Sous cette conception générale, l’Economie du salut, nous dirons maintenant les divers moments que traverse l’élection divine pour se réaliser dans l’individu. Le développement de la vie nouvelle dans l’âme, depuis l’imperceptible et premier commencement jusqu’à l’état complet du salut réalisé, contient une diversité d’états humains, d’effets sanctifiants de l’Esprit, objet inépuisable de la psychologie et de la morale religieuse. Nous les grouperons, tous ensemble, sous deux grands faits : la nouvelle naissance et la sanctification. En analysant ces deux idées fondamentales de la vie chrétienne, nous exposerons successivement tous les faits dogmatiques qu’elle intéresse.
La nouvelle naissance est pour l’individu ce qu’est la venue de Jésus-Christ pour toute l’humanité. Elle est le point absolu où s’interrompt le développement précédent et où commence un développement saint et nouveau. Cette évolution est annoncée par tout un ensemble de faits internes et externes qui procèdent de la grâce prévenante. La nouvelle naissance peut se définir : la brusque apparition de la grâce et de la liberté dans le cœur de l’homme. Pour qu’un homme naisse de nouveau, il faut en effet pour lui que la grâce et la liberté se rencontrent ensemble et créent en lui une nouvelle personnalité à l’image du Christ, Dieu-Hommea.
a – Jean 3.5 ; 2 Corinthiens 5.17 ; Jacques 1.18.
La nouvelle naissance n’est ni une transformation ni une transsubstantiation de la nature humaine. Ce n’est pas un autre moi qui après la nouvelle naissance s’introduit dans l’homme. La seule chose nouvelle en lui, c’est sa destinée véritable se faisant pour lui une réalité, lui-même devenu le libre organe de la grâce divine. Le régénéré, il est vrai, ne cesse pas d’être sous l’influence de la réalité et du péché, mais le principe mondain est vaincu, la tendance de la vie pécheresse brisée, une tendance nouvelle et sainte prenant sa place. Pour la conscience du régénéré, le Christ se fait le centre sanctifiant auquel se rattache son existence, et quoique la chair ne cesse pas d’être pour lui une puissance, l’esprit devient cependant, par la tendance fondamentale de son existence, la force qui le détermine. Ce monde ne cesse pas d’avoir sa part en lui ; cependant sa volonté vraie lutte contre lui, s’efforçant sans cesse vers l’idéal de la vie chrétienne.
Remarque. — On ne doit pas confondre la nouvelle naissance avec le réveil, quoique ces deux faits aient entre eux une grande ressemblance et qu’on les prenne souvent l’un pour l’autre dans la vie. Le réveil précède la nouvelle naissance, mais ne l’est pas. Le réveil est un effet de la grâce, qui saisit la personnalité humaine tout entière, transporte la conscience humaine à une hauteur religieuse à laquelle l’homme par ses propres forces ne peut pas s’élever, et l’affranchit de ses appréciations et de ses impressions ordinaires. Il dresse une nouvelle lumière dans l’âme de l’homme (illuminatio). A cette lumière, nous voyons et le royaume de Dieu, et le monde, et nous-mêmes ; la volonté s’éveille sous le sentiment douloureux du péché et de la condamnation (contritio) ; la vie véritable dans la communion avec le Christ nous apparaît comme le souverain bien. Cependant, quoique la nouvelle naissance pénètre dans l’âme par le réveil, le réveil n’est qu’un état préparatoire, une visite de l’Esprit, un appel puissant de la grâce, mais point encore une habitation permanente de la grâce dans l’homme. Le réveillé est puissamment saisi par la grâce, mais il n’est pas réellement gracié, il n’est qu’appelé mais non élu. A l’homme il manque encore la suprême décision. Le réveil, envisagé en lui-même, est un état de souffrance religieuse, une passion dans laquelle l’homme, sans qu’il sache s’en rendre pleinement conscience, est dans un état de lutte et de trouble qu’on ne saurait mieux comparer qu’à ces époques tourmentées et indécises qui, dans la vie humaine, précèdent les grandes vocations. Mais ce n’est qu’avec le concours et la libre adhésion de l’homme, que la grâce qui vient de le réveiller peut continuer son œuvre et devenir la grâce régénératrice, semence incorruptible produisant la liberté et plongeant ses racines au plus profond du cœur, pour se faire le principe permanent et le caractère d’un nouveau développement. Ce n’est que quand ce principe du développement d’un nouveau caractère de l’homme, à l’image du Christ, s’est définitivement affirmé, que se réalise la nouvelle naissance. Il n’y a donc pas de meilleure marque pour constater sa puissance, que le développement du caractère chrétien, marquant à son empreinte notre vie tout entière. Il est, de plus, évident que la grâce se faisant dans l’individu le principe du développement d’un nouveau caractère, il faut qu’il entre dans un rapport organique avec le royaume, émanation et création de l’Esprit, avec l’économie historique, les moyens de grâce et la communauté ecclésiastique qui en sont la constatation. Nous voyons ici le lien nécessaire qui rattache le baptême à la nouvelle naissance. Au point de vue purement objectif, la nouvelle naissance commence avec le baptême, car par le baptême l’individu est adopté par le Christ, incorporé au royaume, préparé pour devenir une nouvelle personnalité ; mais au point de vue subjectif et réel, la nouvelle naissance ne commence véritablement que quand l’homme se trouve dans un rapport vivant et personnel avec l’ordre historique du royaume de Dieu, avec le corps dont le Christ est le chef. Sa vie alors ne procède plus seulement de ses expériences religieuses individuelles, et de ses déterminations personnelles, mais de la plénitude de tout l’ensemble chrétien.
Conséquemment à ce qui précède, le réveil est donc l’époque critique et dangereuse dans l’histoire de la conversion de l’homme ; à cette heure, l’homme se trouve au moment décisif où il peut résister à la grâce s’il ne veut pas, s’abandonnant lui-même, se soumettre tout entier à l’obéissance de la vérité, quoique pour un peu de temps il ait pu jouir de la lumière de la véritéb. Par lâcheté morale, il peut laisser s’écouler le temps de la grâce et prolonger arbitrairement et d’une manière égoïste l’époque du réveil, sans se douter qu’il n’est qu’une transition pour atteindre à la nouvelle naissance. Mais alors, et dans ces conditions, apparaît le fanatisme, car le fanatisme n’est qu’un réveil incomplet que l’homme s’approprie comme une proie dont il fait trophée, au lieu de l’accepter comme une grâce qui doit le conduire à la conversion, et de là dans le royaume de Dieu, et à la place qu’il doit y occuper. Par conséquent, le fanatisme est inséparable de l’orgueil religieux. L’homme alors se fait accroire à lui-même qu’il doit être pour les autres un vase d’élection. Il confond la lumière divine avec ses propres rêveries, et surtout il hait l’ordre et la discipline. On peut donner pour type à cet état moral une originalité de mauvais aloi, prenant pour du génie l’impatience, le dédain de la règle et de l’ordinaire. Les systèmes religieux qu’inspire le fanatisme se font reconnaître par un singulier mélange d’insanité et de subtilité, caractérisé par la confusion des hautes lumières du réveil et des pensées du cœur naturel. Il peut se faire que parfois ils produisent des traits étonnants de réelle grandeur, mais ce sont des traits épars, ne donnant jamais ce qu’ils promettent, car il est de l’essence du fanatisme de ne savoir mener à bien ni les germes de la nature, ni ceux de la grâce. Pour produire une œuvre sérieuse, il lui faudrait apprendre à respecter consciencieusement et humblement l’ordre historique de la révélation, c’est-à-dire cesser d’être lui-même ; Aussi cette école ne donnera jamais que des avortements spirituels, des prodiges manqués, des masques de sainteté. L’histoire de l’Église n’atteste que trop la triste et prolifique fécondité du fanatisme.
b – Jean 5.36.
Suso a bien caractérisé le danger du réveil incomplet, quand il a dit : « Il arrive à plusieurs de se noyer dans un infiniment petit, se faisant pour eux une mer profonde au moment où ils commencent à s’élever au-dessus de l’espace et du temps. Car lorsque ces hommes se sentent pour la première fois en présence de l’éternité, ils découvrent aussitôt que jusqu’alors ils ont été pauvres, aveugles et sans Dieu. Puis immédiatement, se sentant pleins de Dieu, ils se mettent à l’œuvre sans discrétion et sans mesure. Leur cœur fermente comme un vin nouveau ; il en est pour eux comme bien souvent pour les abeilles quand, pour la première fois, elles vont butiner. Elles sortent de la ruche, ne sachant ni d’où elles viennent, ni où elles vont ; quelques-unes prennent la fuite et se perdent, et les autres ne savent que rentrer au logis telles qu’elles en étaient sorties. »
La nouvelle naissance doit conduire à la conversion, car elle est le point de départ pour la création d’une personnalité nouvelle dans l’homme pécheur. La conversion est une œuvre de la grâce créatrice, qui brise les liens qui retenaient notre personnalité dans la servitude du monde, mais elle ne peut pas cependant s’accomplir sans le concours de la liberté humaine. L’homme peut différer sa conversion ; en usant de ce pouvoir, il nous donne la preuve de la réalité et des dangers de la liberté. La conversion véritable se fait quand la liberté s’abandonne à la grâce qui la réveille et que la force de la grâce créatrice, pénétrant au cœur de l’homme, l’arrache à la domination qui l’asservis-sait à sa vie ancienne et contre nature. Cette rupture qui est une délivrance se constate par la repentancec. La repentance religieuse n’est pas un regret sur tel ou tel fait, mais une douleur profonde et complète sur le divorce existant entre la volonté réelle et l’idéal, alors que cet idéal se manifeste à la conscience sous l’image de l’homme-type, le nouvel Adam. Par sa force propre, le pécheur ne peut pas éprouver cette repentance ; il n’en est rendu capable que par le concours de la sainte influence du Christ, qui, rayon lumineux et vivifiant, dissipe les ténèbres de l’âme. La saine et féconde repentance contient en elle une nouvelle direction de la volonté ; elle est donc inséparable de la loi et de l’abandon personnel et vivant au Christ, le Rédempteur du monde, le fondateur d’une vie nouvelle s’affirmant à son image.
c – 2 Corinthiens 7.10.
Remarque. — Sans la conversion, aucun homme ne peut avoir part au salut. Le devoir de la conversion est une obligation si absolue et si universelle, qu’il s’étend à tous, et même à ceux qui ont été reçus par le baptême dans l’Église, car quoique incorporés dans le royaume de la grâce et subissant déjà l’influence du Christ, la rédemption ne peut se faire pour eux sans le réveil et la conversion personnelle. Pour eux, il faut que survienne le moment qui met en évidence le péché dans toute sa douloureuse signification, et consacre notre volontaire abandon au Christ, définitif et réel. Pour eux également doit se faire la distinction entre les ténèbres et la lumière, entre le passé et l’avenir, afin qu’ils puissent obéir à l’exhortation de l’apôtre : « Dépouillez le vieil homme, renoncez à ses convoitises et revêtez l’homme nouveaud ». La lutte décisive qui précède la conversion, et par elle consacre notre liberté, n’est pas même épargnée à ceux qui, dès leur enfance, retiennent avec la foi du baptême l’innocence de la vie chrétienne, elle est tout autre seulement ; mais, pour perdre de son âpreté et de sa violence ordinaires, elle n’en retient pas moins toute sa véritable réalité. Pour eux, le péché est encore la puissance qui contredit à notre caractère et à notre nature vrais. Son influence fait donc de leur vie intime une série d’émotions, d’états d’âme toujours divers et contradictoires, inconscients, soumis bien plus à l’instinct de la nature qu’à une volonté libre et réfléchie. Pour eux doit donc venir l’heure de la majorité morale, décisive pour la libre affirmation de notre caractère, et s’attestant dans une crise qui, séparant l’homme ancien et l’homme nouveau, initie définitivement l’entrée dans la vie chrétienne. Le moment voulu pour cette crise décisive devrait être celui que marque la nature dans son développement régulier et normal pour un changement d’état, pour le choix d’une vocation, et qui naturellement provoque la conscience de notre responsabilité. Mais cette crise peut se réaliser également plus tard dans la vie des chrétiens baptisés. Nous maintenons le principe que le réveil et la conversion doivent avoir lieu chez tous ceux qui veulent participer à la rédemption ; nous ajoutons cependant qu’au point de vue psychologique, le mode de la conversion peut et doit être très divers chez les divers individus. La thèse méthodiste veut que la conversion ne puisse être une vraie conversion, si l’individu ne commence pas par s’asseoir au banc de l’angoisse, se sentant comme plongé dans l’abîme de la perdition, au milieu des terreurs qui le condamnent, souffrant la lutte amère et humiliante de la repentance, et ne se relevant enfin dans la joie que s’il entend la parole de la foi lui annoncer la paix et la rémission de ses péchés.
d – Coloss.3.9-10.
Cette thèse n’est possible qu’à la condition de méconnaître l’infinie diversité de caractères, de tempéraments, que présente la nature humaine. Pour la soutenir, il faut encore oublier que la grâce est infiniment plus respectueuse devant une âme que tous les systèmes théologiques qui savent si bien déterminer son mode d’action. Nous ne nions nullement cependant qu’il n’y ait des conversions précédées par des crises et des luttes douloureuses, provoquées par une extraordinaire puissance de la conscience du péché chez l’individu. Mais s’il est certain que personne ne peut être converti, arraché à la perdition, sans le sentiment profond et amer du péché, il est également certain que ce sentiment n’a pas et ne peut pas avoir la même puissance chez tous les individus, et que chez tous son aiguillon ne peut pas être également poignant. L’intensité de la conviction du péché dépend toujours du tempérament et de la complexion générale de l’individu. Luther, au moment de sa conversion, écrivait souvent à Staupitz : « O mes péchés ! mes péchés ! » et cependant, au confessionnal, il n’avait pas un péché véritable à confesser, parce que seul le sentiment de la misère profonde de la nature humaine affectait son cœur et le remplissait de tristesse. Ce sentiment doit se retrouver, il est vrai, dans toute conversion, mais son intensité et sa puissance n’ont d’autre mesure que la nature de l’âme qui le retient. Si la nature de la conviction du péché dépend du caractère psychologique de l’individu sous beaucoup de rapports, elle ne dépend pas moins de son histoire et de son passé. La pécheresse qui oint les pieds du Seigneur Jésus comprend tout autrement le remords du péché que Marie, cette femme pure et sainte qui se tient assise aux pieds de Jésus, écoute et recueille la parole, pour elle la seule chose nécessaire ; toutes les deux éprouvent cependant le même besoin de rédemption. La méthode que le méthodisme voudrait imposer à toutes les conversions est également convaincue d’inexactitude par l’histoire des nombreuses conversions racontées dans les évangiles ou les Actes des apôtres. Pour ne citer qu’un seul exemple, la conversion d’un saint Paul, par les circonstances qui la précèdent et la manière dont elle se réalise, est tout autre que celle d’un Nathanaël ou d’un saint Jean. Pour ces derniers, la transition de l’ancien au nouveau s’accomplit insensiblement, sans dures convulsions, sans secousses ni ébranlements. Pour les uns et les autres cependant, il y a un changement essentiel, une conversion réelle dans la vie. Nous ne pouvons donc pas donner la préférence à un mode de conversion plutôt qu’à l’autre, car la chose essentielle à demander à la conversion c’est qu’elle convertisse, c’est-à-dire que le rapport qui subordonne le principe saint au principe mauvais soit interverti. Peu importe maintenant que, selon le caractère du converti, l’interversion s’accomplisse dans le repos d’une conscience qui se recueille, ou au choc d’une véritable tempête morale.
On ne peut pas non plus soutenir que, pour être authentique et vraie, la conversion doit pouvoir s’assigner une date, un commencement précis. Nous avons, il est vrai, beaucoup de conversions qui nous disent exactement le moment où l’âme fut atteinte par l’éclair de la grâce. Il est impossible cependant de renfermer la conversion dans un moment exclusif. Si nous considérons, par exemple, pour saint Paul, l’heure du chemin de Damas, il nous faut reconnaître, d’après les Actes des apôtres eux-mêmes, que ce moment avait été préparé par bien des circonstances différentes ; la voix divine l’atteste : « Il te serait dur de regimber contre l’aiguillon ! » La conscience du persécuteur avait donc entendu déjà une parole antérieure pour lui dire clairement qu’il s’obstinait sur une voie mauvaise. Il est encore évident que ce moment à lui seul ne put pas terminer la conversion ; un instant après, le nouveau converti dut chercher une retraite pour revoir la miraculeuse apparition, afin qu’il apprît à se ranger en pleine connaissance de cause à l’obéissance du Seigneur qui venait de l’appeler. Aussi le voyons-nous, immédiatement après, sous le coup d’un profond accablement, dans le silence et la solitude ; il faut qu’un frère vienne vers lui, le relève et le consacre par le baptême. Cette conversion, le type et le modèle de toutes les conversions, s’est donc accomplie dans une série de faits psychologiques différents. Il ne faut donc pas nous imaginer qu’une conversion puisse se reléguer dans un moment de la vie, s’étiquetant sous la date d’une heure et d’un jour précis. A vouloir retenir une conversion tout d’une pièce, accomplie une fois pour toutes, on ne peut s’infliger que beaucoup d’illusions et de déceptions, car il est de toute évidence que la conversion n’est pas une heure ou un instant dans la vie, mais une période tout entière d’une durée plus ou moins grande, selon le caractère de l’individu. Mais s’il n’y a qu’une conversion dans la vie, il peut y avoir plusieurs réveils pour marquer ce moment unique et définitif, la conversion.
Croire en Christ, le Sauveur du monde, c’est le recevoir pour Celui qui justifie ou rétablit entre l’homme et Dieu le lien qu’avait rompu le péché, mais qui est indestructible de sa nature. Quand nous disons que le pécheur est justifié devant Dieu, nous voulons dire qu’il lui est fait application, par la libre grâce, sous la forme du pardon de ses péchés et de l’adoption filiale, du décret divin, par la réconciliation du monde accomplie en Jésus-Christe. Virtuellement, cette application est faite à tout individu qui par le baptême est incorporé au royaume de la réconciliation ; mais, en réalité, elle n’a lieu qu’à la condition de se faire un acte de la liberté et de la conscience humaine, réveillées et vivifiées par la force de la grâce, s’appropriant l’amour, la réconciliation du Fils de Dieu. Cet acte est la foi ; par conséquent, la justification de l’homme est la justification par la foi.
La foi justifiante, cette doctrine de prédilection de l’Église évangélique, n’est pas une adhésion de l’intelligence, mais une certitude du cœur, une joyeuse assurance, grâce à laquelle, dans une intime et cordiale conviction, le pécheur peut se rendre le témoignage que Jésus-Christ n’est pas seulement mort pour les pécheurs en général, mais pour lui individuf. Cette foi est l’acte le plus personnel de l’homme ; en l’accomplissant, il ose s’approprier la rédemption du monde, et cependant cet acte, le plus personnel de tous, est un don de l’Esprit saint. Car le cœur de l’homme est trop faible pour oser une confiance aussi infinie. En s’appropriant par la foi le Sauveur crucifié, on reçoit en même temps le Sauveur ressuscité pour son Église. Par cette foi, le croyant ne reçoit pas seulement la justice du Christ comme un fait accompli sans lui et hors de lui, mais comme une grâce, un principe créateur, destiné à produire en lui une vie nouvelle. Par le moyen de la foi, le Christ habite dans le cœur de l’homme, la foi devient elle-même le lien vivant, le foyer intime où se réalise l’union du Christ et du fidèle (unio mystica).
f – Galates 2.20.
La justification par la foi renferme en elle un moment positif et un moment négatif ; ces deux moments sont nécessaires l’un et l’autre, et se complètent mutuellement. L’on ne peut posséder la vie nouvelle que dans une bonne conscience, affranchie du sentiment du péché et de la crainte de la colère à venirg. Par contre, la rémission des péchés et la purification de la conscience ne peuvent se concevoir que dans l’union réelle avec le Christ, grâce à laquelle sa perfection et sa justice deviennent l’âme de notre vieh.
g – Hébreux 10.22.
h – Colossiens 2.13.
La justification ne consiste point en ce que le pécheur, dans son être intérieur, dans sa nature intime, est immédiatement transformé en saint et juste ; elle consiste moins encore en une déclaration extérieure par laquelle Dieu nous tiendrait pour justes, sans qu’intérieurement intervînt un principe de vie nouvelle dans la conscience humaine. Pour nous, sa véritable signification se réalise par le fait de l’individu restitué à son milieu véritable, rentrant en regard de Dieu dans sa réelle destination, et Dieu à ce titre le reconnaissant comme juste. Si dans l’humanité, le Christ est le moment pur et saint où Dieu contemple le bonheur futur de l’humanité, dans l’individu, la foi est aussi ce moment sanctifiant dans lequel le Père reconnaît la justice parfaite de l’individui. La foi peut être en effet comparée au grain de semence, imperceptible dans sa petitesse, mais dont la fécondité contient une plénitude d’avenir. De son regard miséricordieux, Dieu voit le salut à venir comme le fruit de cette semence divine, et la liberté réalisant déjà l’idéal de la volonté sanctifiée.
i – Romains 8.1.
Le principe évangélique, la foi seule justifie (sola fides justificat), a pour présupposition le Christ seul puissant pour justifier. Ce n’est que par la justice du Christ et grâce aux nouveaux rapports qu’elle établit entre Dieu et nous, que nous pouvons nous savoir réconcilié avec Dieu. Mais ce n’est que dans la foi, l’acte le plus personnel et le plus intime que puisse accomplir l’homme intérieur, que nous pouvons nous approprier le Christ. Ce n’est également que dans la foi que nous saisissons le salut comme un fait un et indivisible. Par ses œuvres, ses efforts et ses meilleures résolutions, l’homme ne peut que s’égarer dans le royaume de l’apparence, où tout est confus et divers, et où jamais l’on ne rencontre qu’incertitude et désordre. Le pélagianisme, qui veut justifier l’homme par ses œuvres, ne peut jamais donner à l’homme une pleine certitude de sa réconciliation avec Dieu. Car l’effort le plus moral et le plus consciencieux n’est qu’un à peu près, au regard du but à atteindre, nous laissant toujours entre un progrès qui nous fuit et une faute qui nous accuse, entre un moins et un plus. La certitude de la réconciliation, que l’on voudrait rattacher à ce système d’incohérences et d’inconsistances, doit en reproduire toutes les contradictions. Mais au reste, la conscience morale ne consentira jamais à trouver son repos dans un pardon dont la certitude ne lui serait pas définitivement acquise. L’Église romaine, avec ses théories semi-pélagiennes, enseignant que l’homme n’est pas justifié par la foi seule, mais par la foi et par les œuvres, supprime la joie et la consolation de la réconciliation, car elle fait dépendre la certitude de notre salut de la valeur de nos propres efforts, et n’a plus par conséquent le pouvoir de donner la paix à ces âmes angoissées qui souffrent l’amer sentiment de l’impuissance humaine. L’Église évangélique enseignant au contraire que le Christ seul, reçu par la foi, est la justice de l’homme, arrache l’homme à ce qui est imparfait, le ramène à l’heure sainte qui crée la liberté dans la grâce et consacre au Père qui, dans un élan d’amour et de reconnaissance, n’envisage plus l’homme à la lumière du temps et du fini, mais à la sainte et éternelle splendeur du Christ. Quand l’Église romaine soutient que cette doctrine est dangereuse pour la moralité, elle oublie que l’Église évangélique a constamment enseigné que l’on ne pouvait pas saisir la foi justifiante, idée indifférente ou morte, mais uniquement force vivifiante et féconde, renfermant en elle des germes puissants pour la vie et la véritable sainteté.
Remarque. — C’est avec raison que l’on a appelé la justification par la foi seule : le joyau du trésor des Églises évangéliques. Par elle, les réformateurs ont trouvé le point central et vivifiant du christianisme, la puissance qui fait de la foi chrétienne la joie qui sanctifie tous nos rapports avec Dieu. Dans la pleine acception du mot, cette doctrine fut au seizième siècle l’âme de la Réforme ; elle jaillissait des sources mêmes de la Parole de Dieu, et répondait au sentiment le plus intime et le plus vivant de la conscience religieuse, si longtemps opprimée sous l’informe amas des traditions et des prescriptions latines. Les objections pélagiennes contre cette doctrine procèdent d’une conscience qui n’a pas connu l’amère et poignante signification du péché, et n’a jamais eu à soutenir ces luttes redoutables qui mettent l’homme aux prises avec la majesté de la loi et l’idéal de la sainteté, ne lui laissant pour sa part dans cette bataille terrible que la conscience de ses fautes et de son indignité, et les terreurs éternelles du jugement de Dieu. Si diverses que puissent être ces émotions et ces douleurs de l’âme, il faut néanmoins qu’il n’y ait pas une conscience humaine qui n’en fasse la tragique expérience. A ce prix seulement on peut participer à la rédemption. Quant à l’Église romaine, elle a beau contredire par des théories semi-pélagiennes le sens de cette doctrine ; on la voit dans la réalité, aux heures solennelles de la vie, devant les perspectives de l’éternité, lui rendre forcément hommage en la personne de ses plus vaillants représentants. L’on peut dire avec raison que l’Évangile, quoique proscrit par l’Église romaine, n’en subsiste pas moins dans son sein à l’état de tradition secrète et ésotérique, condamné il est vrai en théorie, mais néanmoins reconnu et proclamé pratiquement par la conscience involontairement évangélique. Les grands docteurs du moyen âge, Anselme, saint Bernard, et ces nombreux témoins appelés les réformateurs avant la Réforme, s’entendent tous pour attester cette doctrine. La cure d’âmes elle-même est obligée de confesser que dans l’Église romaine, seule la doctrine évangélique sait apaiser les consciences angoissées, et qu’il en est toujours pour elle ce qu’il en était de Luther qui, simple moine, au milieu de ses douleurs et de ses épreuves, ne trouvait de repos qu’à se faire redire par un frère augustin le célèbre passage : « Le juste vivra par la foi et sera justifié par la foi sans les œuvres de la loi ». La vérité évangélique, en effet, s’atteste symboliquement par ce crucifix que l’Église romaine est dans l’usage de présenter au mourant. Cette coutume ne peut que rappeler qu’à l’heure suprême de la mort, l’homme n’a plus à compter sur ses propres mérites, ni sur les mérites des saints, mais sur les seuls mérites du Christ, le Rédempteur crucifié.
L’un des papes les plus illustres et par la grandeur de ses infortunes et par la noblesse de son caractère, Pie VII, pressait en mourant ce crucifix sur sa poitrine, et reprenant celui qui venait encore lui dire « Saint Père », il s’écriait : « Il n’y a plus ici de Saint Père, il n’y a qu’un pauvre pécheurj. »
j – Thiersch, Leçons sur le protestantisme et le catholicisme.
Par la conversion et la justification se fait la nouvelle naissance, ou la création d’une nouvelle personnalité. Telle est l’origine de la sanctification. Elle crée en nous un nouveau caractère, développe notre véritable individualité, et nous consacre pour que nous soyons les temples de l’Esprit divink. Le christianisme étant tout à la fois rédemption et nouvelle création, la nouvelle naissance et la sanctification doivent reproduire ce double caractère : l’une et l’autre affirmeront donc avec le pardon des péchés l’apparition de la vie nouvelle. Le développement du caractère chrétien doit tendre à un perfectionnement continuel et personnel, par une mort incessante au péché et par une résurrection en vie éternelle qui sans cesse se renouvellent. Ce perfectionnement, ces deux moments ne se confondront et ne se réaliseront pleinement que dans la vie éternelle, mais ici-bas ils restent inséparables de la véritable imitation de Jésus-Christ. Si le moment négatif venait à prédominer, nous aurions alors une moralité ascétique et piétiste, n’aspirant qu’au pardon du péché, mais incapable de produire un généreux et vif élan de vie nouvelle, car elle irait se désintéressant de la résurrection du Seigneur et ne saurait plus invoquer que sa passion et sa mort. La vie pour elle ne serait plus qu’un apprentissage de la mort sous la croix, et une énervante et continuelle repentance. Si l’on maintient au contraire le moment positif à l’exclusion du moment négatif, alors apparaît une morale chrétienne d’une vitalité apparente mais morbide, mélange singulier de l’idéal chrétien et de l’idéal antique, qui, supprimant la croix et la repentance, apprend sans cesse, change constamment, mais ne parvient jamais à retenir la vérité dans la sanctification. Le véritable caractère chrétien ne s’affirme donc qu’en maintenant rigoureusement et harmoniquement les deux moments. Ce n’est qu’à ce titre qu’il peut réaliser une existence véritablement chrétienne, sachant en même temps se juger, se condamner, s’humilier, et devenir néanmoins une puissance active et féconde en nouveauté de vie.
On ne peut pas concevoir un caractère qui ne soit en même temps une aptitude naturelle, sous la dépendance d’une volonté morale. Le caractère chrétien ne peut donc se développer qu’à la condition de devenir toujours plus un talent et une volonté. Le talent sanctifié et agrandi par la grâce deviendra un don de la grâce, une grâce réelle, un véritable charisme. Affranchi par elle des étroitesses et des sujétions de l’égoïsme qui naturellement le dominent, il peut produire au dehors tout ce qu’il possède de richesse et de vie intérieure, mais il n’en est pas moins un don naturel tout pénétré des forces sanctifiantes du royaume de Dieu. Mais le charisme étant un don de la nouvelle naissance, la sanctification doit être comprise comme un développement du charisme, se réalisant avec le concours de la force et des efforts de la liberté humaine qu’il renferme en lui-même.
Le royaume de Dieu est un royaume d’individualités régénérées, par conséquent un royaume de charismes. Il y a différents dons, mais il y a un seul esprit. Si, pour le corps naturel, il y a des membres divers qui tous n’ont pas la même noblesse et la même valeur, il en est de même pour le corps spirituel qui s’appelle le royaume de Dieu. Mais si la grâce a des dons divers et très inégalement répartis, elle a aussi un don premier essentiel, le même pour tous, et que tous sont tenus de recevoir : « la foi, l’espérance et la charité ». Dans ce triple charisme, la charité retient la première place, parce qu’elle ne prend naissance dans le temps que pour lui survivre dans l’immortalité. Le chrétien ne peut donc développer son charisme qu’avec le concours de la charité dominant toutes les autres grâces et leur faisant subir son exclusive influence, quoique toutes retiennent leur place marquée dans le royaume de Dieu. Mais il ne s’ensuit nullement que, séparant sa destinée de celle de l’Église, se contentant de sa personne, il puisse se suffire à lui-même, car il ne vivrait alors qu’une existence incomplète et maladive. Si le Christ doit vivre dans la conscience du fidèle, il faut aussi que le fidèle s’approprie les douleurs, les souffrances et les joies de l’Église, identifiant son existence avec la sienne. L’idéal parfait que sans cesse doit poursuivre le fidèle et que constamment il faut qu’il retrouve dans tous ses efforts et dans toutes ses préoccupations, est précisément le même que l’apôtre décrit et conçoit comme pouvant seul accomplir les destinées de l’Église, « jusqu’à ce que nous soyons parvenus à l’état d’homme fait, à la mesure de la stature parfaite du Christ ». Alors qu’elle réalisera cet idéal, l’Église reproduira l’image de la perfection complète qui est en Christ. Aussi, se reportant à ce moment de son développement, l’apôtre la contemple comme une personne vivante, comme l’homme véritablement parfait.
Remarque. — Pour bien saisir les différences qui distinguent les individualités régénérées, il nous faut relever d’abord un contraste dont nous avons eu déjà à nous occuper dans notre étude de la première création. Si, dans nos recherches à propos du créatianisme et du traducianisme, nous avons dû constater que dans l’économie de la première création il était des individualités exprimant la force créatrice, tandis que d’autres retenaient surtout l’idée de conservation, nous voyons se reproduire la même différence dans la seconde création. Tous les régénérés sont bien réellement de nouvelles créatures en Christ, tous sont également des existences indépendantes et vivantes. On peut cependant constater entre eux une différence relative ; les uns, en effet, constituent de nouveaux commencements pour le royaume de Dieu et sont donc ces individualités élues, ces vases de grand prix qui dans une sphère plus ou moins étendue constituent des foyers de vie nouvelle. On doit les considérer comme les puissances créatianistes du royaume de Dieu. Mais en même temps, il est des individualités pour affirmer surtout l’ordre existant dans le royaume de Dieu, la tradition morale et religieuse ; elles n’en sont pas moins pour cela des existences indépendantes et personnelles. Entre ces deux classes de croyants, la différence après tout n’est que relative, car l’on ne peut pas être réellement en Christ sans tenir à la fois des deux moments, créatianisme et traducianisme. Mais cette différence relative n’en est pas moins réelle, quoiqu’elle disparaisse dans l’unité de la charité, chaque régénéré possédant le Christ tout entier par la foi justifiante.
Les régénérés, déjà engagés sur la voie de la sanctification, ne pouvant pas atteindre le but qui leur est proposé par un progrès constant et continu, mais seulement au travers de combats et de luttes réitérées avec le péché, dans la possibilité, par conséquent, d’un recul ou d’une chute, nous avons donc à nous poser cette question : peut-on déchoir de l’état de grâce, la nouvelle création restant anéantie pour l’individu ? Nous le nions de la manière la plus absolue, reconnaissant sous ce rapport l’incontestable supériorité de la dogmatique réformée sur celle de l’Église luthérienne. On peut rencontrer, il est vrai, dans la vie du régénéré les plus humiliantes contradictions. Sous le souffle impur de la tentation, il peut faire naufrage quant à la foi et pour la vie, mais nous n’en soutenons pas moins qu’il ne peut pas périr complètement. Ce qui fait, en effet, la nouvelle naissance, c’est la grâce à l’état de semence vivante et incorruptible, au sein de la liberté humaine, créant un principe nouveau, une raison d’être nouvelle, un caractère que l’individu lui-même ne peut plus détruire et qui constamment réagira contre le monde, provoquant à la repentance et à la tristesse du péché. Ce n’est qu’à ce point de vue que nous pouvons comprendre la parole de l’apôtre : « Celui qui est né de Dieu ne pèche plus, parce que la semence de Dieu demeure en lui », et il ne peut pas pécher, parce qu’il est né de Dieu. Lors donc que nous aurons à rencontrer des régénérés qui, à ne consulter que les apparences, seraient complètement déchus de la foi, il nous faudra dire que la chute n’est pas réelle, ou qu’elle n’est pas définitive. Par exemple, dans le cas de ces chrétiens qui, au milieu des persécutions, contraints par la douleur physique, ont renié le Christ, ou bien nous pourrons hardiment affirmer qu’ils n’ont jamais connu la véritable régénération et que, trompés par leurs propres illusions et celles des autres, ils ont pris le réveil, un commencement de régénération, pour la régénération elle-même, ou tenir pour certain leur retour à la foi. Nous ne devons pas oublier qu’un piétisme extravagant de sensualisme chrétien, de prétentions et de phrases pies, bien loin d’être la nouvelle naissance, n’en est souvent que la caricature. Une orthodoxie qui s’exalte pour le dogme et pour la foi justifiante ne doit pas non plus être confondue avec la foi qui justifie ; elle peut bien être en définitive le sol pierreux ne produisant que des ronces et des épines. De pareils régénérés, qui renient l’efficace de la piété pour n’en retenir que l’apparence, ne peuvent pas ne pas retourner au monde, qu’en définitive ils n’ont jamais quitté. Quand nous disons que le véritable régénéré ne peut pas déchoir d’une manière absolue, nous ne prétendons nullement qu’il soit à l’abri des luttes austères et toujours redoutables de la liberté. Car on peut constater par le moyen de l’expérience, que tout chrétien réellement régénéré ne peut posséder la grâce divine que dans un sentiment de crainte et de vigilance ; à ce point de vue, la conception luthérienne conservera toujours une valeur pratique réelle. L’appréhension de la chute doit même conserver pour le régénéré une valeur véritable, quoique toute individuelle, car, plus que personne dans les épreuves de la vie, il a expérimenté la puissance redoutable du péché et sa faiblesse plus redoutable encore. C’est ainsi que nous voyons l’apôtre saint Paul lui-même exprimer la crainte qu’après avoir prêché aux autres, il ne soit lui-même rejeté. Pour l’apôtre Paul, qui a si bien expérimenté et si hautement affirmé son espérance invincible en l’inadmissibilité de la grâce, il est bien évident qu’une pareille crainte ne peut avoir en elle-même aucune valeur réelle, et cependant elle exprime un état d’âme véritable et dont aucun chrétien ne saurait faire abstraction. La crainte et la confiance, la tristesse et la joie seront toujours pour le régénéré, dans sa vivante et continuelle aspiration vers l’idéal, des stimulants dont jamais il ne saurait se passer.
Remarque. — Le Seigneur nous prévient contre les illusions et les dangers d’une régénération apparente, dans la parabole du semeur et celle des dix vierges. Les vierges folles ont bien une certaine foi, une certaine espérance, un certain amour, elles se réjouissent aux nouvelles clartés qui brillent dans la lampe de l’esprit, mais elles ont oublié de prendre de l’huile, il leur manque ce qui peut entretenir chez elles la flamme de la vie, elles n’ont ni la volonté ni le cœur régénéré. Elles ont participé au réveil, mais point encore à la régénération. Quant aux vierges sages, elles se laissent aller au sommeil comme leurs compagnes ; elles sont donc tout aussi coupables qu’elles, mais éveillées par la soudaine apparition du Sauveur, elles peuvent encore trouver de l’huile et préparer leur lampe. Leur chute n’était donc que momentanée. Par la force du caractère chrétien qui est en elles, elles peuvent encore se relever. Elles étaient réellement régénérées. Nous ne pouvons appliquer le texte de l’épître aux Hébreux 6.4, qu’aux réveillés et non point aux régénérés. Quant au péché contre le Saint-Esprit (Matthieu 12.32) nous ne le comprenons que comme un état d’impénitence finale, dans lequel l’homme commet une résistance satanique (resistentia malitiosa) distincte de la resistentia naturalis contre la grâce qui veut le réveiller et le sanctifier.