Histoire ecclésiastique - Eusèbe de Césarée

LIVRE II

CHAPITRE X
COMMENT HÉRODE AGRIPPA, POUR AVOIR PERSÉCUTÉ LES APÔTRES ÉPROUVA SUR-LE-CHAMP LA VENGEANCE DIVINE

[1] Le prince reçut sans retard le châtiment de son entreprise contre les apôtres et le ministre vengeur de la divine justice le poursuivit aussitôt. Immédiatement après les avoir persécutés, ainsi que l'apprend le récit des Actes, il partit pour Césarée. Là, un jour de fête solennelle, revêtu d'un magnifique manteau royal, il haranguait la foule du haut d'une tribune. Le peuple entier acclamait son discours et disait entendre, non pas un homme, mais un dieu ; tout à coup, l'Écriture raconte qu'un ange du Seigneur le frappa et il périt rongé par les vers.

[2] Il faut remarquer aussi à propos de ce miracle l'accord qui existe entre l'Écriture sainte et le récit de Josèphe. Dans le dix-neuvième livre de l'Antiquité, ce dernier rend un éclatant témoignage à la vérité et rapporte en ces termes ce fait étonnant :

« [3] Agrippa avait achevé la troisième année de son règne sur toute la Judée et était entré dans Césarée, appelée autrefois Tour de Straton. Il savait qu'on avait institué cette fête pour le salut de César et il y ordonna des pompes en son honneur. Une foule s'y pressait, composée de fonctionnaires de la province et des hommes admis aux honneurs. [4] Au second jour des fêtes, il revêtit un manteau fait entièrement d'un tissu d'argent merveilleux et alla de grand matin à l'amphithéâtre. Alors l'argent enflammé par les rayons du soleil levant se mit à briller avec un éclat tellement surprenant que ceux qui le regardaient en face en étaient effrayés et tremblaient. [5] Bientôt les courtisans lui adressèrent de tous côtés de pernicieuses flatteries, lui donnant le titre de dieu et ajoutant : « Sois-nous propice, » ou encore : « Jusqu'ici, nous t'avons craint comme un homme ; mais, dès cette heure, nous confessons que tu as une nature supérieure à celle des mortels. » [6] Le roi ne réprimait ni ne repoussait ces louanges inconvenantes ; mais peu après, levant les yeux, il aperçut un ange posté au-dessus de sa tète. Aussitôt il pensa que ce génie serait l'auteur de sa perte, comme il l'avait été autrefois de son bonheur, et il ressentit une souffrance extrêmement douloureuse.

« [7] Il éprouva des déchirements d'entrailles qui se déclarèrent avec une violence inouïe et subite. Alors il regarda ses amis en disant : « Moi qui suis votre dieu, je reçois déjà l'ordre de quitter la vie. Le destin confond sans tarder vos paroles mensongères. Je suis appelé par vous immortel, au moment même où je suis entraîné par la mort. Mais il faut bien accepter la fatalité comme un dieu le veut. Je n'ai jamais vécu dans la misère, mais dans une grandeur heureuse. » En disant cela, il était tourmenté par l'aiguillon de la douleur.

« [8] On s'empressa de le porter au palais et le bruit circula dans toute la ville qu'il était à l'article de la mort. Aussitôt, le peuple avec les femmes et les enfants s'étendirent sur des sacs selon la coutume de leur pays et adressèrent à Dieu des supplications pour le roi ; tout retentissait de pleurs et de gémissements. Agrippa couché dans une chambre haute, regarda en bas, vit ces gens prosternés et ne put lui non plus retenir ses larmes. [9] Cinq jours durant, il fut torturé par ces douleurs d'entrailles, puis il mourut dans la cinquante-quatrième année de son âge, la septième de son règne. Il avait en effet tenu le sceptre pendant quatre ans sous l'empereur Gaïus. Pendant les trois premières années, il avait gouverné la tétrarchie de Philippe ; la quatrième, il reçut celle d'Hérode, et régna encore trois ans sous Claude. »

[10] Je suis frappé, ici comme ailleurs, de la ressemblance de ce récit de Josèphe avec celui des divines Écritures. Si l'on allègue la différence de nom du roi, le temps et le fait montrent bien qu'il s'agit du même personnage. Il y aura eu une erreur de transcription qui aura changé le nom du prince ou bien celui-ci avait deux noms ainsi que beaucoup d'autres.

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