Voir la notice sur Verny dans les Etudes contemporaines de M. de Pressensé. Paris, 1880, p. 245 et suiv.
A côté de ces prédicateurs salariés par l’État et de ces cultes officiels, il y avait d’autres moyens d’édification, toujours sous la direction de chrétiens français.
C’était d’abord le culte célébré à la Maison des Missions, qui avait été fondée le 4 novembre 1822. Son premier directeur, Galland, présidait un service dans la Maison le dimanche à midi : « Ce service était franchement évangélique et d’une saine et riche édification… Court et substantiel, vigoureux et onctueux à la fois, il allait à l’âmes. »
s – Martin Dupont, Mes impressions, p. 105.
En 1826, Galland fut remplacé par Grandpierre, qui continua l’œuvre commencée et lui donna même une extension qu’on n’aurait pas pressentie aux premiers jours. Originaire de Neuchâtel, Grandpierre avait débuté comme pasteur dans l’Église française de Bâle, en 1823. Elle était en plein réveil quand il la laissa, avec un grand déchirement, pour répondre à l’appel qui lui était adressé de Paris. Mais une œuvre nouvelle et non moins intéressante l’attendait dans ce champ de travail.
« C’étaient de beaux temps que ceux-là, non seulement pour la piété, mais pour la civilisation elle-même. Le vent de 89 soufflait de nouveau sur la France, et on ne prévoyait pas les tempêtes. Les idées libérales étaient défendues avec éclat, à la tribune, dans la presse, à la Sorbonne… On attendait des jours heureux. La Révolution de 1830 pouvait faire naître les craintes ; elle augmenta les espérances. C’était comme une nouvelle jeunesse de la France. La France était contente et confiante. L’avenir semblait lui sourire. Ces années sont les plus belles du siècle pour notre pays. La vie, une vie généreuse, coulait à pleins bords dans les âmes. La religion aussi semblait renaître. Elle connaissait de nouveau l’enthousiasme, et l’ambition lui revenait avec la foi. Elle rêvait de conquêtes : l’Évangile s’emparerait de nouveau des âmes, pourvu qu’on le fit sortir des cadres officiels. La France était mûre et prête pour un meilleur sort religieux, mais il fallait dépouiller le christianisme de tout costume sacerdotal et lui rendre son caractère laïquet. »
t – Pédézert, Souvenirs et Etudes, p. 13-14.
Ainsi pensaient nombre de chrétiens de l’époque ; le culte célébré à la Maison des Missions leur parut le commencement d’une œuvre d’un genre nouveau ; mais le local était éloigné et insuffisant. Il fallait trouver mieux.
Les bonnes volontés ne faisaient pas défaut ; une véritable élite chrétienne était en train de se former dans l’Église de Paris. « Dès 1828, et même antérieurement, des réunions avaient lieu le jeudi soir alternativement chez Mesdames Wilks, Waddington, Frédéric Monod, Jules Hollard, de Pressensé et Lutteroth. Voici ce que M. Lutteroth écrivait le 9 février 1828 : « Les réunions du jeudi nous rapprochent beaucoup les uns des autres. Nous sommes sur un pied d’intimité qui augmentera sans doute encore, et qui rendra ces assemblées toujours plus douces. Il y règne une grande cordialité. On voit que chacun est prêt à aimer de cœur et à le prouver. Il n’y a pas de soirées où j’éprouve un si grand calme, un si grand oubli de moi-même. Il me semble que pendant ces deux heures que nous sommes réunis, nous avons tout mis en commun. » — Ces réunions étaient parfois fort nombreuses. On y voyait entre autres Mme de Saint-Aulaire et Mme Petit. « Elles étaient consacrées, dit encore M. Lutteroth dans une note manuscrite, à des entretiens sur un sujet religieux introduit par l’une des personnes qui y assistaient, et elles servaient à former des relations plus intimes entre les participants… Elles furent aussi le point de départ d’une activité commune et en particulier de l’œuvre des chapelles inaugurée après la Révolution de 1830, en divers quartiers de Parisu. »
u – Une Église séparée de l’État. Paris, 1890, p. 6 et 7.
Le premier dimanche d’octobre 1830 on ouvrit un lieu de culte, rue Taitbout, no 4, dans une petite salle occupée dans la semaine par un maître d’école. Le Comité, qui dirigeait cette entreprise, était composé de Mark Wilks, ce révérend anglais qui prit une si grande part à l’œuvre du Réveil à Paris, de MM. de Valcourt, Victor de Pressensé, Waddington et Lutteroth. « Ils voulaient annoncer la bonne nouvelle du salut dans sa divine simplicité à ceux de leurs concitoyens que l’indifférence, l’esprit de doute ou les préjugés nourris par le catholicisme tenaient éloignés des sanctuaires. Ils appelèrent pour diriger l’œuvre nouvelle M. Audebez, de Nérac, qui fut secondé bientôt par M. Grandpierre… Bientôt l’affluence toujours grandissante des auditeurs qu’attirait ce culte si intime et si puissant, les contraignit de chercher un local plus grandv. »
v – Decoppet, Paris protestant, p. 184.
On se transporta alors à la salle des Galeries de fer, boulevard des Italiens, ouverte au printemps de 1831. Le 20 janvier 1833, on loua enfin une salle de concert, occupée en dernier lieu par les saint-simoniens, et qui était située rue Taitbout, 9. De là le nom de chapelle Taitbout, qui a été conservé à la chapelle bâtie, sept ans plus tard, dans la rue de Provencew.
w – Voir la Dédicace de la nouvelle chapelle Taitbout, rue de Provence, no 44, le 3 mai 1840, par Grandpierre. Paris 1840.
Une autre chapelle fut ouverte faubourg du Temple, dans une maison où l’on établit aussi des écoles pour six cents enfants.
Alors commencèrent les beaux jours du Réveil à Paris. La chapelle du faubourg du Temple était fréquentée par des auditeurs modestes, appartenant à d’humbles classes de la société : « Là, vous voyez plus de blouses que d’habits et plus de sabots que de souliers. Les familles des fondateurs et les maîtres des écoles sont presque les seuls protestants dans l’assemblée, qui ne se compose d’ailleurs que de catholiques, mais au milieu de laquelle se forme déjà, par la grâce de Dieu, un petit noyau chrétien. »
A la chapelle Tailbout se réunissait au contraire un auditoire choisi : là venaient l’amiral Ver-Huell, Stapfer, le duc de Broglie avec sa femme, la noble fille de Mme de Staël, le comte et la comtesse Pelet de la Lozère, Mme André, Mme Jules Mallet, Mlle de Chabaud-Latour, le docteur Lamouroux, le comte de La Borde.
« Samuel Vincent, tout libéral qu’il était, venait s’édifier à la chapelle Taitbout, où il entendait, assurait-il à un ami, la prédication la plus chrétienne et la plus belle de Paris. Le pieux abbé Martin de Noirlieu y vint aussi un jour, et il exprima à celui qui l’y avait amené le regret que M. Grandpierre ne prêchât pas dans quelque grande Église catholique de la capitalex. »
x – Pédézert, Souvenirs et Etudes, p. 15.
Assurément, les pasteurs étaient dignes de l’auditoire ; mais aussi, quel auditoire pour inspirer et encourager les pasteurs !
« Le moment était heureux pour faire des prosélytes. Beaucoup d’esprits généreux, agités de cette inquiétude vague, de cette soif de l’inconnu qui avait fait l’éphémère popularité du saint-simonisme, comprenaient, en présence de ses ruines, l’impuissance des doctrines périssables et la chimère des rêves, qu’ils voient éclore ; ils contemplaient, désabusés, confus, mais altérés encore, ces tristes débris, comme le voyageur s’arrête auprès des restes d’une citerne desséchée. Tout à coup, du lieu même où avaient retenti ces terrestres promesses, une voix nouvelle s’élève, une voix de consolation et de paix pour le cœur troublé par le combat de la vie ; une voix qui parle de péché et de pardon, de repentir et de foi, de sainteté et d’espérance ; une voix qui annonce les réalités morales qui sont dès ici-bas la récompense du croyant. Il serait difficile à ceux qui n’en ont pas été témoins, de se faire une idée du succès brillant et de l’éclat fécond qui entourèrent, à cette époque, la chaire de M. Grandpierre. De cette prédication à la fois neuve et sobre un grand nombre d’entre nous datent la joie de ces premières perspectives intellectuelles, qu’on salue d’abord avec un juvénile enthousiasme, comme nous livrant la clef de tous les mystères, mais pour lesquelles on devient trop facilement ingrat, lorsque la suite nous a fait connaître des expériences plus avancées. L’écho de cet enseignement remarquable se propagea et fit sensation dans les sphères les plus recherchées du monde parisien. On vit des ministres du roi, mais des hommes en qui la distinction de l’esprit surpassait l’élévation du rang, venir, quand leur sortie du pouvoir les rendait à la liberté, prendre part à ce culte si peu officiel, et sur la porte duquel on pouvait lire, en entrant, ces mots : Culte non salarié par l’Étaty. »
y – Revue de théologie de Strasbourg, 1855, Le progrès des convictions individuelles au sein du protestantisme en France et en Suisse depuis 1830, par Charles Ver-Huell, p. 228-229.
Mais ce n’étaient pas seulement des succès littéraires qui signalaient le ministère des pasteurs, c’étaient de vrais succès religieux, des encouragements de bon aloi : « Il y avait là un foyer de vie. Le plaisir était égal de prononcer ou d’entendre les discours. A certains jours, la prédication était moins un combat qu’une fête. Ceux qui, la lisant aujourd’hui, auraient de la peine à en comprendre l’effet, doivent se dire que sa puissance tenait à un état moral que le temps a bien changé. C’était le plein épanouissement du Réveil. La température religieuse était très haute. L’Orient d’En Haut envoyait ses rayons ardents sur l’Église. En ces heureux jours et dans cette salle commencèrent à être chantés ces beaux cantiques que tant d’Églises chantent aujourd’hui, et dont le charme alors était d’autant plus grand qu’il était tout nouveau. Nous n’eûmes d’abord que quelques cantiques entre les mains, mais l’essai réussit si bien et l’innovation était si heureuse que le recueil des Chants chrétiens ne tarda pas à paraître. N’est-ce pas un beau don de l’ancienne chapelle Taitbout à nos Églisesz ? »
z – Pédézert, Souvenirs et Etudes, p. 15 et 16.
« On ne saurait croire les sentiments qu’éveille en ceux qui ne les ont point entendus depuis plu- sieurs années le souvenir de ces chants ; nous assistons encore de loin au temps de leur première apparition, lorsque les riches accents de voix admirées répondaient si bien à la religieuse émotion d’un auditoire pénétré. La fraîcheur de ces impressions ne revivra peut-être jamais dans un autre public, et celui qui a connu ces beaux jours a bien perdu de sa naïve assurance.
Mais alors c’était le premier enthousiasme d’une foi récemment allumée. On comprenait, à une influence particulière émanant de l’assemblée, que la plupart de ceux qui en composaient le fonds se trouvaient là en raison de besoins religieux satisfaits ou éveillés, et que le reste venait attiré par l’effet d’une rencontre si rare. L’un avait senti, parmi les joies de la terre, ce vide que rien ne comble, et la coupe écumante des plaisirs lui avait révélé une inamissible amertume. Un autre avait été frappé dans ses affections de coups terribles et répétés qui avaient arraché un voile de ses yeux. Celui-là, tout appliqué à la science, n’avait recueilli que le doute ou l’angoisse, au lieu des solutions que réclamait son intelligence. Celui-ci, livré aux occupations industrielles ou mercantiles, honteux des soucis qui dépriment jusqu’au néant l’âme immortelle, avait salué avec transport la perspective d’une carrière spirituelle et sans limite qui allait dès à présent ennoblir son existence autant qu’elle avait été jusqu’alors abaissée. Tous se pressaient avidement autour de cette parole qui avait découvert le chemin de leur cœur, qui les avait déjà soulagés et promettait de les consoler encore. Vis-à-vis du reste de l’auditoire, leur seule présence semblait une profession, et l’orateur qui expliquait les vérités de l’Évangile paraissait n’être que leur interprète pour confesser leur foi à la face du mondea. »
a – Revue de théologie de Strasbourg, 1855, art. cité, p. 231-232.
Mais encore n’étaient-ce pas seulement les cultes qui étaient pleins d’entrain et de vie, c’était toute la vie elle-même qui était changée et qui prenait une direction nouvelle. On eût dit l’ancienne austérité des pères reparaissant avec leur ancienne foi ; plus de bals, de spectacles, de fêtes bruyantes ; le culte de famille en tenait lieu. Dans cette société si brillante, appartenant par sa naissance et par son rang aux sphères les plus élevées, la préoccupation du salut des âmes, la sollicitude envers les faibles et les souffrants avaient remplacé les vanités et les plaisirs mondains. Qu’on lise, par exemple, la Vie de Mme André Walther, on y verra ce qu’était cette piété si profonde et en même temps si joyeuse, cette piété qui inspirait les Chants chrétiens et qui donnait l’élan à tant d’œuvres d’évangélisation et de charité : « Depuis le moment où, par ma conversion, dit Mme André, j’ai senti toutes choses vieilles devenir nouvelles pour moi, j’ai compris toute la vanité des choses humaines, le danger des influences et des œuvres du monde derrière lesquelles Satan dresse ses embûches, et j’ai goûté la joie de me sentir affranchie par le Seigneur, sinon du péché, du moins de son esclavage… Je voudrais détacher du monde tous ceux que j’aime, et les amener au pied de la croixb. » Tout le Réveil est dans ces deux mots : être converti, affranchi soi-même du péché ; — travailler à convertir, à affranchir les autres ; l’expérience chrétienne et l’amour des âmes, voilà l’œuvre bénie de l’Évangile dans tous les temps. Nulle société et nulle époque ne l’ont mieux compris que la société protestante de Paris en 1830.
b – Mme André Walther, p. 187-189.
C’est l’honneur de la chapelle Taitbout d’avoir réuni dans ses murs une telle élite.
Bientôt une seule prédication, le dimanche matin, parut insuffisante ; des services furent établis le soir ; on souhaitait vivement aussi ouvrir une chapelle dans le quartier latin et atteindre par là la jeunesse des écoles. Jusqu’en 1839, on ne distribua pas la sainte Cène, l’œuvre étant avant tout une œuvre d’appel, une œuvre missionnaire. Le local servait aussi de lieu de réunion pour les assemblées générales des diverses sociétés religieuses, et Mark Wilks y prêcha, depuis 1830, tous les dimanches, en anglais. Ajoutons qu’on avait établi, rue de la Paix, une librairie protestante, qui rendit de grands services.
Le 19 mars 1839, l’ancien comité fit place à un comité plus vaste, composé de douze membres laïques et des pasteurs en fonctions. On rédigea à cette occasion un règlement dans lequel étaient inscrits, comme principes essentiels de l’œuvre réorganisée, la fidélité à la doctrine chrétienne, telle qu’elle est contenue dans la Confession de foi de 1559, à l’exclusion de l’article 39, qui attribue au magistrat le droit de réprimer et de punir les infractions à la première et à une partie de la seconde table du Décalogue ; — la profession individuelle de la foi, — l’indépendance vis-à-vis de l’État, — enfin le devoir d’annoncer l’Évangile généreusement et largement, c’est-à-dire le multitudinisme uni à l’individualisme.
Un nouveau pasteur, M. Lagier, avait été adjoint à MM. Audebez et Grandpierre, en 1838. Dès 1839, la sainte Cène fut célébrée, des mariages furent bénis, des baptêmes administrés. C’était donc une véritable Église. En 1840, elle se transporta dans la chapelle de la rue de Provence ; quelques mois après, M. Lagier, étant tombé malade, fut remplacé par M. Louis Bridel, pasteur démissionnaire du canton de Vaud, mais déjà à Paris, au service de la Société Evangélique, comme directeur de son école normale. « Louis Bridel était l’objet d’une approbation vive et sympathique. Comme homme et comme chrétien, il possédait à un haut degré l’élévation, la fermeté, la droiture, la franchise, la largeur d’esprit et de cœur et la libéralité. Mais ce qui formait peut-être le caractère le plus prononcé de sa personnalité, c’était l’activitéc. »
c – Encyclopédie des sciences religieuses, art. Bridel.
Cette évolution de la chapelle Taitbout vers des conceptions ecclésiastiques nouvelles, opérée évidemment sous l’influence des idées de Vinet, allait la priver d’un de ses pasteurs, M. Grandpierre. Il ressentit des scrupules à suivre ce mouvement ; des raisons de santé et de surcroît de travail s’ajoutèrent à ces motifs d’ailleurs parfaitement avoués, et malgré l’insistance affectueuse du comité, qui désirait vivement le retenir, il donna sa démission de pasteur de la chapelle Taitbout, et fut nommé dans l’Église nationale, à Batignolles ; il y resta quelques années, et enfin fut appelé à l’Oratoire.
A Taitbout, on le remplaça par M. Louis Bridel, qui fut chargé de toutes les fonctions de son prédécesseur, et on appela, pour renforcer le corps pastoral, M. Cambon, de Marennes, qui ne resta guère que six mois, — M. E. de Pressensé, qui accepta pour l’hiver 1845-46, — enfin, en avril 1846, M. Paul Burnier, pasteur démissionnaire du canton de Vaud. En 1847, on s’adjoignit de nouveau M. E. de Pressensé, qui, outre sa tâche pastorale, entreprit une œuvre de conférences apologétiques qui eut un vif succès.
Dans le cours de la même année, une association fut conclue entre les églises évangéliques de Bordeaux, Castetarbe, Lyon, Lanougarède, Paris et Saint-Etienne ; ce fut le berceau de l’Union des Églises libres fondées en 1849.
Nous ne quitterons pas la chapelle Taitbout sans dire un mot des Églises qui en sont issues, bien que leur constitution ait eu lieu après la date que nous nous sommes imposée comme terme de cette étude : telles, la chapelle et les écoles de la rue Saint-Maur, constituées en Église, en 1856, sous la direction de M. le pasteur Lenoir ; — la chapelle et les écoles du faubourg Saint-Antoine, constituées en Église, en 1858, avec M. le pasteur Byse ; — l’Église évangélique du Luxembourg, née d’une œuvre d’évangélisation, commencée en 1850, rue Servandoni, par MM. les pasteurs Louis Bridel et E. de Pressensé, et MM. Keller, Rosseuw Saint-Hilaire et Vulliet, ancien de l’église Taitbout ; elle a été constituée en église, en 1862 ; les pasteurs de Taitbout ont prêché au Luxembourg jusqu’en 1867, époque à laquelle l’Église a appelé M. le pasteur R. Hollard pour la diriger ; — la chapelle du Centre, fondée en 1858, par la Société Evangélique, sous la direction de M. le pasteur Sandoz ; interrompue pendant quelque temps, puis reprise, en 1861, par M. le pasteur Fisch et M. Keller, cette œuvre revint sous le patronage de la Société Evangélique-, qui la plaça sous la direction de M. le pasteur Byse et de M. Marchal, évangéliste ; en 1867, elle se constitua comme section de l’Église Taitbout, sous la direction spéciale de l’un de ses pasteurs, M. G. Fisch ; — enfin l’œuvre d’évangélisation des Batignolles, fondée en 1865, par lady Harriett Cowper, et rattachée, en 1868, à l’église Tait-bout, à titre de section d’église ou d’annexéd.
d – L’église Taitbout entreprit aussi une œuvre de colportage.
On le voit, les fondateurs de l’église Taitbout n’avaient pas trop présumé de l’avenir, en comptant que la bénédiction de Dieu reposerait sur leurs efforts. Ils ont reçu, selon la parole de l’apôtre, au delà de ce qu’ils pouvaient espérer et penser !
En vérité, il y a peu d’histoires aussi fortifiantes et encourageantes que celle de ce Réveil parisien.
Combien étaient-ils de vrais chrétiens, en 1825, au sein de la grande Babylone ? Quelques-uns à peine, timidement réunis dans quelque salon ou dans une chambre de la Maison des Missions, et pourtant nous avons vu quel fut le couronnement de leurs travaux et la récompense de leur foi. Ils ont atteint les classes élevées de la société où les soucis des richesses, les distractions mondaines, l’amour du luxe entravent si souvent le ministère évangélique et le rendent infructueux ; ils y ont produit un vrai réveil de la foi et de la vie, et lors du cinquantenaire de la fondation de la chapelle Taitbout, le 6 mai 1890, M. de Pressensé pouvait appliquer à leur histoire cette parole que Vinet adressait, en 1844, à Lausanne, à un groupe infime de chrétiens : « Vous n’êtes qu’une poignée, mais ne doutez pas de l’avenir. Vous avez la vérité pour vous, et la vérité, c’est Dieu mêmee ! »
e – Une Église séparée de l’Etat, p. 85.