Faits divers rapportés par le Révérend N. Murray D. D. : Réunion de prière chez la tante Betsy. — Preuve remarquable de la puissance de la prière. — Visite à la prison de Sing-Sing. — Un contraste. — Luther et Mélanchton. — Exemples de prières victorieuses. — Foi d’une mère. — Réveil annoncé d’avance.
C’était ma première visite aux réunions de prière de Fulton Street, et le Seigneur y manifestait sa présence d’une manière remarquable. La chambre du premier étage était pleine ; il m’avait fallu monter au second. Là, j’avais pris place au centre, de manière à bien voir tous ceux qui étaient autour de la chaire, et à pouvoir jeter les regards au dehors à travers la fenêtre. Comme je considérais les murs de briques du grand magasin qui se présentait à ma vue de ce côté, le souvenir des jours passés se réveilla dans ma mémoire. A la place où s’élevaient maintenant ces vastes magasins, se trouvait, il y a environ trente ans, une humble et modeste construction en bois. Dans une chambre élevée de ce bâtiment demeurait une vieille femme noire, bien connue alors sous le nom de tante Betsy. Son nom de famille m’échappe maintenant. Elle était bien âgée et bien maladive ; mais, par contre, elle était animée d’une rare piété. Je ne saurais dire non plus à quelle église elle appartenait ; cela importe peu d’ailleurs à mon récit. Cette femme n’avait d’autres moyens d’existence que ceux que la charité chrétienne lui assurait, mais elle ne manquait de rien. Certaines dames, qui figurent aujourd’hui dans les cercles religieux et qui étaient alors bien jeunes, venaient auprès de tante Betsy de la part de leurs parents, et faisaient ainsi leurs premiers essais missionnaires auprès des pauvres. Quelques jeunes gens appartenant pour la plupart aux églises presbytériennes et wesleyennes se rendaient aussi dans sa chambre, et y tenaient une réunion de prière tous les dimanches après midi, car la bonne « tante » était trop infirme pour se rendre à aucun culte public. Pendant ces réunions, elle restait étendue sur sa couchette, et quand nous nous en allions elle nous serrait la main et nous accompagnait chacun de sa bénédiction.
J’avais oublié depuis longtemps ces réunions, quoique ce fût là que je prononçai pour la première fois une prière à haute voix. Mais en ce moment, en face d’une réunion de prière, et en vue de ce lieu, tout ce passé se retraçait dans ma mémoire avec une fraîcheur particulière. A la place de ces grands magasins en briques, je voyais encore les vieilles constructions. Je me voyais encore dans l’étroite chambrette de tante Betsy et je pouvais en compter les chaises. J’entendais encore la voix des jeunes gens qui y venaient avec moi ; j’assistais à leurs prières, je les voyais prendre congé, et j’entendais les adieux que l’ancienne « servante du Seigneur » adressait successivement à chacun d’eux. Comme j’étais plongé dans mes souvenirs et beaucoup plus occupé de tante Betsy que des chants et des prières que l’on faisait dans la salle, je fus tiré de ma rêverie par une voix qui partait de derrière moi. C’était celle d’un négociant qui prenait la parole pour exhorter ses collègues à déployer plus de zèle dans le salut des âmes. Je crus reconnaître cette voix et je me retournai pour voir qui pouvait être cet orateur si plein d’éloquence et de ferveur. C’était l’un des négociants les plus renommés et les plus riches de New-York, et ce négociant avait été dans sa jeunesse l’un des soutiens les plus assidus de la réunion de prière chez la tante Betsy. L’une des jeunes filles qui, comme les corbeaux d’Elie, lui apportaient chaque jour de quoi subsister, était devenue sa femme.
Les jeunes gens qui se rencontraient là n’appartenaient pas à des familles riches. Ils pourvoyaient à leurs besoins par leur travail, et ils étaient tous trop jeunes encore pour s’être fait une position ou une réputation. Le dimanche, ils remplissaient les fonctions de moniteurs dans les écoles de ce nom. Presque tous étaient membres de quelque église, et tous faisaient profession d’aimer la Bible et les lieux de prière. Que sont devenus tous ces jeunes gens qui fréquentaient la chambre de tante Betsy ? L’histoire de plusieurs m’est restée inconnue. Espérons qu’après avoir bien commencé leur carrière, ils l’auront poursuivie de même, et que s’ils ne peuvent plus servir le Seigneur dans ce monde, ils auront terminé leur course avec joie. Mais, je connais parfaitement l’histoire de quelques-uns d’entr’eux.
J’en connais un qui est devenu habile écrivain et qui a rédigé un journal important. Plus tard, il s’est distingué dans la carrière politique, et, après avoir servi avec talent, pendant bien des années, la cause de son pays et celle du protestantisme, il a été appelé par une cour étrangère aux fonctions de ministre d’Etat.
J’en connais un second qui vient de se retirer de la première magistrature de la ville de New-York, et qui a servi constamment la cause de la religion et de la philanthropie.
Un troisième est associé à la maison de librairie et de publication la plus considérable de la ville qu’il habite.
Un quatrième a su donner, comme négociant, l’exemple d’une piété profonde alliée à l’habileté la plus remarquable. Il s’est acquis une fortune immense et il est devenu le principal pilier de l’une des Eglises les plus importantes et les plus renommées de Iles Britanniques.
Un cinquième était derrière moi, exhortant avec émotion l’assemblée à glorifier le Nom du Seigneur. Il est à la tête de l’une des plus grandes maisons de commerce des Etats-Unis.
Un autre est également dans le négoce et très avantageusement connu sur la place de New-York. Son cœur est toujours occupé à faire le bien et sa main ne quitte pas la charrue.
Un autre exerce les fonctions de pasteur dans l’Ouest, où ses travaux ont amené, par la bénédiction de Dieu, un grand nombre d’âmes au salut.
Deux d’entr’eux, qui donnaient de grandes espérances, sans être appelés à des destinées aussi brillantes, ont été retirés de bonne heure dans les demeures éternelles.
Moi-même, j’étais parmi les plus jeunes de la troupe, et je n’appartenais encore à aucune église à l’époque où je me joignis pour la première fois à la réunion tenue dans la chambre de tante Betsy.
Quelques jours plus tard, je donnai les détails qui précèdent à la réunion de Fulton Street, en en prenant occasion pour inviter tous les jeunes gens à faire de la loi de Christ l’unique règle de leur conduite et à ne pas négliger surtout la réunion de prière, s’ils tenaient à être prospères tant dans cette vie que dans l’autre.
— A peine m’étais-je rassis, qu’un homme se leva dans une autre partie de la salle et prit la parole en tremblant d’émotion : « J’ai visité récemment, dit-il, la prison de Sing-Sing. En parcourant les cellules des prisonniers, j’ai rencontré un vieillard qui m’a raconté une histoire bien différente de celle que nous venons d’entendre. Il me dit qu’étant jeune il faisait partie d’une association de jeunes gens incrédules qui se réunissaient une fois par semaine pour s’entretenir de leur scepticisme et se livrer soit au jeu, soit à la boisson. Le lieu où ils se rendaient n’était pas éloigné de la chambre haute de tante Betsy. Ce qu’il y avait de plus frappant dans son récit, c’est la triste fin qu’ont faite tous ces jeunes gens. »
« L’un d’eux s’est suicidé, dit-il ; l’autre a été victime d’un meurtre ; d’autres sont morts dans des prisons d’Etat, d’autres du haut-mal. Je suis le seul, à ma connaissance, qui ait survécu, et vous me voyez revêtu de la honteuse livrée du travail forcé. »
L’orateur termina aussi par un pressant appel aux jeunes gens, les suppliant de se souvenir de leur Créateur dès les jours de leur jeunesse. Le contraste présenté par ces deux récits était si remarquable, que tous en furent vivement frappés. Le mobilier de la chambrette de tante Betsy n’avait dû ressembler en rien à celui de ce lieu de corruption. Les deux sociétés de jeunes gens qui se réunissaient si près l’une de l’autre ne différaient pas moins par leurs tendances et leurs préoccupations que par le but qui les rassemblait ; aussi, leur fin ne pouvait couronner ce contraste d’une manière plus éclatante. La piété a les promesses de la vie présente et de la vie à venir. Les jeunes gens qui cherchent avant tout le Royaume des cieux et sa justice sont certainement ceux qui ont le plus de chances de parvenir à être des hommes. Quoiqu’il y ait quarante ans que la tante Betsy est allée auprès de son Sauveur, je sens encore son affectueux serrement de main, et je ne doute pas que les bénédictions qui ont accompagné tous ceux qui venaient prier ensemble auprès d’elle n’aient été un exaucement de ses propres prières pour eux. La vraie religion, embrassée de bonne heure, est le meilleur élément de succès, même pour la vie actuelle.
— Un jour qu’on avait fait savoir à Luther que Mélanchton était mourant, le réformateur se rendit aussitôt auprès de son ami et le trouva présentant sur son visage tous les symptômes d’une fin prochaine. Il se pencha sur lui, l’âme saisie de douleur, et ne put retenir un cri de détresse. Cette exclamation réveilla Mélanchton de sa stupeur, et, regardant fixement Luther, il dit :
— O Luther ! est-ce bien vous ? pourquoi ne me laissez-vous pas partir en paix ?
— Philippe, nous ne pouvons pas encore nous passer de vous ! répondit Luther.
Et se jetant au même instant à genoux, il se mit à prier et à lutter avec Dieu pendant plus d’une heure pour le rétablissement du précieux champion. Après cela, il revint près du lit, et prit la main du malade.
— Cher Luther, dit encore Mélanchton, pourquoi ne me laissez-vous pas partir en paix ?
— Non, non ! répondit Luther ; non, Philippe, nous ne pouvons pas encore nous passer de vous dans le champ de travail !
A ces mots, Luther alla demander qu’on préparât un potage pour le malade ; mais quand ce dernier le vit venir et s’entendit presser de le prendre, il dit encore :
— Cher Luther, laissez-moi partir pour ma demeure éternelle ! laissez-moi entrer dans mon repos !
— Non, Philippe ! non, vous dis-je ! répliqua Luther ; nous ne pouvons pas nous passer de vous. Prenez donc cette soupe, ajouta l’inflexible réformateur, ou je vous excommunie !
Le malade avait à peine pris cette nourriture, qu’il se sentit renaître à la vie. Bientôt, il put recommencer ses travaux et rendre, pendant bien des années encore, d’importants services à la cause de la Réformation. En rentrant chez lui, ce jour-là, Luther dit à sa femme : « A ma prière, Dieu m’a rendu aujourd’hui mon frère Mélanchton. »
Mais ce n’est là qu’un exemple entre mille de la puissance de la prière. C’est par la prière qu’Abraham guérit Abimélech, que Moïse vainquit dans le pays de Ham et dans le désert, que Josué arrêta le soleil, qu’Elie ferma le ciel et le rouvrit, qu’Asa mit en fuite un million d’Arabes, qu’Ezéchias détruisit les Assyriens, qu’Esther sauva son peuple de la ruine, que les disciples obtinrent la descente du Saint-Esprit, et que Paul et Silas ébranlèrent la prison de Philippes. La prière est la puissance mystérieuse qui fait mouvoir la main de Dieu, la force irrésistible qui remue le monde, et jamais peut-être cette grande vérité n’a été démontrée aux hommes d’une manière plus répétée, plus éclatante que pendant cette année dans notre pays. La prière amène le baptême d’Esprit. Elle est la clef qui ouvre les portes du ciel. Par elle, la faiblesse demande secours à la Toute-Puissance, et la pauvreté s’enrichit en puisant dans la plénitude divine.
Jamais il n’y eut sans doute, dans toute l’histoire de l’Eglise chrétienne, un plus grand besoin de prière qu’en ces derniers temps. « Dieu est en train de donner, disait un jour, dans son simple langage, l’un de nos vénérables anciens, à l’une des réunions de prière de Fulton Street, et c’est le moment d’ouvrir notre bouche ». Les espérances de la multitude sont excitées ; tous s’attendent à de grandes choses. La Chine est ouverte, l’Inde est pacifiée, et ces nations nous demandent déjà avec instance des missionnaires et des Bibles. Le paganisme s’écroule de toutes parts, le croissant est sur le point de disparaître de l’horizon ; le papisme lui-même, quoique vivace encore dans ses ramifications les plus éloignées, est atteint de mort dans son centre. Les jalousies sectaires s’émoussent et s’évanouissent, et le grand nombre de points sur lesquels les chrétiens évangéliques s’unissent leur font oublier les quelques points qui les séparent. Tous commencent à comprendre qu’une vie d’humble et persévérante confiance en Christ par la foi vaut infiniment plus que cette vie sectaire dans laquelle chacun s’engageait aussitôt après avoir confessé sa foi. Quand la brebis est réellement introduite dans le bercail, il importe peu de savoir si elle y est entrée par telle porte ou par telle autre, ou si c’est par l’intervention d’un prélat, d’un pasteur, d’un ancien ou d’un moniteur de l’école du dimanche. Les fureurs du fanatisme commencent à s’apaiser définitivement, et tous les hommes droits de cœur s’aperçoivent que la colère de l’homme n’accomplit pas la justice de Dieu. Toutes choses tendent à resserrer les liens qui unissent les croyants, et à les grouper uniquement sur le terrain de la prière. Réalisons toujours plus cette héroïque confiance en Dieu qui faisait dire à Luther : « Nous ne pouvons pas nous passer de toi, Philippe ! » et toutes les merveilles dont nous avons été témoins ne seront rien en comparaison de celles que nous contemplerons bientôt.
Il est facile de voir qu’en ce moment la prière aspire à prendre dans l’Eglise la place qu’elle occupe dans les Ecritures, et qu’elle devient tout aussi victorieuse auprès de Dieu, de nos jours, qu’elle l’était jadis dans la bouche des saints hommes de l’ancien temps. Quand nous nous adressons à l’Eternel, nous pouvons dire avec les Moïse, les Samuel, les David, les Daniel et les Paul, cette parole qu’ils Lui adressaient lorsqu’ils luttaient avec Lui par leurs supplications : « Véritablement, tu es un Dieu qui entend la prière. »
J’ai quelques remarques à présenter à ce sujet, et je vais le faire le plus brièvement possible :
L’Eglise commence à mieux comprendre la nature de la prière. La posture n’est pas ce qui la constitue. Un homme pourrait s’agenouiller jusqu’à creuser la pierre, ou s’incliner au Nom de Jésus jusqu’à en rester plié en deux, ou bien encore, comme Achab, se vêtir d’un sac et se couvrir de cendres, sans avoir jamais prié. La récitation ou la lecture solennelle d’une liturgie rédigée avec art et pureté de langage ne constitue pas non plus la prière. Quelqu’un aurait beau réciter la prière du Seigneur toutes les heures, et y ajouter tout ce qu’il voudrait, qu’il n’aurait pas prié pour tout cela. Le fait qu’on se réunit soit en famille, soit en public, ne prouve pas davantage qu’il y ait réellement prière, car Dieu a en abomination le culte dont le cœur est absent. Ce ne sont là que des formes, et ces formes peuvent ressembler à la coquille dont on a enlevé la noix, à un autel sans sacrifice, ou à un sacrifice sans le feu qui descend du ciel pour le consumer. « La prière », dit Hannah Moore, « c’est le cri de quelqu’un qui demande quelque chose à Celui qui peut seul la donner ; c’est le cri de la pauvreté au fort de sa détresse, de l’humilité qui se prosterne, de la pénitence qui s’épanche avec ardeur, de l’âme qui se confie dans la vérité. La prière n’est pas l’éloquence, mais bien la ferveur ; elle n’use pas des figures du langage, mais elle exprime la componction. Elle est l’exclamation de Pierre : Seigneur, sauve-nous, car nous périssons ! elle est l’appel que la foi adresse à Celui qui est miséricorde. »
La preuve que l’Eglise commence à mieux comprendre la nature de la prière, ce sont évidemment les réunions de prière, dans lesquelles se rassemblent et se mêlent les chrétiens de toutes dénominations, dans le seul but de confondre leurs supplications, et de les faire monter d’un même cœur et d’une seule voix vers le trône de la grâce. L’exergue politique : L’Union dans l’intérêt de l’Union, s’est transformé dans nos Eglises en celui-ci : L’Union dans l’intérêt d’un monde plongé dans le mal ; et ce nouveau mot d’ordre doit devenir le cri de ralliement de tous les enfants de Dieu. Quand le peuple de Dieu sera d’un même sentiment sur ce point, nous verrons de nouvelles pentecôtes descendre sur l’Eglise, pentecôtes bien plus brillantes et plus glorieuses que celle dont les apôtres furent témoins dans Jérusalem.
Un second point que l’Eglise commence également à saisir plus nettement, c’est le lien qui rattache la prière aux bénédictions qui lui ont été promises. Nous n’entendons plus faire contre la prière des objections tirées de l’immutabilité de Dieu, telles que celle-ci : qu’il a son plan arrêté et que rien ne saurait l’en faire dévier. Il est parfaitement vrai que Dieu est immuable ; c’est même sur cette doctrine que repose toute notre confiance dans sa divine Providence. Mais si la prière est inutile, parce qu’elle ne peut rien changer au plan de Dieu, on peut en dire autant de tous les moyens de grâce employés pour obtenir un résultat quelconque. Il faut bien que Dieu bénisse l’emploi des moyens pour qu’ils produisent l’effet désiré, et si Dieu peut les bénir sans cesser d’être immuable, il peut aussi demeurer immuable en exauçant la prière. Le passé, le présent et l’avenir sont entièrement connus de Lui. Il est au-dessus de tout ce qui passe et de tout ce qui change. Il est exempt de toute variation et de toute ombre de changement ; mais son immutabilité comprend aussi bien les moyens que les résultats, et s’étend aussi bien à la culture du terrain et aux semailles qu’à la moisson qu’elles produisent, — aussi bien aux pluies fertilisantes et aux chauds rayons du soleil qu’à l’accroissement de la plante, — aussi bien à la demande qu’à son exaucement. Si Dieu pouvait changer, toutes choses alors seraient instables dans l’univers ; tandis que rien ne peut, au contraire, nous encourager davantage à la prière que son immutabilité, puisque sa détermination immuable est d’entendre, d’accueillir et d’exaucer toute prière faite avec humilité, foi et persévérance.
Cet esprit de prière lui-même, avec la ferveur, l’humilité et l’insistance qui doivent l’accompagner toujours, fait partie du plan par lequel Dieu veut atteindre la réalisation de l’objet de la prière. Cet esprit est la première des grâces qu’il désire accorder et l’avant-coureur de toutes les autres. Lorsque le prophète annonça la fin de la captivité, il prédit en même temps les prières qui devaient ouvrir les portes de Babylone. (Jér.29.12) La gloire des derniers jours a aussi été annoncée, mais il est dit également que la maison d’Israël s’enquerra de son Dieu et lui demandera de la révéler. (Ezéch.36.37) La grâce divine fait naître ces ardents désirs de l’âme, alors que les bénédictions promises sont prêtes à descendre des cieux. La prière est la chaîne d’or par laquelle Dieu attire les âmes à Lui, et par laquelle les âmes attirent sur elles les miséricordes célestes. Elle est ce crochet qui tire le bateau sur la plage, quoique la plage soit immobile. Elle est pour l’Eglise ce que sont pour la terre les tièdes haleines du printemps, les vivifiantes splendeurs du soleil, les pluies et les rosées rafraîchissantes de l’été. Sans elles, la terre demeure couverte des froides brumes et des frimas de l’hiver, et sans la prière l’Eglise demeure plongée dans la mort. Tout indique en ce moment que l’Eglise l’a compris, et qu’elle commence à saisir avec une clarté toute nouvelle l’étroite union qui existe entre la prière véritable et la véritable prospérité.
De même qu’aux jours anciens, l’Eternel se manifeste aujourd’hui comme le Dieu qui entend les prières. La prière d’Abraham guérit Abimélek ; les prières de Moïse lui donnèrent la victoire en Egypte et dans le désert ; les prières de Daniel domptèrent la férocité des lions. « La prière, dit Jérémie Taylor, peut tout obtenir. Elle peut ouvrir les portes du ciel et fermer celles de l’enfer ; elle peut imposer à Dieu une mystérieuse contrainte, et forcer son ange à ne pas repartir pour les cieux sans laisser derrière lui une bénédiction. Elle peut ouvrir à la terre les trésors de la pluie, et faire jaillir des flancs du rocher une source d’eau pure. Elle peut arrêter le soleil dans sa course et prêter des ailes aux vents impétueux ». Et, en effet, il n’est pas d’église, il n’est pas de chrétien qui ne puisse trouver dans sa propre vie d’éclatantes preuves du pouvoir de la prière. — Un espion qui avait suivi Luther jusque dans son hôtel, et qui avait passé la nuit dans une chambre attenante à la sienne, venait rapporter, le lendemain, à son maître que le Réformateur avait prié presque toute la nuit, et que jamais on ne viendrait à bout d’un homme qui pouvait prier avec une pareille ferveur. — Latimer priait ardemment pour trois choses : pour qu’il pût soutenir la vérité jusqu’à sa mort, pour que l’Evangile devînt le partage de l’Angleterre entière, et pour que Dieu voulût épargner la reine Elisabeth jusqu’à ce que la Réformation fût établie. Latimer a été exaucé sur ces trois points.
— Une pauvre veuve, qui vivait sous le regard de Dieu, avait un fils unique, fils de ses vœux et de ses prières. Il entra au collège, y prit ses grades, devint un jeune homme aimable et plein de moralité, mais sans repentance. Elle donna l’ordre de transporter les meubles de son fils dans une chambre attenante à une école de théologie, disant qu’il allait y entrer à l’ouverture de la session prochaine. Plusieurs pensaient qu’elle agissait sous une impression trop hâtive et cherchaient à la dissuader. Mais les meubles furent transportés selon ses désirs, et son fils vint chez elle aux vacances. Peu de temps après, un réveil béni commença dans l’église dont elle était membre. Son fils fut des premiers à se convertir ; il devint membre à son tour, et entra à l’époque fixée dans l’école de théologie. Ce fils vit encore ; il prêche en ce moment l’Evangile, et il est un des pasteurs les plus instruits, les plus honorés et les plus actifs que nous connaissions. Ce cas ressemble beaucoup à celui d’Hannah et de Samuel, et ce n’est là qu’un exemple entre une foule d’autres.
— Comme je venais de rentrer chez moi assez tard, pendant une nuit de novembre, on frappa à ma porte, et un homme âgé, membre de l’église, homme simple de cœur, plein d’amour chrétien et rempli de l’esprit de prière, entra chez moi. Après un instant de silence : « Mon cher pasteur, dit-il, « je suis venu pour vous dire que Dieu est sur le point de nous envoyer un réveil dans notre champ de travail. »
Je lui demandai alors ce qui le lui faisait penser.
« Je suis entré il y a deux heures dans l’écurie, répondit-il, pour soigner mes bestiaux, et Dieu m’y a gardé en prière jusqu’à présent. Je sens que Dieu va nous réveiller bientôt. »
Il était impossible de douter de sa sincérité, et c’est ainsi qu’a commencé le premier réveil qui s’est fait sous mon ministère.
— Quelques années plus tard, j’avais changé de lieu de travail. Un homme âgé, vénéré pour sa piété, vint dans mon cabinet. Quoique pauvre selon le monde, il était riche en foi. Quand il priait, on aurait dit qu’il faisait la conversation avec Dieu. — « Je suis venu, dit-il, mon cher pasteur, pour vous dire que le Seigneur est au milieu de nous, et que nous allons sentir bientôt les effets de sa présence. »
J’avais observé, à la vérité, une solennité inaccoutumée dans le troupeau, mais rien de plus. Je demandai donc à cet homme vénérable ce qui le lui faisait présumer. Il me répondit en ces termes : « Depuis hier, à minuit, l’Esprit de Dieu a été si puissamment sur moi, que je n’ai pu faire autre chose que prier et me réjouir dans l’espoir d’une prochaine résurrection de vie par la présence du Seigneur. »
Ainsi a commencé le premier réveil que j’ai vu dans mon champ de travail actuel, lequel a déjà reçu, depuis les temps de Whitefield jusqu’à aujourd’hui, d’abondantes rosées de bénédictions.
Ces exemples et une foule d’autres me prouvent que, de nos jours, Dieu entend les prières aussi bien que dans les temps anciens.
Et pourquoi en serait-il autrement ? Le Dieu qui règne dans les cieux n’est-il pas le même ? La prière est aussi puissante aujourd’hui qu’autrefois ; elle peut tout aussi bien l’emporter sur le Seigneur qu’aux temps d’Abraham et de Joseph ou au temps de la première Pentecôte. S’il y avait en ce moment sur la terre une plume inspirée, capable d’ajouter à l’histoire de l’Eglise un chapitre tel que le 11e des Hébreux, elle trouverait dans l’Eglise contemporaine assez de saints hommes et de saintes femmes à nommer et à mettre presque sur le même rang que ceux dont l’Apôtre des Gentils a fait le glorieux catalogue, et qui ont vécu et triomphé comme eux par la foi et par la puissance de la prière.
Et pourquoi, encore, en serait-il autrement ? S’il y a eu des temps où l’Eglise s’est trouvée en proie à de violentes agitations ou à de grandes controverses, des temps où elle s’est livrée à de vastes entreprises, il est fort douteux qu’il y ait jamais eu, depuis sa fondation, une époque à laquelle Dieu se soit manifesté comme Il l’a fait pendant l’année qui vient de s’écouler ; une époque à laquelle Il lui ait révélé d’une manière aussi glorieuse la fidélité avec laquelle Il entend et exauce la prière. Nous avons vu les hommes doués de l’intelligence la plus remarquable et le plus ouvertement incrédules, les hommes qui se moquaient le plus outrageusement de la religion, qui frondaient l’opinion et défiaient les événements avec le plus d’audace ; nous les avons vus devenir aussi simples et aussi soumis que de petits enfants, et, poussés par la puissance de la prière, se reposer pour leur salut sur l’expiation de Jésus-Christ.
La prière est la force de l’Eglise. Que n’ai-je une voix aussi retentissante que le son de la trompette qui réveillera les morts au dernier jour, pour faire entendre à l’Eglise de Christ, en tous lieux et dans toutes ses ramifications, ces paroles : « Réveille-toi ! réveille-toi, Sion ! revêts-toi de force. O Jérusalem ! revêts-toi de tes habits les plus somptueux ! lève-toi, fais briller ta lumière, car les jours de ton triomphe sont venus, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi ! »
Les Patriarches, les Prophètes, les Apôtres, les Martyrs et les Réformateurs étaient puissants par la prière. C’est à la prière qu’Henri IV reconnaissait devoir sa couronne, et Gustave-Adolphe ses victoires. Milton disait que lorsqu’il priait le plus, il écrivait le mieux. Les pasteurs qui prient le plus sont ceux dont le ministère produit le plus de fruits réels. Les Eglises qui prient le plus sont celles qui font le plus de conquêtes sur le mal. C’est à la voix de la prière que les païens et tous les « bouts de la terre » sont destinés à devenir l’héritage et la possession du Seigneur Jésus-Christ.