Propos sur le temps

LES JOURS OUVRABLES

Tout ce que vous faites, faites-le… comme pour le Seigneur, et non pour des hommes, sachant que vous recevrez du Seigneur l’héritage en récompense. Servez Christ le Seigneur.

Colossiens 3.23-24

— Monsieur, le travail que je faisais hier en trois heures, maintenant que je suis chrétien, je peux le faire en… deux heures.

Cet aveu, émanant de l’ouvrier qu’il redoutait le plus dans l’usine, laissa le patron abasourdi. Il n’en croyait pas ses oreilles. Et pourtant, devant lui, c’était bien son employé, un syndicaliste militant, étranger à toute piété. Sa bête noire, quoi ! Quelques jours auparavant, cet homme avait assisté à des réunions d’évangélisation que nous présidions en équipe dans une cité ouvrière. Un soir, cédant au Saint-Esprit, il résolut de changer de vie : il confessa ses péchés et reconnut en Jésus son Sauveur.

L’étonnement fut grand dans l’usine, car le nouveau converti s’affirma disciple de Jésus-Christ dès le début. S’il eut toujours à cœur de défendre les intérêts de ses compagnons, il le fit désormais dans un tout autre esprit.

Il est dans la ligne de l’Évangile que je me montre honnête et sérieux dans mon travail, même si je dois être incompris de mes collègues. C’est une certaine façon de racheter le temps. A une époque où le droit de grève n’existait pas, l’apôtre, s’adressant aux salariés de tous les temps, écrivait : Obéissez à vos maîtres, comme des serviteurs du Christ, qui font de toute leur âme la volonté de Dieu. Servez-les de bon gré comme si vous serviez le Seigneur et non les hommes (Éphésiens 6.5-7).

Sans doute objectera-t-on qu’il n’est pas toujours facile de faire toutes choses de bon cœur (Colossiens 3.23). Certes, il y a des tâches exaltantes que l’on exécute avec passion. Edison ne disait-il pas : « Je n’ai jamais travaillé de ma vie. C’était tellement gai ! » Hélas ! Tous les travailleurs n’en sont pas là. La tâche, parfois fastidieuse et pesante, ne répond pas nécessairement aux vœux et aux qualifications de l’employé, surtout en période de chômage. Toute activité qui devait être à l’origine source de joie et occasion d’aller à la découverte de son Créateur, est devenue, à cause de la chute, une souffrance et une malédiction : C’est avec peine que tu en tireras (du sol) ta nourriture… C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain (Genèse 3.17-19).

Alors, peut-on chanter et faire éclater sa joie lorsqu’on peine du matin au soir, courbé devant des machines bruyantes et malodorantes ? Non, bien sûr… à moins que le Seigneur ne vienne illuminer les ombres de notre service ? Puisque l’apôtre Paul était en mesure d’exalter son Dieu dans les chaînes et l’injustice, ne serai-je pas rendu capable d’en faire autant à l’usine, au bureau ou dans les champs, pourvu que je refuse de cultiver ma rancœur et considère surtout que je suis au service du Seigneur, même sur mon lieu de travail ?

Mon temps sera gaspillé si je besogne à contrecœur, uniquement pour gagner ma vie. Je le « rachèterai » et serai certainement apaisé si j’œuvre comme pour le Seigneur et non pour des hommes, sachant que je recevrai du Seigneur l’héritage en récompense (Colossiens 3.23-24). Dans l’exercice de ma profession (que je sois agriculteur, artisan, cadre, ouvrier), à la maison (la mère au foyer) ou à l’église, je suis serviteur de Dieu vingt-quatre heures sur vingt-quatre et cela sept jours sur sept. L’Écriture insiste à plusieurs reprises sur cette vérité (Éphésiens 6.6 ; 1 Pierre 2.18-19 ; Tite 2.9-10). Même s’il vous en coûte, recevez de telles paroles sans y ajouter le « oui mais » qui exprime un refus. Dieu veut le meilleur pour nous. Après tout, n’est-il pas plus tonique de chanter que de ruminer l’injustice ? L’irritation et la haine ont des répercussions certaines sur l’organisme et la santé.

Suis-je éprouvé dans mon activité professionnelle ? Au lieu de céder à la pitié de soi ou de faire chorus avec ceux qui maugréent – ce qui ne change rien à rien et empoisonne la vie – je m’adresserai à Dieu pour lui confier ma peine et lui demander de m’accorder, avec l’apaisement, la capacité de bénir même ceux qui m’’affligent. Je serai d’autant plus stimulé à suivre cette voie que je fixerai les yeux sur la rémunération à venir. La Bible ne dit-elle pas que quiconque agit de bon cœur recevra du Seigneur l’héritage pour récompense ? Si le salaire que je perçois présentement ne répond pas à mon attente (mais rien ne m’empêche d’intervenir avec sagesse auprès de mon employeur), je me persuaderai qu’il y a un salaire à venir. Cette pensée me soutiendra. S’adressant à des salariés, ayant affaire à des maîtres injustes et d’un caractère difficile, Pierre ose écrire : C’est une GRÂCE que de supporter des peines par motif de conscience envers Dieu (1 Pierre 2.19), lorsqu’on souffre injustement. Quant aux patrons, il nous semble utile ici de signaler que la Bible leur recommande :

  1. De respecter leurs employés : Quant à vous, maîtres (ou chefs d’entreprise)… ABSTENEZ-VOUS DE MENACES, sachant que leur Maître et le vôtre est dans les cieux et que devant lui il n’y a pas de considération de personnes (Éphésiens 6.9).
  2. D’accorder à leur personnel un salaire raisonnable et des conditions de travail acceptables : Maîtres, accordez à vos serviteurs ce qui est JUSTE ET EQUITABLE (sans doute un salaire qui tient compte du coût de la vie et des bénéfices réalisés dans l’affaire), sachant que, vous aussi, vous avez un Maître dans le ciel (Colossiens 4.1).

Même s’ils ne sont pas les plus nombreux, il y a des gens tellement pris par une activité passionnante qu’ils en oublient la réalité et se montrent déraisonnables. Une épouse que je visitais se plaignait des absences prolongées de son mari : « Il passe sa vie dans son atelier. Son travail l’intéresse au point qu’il en oublie de manger et surtout de donner du temps à sa famille. Je dois toujours l’attendre et réchauffer son repas plusieurs fois. C’est éprouvant. » D’autres, grisés par la réussite, attirés par l’appât du gain ou talonnés par une clientèle exigeante, multiplient les heures supplémentaires. « Le travail commande », soupirent aussi les agriculteurs qui peinent de l’aurore au couchant. Les médecins, les pasteurs et beaucoup d’artisans ne savent trop où situer les limites de leur activité. En déclarant : « A chaque jour suffit sa peine », Jésus rappelle qu’il est sage de fixer des bornes à son activité. J’ai connu un P.-D.G. dont l’entreprise, très florissante, l’absorbait toujours davantage. Il résolut alors de céder une partie de son affaire pour se consacrer davantage au Seigneur. Cet homme de Dieu avait à cœur de « racheter le temps ».

On a comparé l’Ancien Testament à un livre d’images destinées à faire comprendre les vérités spirituelles énoncées dans le Nouveau Testament. C’est vrai. Il nous semble par exemple que le rituel relatif aux pains de proposition illustre et précise ce que devrait être toute activité d’un croyant soucieux de servir Dieu, même dans sa vie professionnelle.

Les douze pains : Jadis en Israël, le sacrificateur de service apportait à chaque sabbat, dans le lieu saint du Tabernacle, douze pains frais qu’il disposait en deux piles sur la table des pains de proposition débarrassée au préalable des pains de la semaine écoulée. Ces douze pains me paraissent, entre autres (1), évoquer d’une façon saisissante l’activité du croyant. Si l’on songe à tout ce qu’exige de travail la confection de ces miches depuis le moment où la graine est jetée dans les sillons d’une terre fraîchement labourée, jusqu’au moment où le boulanger sort les miches de son four, que de peines et de manipulations !

(1) Sans doute ces pains représentent-ils le Christ « pain de vie » (Jean 6.35). Il est la nourriture parfaite et suffisante dont notre âme a besoin. Il a été rompu (sur la Croix) et maintenant, chaque enfant de Dieu est invité à « le manger » pour vivre de sa vie (Jean 6.51). Ce pain symbolise aussi la communion ininterrompue que le peuple racheté expérimente avec son Dieu. Le chrétien ne peut vivre d’expériences passées (le pain de la semaine écoulée), mais il doit demeurer en communion avec son Seigneur (le pain sans cesse renouvelé).

Ces pains nous enseignent que toute œuvre devrait être :

1. Offerte à Dieu avant de procurer un quelconque profit (les douze miches restaient sur la table devant l’Éternel toute une semaine avant d’être consommées, Lévitique 24.8). Au bureau, à l’usine, dans les champs comme à la maison, je veux travailler d’abord pour le Seigneur et pour sa gloire (Colossiens 3.17). Qui besogne dans cet esprit sera gardé de bâcler sa tâche, de maugréer ou d’entreprendre ce que Dieu ne peut approuver.

2. Accomplie avec prière et louange, ce qui m’évitera de ressasser ma peine ou de « faire des heures » à contrecœur. Le prêtre saupoudrait d’encens chaque pile afin que ce pain soit comme une offrande devant l’Éternel (Lévitique 24.7). Selon l’Écriture, l’encens est le symbole de la prière et de l’adoration : Que ma prière monte devant ta face comme l’encens ! (Psaumes 141.2 et Apocalypse 8.3)

3. Exécutée avec soin. L’emploi de la fleur de farine pour la confection de ces pains me rappelle que je devrais m’appliquer à fournir un travail bien fait, comme s’il était destiné à Dieu lui-même ou à un haut personnage (la fleur de farine était employée dans l’Antiquité pour la nourriture des rois ou des hôtes de marque, Genèse 18.6).

4. Avec zèle et diligence. Contrairement à ce que nous laissent croire certains croquis, les pains de proposition n’étaient pas de « petits pains », mais de grosses miches, faites chacune de sept litres de farine (2/10e d’épha). Deux miches couvraient entièrement la table. Un détail qui ne devrait pas échapper aux négligents et aux paresseux. Ces gens-là ne sauraient plaire à Dieu : Ayez de l’empressement et non de la paresse (Romains 12.11).

5. Limitée. Quoique très actif, le chrétien doit accepter de limiter sa tâche comme nous l’avons dit plus haut. Certes, les pains sont gros… mais calibrés, c’est-à-dire ni trop petits, ni démesurés. Ceux qui arguent que « le travail commande », pour y consacrer plus de temps qu’il ne faut – sauf dans des situations exceptionnelles – ne sont pas raisonnables. Ils attristent sûrement le Saint-Esprit et éprouvent leur entourage. A chaque jour suffit sa peine (Matthieu 6.34). Mais pas plus. En vain vous levez-vous matin, vous couchez-vous tard, et mangez-vous le pain d’affliction ; (l’Éternel) en donne autant à son bien-aimé pendant qu’il dort (Psaumes 127.2).

6. Interrompue. Dieu n’a pas ordonné aux sacrificateurs de disposer sur la table deux piles de… sept pains mais deux piles de six. Soit deux pains par jour (le travail du matin et celui de l’après-midi étant d’ordinaire séparés par une halte au milieu du jour) durant les six jours ouvrables de la semaine, le septième étant consacré au repos et à l’adoration : Tu travailleras six jours et tu feras tout ton ouvrage (Exode 20.9). Je veux observer le jour du repos hebdomadaire pour le sanctifier afin d’être rendu capable d’accomplir avec joie toute ma tâche. A la gloire de Dieu.

Examinons notre activité à la lumière des douze pains.

QUESTIONS

  1. Faites-vous un travail pénible, donc éprouvant ? Comment le vivez-vous ? Avec grogne et en revendiquant sans cesse ?
  2. Avez-vous conscience de bien accomplir votre tâche ?
  3. Quels sont vos sentiments à l’égard du patron ? Des cadres ? Des collègues ? N’y a:t-il rien à modifier dans votre comportement ?
  4. Que pensez-vous de l’expression : « Comme servant le Seigneur » ? Accepteriez-vous désormais de considérer votre travail comme un service pour Dieu ? Que le Seigneur vous en rende capable. L’essentiel est d’y consentir.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant