Cette différence de degré peut se trouver entre des passages du même livre ; elle se trouve nécessairement entre l’Ancien et le Nouveau Testament ; car si l’œuvre que ces deux livres ensemble nous retracent est une œuvre unique, c’est aussi une œuvre progressive.
Elle est unique, puisque Dieu n’a jamais voulu qu’une chose, le rétablissement de son image dans l’homme, la formation d’un peuple qui fût à lui ; unique, puisque les mêmes principes pénètrent toutes les parties de la Bible : en Dieu, comme fait, la sainteté et l’amour ; en l’homme, comme loi de sa vie, l’obéissance et la foi.
Sous le premier rapport, vous voyez, dès la chute, tout préparé, tout concerté pour la réhabilitation.
Sous le second rapport, vous voyez inculquer avec force et perpétuellement les principes sur lesquels s’édifie toute la doctrine évangélique. [Le christianisme est plus ancien que le judaïsme, la foi en principe plus ancienne que la loi. Paul fait retourner les Hébreux tout au travers de la loi jusqu’à la foi d’Abraham.] La loi n’a fait que « survenir ». (Romains 5.20.) Survenir n’est pas interrompre, mais n’est pas non plus commencer.
Mais cette unité, [ai-je dit,] a la forme du progrès. On va du moins au plus, soit dans l’œuvre, soit dans le principe. Cette progression est celle d’un germe, qui ne s’accroît pas par superposition du dehors, mais qui produit du dedans même tout son développement successif.
Il y a, dans l’Ancien Testament, des principes posés, une attente excitée, un besoin créé : principes auxquels l’Évangile a donné un corps, attente qu’il a réalisée, besoin qu’il a satisfait. C’est dire d’avance que de l’Ancien Testament au Nouveau, on va du moins au plus. Si on ne va pas en effet du moins au plus, on ne comprend pas la nécessité d’un temps d’arrêt, ni la raison de deux économies. À quoi bon la seconde, si tout se trouve dans la première ?
On peut dire que tous les éléments du Nouveau Testament se trouvent dans l’Ancien, mais enveloppés, manquant de précision, de perfection, et enfin n’étant pas consacrés par les faits avec autant de puissance que dans le Nouveau Testament.
Mais enfind ils sont consacrés dans les faits : ils se présentent d’entrée sous cette forme.
d – Le morceau qui commence ici et qui se termine par les mots : « … la couleur et le relief manquent, » est noté, dans le manuscrit principal du Cours d’Homilétique, d’un signe qui n’est pas expliqué, mais qui semble indiquer que Vinet avait l’intention de le revoir. Voici d’ailleurs comment il l’a résumé dans un manuscrit plus récent, mais fort abrégé : « Tout ce qui est élémentaire dans la vérité est exprimé de la même manière et avec la même force dans les deux livres ; mais au delà, la différence commence, et elle est considérable. Il ne faut pas prêter à des textes de l’Ancien Testament un degré de spiritualité qu’ils n’ont pas et qu’ils ne peuvent avoir. »
Dieu consacre par un fait l’idée de son unité, en localisant sa présence, quoique son action soit représentée comme universelle, et sa nature comme spirituelle. Il consacre sa providence par le fait de l’adoption, protection et direction d’un peuple particulier.
Il consacre sa souveraineté en faisant tout converger à lui, jusqu’au moindre détail, dans le gouvernement des choses extérieures. (Théocratie, Dieu jaloux.) Il consacre sa justice par les peines et les récompenses.
Il consacre le principe d’obéissance spirituelle, ou du culte en esprit et en vérité, (Jean 4) en repoussant le service purement extérieur, fut-il même parfaitement exact, (Caïn.)
Il consacre le principe de la foi justifiante, en y attachant la bénédiction, et faisant du héros de la foi le chef et la personnification du peuple élu. Toutes les nations de la terre seront bénies en luie.
e – Genèse 18.18 – Les choses les plus spirituelles sont plus anciennes ; elles précèdent la loi, et l’on ne saurait trop se rappeler que la loi n’a fait que survenir, (Romains 5.20.) pour faire abonder le péché – La fin et le commencement se rejoignent par-dessus l’économie mosaïque, ce grand épisode.
Il consacre, par le sacrifice perpétuel, notre déchéance et la nécessité d’une réparation. – Il fait annoncer un Réparateur.
Enfin, au sein du peuple légal, il crée un peuple spirituel, soumis à la loi parfaite qui est la loi de la liberté !
Toutes ces idées sont réalisées dans l’Ancien Testament ; mais il fallait qu’elles fussent personnalisées. Second degré : la personne après les faits. Quand l’Évangile dit : La loi a été donnée par Moïse, mais la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ, (Jean 1.17) il n’établit pas une opposition, entre la vérité et la loi ; mais il veut dire que la vérité n’a été connue tout entière, vue distinctement, que par le moyen de la grâce, qui la renferme toute. (Baptême d’eau, baptême de feu ; – voix de la terre, voix du ciel ; – l’eau et l’esprit.)
Or, cette grâce n’avait pas été révélée au peuple de l’Ancien Testament aussi distinctement qu’en Jésus-Christ à celui du Nouveau. La loi ne contient que l’ombre des biens à venir ; (Hébreux 10.1 ; 8.5) la loi est l’ombre que la grâce jette en arrière de soi ; toute ombre suppose, annonce, fait prévoir un corps ; elle en rend les contours, la forme générale, la silhouette, mais la couleur et le relief manquent. On peut dire d’elle, comme il a été dit de la prophétie, qu’elle est une lampe qui luit dans un lieu obscur, (2 Pierre 1.19) comparée au soleil de justice qui porte la santé dans ses rayons. (Malachie 4.2)
Aussi les membres spirituels de ce peuple, pénétrés de tous les principes que nous avons indiqués, sont virtuellement chrétiens ; je veux dire que chacun d’eux est tel que, Christ survenant et se manifestant, il n’aurait pas eu à changer de principes pour être chrétien actuel. Il est chrétien parce qu’il le serait. – Il est chrétien généralement, non spécialement ; – implicitement, non explicitement ; – virtuellement, non actuellement. – Il est chrétien élémentairement.
Toutes les fois qu’il exprime de ces convictions élémentaires, qui ont pu avoir pour lui toute leur clarté et leur signification hors de la connaissance immédiate de Jésus-Christ, ce chrétien de l’Ancien Testament dit une chose identique à celle qu’exprimeraient les mêmes termes dans la bouche d’un « Israélite » du Nouveau Testamentf et nous pouvons sans restriction ni modification nous approprier ses paroles, bien qu’il n’y ait pas attaché toutes les idées, ni une idée aussi précise, aussi distincte, aussi concrète, qu’un chrétien venu après Jésus-Christ y attacherait. – Chose remarquable : un Israélite, même spirituel, n’est pas identique à un chrétien spirituel ; mais le peuple spirituel de l’Ancien Testament est l’image parfaite du chrétien. Rien de plus spirituel que ce qui est dit à ce peuple ou de ce peuple dans l’Ancien Testament. – (Esaïe 63.14 ; 66.12 ; Jérémie 31)
f – L’Israël de Dieu (Galates 6.16)
Mais il y a aussi des passages qui semblent destinés à montrer l’avantage du Nouveau Testament sur l’Ancien, des passages où l’idée, non seulement est moins précise, mais moins parfaite ; des passages où la défectuosité relative de l’Ancien Testament paraît ; des idées qui demandent à être complétées, purifiées par l’esprit du Nouveau Testament.